Jean Ferrat

  • Le film documentaire Jean Ferrat, de Philippe Kohly

    Ce ne sera un secret pour personne (pour celles et ceux d'entre vous qui me connaissez de plus ou moins longue date), hier soir à la Télé sur France 3, j'ai regardé le film documentaire de Philippe Kohly, Jean Ferrat...

    De son véritable nom Jean Tennenbaum, Jean Ferrat, né le 26 décembre 1930 à Vaucresson et décédé à Aubenas le 13 mars 2010, est pour moi dans son œuvre toute entière (texte et musique et voix) ainsi qu'en tant qu'homme, l'un des plus grands artistes de la chanson et de la poésie, du 20 ème siècle... Une référence...

    Il lui fut certes reproché d'être « trop gentil , timide, de ne pas « faire physiquement le poids sur scène, de ne pas « cultiver une image de marque », en somme de se moquer des apparences, de produire des chansons « un peu mièvres et d'une note de naïveté », devant un public de la « France populaire et profonde », de gens humbles, simples... Ce qui ne l'a point empêché de « remplir des salles » de plus de mille personnes, en tournées dans toutes les villes de France entre 1965 et 1973...

    La « grande figure » qu'est pour moi Jean Ferrat, rejoint, dans des domaines différents n'étant pas ceux de la chanson... Deux autres « grandes figures » :

    -Elysée Reclus, l'anarchiste et le géographe Français, né le 15 mars 1830 à Sainte Foy la Grande, et décédé le 4 juillet 1905 à Torhout en Belgique.

    -Louise Michel, institutrice et militante anarchiste, Française, née le 29 mai 1830 et décédée le 9 janvier 1905... Dont Xavière Gauthier, maître de conférences à l'université de Bordeaux III et chercheur au CNRS, a réalisé une biographie, et après 10 ans de recherches, a rassemblé en un livre de plus de 750 pages, la correspondance, les lettres écrites par Louise Michel de 1850 à 1904 « Je vous écris de ma nuit »...

    Les contemporains de Louise Michel, des écrivains, des intellectuels, lui ont reproché (et c'est encore le cas de nos jours) de « massacrer l'orthographe et la grammaire », d'écrire comme elle parlait, sans aucun travail d'écriture... Soit... Mais elle fut une femme dans l'action et dans l'engagement, d'une grande force d'âme, d'une immense générosité et en même temps une grande résistante en face des dominations, de la pensée, des puissances politiques et économiques de son époque...

    Pour en revenir au documentaire de Philippe Kohly sur la vie et l'œuvre de Jean Ferrat, le passage qui m'a le plus interpellé, le mieux « parlé » en somme, c'est lorsque Jean Ferrat décide de louer le Palais des Sports (5000 places de capacité) et de fixer un prix d'entrée de 5 francs -ou de 8 francs- afin que des gens à budget très modeste puissent venir : l'on voit en photo noir et blanc, des visages d'ouvriers, de mineurs, de travailleurs de la terre, des visages abîmés par les duretés de la vie, mais néanmoins rieurs, étonnés, et dont les regards sont emplis d'espérance en un monde meilleur...

    Un journaliste interpelle Jean Ferrat «  vous bradez vos chansons pour 5 francs ! ». (C'était à l'époque, pour les « grandes vedettes », impensable- pour ne pas dire « dévalorisant »)...

     

    Si je devais « expliquer » (définir à ma manière) – entreprise aussi difficile qu'incertaine voire vaine il faut dire- l'anarchie, l'anarchisme, la vision anarchiste... Je dirais ceci :

     

    « Une composante d'Elysée Reclus, de Louise Michel et de Jean Ferrat »...

     

     

    Le seul « bémol » que je placerais -d'un trait peu appuyé- dans la « portée »... En ce qui concerne l'homme Jean Ferrat, viendrait du fait qu'après son retrait de la scène en 1973 et son installation définitive à Antraigues en Ardèche, il n'ait peut être pas pris vraiment la mesure de ce que représentait pour sa femme Christine Sèvres, ce changement de vie, désormais loin de la scène et du public... Elle s'est « étiolée » pour ainsi dire, jusqu'en 1981 l'année de sa disparition...

    Mais bon... Les meilleurs d'entre nous et à plus forte raison lorsqu'ils sont des personnes qui ont un rayonnement, en tant qu'artiste, écrivain... Ont-ils pour autant cette « conscience aiguë de l'existence de l'autre » ? Un homme ou une femme si épris, si amoureux qu'il soit de la personne avec laquelle il vit, ou si attentionné et aimant qu'il soit avec ses proches... Est-il, est-elle pour autant aussi soucieux des aspirations, des rêves, des espérances, des motivations, des passions... De l'autre, qu'il l'est lui-même de ce qui le tient dans sa vie ?

     

    « S'exister » (dans le sens de « se réaliser ») ET en « existant » l'autre... C'est difficile... Et ce n'est point ce que l'on voit couramment...

     

     

  • Film documentaire de Philippe Kohly sur la vie et l'oeuvre de Jean Ferrat

    Le film documentaire réalisé par Philippe Kohly sur la vie et l'oeuvre de Jean Ferrat, diffusé sur France 3 à 21h le vendredi 26 octobre 2018, porte davantage sur la vie intime et les amours du chanteur, que sur son parcours artistique dont seuls quelques titres emblématiques dont « La Montagne » ont été entendus (avec « Ma môme » et « Nuits et brouillard » entre autres)…

    La plupart des titres interprétés que l'on a entendus, sont des poèmes d'Aragon ; alors que Jean Ferrat a non seulement une voix propre et a mis beaucoup en musique lui-même ces textes d'Aragon et d'autres, mais a aussi produit et mis en musique ses propres textes tels que, par exemple « Mourir au soleil », « Ce qu'on est bien mon amour », « Pauvres petits cons », « Ma môme »…

    Philippe Kohly dans ce film documentaire présente l'engagement de Jean Ferrat auprès du Parti Communiste, et le voyage qu'il fit à Cuba en décembre 1967, dans un contexte politique économique social actuel qui est loin d'être favorable au Communisme (et donc pouvant passer aux yeux de bon nombre de gens aujourd'hui, comme étant « une erreur de parcours »…

    De 1961 à 1972 il fut l'un des chanteurs les plus populaires et plus écoutés dans la France de cette époque et il faisait venir dans de nombreuses salles de spectacles à Paris et dans les villes de province, des milliers de spectateurs, de gens du peuple en majorité à vrai dire…

    Tous ces gens de cette époque là, 1961-1972, âgés alors de 16/20 ans jusqu'à 80/90 ans, sont de ces générations qui ont connu le monde tel qu'il était avant 1990 ; ils ont aujourd'hui, ces gens, pour les « plus jeunes » on va dire, en 2018, pour ceux d'entre eux qui ont vu ce film documentaire vendredi 26 octobre, dans les 70/80 ans…

    Soit dit en passant il y avait aussi ce soir 26 octobre, à la même heure, sur TF1 « The voice Kids » un divertissement dans son épisode 3, dans une « nouvelle saison qui bat son plein » ; et un téléfilm sur France 2 qui « mêlait habilement » drame et suspense. (notez les guillemets pour mêlait habilement -rire)… Sans compter les autres offres de programme sur les nombreuses chaînes de la TNT… Passons…

    Après 1972, une fois retiré à Antraigues en Ardèche, Jean Ferrat afin de ne pas rompre la relation qu'il avait avec son public, tous les cinq ans se produisait en scène, le temps d'une saison…

    Il a vu -comme il l'a évoqué lui-même- le monde changer à partir de la fin des années 1980, en ce sens, selon lui, que l'argent, que la culture du paraître, du résultat immédiat avec le moindre effort possible, prenait beaucoup plus d'importance dans une accélération accrue, que la reconnaissance du talent et du mérite par l'intelligence et le travail, et du principe de « l'ascenseur social »… Un monde qui se délitait, qui n'avait plus rien à voir avec ce qu'il était avant et cela l'attristait…

    Et il est mort en mars 2010… Il n'a donc pas été témoin de ce qui s'est passé depuis 2010… En France, et dans le monde…

    Certes, dans le monde d'avant 1990, il y avait des riches et des pauvres, de l'injustice, des guerres, il y avait ceux qui réussissaient et ceux qui ne réussissaient pas, il y avait de l'esbroufe, du paraître, déjà la société de consommation depuis 1a fin des années 60… Mais le monde alors « ressemblait à quelque chose » (à ce qu'il avait toujours été en dépit des évolutions technologiques et des évolutions sociales) et cela pour une raison essentielle : l'immense majorité des gens n'avait pas accès comme de nos jours, à tout ce qui peut les rendre plus visibles, plus présents sur les scènes publiques (en particulier sur Internet), plus consommateurs dans la culture du paraître, plus à même (avec plus de facilités et de moyens entre autres technologiques) de mettre en avant leurs performances, leur « égo »… De telle sorte qu'aujourd'hui les talents sont « noyés dans la masse » et que trop de visibilité rend finalement invisible…

    Les « esprits éclairés », libres et indépendants, témoins objectifs dans une réflexion approfondie, qu'ils soient des artistes, des écrivains, des penseurs, des humanistes, des intellectuels engagés dans une action de communication ou sur le terrain… Ont à présent une visibilité brouillée, d'une part par la présence sur la scène publique de personnages médiatisés faisant la pluie et le beau temps et influençant l'opinion des gens qui « ne voient qu'eux » ; et d'autre part par tout ce que la culture de la consommation et de la facilité d'accès à cette culture, fait entrer dans la vie quotidienne des gens en nivelant leur sensibilité, formatant leurs émotions afin qu'ils soient le moins possible une « clientèle » pour les « esprits éclairés » qui cependant existent et résistent à la « marchandisation de la culture », utilisant eux aussi, ce que la technologie de la communication produit pour les rendre visibles…

    Mais la « visibilité brouillée » tend à ne rendre circulables et accessibles pour le plus grand nombre, que des voies proclamées et officialisées comme étant « royales » et c'est bien là tout le « sens » du « non sens » du monde présent.

    Dans le monde « ancien », celui d'avant 1990, c'était « moins brouillé » même si c'était aussi dur, inégal et inconfortable sinon plus, qu'aujourd'hui…