Articles de yugcib

  • "Cacahuzac" !

    ... Ce type, que déjà je jugeais "d'un autre monde" que le monde du "commun des mortels" (du fait de ses origines de haute bourgeoisie affiliée aux "grands" de ce monde, à cette caste d'élites enfriquées et d'intellectuels de "haute volée" tous imbus de leur personne, possédant châteaux, belles demeures, gros actionnaires de multinationales, patrons de banque, ayant des comptes dans les paradis fiscaux, etc.)...

    Ce type donc, Jérôme Cahuzac pour le "nommer nommément", ce grand bourgeois intellectuel de haute volée, si loin du peuple, si loin des gens qui triment et vivent avec des salaires de misère... Ne pouvait en définitive, en derniers "recours", que se résoudre à avouer sa forfaiture ; les preuves de sa forfaiture seraient en effet devenues accablantes, sans aucune possibilité de les nier ou même de les infirmer, et dans de telles conditions il n'y a pas d'autre choix que celui de "persister à nier envers et contre tout" (ce qui bien sûr n'est plus crédible et n'est plus acceptable) ou d'avouer, de reconnaître les faits (ce qui, pour "l'intéréssé" en l'occurrence Jérôme Cahuzac, serait en quelque sorte un "moyen" -façon de parler- de "s'en tirer de la façon la moins déshonorante possible") ... En vertu de ce "principe" comme quoi "faute avouée est à moitié pardonnée" (je souligne ici dans mon propos, l'absurdité de ce "principe" dont usent les salauds en dernier recours pour faire croire à quelque "grandeur d'âme" encore présente en dépit de la noirceur réelle de leur âme... J'affirme donc " faute avouée et repentance exprimée, c'est du cinéma pour émouvoir les juges, le peuple, les proches, les gens de sa caste, et pour essayer de s'en tirer au mieux"! Car "il est désormais complètement brûlé", ce type ! Il n' a et n'aura plus jamais jusqu'à la fin de ses jours, aucun crédit auprès même de ses proches, de sa caste, de tout son entourage (des gens sans doute tout aussi corrompus, d'ailleurs, que lui-même, et qui -horreur et damnation- vont se trouver "confortés" par sa déchéance amplement médiatisée, et donc, peu inquiétés pour leur part, dans l'immédiat ; mais leur tour viendra peut-être un jour à ces gens là tout aussi corrompus )... Le plus grave dans cette "affaire là", c'est la parole donnée, la parole "droit dans les yeux" avec accent de sincérité, devant l'Assemblée Nationale, les élus du peuple, le Gouvernement, en décembre dernier, alors que pesaient déjà des soupçons... J'appelle cela de la haute trahison et "en d'autres temps" (je pense à la période 1789-1795) un tel acte de trahison était sanctionné par la peine de mort. D'une certaine façon, Jérôme Cahuzac est en quelque sorte "guillotiné" par l'ensemble du peuple Français toutes formations politiques et sensibilités confondues, de la droite à la gauche...

    Et "l'avantage" (si l'on peut dire et c'est pas peu dire) de cette "affaire là" ; c'est que le scandale est tel, que l'horreur est telle, que la prise de conscience des gens est telle, au sujet de la corruption, des affaires d'argent, des injustices, de la déliquescence des institutions et des valeurs, de l'absence de toute morale, de toute cette pourriture endémique, envahissante, généralisée et pourrissant nos vies... Que la réaction (une révolution peut-être je l'espère) sera à la mesure de l'énormité du scandale, à la mesure de la puanteur de la pourriture !... Et qu'il en sortira "une autre société" ! Je hurle, hurlez tous d'un seul cri, le cri de tout un peuple bafoué et écrasé : "assez, assez de toute cette pourriture, de ce pognon roi, de cette indécence des ultra-riches et grands prédateurs qui trucident la planète et font crever les gens" ! Assez, assez, de ces élites, de ces énarques, de ces pontes de Bruxelles qu'aucun peuple n'a élus, de ces financiers et banquiers qui font la loi sur le continent Européen, qui imposent des politiques d'austérité mais s'enrichissent, eux, scandaleusement, en collusion avec les plus grandes maffias, et en détournant à leur seul profit , la plus grande partie de l'argent qu'ils gagnent sur le travail et sur la souffrance au travail des peuples , de ces peuples qu'ils exploitent, méprisent, tabassent de leur flicaille et forcent à se taire en réduisant au silence ceux qui osent élever leur voix!

    ... Cet article dans Marianne :

    http://www.marianne.net/Cahuzac-la-triple-deflagration_a227884.html

    ... Jérôme Cahuzac est aujourd'hui un homme à terre... Que d'aucuns (et donc moi-même) aujourd'hui piétinent... Mais, oui, c'est vrai : à quoi bon piétiner un homme à terre quand on sait comment, après trente ou quarante ans de cette culture de la consommation, de la recherche du profit et de la rentabilité, du toujours plus et mieux et plus vite, du culte des apparences et de la faconde, de la contrefaçon et de la magouille ; on en est arrivés là ?

    N'y a-t-il point là à s'interroger sur ce à quoi nous avons tous plus ou moins cru, sur tout ce dans quoi nous nous sommes vautrés durant tant d'années ? Et qui en définitive est en train de nous faire crever?

  • Toute pensée peut être discutée

          Toute pensée, d'où et de qui elle vienne, fût-elle à ce qui nous semble, la plus juste possible, la plus proche de cet esprit de vérité que l'on puisse rechercher et approcher... Peut être discutée.

    Je dis bien discutée, et non polémiquée ; parce que la polémique c'est deux ou plusieurs interlocuteurs qui, sans cesse se coupent la parole, se considèrent ennemis et refusent de nuancer leur propos en demeurant figés sur leurs positions comme des guerriers en ligne et ordre de bataille...

    Toute pensée peut être discutée, pour une raison qui me semble tout aussi naturelle qu'évidente : une pensée si juste et si bien fondée et si bien argumentée nous semble-t-elle, est comme un paysage qui, dans le lointain ou dans le plus proche du regard de l'observateur, ne peut être totalement perçu dans ses moindres détails, ne peut être entièrement appréhendé...

    Ce qui est inexploré parce que non aperçu, a peut-être, sans doute même, été vu et approché par d'autres personnes.

    Ainsi dans toute pensée il y a de l'inexploré...

  • Que la fête soit, et à chacun son public !

          Les grandes manifestations et fêtes culturelles, ne sont-elles pas un moyen pour les politiques et les municipalités, pour les associations et groupements divers organisant ces fêtes, ainsi que pour les clientèles de ces politiques et de ces municipalités... De "faire de l'argent" par le biais de retombées économiques ? Je pense à ces flux de tourisme de masse, à tout ce qui, par l'évènement créé, contribue au développement du commerce et de l'économie locale...

    Oui certes, je le crois, il y a effectivement ces questions d'argent, mais aussi le fait que ces grands évènements culturels drainent dans leur sillage, toutes sortes de modes et de tendances. Et que tout cela profite bien aux élus locaux ou nationaux, aux vedettes, aux intellectuels en vogue ; et satisfait une catégorie sociale "bon chic bon genre" ou "gauche bobo" ou "bien dans son confort ses certitudes et ses sous" ...

    Mais il n'en demeure pas moins que l'existence de ces manifestations et fêtes culturelles, permet aussi, indirectement, à ce qui est beau, authentique, "hors des sentiers battus", à ce qui innove, crée, fait rêver et émerveille... De pouvoir s'exprimer et d'avoir son public, également...

    Serait-il possible de faire de l'Art, sans places publiques, sans théâtres, sans galeries, sans salons, sans lieux de rencontre, sans interlocuteurs, sans spectateurs ?

    Alors, que la fête soit, et que les acteurs de la fête aient chacun leur public... Car il y a plusieurs publics, plusieurs sortes de public.

    Personnellement je me fous du public "bon chic bon genre", je me fous du public "branché" ou "gauche bobo" ou du public "bien dans son confort ses certitudes et ses sous" ...

    Mais s'il y a dans ces publics là (dont on n'est pas si sûr d'ailleurs, qu'ils soient forcément les plus nombreux), quelques personnes pour te sourire, te regarder autrement que comme une "bête curieuse", alors pourquoi, tout "apache" ou tout contestataire ou tout anarchiste que l'on soit, ne regarderait-on pas aussi ces personnes là, ne jouerait-on pas pour elles et ne leur dirions nous pas merci d'être venues ?

    Quand bien même il n'y en aurait qu'une seule parmi des centaines, de ces personnes "bon chic bon genre" ou "gauche bobo" ou "bien dans son confort" ou "tout ce qu'on voudra" selon la sensibilité ou la "vision du monde" que l'on a... quand bien même, oui, il n'y en aurait qu'une, il faut jouer, oser, pour elle...

  • Colère

          Si le monde n'était fait QUE de gens accros et inféodés et "bien dans leurs baskets" dans le système ultra néo libéral... Alors il n'y aurait plus du tout de culture... Ou plutôt, ce serait une culture de romanciers de thrillers d'espionnage économique, une culture d'auteurs d'ouvrages à sensations fortes à effets spéciaux, une culture de producteurs de traités de marchés, de réussites fulgurantes ; une culture de vainqueurs arrogants et obscènes, une culture de "m'a-tu-vu-isme" outrancière ; une culture de jeux de rôle... Autrement dit, une culture qui n'en est, en aucune façon, une...

    Une culture dans laquelle il n'y aurait jamais de place pour aucun de ces auteurs, artistes , écrivains et poètes que l'on a la chance de pouvoir lire encore, dans ce monde tel qu'il est cependant... En connaissez vous beaucoup, de ces gens accros du système néolibéral, qui soient des poètes, des humanistes, des penseurs, des philosophes, nous faisant rêver, espérer, aimer, et nous émerveillent ? Je n'en connais aucun, vraiment aucun... Ce sont tous, d'ignobles crétins, en dépit de leurs diplômes de HEC, Sciences Po, ENA, et autres grandes écoles... Ils sont de cette "intelligence prédatrice" qui trucide le monde, s'arroge tous les pouvoirs, sème la misère, provoque les guerres et va faire disparaître l'espèce humaine, et, avec l'espèce humaine, la nature, l'histoire, la géographie, les espèces végétales et animales... En tant qu'écrivain, poète, apolitique et sans religion, je m'insurge contre tous ces crétins du système néolibéral, contre les maffias en tous genres, les régimes à la Staline, à la Pol Pot, à la Bachar el Hassad ; je m'insurge contre tous les intégrismes religieux fous de dieu ; contre tout ce qui s'empiffre en occupant de son museau la mangeoire du copain ; contre tout ce qui, pauvre, veut devenir riche pour faire encore plus souffrir les pauvres ; contre tout ce qui attend que ça tombe tout cuit du ciel et vient se vautrer là où la soupe est bonne à prendre pour pas un rond...

    Ce n'est là, certes, qu'une colère de poète et d'écrivain, une colère rien qu'avec des mots... Mais je crois au pouvoir qu'ont les mots pour que l'agissement du plus grand nombre d'entre nous sur cette Terre, vienne bousculer, changer ce monde, ce monde qui ne peut pas durer tel qu'il est dans l'état où il est !

  • Marseille, capitale Européenne de la Culture

    ... Parlant de ces "une" des médias, je veux dire en fait que les grands médias, ceux des journaux télévisés et des premières pages des quotidiens régionaux et nationaux ; se focalisent en priorité sur ces évènements de l'actualité politique, économique, sociale et autre, qui impactent l'opinion... Ces évènements qui suscitent de l'émotion, qui "marquent" et dont on se souvient... et qui "canalisent" ainsi le jugement, la pensée des gens, et donc les comportements, les habitudes, et souvent il faut le dire, les violences ; ces violences au quotidien contre "tout ce qui ne va pas" et qui exaspère les sensibilités, ne suscitant que des polémiques, de la haine même, du rejet de cet autre ou de ces autres qui sont eux les "responsables",etc...

     ... Et il est évident que tous ces évènements sur lesquels se focalisent les médias, qui font la "une" de l'actualité durant plusieurs jours voire plusieurs semaines, sont à chaque fois des évènements violents, tels par exemple que ces réglements de compte entre bandes et assassinats en série à Marseille... Et, sans doute un autre jour plus ou moins proche, quelque affaire sordide, quelque émeute dans un quartier difficile, quelque scandale énorme, quelque pandémie due à un virus nouveau, quelque attentat terroriste, etc. ...
    "Marseille, capitale Européenne en 2013, de la Culture" , est l'un de ces "autres évènements"qui ne sont pas "de la une", et dont il faut avoir recherché l'information, ou dont il faut avoir été, "au bon moment", informé par quelque article de journal ou de magazine, par quelque reportage sur une radio, sur une chaîne de télévision tel ou tel jour... "Marseille, capitale Européenne en 2013, de la Culture", est tout de même à mon sens, étant donné la dimension de cet évènement au même titre qu'une coupe d'Europe de football, qu'un tournoi des cinq nations de rugby... Un évènement qui devrait faire l'objet d'une plus grande considération, d'un plus grand "battage", de la part des "grands médias"... Je cite entre autres, quelques organes de presse ou de radio qui "en ont parlé" : L'express (12 janvier 2013), France 24 (14 janvier 2013) , Le Point (21 février 2013), Le Monde et Le Figaro (12 janvier 2013), et France Inter (12 janv 2013)... Mais ces informations qui ont été données tel jour, par tel ou tel journal ou média, font partie de ces informations que, dans le tourbillon de la vie quotidienne, un tourbillon agité et assez stressant il faut dire, l'on oublie vite...

  • MARSEILLE

    MARSEILLE capitale de la violence : cela fait la UNE des médias ! Mais MARSEILLE capitale de la culture en 2013 : pas un mot des médias !

    Les caïds qui s'entretuent, la drogue et les maffias avec l'argent facile à gagner sans avoir besoin d'aller ni à l'école ni de travailler (100 euros par jour c'est ce que gagne un môme de 13 ans pour faire le guetteur, et autant sinon davantage c'est que reçoivent des familles entières dans les cités gangrenées, des familles qui par ailleurs perçoivent des revenus sociaux)... Et tout cela avec pour "excuse" (on trouve même cela "normal") une pauvreté et un chômage endémiques... Voilà pour la UNE des médias!

    Mais des reportages, des articles, sur les manifestations culturelles à Marseille en 2013, sur le travail, sur le talent et sur les réalisations des créateurs et des artistes, ça, que dalle de la part des médias !

    D'accord, c'est vrai, Marseille, comme bien d'autres villes d'ailleurs, c'est la drogue, la délinquence, la violence, les bandes, les quartiers "difficiles", et comme partout, l'inculture, l'échec scolaire...

    Mais Marseille, comme bien d'autres villes aussi, c'est ce que l'on ne voit pas, ce dont personne ne parle, ce qui rapporte autre chose que du pognon, ce qui se crée, se bat pour exister, s'innove, ce qui est de cette France qui n'a rien à voir avec le film "vive la France" de Michaël Youn... Et qui est beau à en avoir les larmes aux yeux, beau comme un ballet d'aurores boréales, qui jamais ne moura, jamais ne baissera les bras en face de la laideur, de la haine, de la violence, de la médiocrité, de toutes les injustices et du pognon roi ; et n'aura jamais besoin de kalachnikov ni de drogues dures ni de caïds ni de politiques ni d'économistes... Et dont le destin est de mieux faire que de survivre !

  • Le Grand Retournement, de Gérard Mordillat

         Gérard Mordillat, l'auteur notamment, de Les Vivants et les Morts (qui a fait l'objet d'une série de télévision sur France 2) et de Notre part des ténèbres ; dans Le Grand Retournement, évoque l'argent roi, la crise, la finance toute puissante, et surtout met en évidence cette "langue de bois" ultranéolibérale qui nous étouffe et qui est celle de toute une caste de banquiers, de financiers, d'analystes économiques, de traders, de personnages politiques de droite et de gauche qui tous, par le biais des médias (presse et radio télévision), conditionnent l'esprit des citoyens à la pensée selon laquelle "il n'y a pas d'autre alternative possible" que celle de ces politiques d'austérité et de rigueur, de compétitivité et de marchandisation...

    Ce film, Le Grand Retournement, est une adaptation de la pièce de Frédéric Lordon, intitulée D'un retournement l'autre, une pièce entièrement écrite en alexandrins.

    En utilisant ainsi le langage du théâtre classique, Frédéric Lordon nous invite à ne jamais parler la langue de l'adversaire et nous libère en quelque sorte par un langage qui est celui de l'art, de la poésie, du rythme, du battement de la vie même ; de ce langage imposé par l'idéologie néolibérale...

    Ainsi dans le langage néolibéral, est-il courant et comme "coulant de source" de remplacer salaire par coût du travail ; représentant syndical par partenaire social ; plan de licenciement par plan de sauvegarde de l'emploi ; et ressources humaines par variable d'ajustement...

    Dans le film de Gérard Mordillat, les grands banquiers, les conseillers du président, le président lui-même, ainsi que tous les autres intervenants de cette même caste de décideurs et de gestionnaires, semblent très bien s'entendre entre eux et l'on sent que derrière tous ces gens là, qui se moquent de la démocratie et de la volonté des peuples ; se rangent aussi en bon ordre toutes les cohortes de "followers", ces "followers" qui ne sont autres que ces centaines voire ces millions de gens qui eux, sont encore "du bon côté de la barrière" et entendent à tout prix, à n'importe quel prix, y rester...

    À la fin du film, l'on voit surgir une suite d'images d'émeutes, de violences, de manifestations... Ce qui me fait penser à cette réflexion que l'on entend très souvent autour de nous, une réflexion d'ailleurs, que l'on se fait soi même : " Un jour ça finira par péter"...

    Mais à vrai dire, si cela doit "péter" vraiment, cela ne viendra certainement pas de ces catégories sociales situées "du bon côté de la barrière" ni même de gens "à la limite de se trouver du mauvais côté"... Cela viendra en réaction à un évènement ou à un fait divers en apparence tout à fait banal dans ce qu'il a de dramatique et tel que l'on en voit tous les jours, mais qui prendra une grande dimension et aura valeur de symbole, et sera à l'origine d'un important mouvement social voire d'une révolution ou d'une insurrection généralisée ; et cela viendra aussi de là où sont concentrées toutes ces catégories de population exclues d'une croissance économique et de marché "en trompe l'oeil", marginalisées, méprisées , autour des grandes villes notamment, là où sévissent la misère et le chômage, là où il n'y a aucun avenir pour des milliers de jeunes...

    http://www.rue89.com/rue89-culture/2013/01/23/le-grand-retournement-la-crise-vue-la-dynamite-et-en-alexandrins-238776

  • Un monde de silhouettes

          Voici ce que déclarait Albert Camus, en novembre 1948, à un meeting international d'écrivains, et publié par La Gauche, le 20 décembre 1948 :

    "Il n'y a pas de vie sans dialogue. Et sur la plus grande partie du monde, le dialogue est remplacé aujourd'hui par la polémique. Le XX ème siècle est le siècle de la polémique et de l'insulte. Elle tient, entre les nations et les individus, et au niveau même des disciplines autrefois désintéressées, la place que tenait traditionnellement le dialogue réfléchi.

    Des milliers de voix, jour et nuit, poursuivant chacune de son côté un tumultueux monologue, déversent sur les peuples un torrent de paroles mystificatrices, attaques, défenses, exaltations.

    Mais quel est le mécanisme de la polémique? Elle consiste à considérer l'adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir.

    Celui que j'insulte, je ne connais plus la couleur de son regard, ni s'il lui arrive de sourire et de quelle manière. Devenus aux trois quarts aveugles par la grâce de la polémique, nous ne vivons plus parmi des hommes, mais dans un monde de silhouettes."

    ... Déjà, oui déjà... En 1948 !... Albert Camus observait que le monde contemporain n'était plus vraiment un monde d'hommes et de femmes, comme dans le monde "d'avant"... Mais un monde de silhouettes...

    Ce monde d'hommes et de femmes "d'avant" (et qui cependant continue d'exister même s'il recule ou s'efface) n'en est pas moins certes, ce monde de violences, de vrais visages, de vrais personnages agissant, mais aussi de dialogue réfléchi et de gens qui sourient et dont on peut voir la couleur du regard... qu'il avait toujours été...

    Mais la différence, entre 1948 et nos jours, c'est que le "monde d'avant" même s'il continue d'exister, même s'il résiste, même s'il combat, même s'il innove et ouvre des voies... Est de plus en plus occulté par le "monde de silhouettes"...

    Le "torrent de paroles mystificatrices" c'est aujourd'hui le "torrent médiatique", large comme un bras de mer et qui emporte tout dans son courant et charriant les cadavres et les pourritures et les bateaux ou péniches de croisière...

    Les attaques, les défenses, les exaltations, la polémique en tumultueux monologues et en pugilats verbaux sur les forums de radio et dans les émissions de télévision ; la polémique endémique, planétaire, épuisante, et qui a remplacé le dialogue, s'invite désormais sur le Web, sur les blogs, sur les sites avec forums ; s'invite dans les salons du livre, dans les festivals, dans les réunions et dans les assemblées de toutes sortes... Et les acteurs dans cette mouvance, dans cette agitation qui n'ouvre jamais aucune voie, aucun passage, ne sont plus que des silhouettes...

    Des silhouettes c'est à dire des gens que l'on ne connaît pas, qu'on ne verra qu'une seule fois dans sa vie ; des gens qui ne sont sur le Net que des pseudos et des avatars... Et, sous des pseudos, avec des avatars, la polémique peut verser dans l'insulte, dans le raccourci, dans la salissure, dans le mensonge, dans les effets spéciaux, dans l'émotion, dans l'outrance...

    Et les gens même que nous rencontrons dans la rue, qui sont nos voisins dans le lotissement où l'on demeure, ces gens dont on voit cependant le visage, sont-ils pour nos yeux devenus aux trois quarts aveugles, des silhouettes...

    "Il n'y a pas de vie sans dialogue"... Et le dialogue déjà, commence par un échange de regard, par une communication qui se fait entre deux ou plusieurs visages...

  • Jeux amoureux

    Ces jeux amoureux du matin

    Dans les odeurs de la nuit

    Mauvaise haleine cheveux en bataille

    Vêtement de nuit froissé

    Petit déjeûner au lit les doigts encore humides et gras

    De toutes les grattes...

    Nononon... À la salle de bains tout suite !

    Mais que dire des sueurs rances à cinq heures de l'après-midi

    Sous les chemisiers ou sous les pulls en V ou à col roulé ?

  • La grosse mouche

    Je vibre de régal sur un morceau de viande laissé à l'air libre sur une assiette un jour d'été chaud et orageux...

    Avec un peu de chance, je vais vivre un mois, si je ne tombe pas raide morte foudroyée dans mon jeune vol en traversant un nuage d'insecticide, ou bien descendue d'un coup de torchon m'étourdissant à jamais...

    Et c'est bon, c'est juteux, sur ce morceau de viande ; je me gorge de sang avant de m'envoler lourde et repue, vers quelque pli de rideau où je vais me blottir...

    Autour des bébés, des chatons, du chien de la maison ; autour des malades immobiles, des agonisants, des manchots... Je ne risque rien, je peux bourdonner, tournoyer ; l'odeur des médicaments et des litières ne me gêne pas...

    Dans les hôtels de passe sur les lits et les divans où se vautrent les amoureux quand il y a du foutre dans l'air, des râles et des volets tirés en ces jours d'été orageux, je ne risque rien non plus, l'on n'entend même pas mon vol insolent.

    Question de survie, pour moi, que de bien observer ce que font les humains, où ils vont, dans quel état ils sont... Ma vie est si brève, si "d'une seule fois" !

  • Le râle

    C'est un râle...

    Un râle, rien qu'un râle, comme suspendu dans l'air ambiant tel un gros coléoptère invisible dont on entendrait le vol lourd, les ailes se froisser et craquer longuement...

    Et le râle se déplace dans une chambre où il n'y a personne.

    Le râle va et vient entre la fenêtre ouverte sur la rue et la porte donnant sur le couloir.

    Un râle continu, indécent, incongru, presque obscène ; un râle éclaté, libéré, un souffle rauque entrecoupé de sanglots et de cris de plaisir, de cris d'attente...

    Le râle fait le tour de la chambre, s'arrête, repart, s'élance, hurle, se heurte aux volets qui battent doucement... Il semble même "souffrir" -si l'on peut dire- ce râle...

    Et il écarte les rideaux, il cherche un regard, des lèvres, une main, des cheveux, un sourire ; son vol s'allégeant il se calme, puis il se met à murmurer, à chuchoter...

    Il s'endort, sursaute, se relève, enfle de nouveau, aspire les odeurs de la chambre, des senteurs de femme, il entend des mots qui n'ont pas été prononcés, il sent une absence qui se fait mouvement, silhouette...

    Le râle n'en finit pas de se répandre dans l'air ambiant, il se jette sur une robe de bal étendue près d'un oreiller défoncé ; il crie, il halète dans les plis d'une chemise de nuit bleu tendre, il hoquette sur une petite écharpe de soie, il cherche des jambes nues sous une jupe fendue attachée par deux épingles sur un cintre...

    Le plancher craque, une coulée blanche et sèche court sur la glace de l'armoire ; des taches sur la moquette et sur le drap du lit défait, comme de petits paysages mis en cartes, passent sous le râle hoquetant et frôlant ces taches...

    Des gouttes de pluie projetées par le vent, éclatent doucement sur la vitre d'une fenêtre.

    L'après-midi avec les bruits de la rue, l'orage qui gronde, la chaleur de la ville...

    Et toute cette attente qui s'étire dans le va-et-vient incessant du râle, du râle toujours présent dans la chambre...

    Et le râle tout à coup s'élance par la fenêtre, tombe sur le pavé, n'éclaboussant personne.

    Et le râle aussitôt se relève, remonte par l'escalier jusqu'au premier étage, s'arrête comme pour réfléchir ; puis s'enferme dans l'ascenseur, et l'ascenseur le conduit sur la terrasse de l'immeuble ; de là il redescend, se perd dans la rue, suffoque, soupire, se jette sur des visages de femmes...

    Et le râle, perdu dans la foule, dans le mouvement de la rue, enfin se calme et ne hoquette plus...

    Le râle devenu silencieux, pudique, étouffé, étranglé ; ce râle qui voulait mourir sur un broshing, sur une nuque, sur des épaules nues, faire glisser des gouttes de pluie le long d'un cou fragile...

    Rencontre sous un abri de bus, l'horrible pet, l'horrible nuage nauséabond d'un gros homme chauve en combinaison bleue.

  • Aimer

    Aimer, vraiment aimer...

    Aimer autrement que "parce que..."

    Aimer comme peut aimer un chien malgré quelques coups de bâton reçus...

    Aimer comme un chat coureur et turbulent qui toujours revient dans la maison de ses maîtres même s'il n'y a rien à becter dans la gamelle...

    Aimer en dépit de toutes les trahisons...

    Aimer alors que tant de points d'interrogation surgissent de partout...

    Aimer alors qu'il y a tant à combattre et qu'il faut combattre, combattre en disant "non" et en demeurant debout et ne reculant pas d'un pas...

    Aimer que l'on soit aimé ou non...

    C'est peut-être la plus violente, la plus authentique, la plus crédible de toutes les révoltes...

  • Toutou

    Il m'appelle toutou, jamais Youki le nom qu'il m'a pourtant donné...

    Il prononce "toutou" dans le grave ou dans l'aigu selon son humeur du moment et je n'entends de lui que : "allez toutou" et "allez toutou dehors", quand il me pousse derrière la maison dans un enclos, l'enclos des poules de jadis, du temps de son papy...

    Est-ce qu'il disait, petit enfant qu'il était alors : "allez cocotte, allez" ?

    Et je suis là museau collé et bavant sur la grande vitre de la porte une bonne partie de la journée...

    Tous les matins il me donne dans une casserole crasseuse sur les bords et toute cabossée, mon éternel repas de croquettes et de soufflettes de riz...

    Jamais il ne fait ma vaisselle ; des rats viennent grignoter les rognures de croquettes...

    "Allez toutou, au pieu"! Crie-t-il le soir quand il veut me garer me remiser pour la nuit dans la grande salle encore non aménagée non tapissée et au sol de ciment et toute encombrée de caisses, de cartons, comme dans un débarras...

    Lorsque cette salle sera aménagée belle cheminée beaux meubles belle tapisserie, où me garera-t-il alors?

    Le soir il rentre du boulot et tout de suite il vaque à ses petites bintzeries quotidiennes, s'installe devant son ordi, puis s'assoit sur le canapé salade composée dans une assiette en carton sur ses genoux et allume sa télé...

    Pas le temps de faire des mamours...

    Et moi toutou je suis toutou un point c'est tout...

  • Demain

    Demain

    Ne pas voir ce qui demain sera et se fera, dans ces années où l'on sera mort, mais que d'autres, nés après, verront...

    Pour un grand curieux de tout ce qui se réalise, se crée en ce monde au fil des jours...

    Pour des yeux qui veulent voir au delà de l'horizon...

    Pour qui imagine et pressent ce qui va venir...

    Pour qui s'interroge, se passionne de ce qui demain sera possible et qui déjà s'esquisse et entre peu à peu dans sa vie...

    Mais qu'il ne verra pas se développer, se répandre et changer la vie des gens...

    Qu'il ne verra donc pas, parce qu'il doit mourir...

    Mourir fût-ce à cent ans même...

    Et à plus forte raison à quatre vingt, à cinquante ans ou même pire encore enfant...

    C'est cela, oui, ce qu'il y a de terrible, de plus terrible dans la mort !

    Est-ce que pour le fataliste, est-ce que pour celui ou celle qui trouve tout "normal"...

    Est-ce que pour ce commun des mortels tout aussi mortel que le curieux et le passionné...

    Mais soumis, ne se posant jamais de question...

    Est-ce que pour le "pas trop curieux" voire le "qui s'en fout" de ce qui demain sera et se fera...

    C'est aussi terrible la mort ?

    Sans doute, oui sans doute... Et même très certainement...

    Mais pas de la même façon...

    ... Le curieux, le passionné... Décidément, il naît toujours trop tôt, même s'il vit jusqu'à cent ans !

    Pour ce qui est d'avant, d'avant que l'on soit né...

    Pour ce qui fut, a disparu, n'est plus dans notre vie...

    Il y a l'Histoire, les livres d'Histoire, la technologie de l'image et de la représentation, pour autant que ce qui est écrit, représenté, soit reconstitué aussi vrai que possible... Et non pas falsifié ou arrangé...

    Mais pour ce qui est d'après, de ce demain dans lequel on ne vivra pas...

    Il n'y a que l'imaginaire, et au mieux, ce que l'on pressent, ce que l'on "voit à notre manière" et que l'on se représente comme on peut...