la poste de Bruyères

  • Comment je suis devenu conseiller clientèle à la Poste de Bruyères dans les Vosges

    … C’était durant l’été de 1989, en rentrant de mon congé estival de 3 semaines l’inspecteur Monsieur Glath – un Alsacien issu de famille modeste- me propose ce poste de conseiller financier – qui n’existait pas – à la poste de Bruyères ; monsieur Glath avait convaincu le Receveur monsieur Blaise de la création pour le bureau de Bruyères, d’un poste de conseiller financier.

    Le receveur monsieur Blaise avait été d’autant plus convaincu que je prenne ce poste du fait de mes erreurs de caisse très fréquentes au guichet – c’était son gros souci, sa grande préoccupation… Il faut dire que mes erreurs de caisse étaient de l’ordre parfois de plusieurs centaines de francs ; et monsieur Blaise m’avait menacé de me placer à l’arrière pour des travaux de tri et d’activités ne nécessitant pas de manipuler de l’argent et cela selon un horaire de travail qui ne me convenait pas du tout – de midi à 19h tous les jours sauf le samedi…

    D’autre part depuis déjà plusieurs années à l’époque, de 1984 à 1989, périodiquement losqu’il y avait des formations – à Saint Dié ou à Epinal ou même Nancy, je me portais toujours volontaire « parce que ça me changeait de la routine quotidienne du guichet et des services du courrier et de la cabine financière » … C’est ainsi que peu à peu j’avais fini par acquérir quelques compétences en matière d’opérations financières « spéciales » (Assurance vie épargne, actions, obligations, produits financiers, placements) et de « développement commercial » de la poste qui, à cette époque « essayait de singer les banques » question « placements » (rire)…

    Ce monsieur Blaise, notre Nième Receveur depuis 1976 était un homme corpulent, peu sympathique, « à cheval sur la qualité du tri notamment des paquets » (il effectuait ponctuellement des vérifications dans les sacs postaux du départ du soir)… Personne ne pouvait le « piffer », je lui avais donné pour surnom « Firmin le Bougon »…

    Néanmoins Glath, l’inspecteur « avait eu une idée géniale » à laquelle Blaise avait tout de suite adhéré : pour être sûr que j’accepte d’être conseiller financier- à l’époque il faut dire que ce n’était pas, ce poste, à temps complet toute la journée mais seulement 3h par jour – il avait été décidé que ma prise de service serait à 6h 15 tous les matins, que jusqu’à 8h 30 je participais aux travaux liés au courrier – arrivée des sacs, tri et inscription des recommandés, ou distribution et tenue des boîtes postales avec livraison des colis aux clients des boîtes postales venant récupérer leur courrier – et, que de 9h jusqu’à 13h, je faisais conseiller financier soit en tournée avec des facteurs soit en recevant des clients dans mon bureau … Sur la feuille de présence c’était marqué « Guy Sembic COFI 6h 15-13h… et après 13h « activités extérieures » (lesquelles activités étant alors à l’époque « tout à fait exceptionnelles »… De telle sorte que j’avais tous mes après-midi libres – ce qui me convenait au mieux…

    Fini la hantise des erreurs de caisse autant pour moi que pour monsieur Blaise, et il faut dire aussi que durant les premières années – jusque 1993 et même 1994 – le « boulot » m’enchantait parce que je « voyais du monde, je partais certains jours avec un facteur, je me rendais chez des gens qui « me faisaient (certains et certaines) des confidences…

     

    Les deux dernières années au guichet, ça avait été la galère : pas une seule semaine sans une grosse erreur de caisse ( un long temps de vérification et de recherche à chaque fois) … On tolérait 5 francs d’erreur de caisse – en excédent ou en déficit – et quand j’avais entre 10 et 50 francs d’erreur je « trafiquais la sous caisse » (c’est à dire que je m’arrangeais pour que le sous total des opérations de guichet en fin de vacation corresponde au total de la sous-caisse : pour cela il me suffisait par exemple d’inscrire tel nombre « arrangé » de tels timbres dans la sous-caisse afin que « ça tombe à peu près pile » )…

    Sauf que, y avait le risque qu’un jour ou l’autre, débarque la « Das Reich » (l’équipe des inspecteurs chargés de vérifier les comptes des bureaux)… Et la « Das Reich » épluchait en détail toutes les sous-caisses… On avait chacun la nôtre, identifiée et personnalisée par un « petit insecte règlementaire » (l’expression est de moi) inséré dans un boîtier de fermeturte de la sous-caisse (l’ »insecte » étant un bout de plastique blanc avec au bout 2 crochets sur lequel on voyait inscrit un nombre de 4 chiffres rouges)…

    Par chance j’ai jamais eu la « Das Reich » pour vérifier ma sous-caisse…

     

    Après Blaise on a eu Soyeux qui lui, détestait que je circule en vélo pour me rendre au bureau ou rendre visite à domicile à mes clients… Je désobéïssais, plaçant ma sacoche de conseiller sur le porte bagage du vélo, avec des pinces au pantalon, empruntant depuis chez moi des parcours détournés à travers la forêt et la montagne sur 10 kilomètres, et, arrivé à Bruyères je passais par des arrières de la ville de chemins étroits,puis garais mon vélo accroché à un lampadaire dans un recoin isolé… Et arrivais « frais comme un gardon » à la Poste (rire)…

    Et quand y’avait des formations et des réunions à Epinal ou à Saint Dié, je m’y rendais en vélo trente kilomètres aller et autant retour…

     

    C’était pas un cadeau ce Soyeux ! « très système/système » qu’il était ! Il avait été hyper furax quand j’ai participé à la grande grève des postiers des Vosges en 1995 et que pour finir après trois semaines de grève j’étais de tous les postiers du secteur de Bruyères, avec un autre aussi déterminé que moi, le seul à être encore en grève… « Tu te rends pas compte, Guy, qu’est-ce qu’ils vont penser tes clients ? » qu’il me martelait le Soyeux !

     

    Je faisais surtout des ouvertures de compte, CCP livrets Epargne Logement Livret Populaire, et à la limite des placements Assurance vie épargne « des plus sûrs » - quoique j’invitais à bien lire dans le détail les notices et en expliquant les « sous -entendus » ainsi que « ce qu’il fallait lire entre les lignes » … Et en ce sens j’étais « très bon » en encours et fidélisation de la clientèle…

    Mais en revanche en ce qui concernait les « produits » financiers et de placement des « campagnes Harpon » là, mes résultats étaient loin d’être « probants » et même parfois « assez médiocres » (je me foutais royalement du « commissionnement » qui était la priorité de certains de mes autres collègues conseillers du Groupement)…

    Parfois il m’arrivait de « faire venir à la Poste » des fidèles de banques, à réussir à leur faire prendre un compte à la Poste… Et j’avais, à proximité de mon bureau -vitré- à chacun des 2 guichets, mes « deux petites fées » Marie José et Françoise que j’adorais…

     

     

  • Souvenir d'un 30 août

    … C’était le lundi 30 août 1976.

    Ce jour là devait être mon premier jour de travail à la poste de Bruyères dans les Vosges.

    Je devais “embaucher” à midi, sur la position de la “cabine financière” jusqu’à 19h 45. En “doublure” avec Michel Perron…

    Sur cette position de travail, la cabine financière, l’on recevait jusque vers 15h 30, les redditions des comptes des facteurs (21 tournées de facteurs à l’époque, desservant Bruyères et les localités environnantes).

    De 15h 30 jusque vers 16h 30, l’on établissait les comptes, vérifications diverses, opérations à réaliser, bordereaux d’ entraide (feuillets en double) de transferts de fonds vers les positions de guichet où les 2 collègues de ces guichets ( le guichet 1 dit “grand guichet”, et le guichet 2 dit “petit guichet”) passaient les mandats dans la machine à mandats ( Une “Nationale 41”) et effectuaient les opérations de Caisse Nationale d’Epargne (sur livrets) prises en “commissions” par les facteurs dans leurs tournées, ainsi que d’autres opérations (de commandes de timbres, d’envois de lettres recommandées) tout cela pris également en “commissions” par les facteurs.

    Ce carnet de commissions que tous les facteurs amenaient dans leur “sacoche financière” comportait une centaine de feuillets en double (un pour le bureau, un servant de reçu pour le client) et se nommait le “592”…

    Une fois tout réglé (parfois avec le retard pris par certains facteurs, ce qui nous amenait vers des 16h 45 voire 17h) il fallait “faire la sous-caisse” (inventaire des fonds – seulement des pièces de monnaie) et inventaire de chaque catégorie de timbres. L’on se servait d’une calculatrice de comptabilité à ruban de papier, où l’on tapait les recettes en noir et les dépenses en rouge. À la fin, on tirait un “sous total” qui apparaissait en noir, et il fallait impérativement que le “sous total” faisant état de ce que l’on avait en sous -caisse, paraissant en rouge, soit le même, exactement le même que le sous total en noir… Si le chiffre en rouge dépassait le chiffre en noir, on était en excédent, si le chiffre en rouge était inférieur au chiffre en noir, on était en déficit, donc en erreur de caisse…

    Il existait selon le règlement une tolérance d’un montant de 5 francs (si je me souviens bien). Au delà de 5 francs de déficit ou d’excédent, il fallait rechercher l’erreur, ce qui prenait du temps et “ne nous arrangeait pas du tout” !

    Du coup, si on finissait la reddition des comptes des facteurs au delà de 16h 30, adieu la pause de 30 minutes que le règlement nous concédait.

    Parce que dès 17h au moins, il fallait “se farcir” l’avance de timbres (un gros classeur où se trouvaient tous les timbres de toutes catégories ordinaire et collection, en réserve). Il s’agissait d’établir une comptabilité exacte du contenu de cette “avance” (dont se servaient les guichets pour alimenter en timbres les sous caisses)… Une “vraie galère” cet inventaire de l’avance ! Le chiffre obtenu – censé exact, était communiqué au guichet 1…

    Parfois, l’agent de la cabine financière étant “débordé”, le ou la collègue du guichet 2, profitant d’un répit (moins de clients) prenait en charge l’inventaire de l’avance…

    Les guichets fermaient à 18 h à l’époque.

    Sur la position de la cabine financière, après 17h 30 et même avant, on effectuait le tri général du courrier ramassé (dans la boite aux lettres du bureau), par les facteurs, le courrier déposé aux guichets (plusieurs milliers de lettres, cartes postales) ainsi que les colis en partance ramenés par les facteurs, déposés au guichet.

    L’on triait debout devant un casier en fer d’au moins une trentaine de cases, par destinations… L’on faisait des liasses, que l’on mettait en sacs avec les paquets…

    Enfin vers 19h 30 tout était fini, l’on effectuait les dernières opérations (contrôle et fermeture des sacs), puis arrivait le camion et l’on chargeait les sacs, il était alors 19h 45…

     

    Je devais rester en “doublure” durant une semaine avec Michel Perron, ensuite j’étais censé me débrouiller tout seul.

    Je venais du centre de tri postal PLM à Paris, je n’avais donc absolument aucune connaissance du travail en bureau de poste et guichet.

    Durant le mois de septembre ce fut pour moi une véritable galère, cependant Madame Louis, la collègue du guichet 2 a été très gentille avec moi, et Michel Perron m’a beaucoup aidé après la semaine de doublure.

    En octobre durant 5 semaines je suis allé en cours à Nancy (cours de formation pour guichetiers en bureaux) du lundi au vendredi, je mangeais à la cantine et étais hébergé en foyer…

     

    Le lendemain mardi 31 août, selon un “roulement” sur 3 jours, je débutais à 6h 15 pour occuper jusqu’à 8h45, la position de tri et inscription des lettres recommandées. On appelait cette position “759” du nom du carnet 759 des facteurs, sur lequel on inscrivait le nom prénom, l’adresse du client, avec le numéro et l’origine du recommandé. Nous tenions aussi un grand registre de comptabilité des arrivées et sorties de lettres recommandées et valeurs déclarées. À la fin, avant que les 21 facteurs viennent chercher leur carnet et leurs recommandés, il fallait vérifier ; faire un bilan des entrées et des sorties (les sorties étant ce que l’on inscrivait sur chaque carnet)… Il ne fallait surtout pas qu’il y ait une “LR” ou pire, une “VD” en plus ou en moins ! (dès fois on trichait en arrangeant les chiffres, car toute recherche prenait un temps fou)

    Chaque jour en moyenne nous recevions entre 50 et 80 lettres recommandées, parfois jusqu’à plus de cent les jours où parvenaient les carnets de chèques postaux…

    Il était assez difficile de terminer juste pour l’heure 8h 45. C’est que, sur cette position du 759, “il fallait zomber” !

    De 8h 45 jusqu’à 13h 45, on était libre. Puis de 13h 45 à 18h on tenait le guichet 1 (le “Grand guichet” avec la “machine à mandats”, l’on avait en charge les “grosses opérations” de CNE (caisse d’épargne) et ainsi que d’autres opérations “délicates” – notamment les mandats télégraphiques (ma “bête noire”)…

    Il fallait bien 20 minutes à 18h pour “faire sa sous caisse” et donc pouvoir tomber juste sans erreur de caisse (une gageure cela fut, pour moi très souvent)… Et ensuite, on allait au tri et aux travaux de départ du courrier jusqu’à 19h 45.

     

    Le surlendemain, 3ème jour je débutais à 6h15, c’était la vacation du matin qui se terminait vers midi et quart…

    De 6h 15 à 8h 30, on s’occupait des paquets contre remboursement à répartir sur les 21 tournées (il y en avait chaque jour des 40, 50, jusqu’à 70/80), il fallait inscrire les paquets avec la somme à récupérer, sur des bordereaux de distribution…

    De 8h 30 à 8h 45, la pause… Et de 9h à midi le guichet 1. Le plus mauvais jour de la vacation du matin était le mercredi parce que ce jour là à Bruyères c’était le marché, donc, grosse affluence à la poste, et la “clientèle” était loin d’être facile !

    Chaque mercredi de début de mois, de surcroît, il fallait “se farcir” – tout en devant servir les clients – le grand bordereau “2GM” sur lequel se trouvaient inscrits les versements de pensions, les allocations, les prélèvements sur livrets : il y en avait des dizaines ! Ce qui nous obligeait dans un premier temps, à sortir de la “cocote tournante”, toutes les “fiches 1ter” des livrets des clients, et ensuite, inscrire sur la fiche 1ter le montant du versement de pension, de l’allocation, du prélèvement et de mettre à jour la fiche 1ter…

    Ce “travail d’arrière” à effectuer durant les heures de guichet, nous “pelait de première” et souvent, à midi, nous n’en avions effectué qu’une minime partie, de telle sorte que nous “transmettions le bébé” au collègue du guichet 1 de l’après midi…

     

    Lorsque se terminait cette 3 ème journée vers midi (plutôt en réalité midi et demi), nous étions libres jusqu’au lendemain midi où nous reprenions alors la position de la cabine financière…

     

    … À la “mécano” (que l’on appelait “l’aquarium”) et au Bureau d’ Ordre, c’est à dire en la présence dans ces services, du Receveur (à l’époque Monsieur Coindre), “ils étaient mieux lotis” question horaires : ils étaient répartis en 2 brigades : 6h 15 – 13h et 13h -19h45…

    À la mécano, ils avaient en charge la comptabilité du bureau, la tenue et le compte de la Caisse, toutes les opérations de gestion et d’administration, et en début de matinée comme en fin d’après midi, ils se trouvaient avec ceux du guichet et de la cabine financière lors des opérations de traitement du courrier (arrivée et départ).

     

    … La collègue du guichet 2, madame Louis, (le “petit guichet”) celui du téléphone et des opérations “faciles” (vente de timbres et dépôts colis), avait un horaire fixe : 8h 45- 12h et 13h 45 – 18h.

    Une petite anecdote : un jour j’ai remplacé Madame Louis… Arrive une cliente “passez moi le 7 à Passavent”! Nous étions en 1976 et j’ignorais qu’ il y avait encore des endroits à la campagne où il fallait passer par un central téléphonique!

    Ce 7 à Passavent me médusait complètement, je me demandais où pouvait se situer ce Passavent (j’ai appris que c’était en Haute Saône) et j’ai dû me servir de la manivelle d’un vieux téléphone noir afin de joindre le central…

     

    … Le samedi, nous n’étions que la moitié du personnel, donc, on avait 1 samedi sur 2 de congé. On faisait alors jusqu’en 1981 : 6h 15 – 12h et 13h 15- 16h… Et après 1981, de 6h 15 à 13h 30…

     

     

    … Je me souviens de ce lundi 30 août 1976 comme si c’était hier que je l’avais vécu… Sans doute un premier jour dans un “nouveau boulot” peut-il être comme un premier jour d’école (d’ailleurs je me souviens “dans tous les détails” de ce premier jour d’école à l’âge de 6 ans, le 21 septembre 1954 au “petit lycée” Gambetta à Cahors dans le Lot)…

    Depuis ce lundi 30 août 1976, quarante cinq années ont passé…

    La Poste de Bruyères en 2021, n’a plus rien à voir avec la “poste pététique” de 1976 !

    Michel Perron mon ami et collègue de 1976, né comme moi en 1948, est mort d’un cancer en juillet 2011 à l’âge de 63 ans…

    Je me souviendrai toujours d’une de ses réflexions, le jour où il a arrêté de fumer : “ au prix où sont les paquets de cigarettes, vu le nombre que ça fait par mois, en six mois ça me paie un beau vélo”… Il a acheté un vélo, et il passait tous ses dimanches et jours de congé en circuits promenade de 50, 80 km… Il était devenu un cycliste accompli…

    D’autres de mes collègues – et amis – de l’époque ( 1976 – 1999 vingt trois ans d’activité à la Poste de Bruyères) nés comme moi en 1948, sont morts, tous d’un cancer…