Livres et littérature

  • 20 ans pendant la guerre d'Algérie, de Raphaël Delpard

    Algerie

    … Désormais après avoir lu ce livre de Raphaël Delpard, chaque fois que je me trouverai en face d’un monument aux morts sur lequel sont inscrits les noms de ceux de nos compatriotes qui ont été tués en Algérie entre 1954 et 1962 ; inévitablement je penserai à ce que j’ai lu dans ce livre…

    Oui, notre République Française peut bien commémorer, honorer ceux qui sont morts pour la France durant cette guerre qui, rappelons le, était qualifiée « d’opérations de maintien de l’ordre et de pacification » afin de minimiser aux yeux de l’opinion publique à l’époque (années 1950 sous la 4ème République) la gravité des évènements, la violence des combats, et le fait que c’était bien là, en Algérie, une guerre dans le plein sens du terme…

     

    La vérité dans cette affaire c’est que des jeunes Français en 1955, 1956 et jusqu’en 1961, n’ont pas été traités au quotidien de l’époque lorsqu’ils ont été appelés en masse, par la République Française, comme le laissent apparaître « sur le marbre » tous ces monuments aux morts au bas desquels les municipalités déposent le 19 mars de chaque année, une gerbe ou une couronne de fleurs, dans un « pieux recueillement »…

    En effet, et c’est bien là le « décalage » qu’il y a entre « commémorer, honorer » comme on le fait aujourd’hui depuis des dizaines d’années… et « ce qui s’est réellement passé au quotidien en 1955, 1956 et jusqu’à 1961, lorsque ces jeunes ont été appelés, encasernés, « instruits », transportés en train jusqu’à Marseille, puis en bateau pour Alger ou pour Oran »…

    Depuis Bitche en Moselle, depuis Arras, Brest, Amiens, Lille, Bayonne, Toulouse, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Clermont Ferrand, Aurillac… Les premiers appelés de 1955/1956 pour l’Algérie étaient transportés jusqu’à la gare de Marseille par… Trains de marchandises de wagons à bestiaux (exactement les mêmes wagons que ceux utilisés pour le transport des déportés de la seconde guerre mondiale – chevaux 8, hommes 40)… Et les bateaux de transport de troupes traversée de la Méditérranée était de vieux navires datant du début du siècle qui avaient servi après 1945, au transport de moutons !

     

    C’est « ainsi » que la République Française, la 4ème de ce nom avec François Mitterrand ministre de l’Intérieur du Gouvernement Mendès France de 1954 à 1955, a « traité » sa jeunesse « mobilisée pour le maintien de l’ordre en Algérie » …

     

    « Des années d’enquête ont permis à Raphaël Delpard, écrivain et cinéaste, de montrer ce que fut la vie au quotidien de ces générations sacrifiées et de leur rendre la parole qui leur avait été confisquée dans l’indifférence générale et le mépris des gouvernements » …

     

    Notons que ce livre a été publié pour le compte des Editions Michel Lafon en décembre 2000 (dépôt légal janvier 2001) … Et qu’il n’aurait certainement pas paru, ce livre – et pour cause ! - plus récemment qu’en 2000, et à plus forte raison dans les années 1980 ou 1970 ! …

    Même encore en 2024, « certains » diront « les wagons à bestiaux, les rafiots pourris (pour le transport des troupes) c’est de la légende »…

     

    Une question pour conclure : « Le monde – Français, Européen, Planétaire – de 2024, est-il mieux que celui de 1956, question traitement des êtres humains autres que les privilégiés, les grands possédants, les élites ? » Ah, si, « reconnaisons le »: il y a de tout consommable loisiresque technologiqué internetisé à gogo ; les trains sont des OUIGO et des INOUI, les bateaux sont de croisière et les vieux rafiots à moutons ont été remplacés par des Airbus à touristes… Donc c’est quand même mieux vivable en 2024 qu’en 1956… Pour une plus grande majorité de gens du moins…

     

     

  • Les dessins de Guy Sembic, tome I

    Pour information : 

     

    Je viens de publier en Arts graphiques un livre de mes dessins réalisés durant l'année 2023 :

    LES DESSINS DE GUY SEMBIC Tome I

    Format 21/29,7

    82 pages, un dessin par page

    https://www.thebookedition.com/fr/


     

    Pour accès image couverture, résumé et extrait du livre : en recherche auteur Guy Sembic (à côté de "librairie" en haut à droite de la page d'accueil The Book Edition)


     


     

  • Littérature de Science-Fiction

    … En matière de Science – Fiction en littérature, roman ( l’on dit plutôt « anticipation » ou encore « fantasy »… Lorsque je lis cette phrase – dans les deux ou trois premiers chapitres du livre – à propos du personnage principal qui accomplit sur une planète lointaine – de type « terrestre » et habitée d’êtres « humanoides »- un long déplacement ou voyage à travers toutes sortes de « paysages »… Cette phrase donc « Au milieu du jour le « soleil » (l’équivalent de notre soleil) se trouve situé à la verticale (au zénith)... »

    Alors, je m’arrête là, je ne vais pas plus loin dans ma lecture, j’abandonne…

     

    Il me paraît évident que, pour un lecteur de romans de Science – Fiction qui « aurait en matière d’astronomie (et de géographie physique) » au moins « des connaissances élémentaires de base », aurait en conséquence présent à l’esprit que, sur n’importe quelle planète dans n’importe quel système stellaire, galaxie, de type « terrestre », la sphéricité de la planète impliquerait que « le soleil » à la verticale, suggérerait forcément que le voyageur personnage principal, se déplacerait « dans la région équatoriale de la planète »…

    Or, à la lecture de cette phrase « le soleil se trouve à la verticale au milieu du jour » (comme si, partout sur la planète le « soleil » se trouverait « au dessus de la tête » au milieu du jour)… C’est, pour qui a au moins quelques notions de base en matière d’astronomie et de géographie physique, « un peu dur à avaler » - autrement dit « simpliste, réducteur et idiot, « complètement débile » !

     

    Il est vrai que bon nombre de lecteurs de romans de science – fiction (ou anticipation ou fantasy) se foutent de réalité astronomique, n’ont aucunement à l’esprit les lois qui régissent l’univers, et ne s’intéressent qu’au caractère purement fantastique, imaginaire, de l’histoire racontée où apparaissent des personnages mystérieux, dotés de pouvoirs extraordinaires, où magie, sorcellerie, guerres spatiales, démons, animaux monstrueux, végétation étrange, etc. … Constituent la trame, l’essentiel du roman… Sans compter ces « grands vaisseaux spatiaux » de formes et de structures bizarres qui, dans un « hyper espace » se déplacent sur d’incommensurables distances vers des « confédérations de planètes » dans un « empire galactique »…

     

    « De la science – fiction de cet acabit, je trouve ça complètement débile ! »… Aussi, les seuls romans de science -fiction qui me semblent « acceptables », à la limite, sont ceux par exemple, d’un auteur tel qu’Isaac Azimov…

     

    C’est la raison pour laquelle je lis peu de romans de science – fiction, car à mon sens, il faut tout de même dans le livre, dans l’histoire, qu’il y ait « un minimum de crédibilité » et, tout au moins « une base scientifique de réalités étudiées, découvertes (et non pas des « idioties », de la « magie » des « pouvoirs extraordinaires », des choses trop irréelles et purement imaginaires totalement éloignées de la réalité scientifique)…

     

     

  • Ma vie extraordinaire, de Benoît Duteurtre

    … Un livre peut-il être de par son contenu en certaines de ses pages, une quête du merveilleux jusque dans la banalité de la vie, jusque dans des faits, des gestes, des accomplissements des plus ordinaires, des plus communs, de la vie quotidienne des gens dans l’environnement où ils vivent, dans leur maison, là où ils demeurent et s’activent, sur les lieux de leur travail, dans leurs déplacements par exemple pour « faire des achats » dans des magasins ou dans des surfaces commerciales, dans leurs loisirs habituels qui sont ceux auquels se livrent des milliers de personnes hommes, femmes, en famille avec leurs enfants, sorties, promenades, cinéma, télévision, lecture, jardinage, bricolage, etc. … ?

     

    Comme dans « Ma vie extraordinaire » de Benoît Duteurtre, un récit introspectif, humoristique, par moments nostalgique et dans une réflexion sur la modernité ambiante du 21ème siècle, une modernité dans laquelle les beautés de la vie d’autrefois sont évoquées, ne sont donc pas « précipitées au fond des oubliettes » …

     

    Mais… Que dire de ces banalités de la vie au quotidien, qui sont celles de millions et de millions de gens en France, dans nos régions, dans nos villes, jusque dans des « lieux excentrés en rase campagne »… Et partout dans le monde… Sinon que toutes ces banalités, ces vies de millions d’êtres humains, sont « à mille lieues » de ce que vivent dans un quotidien très différent, des gens tels que Benoît Duteurtre, tels que tous ces gens du monde du spectacle, du cinéma, du théâtre, de la littérature, des arts, dans un environnement de relations qui sont les leurs (mais pas celles, de relations, du « commun des mortels ») ?

     

    Que dire,oui, de ce qu’il peut y avoir de merveilleux dans la banalité, dans ce qui est commun à des millions de gens partout dans le monde, vu ainsi par des gens dont la vie qu’ils mènent est à « mille lieues » de la vie du commun des mortels ?

     

    Où les uns – mais pas les autres – passent-ils leurs vacances ; en quels lieux, avec qui, et en quelles conditions particulières (de confort, d’aisance, d’équipements « high tech », de logement, de restauration, d’activités de loisirs) ?

     

    Comment les uns – mais pas les autres – se vêtent, se déplacent, résident, voyagent, et en quels lieux d’achat se fournissent-ils pour se procurer ce dont ils ont besoin et leur est indispensable ?

     

    Les uns sont une petite, très petite minorité au regard de l’ensemble de la population de notre planète…

    Les autres sont des milliards…

    Tout est dit

    L’ordre du monde

    L’ordre des « ceu’s et celles » qui ne vivent pas dans leur quotidien, comme toi tu vis…

    Deux mondes différents, très éloignés l’un de l’autre…

    Et l’éloignement n’est pas forcément ce qui sépare les uns des autres… Parce qu’il y a de l’éloignement aussi et surtout… Dès lors qu’apparaît une « petite différence de condition » d’existence entre des uns et des autres.

     

    « Monsieur et Madame Lorgueil » vous êtes là, bien là, présents, dès lors qu’ un peu de beurre vient d’être ajouté aux épinards dans la casserole !

     

     

  • Le Nouveau Roman

    … S’il est un genre littéraire auquel je n’adhère pas du tout, c’est bien celui du Nouveau Roman, genre apparu dans les années 1950 – 1960, dans lequel des auteurs tels que Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Eugène Ionesco… et bien d’autres, publiés en général aux « Éditions de Minuit »… Rejettent l’analyse psychologique des personnages de leurs romans et refusent la notion d’intrigue …

    Selon Jean Ricardou ( écrivain et théoricien de la littérature, né en 1932 et mort en 2016, membre du comité de direction de la revue d’avant-garde Tel Quel de 1962 à 1971) : « le roman n’est plus l’écriture d’une aventure, mais l’aventure d’une écriture »…

    Ce qui à mon sens, ouvre un espace incertain à la littérature, à l’écriture, dans la mesure où de nombreux auteurs tentés de se « démarquer » du récit traditionnel, produisent des œuvres qui ne sont « singulières » qu’en apparence… Autrement dit, lorsque le roman ou le récit, devient « aventure d’une écriture », cela produit notamment des imposteurs…

    Les ouvrages que jusqu’alors j’ai essayé de lire, de ce genre du Nouveau Roman, étaient une suite de pages, de longues phrases, sans aération, les paragraphes s’enchaînant, peu de dialogues, des personnages anonymes, sans caractère déterminé particulier, des thèmes banals centrés sur la vie quotidienne, des événements sans importance…

    En somme, question effort de lecture « un vrai pensum » !

    « Tant qu’à faire » - question « déranger, surprendre » ou « être totalement en dehors des clous »… Alors autant « verser dans le surréalisme » - en écriture, comme cela a été fait du temps des surréalistes en peinture et en dessin !

    Bon cela dit, en ce qui concerne Marguerite Duras, c’est pour moi la « seule du lot » qui m’interpelle et dont j’adhère à son écriture, et que j’ai lue «jusqu’au bout » de quelques unes de ses œuvres…

     

  • Les années mirages, de Robert Destanque et Michel Martens

    Les annees mirages

    … Dans cette chronique romanesque des années 1946 à 1954 en France, les auteurs Robert Destanque et Michel Martens ( Éditions Robert Laffont, paru en 1992), dans ce roman, évoquent ces huit années durant lesquelles le conflit indochinois, le communisme et la guerre froide, ont fait l’actualité dans notre pays… Cela au travers des destins différents des trois enfants d’une famille du Sud Ouest, les Garnier, Georges le plus jeune, entraîné dans la guerre d’Indochine ; Bernard son frère, ingénieur des Travaux Publics dans le contexte de la Reconstruction après la fin de la 2ème guerre mondiale ; et Laure sa sœur, engagée dans le mouvement communiste sous l’influence de son amant qui deviendra son mari Andrej Jirek…

     

    Cette guerre d’Indochine de 1946 à 1954 est « une horreur absolue » en terme de barbarie, de cruauté, de tortures, de souffrances endurées par les soldats (soit dit en passant pour « sauvegarder » les intérêts et le mode de vie de toute une caste de privilégiés, d’affairistes et de « coloniaux » implantés en Indochine depuis la seconde moitié du 19ème siècle, et cela dans une politique désastreuse des dirigeants de la 4ème république), de massacres, d’assauts menés dans le fracas des armes sous un climat humide, tropical et insalubre…

    En « comparaison » - si l’on peut dire – avec la guerre d’Algérie 1954 – 1962, le conflit indochinois « vaut bien » en barbarie, en tortures et massacres, tant du côté des Français que du côté des Vietnamiens, la barbarie nazie, ou les tortures en Algérie (Français à l’égard d’algériens, combattants algériens à l’égard d’autres algériens)…

     

    Il est en particulier évoqué dans ce livre à propos d’actes de barbarie commis par des vietamiens, en comparaison avec d’ actes perpétrés à la libération en 1944 au moment de l’« épuration », ce fait, absolument atroce, d’un « collabo » d’un village Vosgien, passé vivant au sciage en long de l’entre jambe à la tête…( Dans les Vosges à l’époque et encore aujourd’hui il y a de nombreuses scieries) …

     

    De tous temps à travers l’Histoire, l’éducation, la culture, l’intelligence, la civilisation, n’ont jamais garanti ni entraîné comme l’on pourrait le croire, l’éradication, la disparition de la barbarie, ni contribué à l’édification d’une société plus juste, plus humaine…

    Mais l’on peut dire aussi que l’ignorance, que le manque de culture et d’éducation, et que même des formes d’obscurantisme, n’ont pas forcément rendu plus barbare, plus cruelle, plus violente, une société, les habitants de tel ou tel pays dans le monde…

    Car la Culture s’est faite parfois l’alliée de la barbarie ; et que l’ignorance, le manque d’éducation ont parfois produit des êtres qui « n’auraient pas fait de mal à une mouche » de tout leur vivant…

     

    Ce que l’on a vu, ce qui s’est pratiqué au fin fond du Moyen Age avec la Roue, le Gibet, l’inquisition ; ce qui s’est passé durant la guerre de Trente Ans 1618 - 1648 avec les sacs et les viols et les massacres de populations ; ce qui s’est passé dans les camps nazis de la 2ème guerre mondiale avec les fours crématoires et les chambres à gaz ; ce qui s’est passé en France lors de la rafle du Vel d’hiv et lors de l’épuration en 1944… En matière de barbarie, de crimes, d’atrocités, de tortures… Eh bien cela peut encore se revoir, se reproduire de nos jours et dans le futur… Et ce ne sont pas nos sociétés des « droits de l’homme » et des valeurs de la Démocratrie et où le citoyen lambda reçoit de l’éducation, de l’information… Qui va forcément faire « qu’on ne verra plus jamais ça » !…

     

    Cela dit, une société où dominent le manque d’éducation, l’inculture et les obscurantismes ; demeure tout de même davantage sujette à la barbarie, à la cruauté et à la violence, qu’une société où les gens en grande partie d’entre eux sont éduqués, sont cultivés, et où les obscurantismes sont moins présents…

     

    … Reste toujours présente dans l’Histoire et dans les sociétés, la tentation de la révolte, voire de l’anarchie « afin d’édifier une société plus juste, plus égalitaire et meilleure »… Une tentation qui a impulsé parfois des changements radicaux en bousculant des ordres établis, mais qui n’a été qu’une suite d’expériences difficiles, souvent désastreuses et ayant amené au bout du compte, un résultat contraire à ce qui était espéré…

     

    … Le sens même de la Révolte est encore à découvrir, et peut-être que dans « L’Homme révolté », Albert Camus nous éclaire-t-il, nous ouvre-t-il une voie possible…

     

     

  • Le journal de Kafka

    Kafka

    … LE JOURNAL DE KAFKA, traduit et présenté par Marthe Robert. (Le livre de Poche, biblio, 674 pages)

     

    … Ce combat entre Frantz Kafka et le monde, avait quelque chose de paradoxal…

    Poète, Frantz Kafka se sentait différent du commun des mortels et par conséquent contraint d’affirmer sa singularité. Ce qui rendait inévitable – et pour lui, problématique, difficile, sa lutte avec le monde… Et, tout aussi problématique, sa reconnaissance par ses semblables, de son vivant…

     

    Cependant, Frantz Kafka avait en même temps une autre préoccupation, un autre regard que celui d’un écrivain sans complaisance à l’égard du monde : il a voulu aider le monde à se défendre, en particulier par ce besoin qu’il sentait, de surmonter sa révolte (et plus généralement celle de l’individu), et de trouver la route ouvrant le passage vers une communauté vivante, celle des hommes coexistant ensemble dans une tradition, une culture, une histoire…

     

    … Ce journal est, selon Marthe Robert, « le témoignage le plus poignant de toute l’histoire de la littérature ».

     

    « Nous avons été chassés du paradis mais le paradis n’a pas été détruit pour cela »… Lit-on, dans le texte figurant en 4ème de couverture…

     

    Ce « paradis » n’était-il pas cette Connaissance, ou mieux peut-être, cette « vérité » originelle, totalement pure, affranchie de ce « sens du monde » régi par les lois des hommes et les mécanismes inextricables des codes et des procédures ?

     

    Retrouver ce « paradis », puisqu’il existe toujours, apparaît donc comme une nécessité… D’autant plus que la certitude de sa « redécouverte » s’ouvre dans une perspective encore plus belle et plus émouvante que celle qui, à l’origine, « n’en était qu’à la gestation de son commencement » - pourrait-on dire…

     

    Mais ce n’est pas le  dieu  des Chrétiens ni celui des Musulmans ou un autre « dieu »… qui nous a chassés du « paradis » : c’est nous, les humains, qui avons en partie, perdu la Connaissance et qui avons cru retrouver cette Connaissance par la science, par la civilisation, par la technologie…

    Et qui, en édictant des lois, des codes et des procédures, tout cela sans cesse revu, corrigé, remanié, adapté aux évolutions politiques et sociales, le plus souvent il faut dire au bénéfice d’une minorité de privilégiés et de dominants… Ont « formaté » un « paradis » qui n’est finalement qu’un « purgatoire » sinon un « enfer » pour beaucoup d’humains…

    Mais la Connaissance – et donc le paradis - existait avant que l’humain ne fût, ici ou ailleurs…

     

    …Le Journal de Kafka, 674 pages. Un casse tête aux dires de certains, à la seule idée que l’on peut se faire de ce que suggère à priori, la lecture des écrits et des romans de Kafka…

    Mais quelle pureté de langage ! Quelle précision ! Quelle minutie dans les moindres détails !

     

     

  • Gustave Flaubert, vu par Guy de Maupassant dans ses chroniques, en 1876

    … Voici le texte intégral de la première chronique de Guy de Maupassant, du 22 octobre 1876 « Gustave Flaubert » …

    Gustave Flaubert, écrivain Français né à Rouen le 12 décembre 1821 et mort à Croisset – commune de Canteleu, en Seine Maritime – le 8 mai 1880…

     

    M’adressant tout particulièrement à celles et ceux d’entre vous qui conçoivent, acceptent, et donc, prennent le temps de lire (Ce qui, soit dit en passant, n’est guère très courant ni d’actualité sur la Toile et dans les réseaux sociaux)… Prennent le temps de lire mais aussi et surtout sont des personnes « aimant la littérature (et la langue française) » … Je dis que ce texte de Guy de Maupassant, écrit en 1876, est de nos jours encore, « tout à fait d’actualité » dans la mesure où il est le reflet de ce que « devrait être » - intemporellement – (c’est à dire de toutes les époques) un écrivain, en fait de toute l’œuvre d’un écrivain)…

     

    En un seul mot pour résumer : si un écrivain est en même temps un artiste, alors oui, c’est un écrivain… Quoique cela ne signifie point pour autant qu’un écrivain « bon artisan de l’écriture plutôt qu’artiste de l’écriture » ne soit pas, tout de même et heureusement pour un large public, un écrivain auteur d’ouvrages, de livres publiés… Parce qu’un bon artisan en toute chose autre que l’écriture (je pense à un ébéniste, à un orfèvre par exemple) mérite reconnaissance de la qualité de sa facture ou de sa « patte » personnelle… (Seulement il faut à mon sens, bien différencier – en littérature - « artisan de l’écriture » et « écrivain – artiste de l’écriture » …

     

     

    « De temps en temps, parmi les écrivains qui laisseront leur nom à la postérité, il s’en trouve qui se font une place spéciale par la perfection et par la rareté de leurs œuvres. D’autres, à côté, produisent abondamment mêlant le rare au banal, les choses trouvées aux choses communes, et forçant le critique et le lecteur à un travail considérable pour démêler ce qui doit rester de ce qui doit disparaître. Mais eux, par un enfantement laborieux et patient, produisent une œuvre absolue, parfaite dans l’ensemble et dans les détails. Et si tous les ouvrages de ces auteurs n’obtiennent pas auprès du public un succès absolument égal, il y a toujours au moins un de leurs livres qui reste dans l’histoire des Lettres avec l’étiquette de chef-d’œuvre, comme ces tableaux des grands maîtres qu’on place au Louvre dans le salon carré.


     

    M. Gustave Flaubert n’a encore produit que quatre livres et tous resteront. Il se peut qu’un seul soit qualifié de chef-d’œuvre, et cependant les autres ne l’auront certes pas moins mérité que celui-là.


     

    Tout le monde a lu Mme Bovary, Salammbô, l’Éducation sentimentale et la Tentation de saint Antoine ; tous les journaux ont fait si souvent l’analyse de ces ouvrages que je n’ai point l’intention de la recommencer. Je veux parler d’une manière générale de l’œuvre de M. Flaubert, et y chercher des choses que tout le public n’y a peut-être pas vues jusqu’à présent.


     

    Les gens qui jugent tout sans rien savoir, et qui s’empressent, aussitôt que vient de paraître un livre d’un genre nouveau et inconnu, d’y attacher, comme une pancarte, la bêtise de leur jugement qu’ils croient être éternel, ont proclamé bien haut, à l’apparition de Mme Bovary, que M. Flaubert était un réaliste, ce qui dans leur esprit, signifiait matérialiste.


     

    Depuis il a publié Salammbô, un poème antique, et Saint Antoine, une quintessence des philosophies ; cela ne fait rien ; des journalistes compétents l’avaient baptisé matérialiste, et matérialiste il est resté pour les cerveaux rudimentaires des gens bien pensants.


     

    Ce n’est point ici la place de faire l’histoire du roman moderne et d’expliquer toutes les causes de l’émotion profonde soulevée par l’apparition du premier livre de M. Flaubert. Il me suffira de faire ressortir la plus importante.


     

    Depuis l’origine des temps, le public français buvait avec délices l’onctueux sirop des romans invraisemblables. Il aimait les héros et les héroïnes et les choses qu’on ne voit jamais dans la vie, pour l’unique raison qu’elles sont irréalisables. On appelait les auteurs de ces livres des idéalistes, simplement parce qu’ils se tenaient toujours à des distances incommensurables des choses possibles, réelles, matérielles. — Quant à des idées, ils en avaient peut-être encore moins que leurs lecteurs. Balzac est venu, et c’est à peine si on y a fait attention dans le commencement. — C’était pourtant un innovateur étrangement puissant et fertile et un des maîtres de l’avenir, écrivain imparfait, sans doute, gêné par la phrase mais inventeur de personnages immortels qu’il faisait mouvoir comme dans un grossissement d’optique, les rendant par cela même plus frappants et en quelque sorte plus vrais que la réalité ! — Madame Bovary paraît, et voilà tout le monde bouleversé. — Pourquoi ? Parce que M. Flaubert est un idéaliste, mais aussi et surtout un artiste, et que son livre était cependant un livre vrai ; parce que le lecteur, sans s’en rendre compte, sans savoir, sans comprendre, a subi la toute-puissante influence du style, l’illumination de l’art qui éclaire toutes les pages de ce livre.


     

    En effet, la première qualité de M. Flaubert, qui pour moi éclate aux yeux dès qu’on ouvre un de ses ouvrages, c’est la forme ; cette chose si rare chez les écrivains et si inaperçue du public ; je dis inaperçue, mais sa force irrésistible domine et pénètre ceux qui y croient le moins, comme la chaleur du soleil échauffe un aveugle qui n’en voit cependant point la lumière.


     

    Le public entend généralement par « forme » une certaine sonorité des mots disposés en périodes arrondies, avec des débuts de phrases imposants et des chutes mélodieuses. Aussi ne s’est-il presque jamais douté de l’art immense enfermé dans les livres de M. Flaubert.


     

    Chez lui, la forme c’est l’œuvre elle-même : elle est comme une suite de moules différents qui donnent des contours à l’idée, cette matière dont sont pétris les livres. Elle lui fournit la grâce, la force, la grandeur, toutes ces qualités, qui, pour ainsi dire, dissimulées dans la pensée même, n’apparaissent que par le secours de l’expression. Variable à l’infini comme les sensations, les impressions et les sentiments divers, elle se colle sur eux, inséparable. Elle se plie à toutes leurs manifestations, leur apportant le mot toujours juste et unique, la mesure, le rhythme particulier pour chaque circonstance, pour chaque effet, et crée par cette indissoluble union ce que les littérateurs appellent le style, fort différent de celui qu’on admire officiellement.


     

    En effet, en appelle généralement style une forme particulière de phrase propre à chaque écrivain, ainsi qu’un moule uniforme dans lequel il coule toutes les choses qu’il veut exprimer. De cette façon, il y a le style de Pierre, le style de Paul et le style de Jacques.


     

    Flaubert n’a point son style, mail il a le style ; c’est-à-dire que les expressions et la composition qu’il emploie pour formuler une pensée quelconque sont toujours celles qui conviennent absolument à cette pensée, son tempérament se manifestant par la justesse et non par la singularité du mot.


     


    « Hors le style, point de livre, » telle pourrait être sa devise. Il pense, en effet, que la première préoccupation d’un artiste doit être de faire beau ; car, la beauté étant une vérité par elle-même, ce qui est beau est toujours vrai tandis que ce qui est vrai peut n’être pas toujours beau. Et par beau je n’entends point le beau moral, les nobles sentiments, mais le beau plastique, le seul que connaissent les artistes. Une chose très laide et répugnante peut, grâce à son interprète, revêtir une beauté indépendante d’elle-même, tandis que la pensée la plus vraie et la plus belle disparaît fatalement dans les laideurs d’une phrase mal faite. Il faut ajouter qu’une partie du public hait jusqu’au mot « forme », comme on hait toujours ce qu’on est incapable de comprendre.


     

    Donc M. Flaubert est avant tout un artiste ; c’est-à-dire : un auteur impersonnel. Je défierais qui que ce fût, après avoir lu tous ses ouvrages, de deviner ce qu’il est dans la vie privée, ce qu’il pense et ce qu’il dit dans ses conversations de chaque jour. On sait ce que devait penser Dickens, ce que devait penser Balzac. Ils apparaissent à tout moment dans leurs livres ; mais vous figurez-vous ce qu’était La Bruyère, ce que pouvait dire le grand Cervantes ? Flaubert n’a jamais écrit les mots je, moi. Il ne vient jamais causer avec le public au milieu d’un livre, ou le saluer à la fin, comme un acteur sur la scène, et il ne fait point de préfaces. Il est le montreur de marionnettes humaines qui doivent parler par sa bouche, tandis qu’il ne s’accorde point le droit de penser par la leur ; et il ne faut pas qu’on aperçoive Les ficelles ou qu’on reconnaisse la voix.


     

    Fils d’Apulée, fils de Rabelais, fils de La Bruyère, fils de Cervantes, frère de Gautier, il a bien moins de parenté avec Balzac, quoi qu’on en ait dit, et encore moins avec le philosophe Stendhal.


     

    Flaubert est l’écrivain de l’art difficile, simple et compliqué en même temps : compliqué par la composition savante, travaillée, qui donne à ses œuvres un caractère frappant d’immutabilité ; simple dans l’apparence, tellement simple et naturel qu’un bourgeois, avec l’idée qu’il se fait du style, ne pourra jamais s’écrier en le lisant : « Voilà, ma foi, des phrases bien tournées. »


     

    Il devine juste comme Balzac, il voit juste comme Stendhal et comme bien d’autres ; mais il rend plus juste qu’eux, mieux et plus simplement ; malgré les prétentions de Stendhal à une simplicité qui n’est en somme que de la sécheresse, et malgré les efforts de Balzac pour bien écrire, efforts qui aboutissent trop souvent à ce débordement d’images fausses, de périphrases inutiles, de relatifs, de « qui », de « que », à cet empêtrement d’un homme qui, ayant cent fois plus de matériaux qu’il n’en faut pour construire une maison, emploie tout parce qu’il ne sait pas choisir, et crée néanmoins une œuvre immense, mais moins belle et moins durable que s’il avait été plus architecte et moins maçon ; plus artiste et moins personnel.


     

    L’immense différence qu’il y a entre eux est là en effet tout entière : c’est que Flaubert est un grand artiste et que la plupart des autres n’en sont point. Il est impassible au-dessus des passions qu’il agite. Au lieu de rester au milieu des foules, il s’isole dans une tour pour considérer ce qui se passe sur la terre, et, n’ayant plus la vue bornée par les têtes des hommes, il saisit mieux les ensembles, il a des proportions plus définies, un plan plus ferme, des horizons plus développés.


     

    Lui aussi il construit sa maison, mais il sait les matériaux qu’il doit employer, et il rejette les autres sans hésitations. Aussi son œuvre est-elle absolue, et on n’en pourrait enlever une parcelle sans détruire l’harmonie totale ; tandis qu’on peut couper dans Balzac, couper dans Stendhal, couper dans tant d’autres, et bien fin qui s’en apercevrait.


     


    Il ne pense pas, comme quelques-uns, que l’intelligence et l’inspiration, que le hasard et le tempérament suffisent pour faire un livre, que le renseignement soit inutile et la longue recherche méprisable, car il est de la race ancienne des gens qui savaient beaucoup. Au lieu d’ignorer que le monde existait avant 93, et qu’on savait écrire avant 1830, il a médité comme Pantagruel sur tous les docteurs d’autrefois. Il connaît l’histoire mieux qu’un professeur, parce qu’il l’a apprise dans beaucoup de livres où ils ne vont point la chercher ; et il a étudié pour ses ouvrages la plupart des sciences, seulement accessibles aux spécialistes. Mieux que les vieux savants courbés, il sait les généalogies des villes mortes et des peuples disparus, avec leurs coutumes, leurs mœurs, les étoffes dont ils se couvraient et les mets bizarres qu’ils mangeaient de préférence. Il possède le Talmud comme un rabbin ; les Évangiles comme un prêtre ; la Bible comme un protestant ; le Coran comme un derviche. Il sait l’enchaînement des croyances, des philosophies, des religions et des hérésies. Il a fouillé toutes les littératures, prenant des notes dans beaucoup de livres inconnus, les uns parce qu’ils sont rares, les autres parce qu’on ne les lit point. Il connaît les écrivains de génie presque ignorés que produisirent les décadences des peuples, les commentateurs et les bibliographes, les libres profanes comme les livres sacrés, les vies des saints, les pères de l’Église et les auteurs que les hommes pudiques n’osent pas nommer. Il a rassemblé pour nous les communiquer, dans quelque jour d’indignation et de colère, un volume entier fait avec les fautes des écrivains sans style, les barbarismes des grammairiens, les erreurs des faux savants, toutes les vanités et tous les ridicules qui passèrent inaperçus et dont il soufflettera le monde.


     

    Les journalistes ne connaissent pas sa figure.

    Il trouve que c’est assez de livrer ses écrits au public et il a toujours tenu sa personne bien loin des popularités, dédaignant la publicité bruyante des feuilles répandues, les réclames officieuses et les exhibitions de photographies aux vitrines des marchands de tabac, à côté d’un criminel fameux, d’un prince quelconque et d’une fille célèbre.


     

    Il n’est guère accessible qu’à un petit nombre d’amis, hommes de lettres, dont il est aimé comme on ne l’est jamais d’un confrère et comme on l’est rarement d’un parent, car il soulève autour de lui les affections profondes. Mais comme il ne livre pas sa personne aux curiosités des foules, avides de regarder aux vitres des hommes connus comme à la cage d’un animal curieux, des légendes circulent autour de sa maison, et il se peut que, chez quelques-uns de ses concitoyens, on l’accuse sérieusement d’avoir mangé du bourgeois, ce qui serait dam tous les cas aussi vrai que le fameux dîner de charcuterie, chez Sainte-Beuve, un vendredi saint, dîner qui, sous la plume de journalistes bien informés, mais surtout bien inspirés, a fini par devenir une intolérable « scie ».


     

    Enfin, pour contenter les gens qui veulent toujours avoir des détails particuliers, je leur dirai qu’il boit, mange et fume absolument comme eux : qu’il est de haute taille, et que, lorsqu’il se promène avec son grand ami Yvan Tourgueneff, ils ont l’air d’une paire de géants. »


     


     

  • Hannibal, de Zakya Daoud

    Hannibal

    Quatrième de couverture

     

    Né en 247 avant J-C à Carthage, près de l’actuelle Tunis, Hannibal, élevé dans la haine de Rome par son père Hamilcar Barca, consacra sa vie à la combattre.

    C’est lui qui déclenche la deuxième guerre punique qui durera de -218 à – 201. Après une traversée légendaire des Alpes, il envahit l’Italie où il remporte sur les Romains des batailles qui l’on fait comparer à Alexandre Le Grand.

    Son écrasante victoire à Cannes le porte au faîte de sa gloire avant qu’il ne rencontre un adversaire à sa mesure en la personne de Scipion l’Africain qui finit par l’emporter à Zama.

    La deuxième partie de son existence – il meurt en -183 – est marquée par une brillante activité réformatrice, précédant l’errance de l’exil.

    Menacé d’être livré aux Romains, il choisit de mettre fin à ses jours.

    Dans ces pages sensibles, l’auteur dépeint non seulement l’incomparable chef de guerre mais aussi l’homme politique oublié, dont les buts étaient de dessiner une nouvelle géopolitique de la Méditerranée incluant la Rome naissante, et montre comment, malgré ses échecs, ils est devenu un mythe qui a perduré à travers les siècles.

     

    … Cannes est située dans la région des Pouilles, en Apulie dans le Sud Est de l’Italie et la célèbre bataille du nom de cette cité de la région des Pouilles (qui soit dit en passant fut un chef d’œuvre de stratégie militaire conçu par Hannibal, prise pour modèle dans les écoles de guerre jusqu’à la seconde guerre mondiale) eut lieu le 2 Août – 216 et fit environ 50 000 morts dont la plupart Romains…

    Zama où se sont affrontées les armées Romaines dirigées par Scipion l’Africain et le roi Numide Massinissa d’une part, et les armées Carthaginoises dirigées par Hannibal Barca, d’autre part ; est située dans le Nord Ouest de la Tunisie, et la bataille de Zama eut lieu le 19 octobre -202.

    Cette bataille, perdue pour les Carthaginois, mit fin à la deuxième guerre punique qui avait commencé en -218.

    À cette époque vers -202, les Romains avaient débarqué en Afrique depuis la Sicile, au Cap Bon extrémité de la Tunisie et sur la côte jusqu’à Sfax ; repris les possessions Carthaginoises en Espagne (au sud de l’Ebre)… Et dès même sa longue marche de Carthagène (sud est de l’Espagne) jusqu’en Italie par les Alpes (80 000 hommes au départ en mai -218) et à plus forte raison lors de sa traversée de l’Italie et des batailles qu’il mena contre les Romains en Italie, Hannibal ne fut pas soutenu par Carthage où dominait Hannon et sa « clique » de possédants grands propriétaires aristocrates décideurs, contre le parti des Barca qui lui soutenait Hannibal, un parti « plus en faveur de la démocratie » si l’on veut…

     

    Lorsque débuta la première guerre entre Rome et Carthage, en -264, les deux cités avaient autour d’elles déjà, tout un territoire où elles exerçaient l’une et l’autre leur influence et leur domination.

    Rome sur les deux tiers de l’Italie depuis le nord des Appenins jusque vers le sud (en fait la partie centrale de l’Italie)

    Carthage sur la partie nord et nord ouest de la Tunisie, le long de la côte méditerranéenne de Tunisie jusqu’en Lybie Cynéraïque, puis les régions situées en Afrique du Nord depuis la dorsale tunisienne (extrémité de l’Atlas) : Numidie, Berbérie, jusqu’au Maroc… Et ensuite à l’époque d’ Hamilcar puis d’Hannibal, dans la péninsule Ibérique : andalousie, sud est méditérranéen, jusqu’à l’Ebre…

    L’État Romain dès le 3ème siècle av JC, alors qu’il ne dominait encore que sur la partie centrale de l’Italie, était – bien plus que ne l’était Carthage – un état unifié, de peuples acquis à la romanité, alliés et fidélisés dans un système économique, social et politique qui, en quelque sorte les rendaient dépendants de l’autorité centrale (pour les avantages qu’ils en retiraient et dont ils ne pouvaient se passer)…

    L’on ne pouvait en dire autant, à cette époque, de l’empire Carthaginois, très disparâtre, constitué de peuples soumis « à la dure » alliés occasionnels mais souvent révoltés et passant dans un autre camp, tels par exemple les Numides…

     

    Première guerre punique : - 264 jusque -241, soit 23 ans

    Deuxième guerre : -218 jusque -201, soit 17 ans

    Troisième guerre : -149 jusque – 146 (destruction et disparition de Catthage), soit 3 ans…

    Cent dix huit ans en fait, de conflit entre Rome et Carthage.

     

    … L’Histoire (la « grande Histoire générale ») s’est en quelque sorte « jouée » en ce qui concerne le devenir de la civilisation Européenne depuis l’antiquité Grecque, Égyptienne et Romaine (précédée par la civilisation Égéenne de -3000 à – 1200)… Durant ces 120 années au cours desquelles Rome et Carthage se sont trouvé en opposition frontale et donc en guerre…

    Peut-on « imaginer » si cela est possible, quelle aurait été l’Histoire, si Carthage avait « eu le dessus » ?

    Certes, les deux mondes ou deux civilisations, Rome et Carthage, étaient fondées autant l’une que l’autre sur la domination par les aristocrates, les patriciens, les riches propriétaires, la bourgeoisie aisée, dont les personnages les plus influents étaient « aux commandes » dans les sénats, les gouvernements, les plus prestigieux des postes de l’état…

    Cependant, dans le monde Romain, bien plus que dans le monde Carthaginois ; le « principe de relation » entre les différents corps sociaux, entre les peuples alliés ou soumis et les autorités au pouvoir, « contrebalançait » (dans une certaine mesure) – si l’on peut dire – la domination « pure et dure »…

    Hamilcar et Hannibal, du parti des Barca à Carthage, opposé au parti des Hannon, ont tant soit peu contribué à essayer d’instaurer une politique, un « système », une structuration de la société Carthaginoise « éclatée et diversifiée et seulement unie dans l’opportunité » « plus démocratique »… Ils n’y sont pas parvenu et c’est l’une des raisons parmi d’autres, de la défaite finale de Carthage… Et de l’essor de Rome…

     

     

     

  • Venise à l'heure du spritz

    Venise

    ... De Jean Pierre Poccioni, écrivain et romancier, Serge Safran Éditeur, roman paru en mai 2023

     

    … « Pour qui n’a pas le pied marin Venise enseigne par la pratique du vaporetto l’art d’embarquer imperceptiblement. »… ( Incipit ) …

    « Incipit » : premiers mots, première phrase d’un roman, d’un récit, d’une nouvelle ; cette première phrase mettant en place le cadre de l’histoire… ( l’excipit désignant à la fin du roman, du récit, de la nouvelle, le moment où l’histoire se termine )…

     

    Défenseur – et amoureux passionné – de la langue française… En dépit – parfois- de « quelques entorses » faites (délibérément il est vrai) à l’ intransigeance qui est la mienne en matière de langage autant écrit que parlé… Et aussi de « quelques tournures ou formulations tout à fait personnelles, de mots inventés, d’emploi « abusif » de guillemets, de points de suspension, et autres « bizarreries » … Qui ne sont point, dis-je des « effets de langage », rien de plus que des « formulations personnelles » - qui « valent ce qu’elles valent » (rire)…

    À la lecture du livre de Jean Pierre Poccioni « Venise à l’heure du spritz » je ne puis qu’adhérer pleinement à l’écriture de Jean Pierre Poccioni dont j’ai lu, sauf un, tous les livres…

    En effet, avec Jean Pierre Poccioni, pas d’« entorses » (ni délibérées ni par méconnaissance et non maîtrise de la langue française)… Pas de mots inventés, pas de « bizarreries », pas d’abus de quoi que ce soit… Autrement dit « une pureté absolue » ou – si l’on veut- « un travail d’orfèvre soucieux de la beauté, de la finesse, de la qualité, de la pureté de ce qui est produit…

     

    J’en reviens à ce moment où Paul Manonni séjournant avec sa femme Sylvie à Venise, emprunte le vaporetto afin de se rendre à Murano (sans sa femme qu’il vient de quitter) : ayant moi-même entre le 20 et le 25 septembre 2010 à Venise emprunté un vaporetto ; effectivement lorsque l’on prend place dans un vaporetto à Venise, c’est comme si l’on se trouvait à bord d’une montgolfière, les pieds posés sur le plancher de la nacelle (impression de stabilité, de se trouver « sur le plancher des vaches »)…

     

    D’ordinaire « par les temps qui courent » les longues phrases dans un texte écrit, que ce soit dans un roman, dans un récit, et à plus forte raison sur Internet dans les blogs et dans les productions (les « posts ») sur les réseaux sociaux… Ne font guère loin s’en faut, l’unanimité et incitent à « zapper vite fait »…

    Jean Pierre Poccioni cependant, nous montre dans les livres qu’il écrit, en particulier dans « Venise à l’heure du spritz », qu’il est tout à fait possible de rédiger de longues phrases ne nécessitant point de devoir faire un « gros effort de lecture », tant la la fluidité, tant la clarté sont évidentes, ce qui facilite la lecture…

     

    Dans plusieurs scénarios imaginés – et possibles – la question de la réalité et de la fiction se pose, dans la mesure où une sorte d’« espace frontière » ne peut être vraiment déterminé entre réalité et fiction…

     

    Enfin pour le spritz – si cela vous dit- :

    75ml de Prosecco, un vin blanc Italien pétillant (ou équivalent)

    50ml de Campari (pour l’amertume) ou d’Apérol

    50ml d’eau de seltz ou d’eau gazeuse

    3 glaçons

    1 tranche d’orange

     

    … Et… Selon l’humeur du moment… « Quelques réflexions existentialistes ou autres dans une « cité monde » de 2023 dont on suppose ou appréhende une évolution difficile et incertaine en gardant quelque espérance… En compagnie – si possible – d’un ami ou d’une amie… Autour du verre…

     

     

  • L'univers à portée de main, de Christophe Galfard

    Univers

    … Une odyssée cosmique, actualisée selon les dernières découvertes, avant que n’ait été lancé dans l’espace le télescope James Webb… Qui permet, depuis juillet 2022, de s’approcher à moins de trois cents millions d’années lumière des origines de l’univers, du moins de l’univers que nous connaissons, à savoir celui que nous observons depuis la Terre notre planète, déjà à l’œil nu en regardant le ciel nocturne, et ensuite grâce aux télescopes les plus perfectionnés…

    Soit dit en passant, depuis une planète qui serait une « planète sœur «  de notre Terre, dans la galaxie d’Andromède ou dans une galaxie très lointaine, l’univers observable serait exactement le même, mais bien sûr, « vu » depuis le lieu de son observation…

    L’on peut donc « imaginer », par exemple, l’univers visible, tel qu’il apparaît depuis un monde de type terrestre, d’un système de type solaire, de la galaxie d’Andromède : la Voie Lactée, galaxie spirale située à deux millions et demi d’années lumière, toute petite dans le ciel nocturne d’une planète de type terrestre…

    Ainsi, les représentants d’une espèce intelligente, « habitants » d’une planète de type terrestre, n’importe où dans le cosmos, auraient l’impression et « croiraient-ils dur comme fer » que leur monde ou leur « Terre » est au centre de l’univers… À moins qu’ils ne soient bien plus avancés que nous dans la connaissance de l’univers et dans leurs technologies, découvertes…

     

    Docteur en physique théorique, Christophe Galfard a co-écrit avec Stephen Hawking son directeur de thèse à Cambridge : « Georges et les secrets de l’univers »…

     

    Cet ouvrage « l’Univers à portée de main » est accessible à tous, mais demeure cependant, à le lire, un ouvrage scientifique… Notamment lorsque Christophe Galfard explique dans son livre ce qu’est la physique quantique (l’étude du comportement des atomes et des particules et de leurs propriétés selon d’une part les lois physiques connues et d’autre part selon des lois ou principes différents et dépendant d’un environnement particulier autre que les environnements que nous pouvons observer ou connaître)…

     

     

     

  • Tout le bleu du ciel, de Mélissa Da Costa

    Tout le bleu du ciel

    … La plupart des romans de « Grand Public » sont en général des romans dont les contenus, les thèmes, les scénarios, les trames, sont des histoires, des situations, assez courantes, dramatiques, émouvantes, comiques pour certaines, ou « mélodramatiques » et qui, certes, selon les sensibilités de chacun, peuvent avoir un intérêt, et donc, des lecteurs en plus ou moins grand nombre selon l’impact du livre, de l’histoire…

     

    Récits, romans de fiction, de terroir, d’aventure ; sur fond historique ou d’actualité, ce ne sont, même s’ils sont « très bien écrits », jamais ou presque jamais des « œuvres de littérature » en ce sens que ces œuvres de roman, de récit, sont plutôt des ouvrages que des œuvres, c’est à dire des ouvrages d’écriture qui reproduisent tout ce qui ressort du monde, du quotidien de vie des gens, de la diversité des situations…

     

    Ce livre « Tout le bleu du ciel », de Mélissa Da Costa, en tant que « roman grand public », diffère par ce qu’il présente et raconte, de la plupart des autres romans de grand public…

    Il nous fait comprendre dans un récit vivant, dialogué, où sont présentés et décrits des personnages hors du commun pour certains et ordinaires pour d’autres (ordinaires parce conditionnés dans un ordre du monde fondé sur les apparences) ce qu’est l’autisme, ce qu’est l’atteinte dite d’Alzheimer, ces deux affections dans leur développement, leur manifestations, dans ce que cela implique pour les proches en particulier, ainsi que pour les amis et les connaissances…

     

    Mélissa Da Costa imagine un jeune homme de 26 ans, atteint d’un « alzheimer précoce »…

    Presque tout le monde en effet, croit que « alzheimer ne peut affecter que des personnes âgées de plus de 60 ans – surtout essentiellement des personnes de plus de 85 ans…

     

    Selon le neurologue Alain Robillard, une jeune femme, Violette Turgeon-Provost, 27 ans, serait – à sa connaissance en 30 ans d’exercice de sa profession et de son expérience de médecin neurologue – la seule personne au monde, de moins de 30 ans, atteinte d’alzheimer…

    Actuellement en France, cependant, 33 000 personnes de moins de 60 ans, souffrent (et vont mourir) de la maladie d’alzheimer, dont quelques unes âgées d’une trentaine d’années…

     

    Les quelques commentaires dont j’ai eu connaissance au sujet de ce livre, portent sur la relation qui s’établit entre Émile, le jeune homme de 26 ans atteint d’un alzheimer précoce, et Joane, la jeune femme qui accompagne Émile dans son voyage…

    Mais apparemment, ces commentaires ne semblent faire que peu de cas du petit Tom, autiste, qui meurt accidentellement à l’âge de 3 ans…

    C’est dire si l’autisme est encore en France, une affection mal connue, et surtout mal perçue…

     

     

  • Une histoire des civilisations

    Une histoire des civilisations

    … Sous la direction de Jean Paul Demoule, Dominique Garcia, Alain Schnapp ; comment l’archéologie bouleverse nos connaissances, 1er tirage 2018, 589 pages avec illustrations, documents, images, photos ; 32 euros…

     

    De tous les ouvrages que j’ai lus, relatifs à l’histoire des civilisations, c’est le plus sérieux, le plus fiable, et le plus actualisé en regard des connaissances en la matière et des plus récentes découvertes…

    De surcroît, par comparaison avec d’autres ouvrages traitant d’histoire de civilisations, nous sommes là dans une vision scientifique, c’est à dire que très peu de place est accordée aux mythes, aux légendes, aux représentations, symboles, objets de culte, et autres « sorcelleries ou magies » et de tout ce qui fonde l’imaginaire des peuples à propos de leurs origines…

     

    De toute l’Histoire humaine depuis les plus lointaines origines, c’est la préhistoire (jusqu’à la fin du Paléolithique Supérieur il y a de cela environ douze mille ans) qui est la période la plus longue mais aussi et surtout la plus complexe, la plus difficile à étudier… Et cela pour une raison essentielle : les sites explorés, bien que de plus en plus nombreux aujourd’hui, sont encore très sporadiques, et toujours en petit nombre, disséminés en Afrique de l’Est et du Sud, au Moyen Orient, dans les Balkans et le long d’un axe en gros, du centre sud de l’Europe jusqu’en Chine en passant par le sous continent Indien, l’Indonésie… En ce qui concerne les découvertes d’ossements, de crânes, d’objets en pierre taillée datant d’époques où Erectus, puis Néandertal et Sapiens étaient présents en Eurasie…

     

    Il y a dans le fait que Sapiens, après la disparition d’Erectus (Erectus et associés) il y a 150 000 ans (Erectus a tout de même occupé la « scène du monde » durant près de 2 millions d’années) et après la disparition des Néandertaliens il y a 25/30 mille ans ; soit depuis – 25 000, le seul représentant du genre Homo… Un sujet d’interrogation, de quoi nous interpeler…

     

    Plus on « remonte dans le temps » jusqu’aux Australopithèques et aux Paranthropes, et plus la diversité des « genres » ou « sortes de familles » ou « espèces d’hominines » est importante, et cette diversité décroît considérablement à partir de l’arrivée d’Erectus, de telle sorte que vers -150 000, Sapiens présent depuis -195 000 « voisine » avec Erectus durant presque 50 000 ans, en Afrique et en Eurasie ; et « voisine » également avec Néandertal ( en Europe ) entre -45 000 et – 25/30 000…

    L’archéologie demeure dépendante du nombre de sites explorés, ce qui implique une somme de connaissances acquises encore très fragmentaire et forcément incomplète, et des découvertes à venir qui viendront certainement bousculer voire infirmer tout ce qui est acquis…

     

    C’est à partir de l’écriture (à l’origine des signes) qu’a pu se conserver le document et donc le texte , le récit, et qu’en conséquence l’Histoire peut être mieux connue.

    Par exemple dans le « monde Égéen » ( de -3000 à -1200) avec Mycènes et la Grèce continentale, l’Egypte des Pharaons, le royaume Hittite (Anatolie), l’empire du Mitanni (nord de L’Irak et Syrie actuels) et l’empire Babylonien ( entre le Tigre et l’Euphrate l’Irak actuel) – les cinq « grandes puissances » de l’époque - il existait pour le commerce, les échanges, l’art, la littérature, la transmission des savoirs, une langue commune parlée et surtout écrite : l’Akkadien (des milliers de tablettes d’argile découvertes lors de fouilles, dans tout l’espace du monde Égéen, sur lesquelles les textes sont rédigés en Akkadien)…

     

    Ce sont – mais pas seulement – les différentes et successives techniques de la taille de la pierre, qui ont – en partie – déterminé l’évolution de l’intelligence (capacités cognitives) chez les Hominines…

    L’on a longtemps cru que seules, les espèces du genre Homo (Habilis, Ergaster, Erectus, et à plus forte raison Néandertal et Sapiens, avaient la capacité d’élaborer des techniques de taille de la pierre et cela dans une intention manifeste…

    Il a été prouvé récemment, que, lors de découvertes de bifaces, en Afrique, des Australopithèques et des Paranthropes, avant Habilis, Ergaster et Erectus, ont été capables de tailler des pierres qu’ils avaient préalablement choisies, dans une intention manifeste… Ce que ne font pas les grands singes, les gorilles, les chimpanzés et ne faisaient pas leurs ancêtres primates non Hominines, qui eux, utilisaient des galets, des cailloux, des pierres, par opportunité, sans aucun travail effectué sur ces pierres…

    Mais en ce qui concerne des objets fabriqués, ou des représentations imagées (peintures sur des parois de caverne), seuls les Sapiens (et dans une certaine mesure les Néandertaliens) se sont exercé à ce qu’il est convenu d’appeler l’art figuratif (Pariétal et mobilier) …

     

    L’âge de la pierre taillée, qui commence avec les Australopithèques et les Paranthropes, finit (en plusieurs millénaires) avec l’âge du Bronze dont l’apogée de cet âge se situe entre – 3000 et – 1400 « premier âge du fer ».

    L’âge de la pierre taillée se succède en plusieurs cultures successives, la plus ancienne étant l’Oldowayen caractérisé par des techniques de taille très rudimentaires , suivie par l’Acheuléen (technique de taille plus élaborée)…

    L’Oldowayen est présent en Afrique et en Eurasie, mais l’Acheuléen en Eurasie avec l’arrivée de Sapiens en Europe et ces sont ces deux cultures qui précèdent les cultures suivantes nettement plus élaborées avec l’Aurignacien (-39000/-30000) puis le Gravettien (-28 000/-23000) puis le Solutréen (-22000/-17000) et enfin « le summum » avec le Magdalénien ( -16000/fin du Paléolithique Supérieur début du Néolithique)…

     

    Les Aurignaciens (des Sapiens) n’étaient pas « si rudes que ça » il faut croire, puisqu’ils ont réalisé des peintures sur parois de cavernes, au charbon de bois, de Rhinocéros (grotte de Chauvet, Ardèche, datation -36000)…

     

     

  • Histoire d'un paysan, d'Erckmann Chatrian

    Histoire d un paysan 1

    … Dans la collection « contes et romans nationaux et populaires, ce livre, ici, de poche en 5 volumes tel que l’on en voit la couverture, existe en 2 grands volumes reliés en triple frappe dorure pâte rouge bordeaux et à froid sur un cuir bleu ardoise grainé mouton du cap.

    Les fers sont gravés ont été gravés par Michel Vincent. Cette reliure a été exécutée par les compagnons relieurs doreurs pour le compte de Tallandier éditeur à Paris depuis 1865.

    Ce sont ces deux livres, dans cette reliure, que je lis ces jours ci, comportant chacun 550 pages d’un papier blanc de très bonne qualité, avec toutes les dix pages environ, des illustrations (dessins à l’encre)… Livres que j’ai trouvés dans un vide grenier, pour un prix proposé par l’exposant, qui m’a paru bien inférieur à ce qu’il aurait du être…

     

    À la lecture de ce livre, Histoire d’un paysan, d’ Erckmann Chatrian, qui raconte 1789 les états généraux, la patrie en danger, puis l’An I de la république et le citoyen Bonaparte ; comme étant écrit par un jeune paysan de Lorraine, de Phalsbourg, engagé dans l’armée de la République après le 10 août 1792, témoin de son temps - les détails de la vie au quotidien ne manquent pas ! - je ne puis que prendre encore plus conscience de la dimension historique qu’a prise cette époque, de 1789 à 1795, d’abord pour notre pays, la France, puis pour l’Europe et par extension, après la guerre d’indépendance menée par les insurgés des 13 colonies britanniques de la côte Est de l’Amérique du Nord, au-delà de l’Europe et des océans…

     

    C’est bien en effet, la Révolution Française, précédée de la guerre d’indépendance des Insurgés en Amérique, puis les retombées et l’impact qu’ont eu en Europe et au-delà même de l’Europe, ces événements s’étant produits à la fin du 18ème siècle ; qui ont été à l’origine si l’on peut dire, de la civilisation occidentale dans sa nouvelle orientation fondée sur les droits de l’homme, sur la démocratie, en somme la civilisation occidentale dans sa version modernisée – ou si l’on veut « revue et corrigée »… Depuis la décennie 1790/1800…

     

    Avant 1789, la civilisation occidentale existait dans sa version « ancienne », d’Ancien Régime , Catholique et Chrétienne, conquérante, technologique, industrielle, avec ses capitaux et ses armées, sa marine de guerre et de conquête ; des rois, des princes, des royaumes, des empires, de l’aristocratie et des populations des villes et des campagnes, surimposées, surexploitées, maintenues dans l’ignorance, dans les superstitions et dans la soumission…

     

    Dans sa version moderne depuis 1789, la civilisation occidentale – en gros l’Amérique du Nord dont les populations actuelles sont issues en majorité de l’Europe et des pays Africains (esclavage) ; toute l’Europe de l’Ouest et du centre et du nord et du côté Europe du bassin méditerranéen, et l’Australie, et l’Afrique du Sud blanche et noire – a encore longtemps été une civilisation dominante sur la planète (et l’est encore quoique contestée et concurrencée) notamment durant le 19ème siècle et une partie du 20ème, avec les « empires coloniaux » et l’exportation diffusion de sa culture, de son christianisme (catholicisme), de ses modes de vie, de sa vision du monde et de la société en somme…

     

    Cet an I de la République, en fait depuis la prise du château des Tuileries le 10 août 1792, l’institution de la République le 22 septembre 1792 avec la Convention, jusqu’au 9 thermidor (27 juillet 1794), fut une période très difficile et très incertaine…

    En effet, la France républicaine et révolutionnaire, durant cette période d’un an, fut prise en étau entre les armées et puissances étrangères (l’Autriche, la Prusse, l’Angleterre, l’Espagne et les états allemands) et la résistance intérieure (régions rebelles combattant les armées de la Convention et la République, telles la Vendée, les pays de l’Ouest jusqu’à la Normandie, le sud est provençal et méditerranéen, le Lyonnais )… D’où la « patrie en danger », le comité de Salut Public, la Terreur, l’issue au départ, défavorable, des combats aux frontières Nord et Est de la France, menés contre les armées étrangères (surtout celles de l’Autriche) ; ainsi que des combats menés dans les régions rebelles en France même, contre les « ennemis de l’intérieur »…

    Ces hommes du Comité de Salut Public, de la Convention, en 1792, 1793 et 1794, avec l’appui d’une partie du peuple, quoique l’on puisse leur reprocher (la violence, la guillotine, les exterminations de populations en Vendée et dans d’autres régions en France, enfin toutes ces atrocités dans une guerre civile), si l’on se place dans le contexte de l’époque, de si grand péril pour la République Française, furent – j’ose le dire et l’assume – des hommes nécessaires aux commandes du Pays, à l’époque… Sans eux, sans les décisions qu’ils ont prises, sans leurs armées de citoyens tant aux frontières qu’à l’intérieur du pays, ç’en était fait de la Révolution, de la République, et deux siècles plus tard, nous en serions encore dans la civilisation occidentale version antérieure à 1789…

    Certes, tous ces massacres, guillotinades et exterminations – plus de 200 000 morts en Vendée et pays de l’Ouest, avec les villages brûlés… Je le déplore, oui, je le déplore… Mais… Je ne condamne pas la Terreur, Robespierre, Saint Just, Couthon, le Comité de Salut Public !

    Et de même de nos jours, bien que je ne sois guère un aficionado de la civilisation occidentale à cause de ses dérives (tout de même il faut le dire, fondée sur les droits humains et sur la démocratie – bien que souvent servant de façade) , à choisir si c’était absolument nécessaire de choisir, je défendrais et appellerais à défendre cette civilisation occidentale (même dans l’état où elle est) !

     

    « Petite question » : Est-ce qu’aux Etats Unis d’Amérique, au Canada, en France, aux Pays Bas, en Allemagne, en Italie, en Hongie, en Pologne, en Belgique, en Angleterre, en Australie, en Afrique du Sud, en Espagne… Enfin dans n’importe quel pays faisant partie de l’Occident politique économique social mode de vie culture… Est-ce qu’on pend, fusille, guillotine, condamne à mort un anarchiste, en 2022 ? Réponse : « au pire – et c’est d’ailleurs ce qui se pratique – on le zappe !

     

    En revanche, chez Poutine, chez Erdogan, chez Xi Jinping, chez Kim Jong-un, chez Ebrahim Raïssi ; l’anarchiste il est soit pendu soit enfermé dans un goulag !

     

     

  • La Seconde Chance, de C. Virgil Gheorghiu

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    … Livre paru à la fin de l’année 1952.

    L’auteur nous raconte dans ce roman, ce qui s’est vraiment passé entre 1930 et 1950 dans les pays de l’Est Européen alors dominés par l’idéologie communiste totalitaire dont le dessein était de « transformer la société » et de faire de la personne humaine non plus un individu libre mais un élément de la collectivité n’ayant plus la possibilité de se détacher ou de se démarquer de la collectivité…

    Et en même temps, dans cette même époque de 1930 à 1950, l’auteur nous raconte ce qui se passe également dans les autres pays européens (Espagne, Italie, Allemagne) ainsi que dans plusieurs pays de l’Est dont la Roumanie, où le fascisme -et même le libéralisme – écrase, persécute, conditionne, avilit l’individu, tout cela dans un contexte d’épurations ethniques, de contrôles et de filtres de flux migratoires, d’investigations policières, de contraintes administratives, d’obligations à se munir de documents justificatifs de ceci, de cela, de toutes sortes de dispositions prises par les gouvernements, sans cesse évoluant au gré des volontés des dominants, des politiques du moment…

    Du mauvais côté des barrières, de toutes les barrières, autant de celles du communisme totalitaire que celles du fascisme et même de celles des démocraties libérales où dominent les puissances d’argent et les classes sociales dirigeantes ; l’on trouve des juifs, des chrétiens, des musulmans, des athées, des sans logis, des errants, des « venus d’ailleurs », des « sans papiers », et même, dans les pays de l’Est Européens affiliés au communisme, et même en URSS (dans l’URSS Stalinienne), des communistes convaincus qui, à un moment donné, n’ont « pas compris » ou « se sont écartés tant soit peu de la Ligne » ou « se sont fourvoyé, ont cru que... »…

    Et, ce mauvais côté de la barrière, il est vraiment effrayant : il est fait de camps de baraques en planches ceints de barbelés, de prisons, de bagnes, de déportations, de ghettos, d’interdictions de circuler, de se rendre dans certains lieux publics, de contrôles renforcés, souvent contradictoires, absurdes, fréquents, dans les gares, les ports, les rues, les cafés, les théâtres, les salles de sport, les jardins publics…

    Il n’a manqué, à cette époque là, de 1930 à 1950, en Europe et en URSS – et en Amérique (USA) ce n’était pas mieux question racisme et ségrégation sur fond de crise économique – lire « Les raisins de la colère » de John Steinbeck… Il n’a manqué que les Data Center, l’informatique, le numérique, l’internet, tout ce qui est « cyber – quelque chose », les satellites géostationnaires, les caméras de vidéo surveillance, les logiciels espions, toute la « neunœillerie » du 21ème siècle…

    En somme, le monde de 1950 encore impacté par tout ce que les années de guerre avaient apporté en Europe… Était comparable – peut-être en pire – au monde de 2022… (Pour le pire de ce que l’on voit aujourd’hui, nous n’en sommes pas encore tout à fait, cependant, au même point que celui du mauvais, très mauvais côté de la barrière, de 1930 à 1950, barrière au-delà de laquelle les gens « mouraient comme des mouches » )…

     

     

  • Anéantir, de Michel Houellebecq

    Aneantir

    … « Dès qu’on commence à réfléchir ça va toujours dans le même sens, pas seulement sur le plan sentimental d’ailleurs, la réflexion et la vie sont tout simplement incompatibles. »

     

    Sur le plan sentimental, réfléchir est oui, possible, mais à mesure que se poursuit la réflexion, ce sur quoi la réflexion s’articule, par exemple sur de l’empathie que l’on éprouve pour une personne en particulier ; la réflexion alors, perd une grande partie de son sens, sinon même jusqu’ à la quasi totalité de son sens, puisqu’elle se fait dans un imaginaire, dans une « vie en soi » que l’on porte et dont on dépend…

    Il en est de même dans tous les autres domaines de la vie : la réflexion est dépendante d’un imaginaire, d’une vie intérieure portée en soi, et à cela s’ajoute tout ce qui vient d’en dehors de nous, qui nous influence.

    Ainsi la vie réelle telle qu’elle est, à l’état brut, n’est donc pas compatible avec la réflexion que l’on se fait en soi, des choses et des êtres tels que l’on les perçoit… Elle ne pourrait l’être, compatible, la vie réelle, avec la réflexion, que si la réflexion pouvait s’accomplir libérée de toute influence, de toute apparence, de toute vie intérieure portée en soi… Mais alors, de quelle « réflexion » pourrait – il bien s’agir ? Peut-être une « réflexion animale » telle que pourrait l’exprimer – par ses yeux, par son comportement - un être non humain, des choses et des êtres vivants qui l’entourent…

     

    Anéantir est un roman sur le thème d’un monde en déclin, sombre et tragique ; mais dans lequel cependant surgissent des moments de grâce et de bonheur…

    L’une des vocations – si l’on peut dire – de la littérature, du roman en particulier, de l’écriture, de la poésie, et plus généralement de toute expression artistique (peinture, dessin, sculpture, photographie…) est de restituer l’expérience humaine dans ce qu’est cette expérience durant la traversée de l’existence, mais de présenter une restitution dans ce qu’il y a d’unique en chacun des personnages réels ou fictifs, de drôle, de tragique, d’inaccompli quoi qu’il soit réalisé… Tout cela, autant que possible sur une note parfois intentionnellement accentuée, d’humour et – ou – de dérision…

     

    Michel Houellebecq est un auteur au sujet duquel les avis sont très partagés. Pour ma part, je partage autant les avis de ses détracteurs que les avis de ses adeptes et fidèles lecteurs. Il est l’un des rares auteurs dont j’ai lu par exemple 4 livres sur 5, je crois même que je les ai tous lus, les livres de Michel Houellebecq – je n’en dis pas plus…

    Ce sont ses formulations, « bien à lui » qui m’interpellent ; oui j’adhère à son écriture (même si je ne place pas son écriture au « pinacle » du fait de « quelques abstractions et lourdeurs »)…

     

    Un extrait :

     

    "Ils avaient décidément merdé, se dit-il, ils avaient collectivement merdé quelque part. A quoi bon installer la 5G si l'on n'arrivait plus à accomplir les gestes essentiels, ceux qui permettent à l'espèce humaine de se reproduire, ceux qui permettent aussi, parfois, d'être heureux. Il redevenait capable de penser, sa réflexion prenait même un tour presque philosophique, constata-t-il avec dégoût. A moins que tout cela ne relève de la biologie, ou de rien du tout, il allait retourner se coucher finalement, c'était la seule chose à faire, sa réflexion était condamnée à tourner à vide, il se sentait comme une boîte de bière écrasée sous les pieds d'un hooligan britannique, ou comme un bifteck abandonné dans le compartiment légumes d'un réfrigérateur bas de gamme, enfin il ne se sentait pas très bien." ("Anéantir", page 367)


     

     

  • Brève histoire des origines de l'humanité, d'Antoine Balzeau

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    … À tous les passionnés de Paléoanthropologie et des origines de l’espèce humaine – et de la vie – je conseille de lire ce livre qui vient d’être publié en février 2022, éditions Tallandier.

     

    L’évolution n’est plus ce qu’elle était selon ce qui avait été jusqu’alors présenté et qui prévalait même dans les milieux scientifiques au sujet des origines de l’humanité…

    S’il y a bien une part de vrai dans les « idées reçues », de nouvelles et récentes découvertes, avec l’aide apportée par la technologie, modifie et même infirme une assez grande partie de toutes les « idées reçues ».

    En effet, ce que l’on appelle « la lignée humaine » au sens d’une continuité, est devenu un « buisson d’humanité » autrement dit un ensemble d’arbustes, lui-même en tant qu’ensemble, mais inclus dans une sorte de forêt très vaste faite d’autres buissons et arbres…

    Des techniques d’investigation et d’analyses, novatrices, apportent des informations inattendues.

    Ainsi notre ADN a des fragments hérités des Néandertaliens mais aussi, par exemple entre bien d’autres, de Dénisoviens ; et ce sont en réalité des dizaines d’espèces qui ont coexisté en de mêmes époques ou en des époques différentes, avant ou après…

    Antoine Balzeau, paléoanthropologue au CNRS, spécialiste du cerveau humain, fait le point sur les modes de vie, les comportements et l’anatomie de nos ancêtres préhistoriques…

     

  • Le consentement, de Vanessa Springora

    Le consentement

    … Dans une relation pédophile entre un adulte et une fillette de 10 ans – ou une “presque jeune fille” de 13 ans ; le consentement (dont il est question dans le livre écrit par Vanessa Springora, et dont il est aussi question selon la loi censée protéger les mineurs des abus sexuels commis par des adultes, mais une loi semblant “admettre” la “relation consentie” en ne faisant pas état d’un âge précis - en dessous de 15 ans, donc, un garçon ou une fille de 10 ans peut être “consentant”?) … Loi “scélérate” à mon sens, puisqu’elle “admet” le consentement d’un enfant , et en ce sens, ne protège aucunement l’enfant ! …

    Le consentement me fait penser, dans le cas d’une relation pédophile entre un adulte et une fillette de 10 ans ou une “presque jeune fille” de 13 ans ; à des “sentements de con” exercés par l’adulte…

     

    Ainsi, cela ne serait rien d’autre que cela, le consentement : un sentement de con ! Et, en “extrapolant”, la verge d’un jeune garçon…

    En effet, se laisser sentir le con – et se le faire lécher -, pour une fillette de 10 ans ou une pré ado de 13 ans dont le père est absent, ou la mère irresponsable et “nulle” (parfois le père absent et la mère “nulle”)… Cela peut “combler” un défaut d’affection, un “manque”… D’où la relation qui s’établit entre un adulte étranger à la famille, ou proche de la famille qui n’est ni le père ni la mère, et l’enfant ou l’adolescent… Relation incestueuse ou pédophile…

     

    Pour un enfant ou pour un adolescent, ce qui est du domaine du rêve, du fantasme, de l’imaginaire, de l’idéalisation d’un “grand” ou d’un adulte et, lorsque cela arrive, une pulsion, une envie qui vient… Tout cela entrant dans une “intimité secrète et incommunicable”; doit demeurer du rêve et le rester. Aucun adulte, homme ou femme, ne peut, ne doit, en aucun cas, répondre à l’attente – implicite ou explicite – de l’enfant, du pré adolescent…

     

    Car la sexualité de l’adulte est naturellement différente de celle de l’enfant et du pré adolescent. D’ailleurs peut-on parler de “sexualité” pour un enfant ? Ce qui est équivalent à la sexualité, ou y ressemble, chez l’enfant, ne peut pas être défini par le terme même de sexualité…

    Toute la différence vient du fait de l’évolution de ce que ressent l’enfant avant de devenir un adulte. Au départ, il y a un environnement familial, de proches, de gens que voit l’enfant tous les jours ; une sorte de courant de sensibilité s’établit entre cet environnement de proximité, et la vie secrète, intime, incommunicable, de l’enfant…

    Ensuite, avec l’école, un environnement plus étendu, de copains, d’autres gens, forcément une évolution s’opère ; le rêve, les fantasmes, les envies, les inclinations de sensibilité, entrent dans une dimension élargie, un “report” ou une “transformation” se fait naturellement… dont le résultat c’est celui de la sexualité adulte…

    Il faut laisser naturellement cette “transformation”, cette évolution se faire, et donc, surtout ne pas la perturber ( la pédophilie et l’inceste sont des actes perturbateurs à la “transformation” (évolution)…

     

    Les pédophiles sont dans une négation totale de la différence de sexualité entre l’adulte et l’enfant.

     

    Dans le livre de Vanessa Springora, le “G.M” “célèbre écrivain quinquagénaire dans les dérives d’une époque (après mai 1968), dans la complicité et dans la complaisance des milieux littéraires et artistiques aveuglés par le talent et la notoriété, n’est autre que Gabriel Matzneff, né en 1936, et aujourd’hui âgé de 85 ans en 2021, vivant en solitaire, caché derrière de grosses lunettes, et abandonné par presque tous ceux qui l’ont jadis encensé, dans une ville d’Italie du Nord, ses livres ne faisant plus recette, ses éditeurs l’ayant lâché…

    Il avait été, après 1981, invité au palais de l’Elysée par François Mitterrand !

     

    Toute l’œuvre littéraire de Gabriel Matzneff, une cinquantaine d’ouvrages, romans, essais; mémoires, est axée sur ses relations sexuelles avec des jeunes de 13 à 16 ans, ainsi qu’avec des enfants de 8 à 12 ans, aux Philippines et dans des pays de “tourisme sexuel”…

    Une telle œuvre – non pas au nom de la morale et de l’éthique- ne peut cependant être détruite ou “autodafée”, puisque si c’était le cas, si l’on brûlait les livres de Gabriel Matzneff, ce serait nier que de telles pratiques sexuelles avec des enfants existent. Aussi, le monde, la société, tout un chacun, doit savoir, doit avoir connaissance de l’un ou l’autre de ces ouvrages. Cette terrible réalité ne peut être niée, l’on ne peut pas faire comme si ça n’existait pas!

    Les droits d’auteur devraient être captés, saisis entièrement, par l’administration fiscale, par l’état, et reversés pour l’aide aux victimes, en ce qui concerne les œuvres des écrivains pédophiles.

    Mais il est proprement scandaleux, révoltant, que ce type, aujourd’hui âgé de 85 ans, soit encore en vie, alors que tant de “belles personnes” ou “gens de bonne volonté” disparaissent avant d’atteindre l’âge de 60 ans…

     

    J’ai imaginé ce “scénario” pour un film de fiction genre horreur épouvante cruauté :

     

    Des commandos anti pédophiles agissant dans une illégalité bénéficiant de complaisance ou de silence sinon d’adhésion tacite, à la recherche de pédophiles notables, connus ou simplement repérés, organisant des rafles, des enlèvements, avec séquestration dans des caves où leur sont infligés “quelques supplices”, entre autres vrillage de crâne avec une perceuse électrique ou même vrillage avec une mèche de 6 ou de 8, du “zizi” ! Ou encore une montée au dixième étage d’un immeuble où l’un d’entre eux habite, un pédo devenu paralytique sur un fauteuil roulant… Les mecs du commando enfoncent la porte de l’appartement, et … “Toi l’assis, lève toi”… Il ne se lève pas le pédo infirme, bien sûr… Alors, deux des personnes du commando se saisissent du fauteuil avec le pédo dedans, ouvrent la fenêtre, et le balancent dans le vide depuis le dixième étage. Le pédo rivé à son fauteuil roulant s’écrase sur le trottoir, la scène est filmée en un document vidéo diffusé sur des réseaux sociaux… Pas de censure, pas de “levée de boucliers” en réaction à cette vidéo !

     

    La barbarie, avant d’être “réactive et vengeresse”, elle est d’abord et essentiellement le fait des barbares que sont les pédos et les violeurs de mômes… Quand elle est “réactive et vengeresse” la barbarie n’est plus de la barbarie (on va dire “éthiquement ou moralement parlant”, qu’elle est quand même de la barbarie, mais il y a une différence “assez nette” à mon sens)…

     

    Que l’on le veuille ou non, un monde “différent, autrement et meilleur”, ça passe par l’étape de la violence, une violence où l’on “ne fait pas dans la dentelle” contre l’injustice, l’ignominie, la prédation… Mais l’étape ne doit être qu’une étape, pas un “nouvel ordre à installer durablement, cependant !

     

     

  • Élise ou la vraie vie, de Claire Etcherelli

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    … Roman paru en 1967 aux Éditions Denoël, Prix Fémina même année 1967.

    Édité ensuite en 1973 chez Gallimard…

     

    Claire Etcherelli dans ce roman, évoque le climat qui régnait en France à la fin des années 1950 durant la guerre d’Algérie, le racisme ambiant à l’égard des Arabes Algériens venus occuper en métropole des postes de manutention dans les usines (de fabrication de voitures, souvent) ainsi que sur les chantiers de construction de bâtiments et de routes… Tenus pour “responsables” d’attentats, de violences et d’agressions, de “chapardages divers” et d’actes de délinquance… Mais surtout aussi, à l’époque, soupçonnés par les Autorités, par la Police, ainsi que par les Français, d’être sympathisants du FLN et des rebelles algériens “poseurs de bombes”…

    Avant 1962, année de l’Indépendance Algérienne, et cela depuis surtout après la 2ème guerre mondiale avec la Reconstruction et le “plein emploi” dans les entreprises et les usines ; de nombreux algériens, arabes, ou nord africains comme on les appelait communément, s’étaient installés en France dans ces régions industrielles et d’usines autour de Paris et de quelques grandes villes, habitant dans des “bidonvilles” ou dans des quartiers misérables, de logements insalubres… Ils constituaient une “main d’œuvre bon marché”, quoique bénéficiant d’aides sociales, d’allocations… au sujet des quelles on leur reprochait “quelques abus”…

    Après 1962, le flux migratoire s’est fortement accentué, venant de l’Algérie devenue indépendante mais gouvernée par des personnages corrompus… Je me souviens, quand j’avais 13 ans en 1961 et que j’étais en 5 ème au lycée Duveyrier à Blida, j’avais un copain arabe, l’un de mes meilleurs copains avec lequel nous passions les récrés en discutant de sujets d’actualité, de littérature, de philosophie (eh oui, à 13 ans ça peut arriver)… Il me disait : “quand on sera indépendants, ils vont nous mettre une république démocratique, mais ils vont se remplir les poches, les chefs, et nous, après, on sera aussi pauvres sinon plus que du temps de la France, et on sera obligés d’aller travailler en France, on n’aura pas de boulot ici!” …

    En lisant ce livre, j’ai réalisé à quel point il y avait comme une similitude entre cette époque de la fin des années 1950, et notre époque en 2021 : ce racisme ambiant à l’égard de tout ce qui vient des pays du Maghreb, du Moyen Orient, du Pakistan et de l’Afghanistan, des pays du Sahel Africain… Du fait de l’insécurité liée aux attentats, à la violence, aux agressions, tout cela sur fond d’islamisation radicale ou fondamentaliste… Certes le contexte événementiel n’est pas tout à fait le même aujourd’hui qu’en 1957, mais il y ressemble…

    C’est la “résonnance” de ce livre, dans notre vie d’aujourd’hui, qui m’interpelle et me questionne…

    Les Ordres de pensée et d’opinion, le “pour”, le “contre”, les arguments des uns et des autres, dès lors que l’on se démarque des partis pris, des préjugés, des crispations, dès lors que s’ouvre un espace de réflexion… Tout cela devient comme une image vue dans un kaléidoscope, une image qui surgit étirée, déformée, colorée, mouvante… Donc jamais figée…

    Il faut dire aussi que la “résonnance” de ce livre, en partie, tient à la sobriété, à la précision de l’écriture de Claire Etcherelli, dans les descriptions notamment de l’atelier, des postes de travail en usine et des conditions de travail, des situations de relation vécues par les gens de l’usine (de fabrication de voitures) entre eux et avec leurs chefs, avec les délégués syndicaux… Et entre “arabes et français”, entre hommes et femmes…

    En somme l’écriture dans ce roman, “bat” au rythme de tout ce qui bruit et se meut, dans l’usine et dans tout ce Paris de 1957/1958…

    Arezki, l’amoureux -Arabe Algérien – d’Élise, la jeune femme française, est un être délicat, peu disert, discret, un être avec lequel il est difficile de communiquer, totalement différent, de par sa personnalité, de ces camarades d’atelier arabes comme lui… L’un de ces êtres qui porte en lui, comme par miracle ou par hasard, une beauté intérieure d’âme, qui, en face et confronté à ce qui l’entoure, de banal, de commun, de ce monde de violence, de domination des apparences et de dureté dans la relation… Ne peut que le faire souffrir…

    Ces êtres là, dans le monde en lequel ils vivent, sont presque toujours des perdants…

    D’ailleurs la fin du livre est assez tragique… Tragique dans ce “certain ordre des choses” qui, en 1958 ou en 2021, est, somme toute, toujours “à peu près le même”…

     

    Page 276, ce passage :

     

    Boulevard Poniatowski se dressent ces bâtisses qui ceinturent Paris de leur laideur d’avant- guerre. Maisons antipathiques aux façades revêches, pierres ternes, ouvertures indécises, grandes cours intérieures privées de soleil, là vit toute une aristocratie ouvrière aspirant à la bourgeoisie. Foulée, broyée par l’indifférence, les idées reçues, la vie d’un Arabe est de quel prix ici? Le goût de l’ordre sue de ces maisons. On l’a refoulé, renvoyé là bas, dans la guerre.

     

    J’aime bien ce terme “d’aristocratie ouvrière”, pour parler de ces gens humbles, simples, exerçant ces métiers ou professions, activités jugés “non valorisants”, que l’on dit “sans culture” mais qui, comme dans la chanson de Pierre Bachelet “ont dans leur cœur le soleil qui leur fait défaut devant leur visage” (c’est pas tout à fait ça mais ça y ressemble)…

    Cette aristocratie là, c’est celle en laquelle je crois, profondément, viscéralement, de toute mon âme… Faite de bonté, mais aussi de dignité, et d’humilité… Et qui rarement s’exprime, parce qu’elle est toute entière dans ce qu’elle accomplit tous les jours qui la brise mais dont elle ne se plaint pas…

    Cela dit, certains aristocrates au sens propre du terme, peu nombreux il est vrai… Sont eux aussi de cette aristocratie là, du même genre que celle des gens simples, dignes…

    C’est bien de cela qu’il s’agit, du racisme, des discriminations, quoi qu’en pensent les méprisants, les condescendants, toute une foule d’hypocrites dont certains se prétendent anti racistes mais le sont, racistes, bel et bien… Il y aura toujours à un moment ou à un autre, quelque chose dans leur langage, et même dans leur regard, qui les trahira…

    Le racisme, à vrai dire, va bien au delà d’une question d’ethnie, de mode de vie, de couleur de peau…

    Le racisme s’inscrit dans une perception de la culture de l’autre, de la crainte que l’autre nous inspire…

    Le racisme s’inscrit dans une perception que l’on a, que l’on a adopté, d’une catégorie sociale que l’on se refuse à fréquenter, dont on méprise la manière dont elle vit au quotidien…

     

    … Malheureusement – et c’est d’autant plus dans la réalité du monde d’aujourd’hui, en France notamment – cette “aristocratie là”, celle des gens modestes exerçant des métiers et professions “non valorisants”, celle des “gens du commun”… Ne constitue pas, loin s’en faut, une majorité…

    Beaucoup de ces gens “aboient avec les loups” et contribuent par leurs habitudes de consommation, par l’acceptation du toujours plus facile et plus à leur portée, par le renoncement, par la paresse, par les habitudes, par l’indifférence, par le souci d’un confort relatif “de base”… À faire des loups, de plus grands prédateurs ; ils donnent en quelque sorte du “grain à moudre” aux méprisants, aux condescendants… Et des votes pour le Rassemblement National, et de ces “gilets jaunes” qui n’ont pas grand chose à voir avec les “oubliés du Système” dont ils font peut-être partie mais en “mettant en avant” d’autres revendications plus “individualistes”, et cela avec des crispations et un petit air de racisme ambiant mine de rien…

    Et ça, c’est pas de l’aristocratie !

    … On peut-être poète, rêveur, idéaliste… Mais cela n’empêche pas pour autant d’être dans le réalisme pur et dur qui consiste à “ne pas prendre des vessies pour des lanternes “ !

     

     

  • Le monde selon amazon, de Benoît Berthelot

    Amazon 1

    … L’on peut se procurer et se faire livrer ce livre en le commandant chez Amazon… Soit dit en passant… Ce qui est tout à fait dans la “logique” d’Amazon et de son patron “hors norme” Jeff Bezos, l’homme le plus riche de la planète…

    Le “monde selon amazon” est diamétralement opposé au “monde selon un certain Yugcib homme d’écriture sur la Toile”…

    “Yugcib” étant un anagramme réduit de mon prénom suivi de mon nom – avec les lettres m,e et s manquantes …

     

    Tout est à jeter, autrement dit le Bébé avec l’eau du bain, de ce “monde selon amazon”, il n’y a rien, absolument rien à “récupérer” de “bon”, de ce monde là, de celui des 14 “principes de leadership” ou “les 14 commandements” de Jeff Bezos…

    Déjà l’obsession client n’est autre qu’une relation – si on peut appeler cela comme ça – entre une intelligence artificielle sous l’apparence d’un humain (donc avec un visage que l’on peut voir, mais il faut dire un humain dépourvu de tout sentiment, de toute émotion) et un vrai humain avec des sentiments et des émotions, mais considéré – avec ses sentiments et ses émotions et jusqu’au tréfonds de sa personnalité définie en un profil – tel un “objet animé”, lequel “objet animé” est un “client”…

    Sans grande surprise l’on retrouve dans les 14 “commandements”, ce qui fait le fondement du management et de la formation d’un dirigeant, d’un gestionnaire, d’un employé, d’une équipe ; avec la mise en avant obsessionnelle de la performance, du résultat, du profit, du “chiffre d’affaire”, de l’efficacité, du meilleur rendement, du plus rapide, au moindre coût, de la capacité à s’investir jusqu’à mettre sous le paillasson sa vie privée, ses loisirs et activités personnelles…

    Il paraît – encore, en dépit d’une “certaine évolution des mentalités” notamment chez les “jeunes générations” – de trentenaires ou de quadras – que ce “mode de fonctionnement dans l’entreprise et dans un univers de concurrence” est “toujours d’actualité” – avec ses séances de training et de coaching …

    Enfin, c’est pas qu’il “paraît”, c’est certain! …

     

    Rien que ce mot là “client”, je l’ai toujours détesté ! Il me rappelle, à l’entendre, le temps où je travaillais à la Poste après que la dite Poste qui s’était appelée PTT (Poste Pététique dans mon jargon) est devenue la Poste -tout court, puis finalement La Banque Postale… Il y avait déjà dans les années 90, à la Poste pour la formation et le management des employés et des cadres, des séances de training, coaching, phoning, etc. … Et l’usager était devenu un client…

    “Client” ça me fait penser à de petits balanciers d’horloge de forme cylindrique et creux à l’intérieur, qui s’entrechoquent en faisant entendre un tintement de clochettes…

     

    … Je commencerai à croire à une possible “vraie révolution planétaire” – des mentalités, dans les modes de vie et de relation- je commencerai à croire possible ne serait-ce qu’une “esquisse” de cette révolution… Lorsque vous tous, chacun de vous, autant que vous êtes, Français et autres citoyens de tous pays ; vous cesserez tous “comme un seul homme”, d’acheter chez Amazon !

    Vous me direz – à juste titre - “mais alors que va-t-on faire des 600 000 employés et travailleurs d’Amazon… 600 000 chômeurs de plus ?”…

     

     

    À chacun de nous de réfléchir – avec nos intelligences non artificielles et ce dont nous sommes capables en innovation et en action – à la reconversion de 600 000 personnes…

    Et Jeff Bezos, ce “grand méchant capitaliste centi - milliardaire” on le pend haut et court ? Ou on le met dans un camp de rééducation de type Soviétique Réinventé ?

    Non, ni on le pend, ni on l’enferme… On le laisse tout nu sur son vélo parcourir les chemins autour de Seatle sans aucune assistance de quoi que ce soit dans un environnement naturel “déshabité” de meutes de bêtes sauvages… ( de “bêtes sauvages humaines” précis-je )…

     

    … Aucun employé d’Amazon au monde, n’a dix ans d’ancienneté dans la “boîte” (Amazon)…

    Ceux qui ont duré le plus longtemps (ils sont très peu nombreux, dont quelques “vieux de la vieille du temps des débuts” qui, évidemment ne sont plus en activité aujourd’hui et ont cessé d’être en activité avant 2000 ; ainsi que quelques autres, entre 1995 et 2021)… Ont duré 5 ans…

    99% d’entre eux durent entre 3 mois et un an… C’est dire de la durabilité, de la pérennité et de la stabilité de l’emploi chez Amazon… Associé à la précarité, à la dureté des conditions de travail, et aux salaires les plus bas possibles selon le pays où Amazon est implanté.

    En France depuis 2018, Amazon France embauche à +2,7% au dessus du SMIG pour 35 heures hebdomadaires “en principe”…

    Il y a 12 niveaux professionnels chez Amazon. Le seul et unique “employé” à être situé au niveau 12, est Jeff Bezos lui-même. Plus de 90% des employés sont au niveau 1, c’est à dire placés sur des postes de coursiers entre les étals et rangées pour collecter environ 130 produits de toutes sortes à l’heure, ou affectés à la livraison – quoique pour la livraison Amazon fait appel à des sociétés sous traitantes voire à des drones…

     

    Des maires se sont mis à genoux devant Jeff Bezos, pour obtenir l’implantation d’un centre de dépôt logistique ( hangar en tôle de couleur noire, de 90000 mètres carrés – 3 stades de foot - dix mètres du sol à la toiture) dans des zones de désindustrialisation et de chômage endémique, espérant pour leur commune et environs 300 ou 400 emplois… Mais à vrai dire pour les années qui viennent, un projet se fondant sur une technologie robotique, va rendre inutiles ces “coursiers” qui collectent 130 produits à l’heure en effectuant en moyenne 15 km à pied durant 35 heures de travail…

    Ce qui fait l’embauche, encore, mais pour pas longtemps, massive, de salariés chez Amazon, c’est sa croissance exponentielle et démesurée dans le monde, l’Inde (300 millions de clients supplémentaires d’un seul coup) étant la prochaine cible de clientèle en vue…

    Mais lorsque cette croissance “ralentira” – si l’on peut dire – et que la technologie robotique sera performante – et coûtera moins cher en terme de salaires à payer – alors fini l’embauche massive ! Les maires qui se sont mis à genoux n’auront plus que les yeux pour pleurer !

     

    … Alors mon pote – ou ma potesse – “ta cartouche d’imprimante chez amazon 3 euro de moins qu’ailleurs, est-ce que budgétairement pour toi ça va changer quelque chose ? Et ton livre numérique chez Kindle (Amazon) ou ton roman de terroir du grand écrivain local pas encore en livre de poche, un peu moins cher qu’ailleurs, et qui de surcroît est livré rapidement, ou encore tes musiques, tes films en téléchargement, et toi ma potesse, plus besoin d’aller courir chez Yves Rocher pour tes crèmes et onguents… Et toi l’écrivain méconnu qui peut te faire éditer “en ligne” chez amazon (il paraît que Jeff Bezos il est réglo pour les droits d’auteur que d’ailleurs tu peux fixer toi même)…

     

    Ce qui fait la force et le génie de Jeff Bezos… Ainsi d’ailleurs que la puissance et que la dominance de ces autres “nouveaux maîtres du monde” que sont Microsoft et son fondateur Bill Gates ; des géants du numérique ( Google, Apple, Facebook et son fondateur Mark Zuckerberg ) , des géants de l’Internet que sont Netflix, Airbnb, Testa, Uber (pour l’Amérique) et Baidu, Huawei, Alibaba le concurrent d’Amazon ( Asie)… C’est que ces personnages et organismes, non seulement se moquent totalement des critiques et des oppositions qui leur sont faites, mais les laissent librement courir de par le monde, aussi violentes et agressives, caricaturales qu’elles soient ; se révèlent sous leur vrai visage, affichent clairement au vu et au su de tous, leur “vision du monde”, et même, acceptent que soient publiés et diffusés, des livres qui les dénoncent, livres que d’ailleurs ils commercialisent eux mêmes, comme le fait Amazon !

    Et la raison à cela est d’une “simplicité”, d’une “logique” imparable : c’est que 90% des habitants de la planète (dont vous et moi en France partout jusque dans le moindre village) nous passons tous par Google, Facebook, Microsoft, Apple, Amazon, Huawei… Sans lesquels il faudrait totalement “repenser” notre mode de vie et de communication entre nous, ce qui à priori dans le monde d’aujourd’hui, s’avère impossible… Parce que nous sommes “coupés de nos racines” ainsi que de ce qui, fondamentalement, fait de nous des humains (les humains que nous avons été avant Google, avant Microsoft, avant Facebook… et que nous ne pouvons plus être… sauf si nous parvenions à nous emparer de Google, de Microsoft, de Facebook, et de faire d’Amazon et d’Alibaba, de “grands marchés genre vide grenier démocratiques informels”.

     

     

  • L'Homme aux semelles de vent, de Michel Le Bris

    Semelles vent

    … Autant j’ai été interpellé, vivement intéressé en lisant le premier chapitre “Ces drôles de bonhommes en culottes courtes qui se jetaient à l’eau exprès”, dans lequel Michel Le Bris nous parle de son enfance en Bretagne, fin des années 40 puis années 50 et 60… Du monde paysan, des évolutions…

    Autant, parvenu au deuxième chapitre, “L’homme aux semelles de vent”, je me suis senti dépassé, largué… Lorsque Michel Le Bris cite et évoque le philosophe Hegel qui dit que “l’état est le rationnel du vouloir c’est comme s’il disait en même temps que l’état, l’individu, le peuple, c’est la même chose : hors de l’état il n’y a plus de raison, donc plus de vouloir…” Et plus loin : “L’état ne peut naître d’une décision de la communauté car cela supposerait en elle une unité du vouloir et du savoir qui est le propre de l’état : la communauté ne préexiste pas à l’état, il y a co-naissance de la communauté et de l’état, et dans toute forme archaïque de socius l’état comme figure de l’unité du vouloir et du savoir y est contenu comme en creux, en attente de réalisation, un peu comme l’intention en tant qu’immédiateté suspendue aspire à se réaliser”…

    Va-t-il en être de même jusqu’à la fin du livre ?

    N’ayant point fait d’études universitaires, ayant interrompu ma scolarité au niveau de la classe de 1ère, je n’adhère point du tout à ce genre de “phraséologie”…

    Dois-je reconnaître, accepter cette idée selon laquelle – d’aucuns pourraient le penser, je les “vois venir” – je serais “limité intellectuellement” ? Du fait de mes 1/20 en Mathématiques et en Physique en classe de 1ère au lycée de Mont de Marsan en 1967, et de ma méconnaissance des grands philosophes Hegel, Kant, Kierkegaard et compagnie, que l’on étudie en classe Terminale que je n’ai pas faite ? Et, plus tard, ayant tout de même essayé de “m’atteler” à la Pensée et au Discours de ces “Grands Philosophes”, n’ayant guère “accroché” ?

    Il me semble – et je mets au défi quiconque de tenter de me contredire - “qu’avoir une capacité de réflexion extrêmement développée, ainsi qu’un sens profond de l’humain… N’a rien à voir avec le fait d’avoir une capacité intellectuelle construite sur une formation de second degré ou universitaire selon les critères et les références en vigueur” … Quoique parfois (assez rarement il faut dire) les deux ( la capacité de réflexion avec le sens profond de l’humain ET la capacité intellectuelle), soient liés…

    Il me semble également que lorsque l’on parle d’humilité, souvent l’on se fourvoie, dans la mesure où l’humilité est “servie” telle une “leçon”… Que d’ailleurs l’on ne met jamais en application réelle, en exercice réalisé… En somme l’humilité est une “façade”, elle s’inscrit, s’exprime en “trompe l’œil…

    Tous ces gens que l’on voit, que l’on écoute débattre sur les plateaux Télé, des journalistes écrivains, des philosophes (je ne cite aucun nom) quasi quotidiennement sur LCI, CNEWS, C DANS L’AIR etc. … Qui sont des “référents”, des “officiels”, des “reconnus”, des “figures médiatiques”… Pour certains assez contestés il faut dire… Sont-ils pour autant des êtres “profondément et simplement humains” et quelle est la dimension réelle de leur capacité de réflexion? … Je veux dire une capacité de réflexion sur des sujets extrêmement complexes, certains de ces sujets étant des sujets essentiels, parfois jamais évoqués, de la vie de tous les jours concernant les gens dans leur intimité, dans ce qu’ils ressentent et dans le pourquoi et le comment de tout ça, eux en particulier ou eux ensemble?

    Et si une telle dimension de capacité de réflexion est possible, si elle est celle d’un personnage d’ “envergure” (qui s’exprime devant un public), comment, dans quelle formulation de parole ou d’écriture, peut-elle être portée ? Autrement dit : “est-ce qu’elle est audible, cette parole, est-ce qu’elle est recevable autrement que purement intellectuellement ? C’est peut-être là la “question des questions” la plus essentielle de toutes…

     

     

    … Une petite remarque, plus ou moins en rapport avec ce que je viens de dire ci dessus :

     

    Un jeune de 17/18 ans qui en 2020 ou 2021 vient d’obtenir son BAC avec 10 de moyenne, avant de lui accorder quelque crédit que ce soit, avant de le féliciter et de me réjouir de son succès et éventuellement de “fêter l’événement”… Je regarde d’abord “ce qu’il a dans le ventre”, en somme, de quoi il est fait, de bois et d’écorce…

    Si ce même jeune obtient son BAC 2020 ou 2021, cependant, avec une mention Très Bien ou Bien, sans doute regarderais-je aussi “de quoi il est fait”, avant de lui accorder un certain crédit… Mais selon “un angle un peu différent”…

    Il est à coup sûr, cependant, très certain, que 10 de moyenne pour un BAC 2020 ou 2021, je ne vais pas applaudir ni sortir une bouteille de champagne !

     

     

  • La vie aigre, de Luciano Bianciardi

    Vie aigre la

    … Livre paru en avril 1964, chez René Juillard, éditeur à Paris. Mais précédemment publié en Italie en 1962.

    Roman traduit de l’Italien par Jacqueline Brunet, préfacé par Roland Beyer, pour l’édition française de 1964 chez René Juillard.

    Selon Roland Beyer, le ton de ce livre est celui d’un “lyrisme sarcastique” où l’auteur semble à priori s’abandonner au rêve d’un anarchisme primitif mais néanmoins bien identifié comme étant un rêve, une aspiration…

    Il y a donc là un réalisme, à mon sens.

    Ce roman est nettement autobiographique et s’inscrit dans une trilogie de la colère (précédé par “Il lavoro culturale” – 1957 et “Integrazione” – 1960 ), une révolte contre l’establishment culturel du miracle économique italien…

    Écrit dans ce qui ressemble à un journal de vie quotidienne, ce livre fait aussi état, en une description documentée, des conditions de travail des ouvriers toscans dans les années 1960, dans une Italie encore sous influence mussolilienne d’une part, et d’intellectuels d’une gauche stérile, d’un néolibéralisme de tendance artistique surdimensionnée, d’autre part…

     

    Ce roman mérite bien son titre “La vie aigre”…

    En effet, la vie que mène, que subit le personnage principal, est vraiment aigre dans le plein sens du terme… Aigre parce que banale et faite d’habitudes devenues des automatismes, faite de gestes, d’actes répétitifs ( ce que dans mon “jargon” j’appelle “des bintzeries quotidiennes ) … Aigre, aussi, dans la relation des gens entre eux, dans le rapport entre les dominants et les dominés…

    Mais le personnage principal cependant, on le pressent déjà en cours de lecture et cela est encore plus net vers la fin, s’il mène et s’il subit cette vie aigre… N’est pas pour autant un personnage aigri, nous apparaît en témoin de son temps… Et dès lors, le sens profond – essentiel – de ce livre, s’impose de lui-même : la vie est bien aigre, aigre comme du mauvais vinaigre, mais elle est ce qu’elle est dans sa réalité, elle peut même être belle, simple, ordinaire oui mais belle… (Alors, les tendances ou les modes ou les engouements “pseudos artistiques ou pseudos intellectuels” ne sont plus qu’ “insipides foutaises”)…

     

    … La vie aigre, donc, en 1962… En Italie, en France, en Amérique… Dans le monde, dans le ton, dans la culture du monde… De 1962…

    Et la vie aigre, encore et toujours, en 2021… Dans le monde développé mondialisé consumérisé… Dans le ton, dans les modes, dans une culture devenue acculturée… De 2021…

    La vie aigre… Mais telle un tableau raté, laid, décoloré, duquel il est possible néanmoins, d’extraire de la beauté… À condition de ne point s’aigrir intérieurement, de ne point sombrer dans l’amertume, ou dans le regret, dans la nostalgie d’un monde qui n’a en fait jamais existé, qui nous semblait “meilleur” – qui l’était peut-être par certains côtés, mais ne l’était pas vraiment…

     

    … Ce livre étant difficile à se procurer ( il n’existe qu’en seulement 2 ou 3 exemplaires encore disponibles chez Rakuten et… “chez Amazon – mon grand copain” – vous avez tout de suite deviné chez qui je l’ai acheté – rire”) …

    J’en reproduit en partie la page 219 – qui me semble assez emblématique on va dire – quoique tout le livre en fait, soit emblématique dans son ensemble et dans chacune de ses lignes…

     

    Voici :

     

    “… Mais dans la ville même ce n’est pas du brouillard.

    C’est plutôt une fumigation rageuse, une flatulence d’hommes, de moteurs, de cheminées, c’est de la sueur, c’est une odeur de pieds, c’est de la poussière soulevée par les talons des secrétaires, des putains, des représentants, des statisticiens, des P.R.M, des sténo-dactylos ; c’est une haleine de dents gâtées, d’estomacs ulcéreux, de tripes engorgées, de sphincters constipés ; c’est une puanteur d’aisselles désodorisées, de cons vacants, de bites en chômage.

    .../… Le vent.../… Il arrive et il balaye la coupole chargée de suie. Pendant quelques heures, tu as l’impression d’avoir mis des lunettes ; le dessin des maisons devient net, les lumières, le soir, se font brillantes ; tu vois même les étoiles et le mont Rosa de ton balcon.

     

     

  • Indignez vous, de Stéphane Hessel

    Indignez vous

    … Publié par Indigène éditions en janvier 2011 – il y a donc dix ans puisque nous sommes en 2021 – Ce petit ouvrage tiré à 2 millions d’exemplaires en France, traduit en 27 langues et même publié en Chine ; est plus que jamais dans le monde de 2021, d’actualité…

    En seulement dix ans d’évolution des sociétés, du “paysage” mondial, avec de nouvelles technologies dont on n’avait pas idée vingt ans plus tôt, dans une violence ambiante qui s’est généralisée en dépassant le seul “cadre” de la délinquance, et donc en entrant dans le comportement des gens au quotidien… En seulement dix ans dans ce monde dit “développé” mais développé “à l’occidentale” quoi que prétendent – pour certains, dans un fanatisme exaspéré- les opposants, contestataires ou résistants à cet “ordre occidental”… L’évolution a été plus rapide, plus brutale, qu’elle ne l’avait été jusqu’alors, toutes périodes historiques confondues…

    Aussi les écrivains, les romanciers, les artistes, les intellectuels ( les femmes et hommes de pensée, de philosophie qui s’expriment), les enseignants, les scientifiques, les chercheurs, les historiens, les géographes… D’une part…

    Ainsi que les citoyens que nous sommes au quotidien, consommateurs, utilisateurs, bénéficiaires ; de toutes générations, en liens que nous sommes avec tout ce qui nous entoure… D’une autre part toute aussi importante et essentielle que celle des intellectuels, des écrivains, des artistes…

    Nous avons le devoir d’être chacun à notre manière des témoins de notre temps, de transmettre autour de nous ce que nous savons pour l’avoir appris…

    Nous avons le devoir de nous exprimer, le devoir de ne pas demeurer dans l’indifférence, dans la complaisance, dans le renoncement en face de l’inacceptable, sous la pression de ce qui nous soumet, de ce qui nous déshumanise, de ce qui nous abuse, de ce qui nous coupe de nos racines et en même temps brise les branches qui s’élèvent vers le ciel…

     

    … Si la violence peut s’avérer, dans les situations les plus sensibles, les plus dramatiques, les plus inacceptables, nécessaire… Elle ne doit jamais s’installer dans la durée…

     

    Page 20 de la brochure Indignez vous, de Stéphane Hessel :

     

    “Il faut comprendre que la violence tourne le dos à l’espoir. Il faut lui préférer l’espérance, l’espérance de la non violence. C’est le chemin que nous devons apprendre à suivre. Aussi bien du côté des oppresseurs que les opprimés, il faut arriver à une négociation pour faire disparaître l’oppression ; c’est ce qui permettra de ne plus avoir de violence terroriste.”

     

    Cependant, au sujet de cette phrase “ c’est ce qui permettra de ne plus avoir de violence terroriste”, il faut avoir bien présent à l’esprit que ce texte de Stéphane Hessel “ Indignez vous”, a été écrit avant 2011, donc, avant le début de ce qui, depuis 2011 et surtout 2014, a “dramatiquement changé la donne” en matière de confrontation avec le terrorisme notamment Jihadiste…

     

    Page 20, encore :

     

    “Le message d’un Mandela, d’un Martin Luther King trouve toute sa pertinence dans un monde qui a dépassé la confrontation des idéologies et le totalitarisme conquérant. C’est un message d’espoir dans la capacité des sociétés modernes à dépasser les conflits par une compréhension mutuelle et une patience vigilante. Pour y parvenir il faut se fonder sur les droits, dont la violation, quel qu’en soit l’auteur, doit provoquer notre indignation. Il n’y a pas à transiger sur ces droits.”

     

  • Mort en fraude, de Jean Hougron

    Mort en fraude

    … Jean Hougron est un auteur Français, né le 1er juillet 1923, mort le 22 mai 2001.

    En 1953 il se voit attribué le Grand Prix du Roman de l’Académie Française.

    Né de parents bretons, fils de cheminot, en 1947 âgé alors de 24 ans, il travaille à Marseille dans une société d’Import-Export, qui l’envoie en Indochine où il exerce durant cinq ans, divers métiers dont chauffeur de camion, ramasseur de benjoin, marchand de bière…

    Il mène donc une existence difficile, précaire et il est confronté à ce qu’est en cette époque, de 1947 à 1952, la péninsule Indochinoise sous la domination de la France (Viet Nam, Laos, Cambodge), à ce qu’est aussi, la société qui l’entoure, très inégalitaire, corrompue, hypocrite et arrogante de la part des Européens mais également de la part des “nababs” ou des “seigneurs locaux”, tous trafiquants et corrompus, Asiatiques, Chinois…

    En somme, le “paysage social” qui constitue le “fond dominant du tableau”, dans ce roman “Mort en fraude” ; est un “paysage social” que l’on retrouve d’un bout à l’autre des empires coloniaux Français et Britannique…

    Cruauté, bassesse, trahisons, orgueil démesuré, privilèges, puanteur et obscénité de ces “cercles” de privilégiés, fatalisme, indifférence, révoltes réprimées dans le sang, compromissions, trafics, etc. … Tout cela dans une grande violence sur fond de racisme et de ségrégations “officialisées”…

    Horcier, le personnage principal dans ce roman, est très malchanceux, dès son arrivée à Saigon à la sortie même du port, sa vie bascule dans la précarité… Il rencontre Anh, une jeune femme vietnamienne dont les parents vivent dans une province du Nord Vietnam contrôlée par le Viet Minh ; une relation difficile – mais forte – s’établit entre Horcier et Anh…

    Un personnage “hors du commun”, ce Horcier, d’une pureté, d’une intégrité, d’un courage, d’une sorte d’ “humanimalité ” - dis -je - en lui qui le rend proche de ce que ressentent les gens autour de lui…

     

    Un extrait, page 324 :

     

    “Sur son passag, les gens se retournaient. Deux sous-officiers français, installés à la terrasse d’un restaurant, échangèrent à haute voix des réflexions méprisantes sur sa tenue. Il les entendit, mais ne se détourna pas. L’un des militaires avait dit : c’est des gars comme ça qui fichent en l’air le prestige qu’on avait autrefois dans ce pays. Horcier pensa : il n’a pas tout à fait tort. Restait seulement à savoir ce qu’il fallait penser d’un prestige simplement édifié sur les signes extérieurs de la puissance. Le prestige de l’homme blanc à la colonie lui semblait parfois ravalé au niveau du “qu’en dira-t-on” des petites villes de province.”

     

    … Un livre, dirais-je… “Fort et marquant”…

     

  • La vie tranquille, de Marguerite Duras

    La vie tranquille

    … Paru aux Editions Gallimard, le 28 décembre 1944.

    C’est le 2ème roman de Marguerite Duras, après Les Immortels et avant Un barrage dans le Pacifique.

    Le roman débute par un drame familial dans lequel, Aux Bugues dans le Périgord, Jérôme l’oncle de Nicolas, meurt dans d’atroces souffrances.

    Lors d’une bagarre entre Jérôme et Nicolas, Jérôme reçoit un coup dont il décède quinze jours plus tard.

    Ce roman débute comme bien des romans de drames familiaux, mais très vite, le personnage principal Francine, sœur de Nicolas, qui est en fait l’auteur elle même, se livre à une introspection pour le moins surprenante, inhabituelle et déroutante.

    Cette “vie tranquille” est emplie de questions sans réponses, laisse à la lecture au fil des pages, une impression de “vide”, dans une alternance de désordre et d’ennui, ce qui paraît désespérant, mais ne l’est pas vraiment.

    Un texte d’un style très personnel, d’une atmosphère à nulle autre pareille, déroutant, questionnant ; une introspection et une vision d’elle-même, de l’auteur, avec le personnage de Francine, poussées à l’extrême pourrait-on dire ; un texte dont la lecture nécessite un effort d’attention, difficile…

     

    Extraits :

     

    “Je compte les années qui me restent à vivre dans l’aile gauche de la maison des Bugues : dix, vingt, quarante ans. Rien ne les marquera, rien ne peut m’arriver. Je ne désire plus que rien m’arrive. À l’abri des murs solides des Bugues : je regarderai la terre se recouvrir tantôt de neige, tantôt de fruits, tantôt de boue, tantôt de blanches fiançailles, de lait, de catastrophes, de larmes.

    Mes pensées. Plus je les laisse à l’écart, plus assourdissantes que jamais elles reviennent, comme des bavardes.”

    .../… “Il m’arrive de me regarder et de ne pas être de l’avis général. La nuit, à condition qu’aucun signe n’arrive des autres chambres et ne me rappelle l’indifférence du monde, il m’arrive de me trouver belle.”

    .../...”La pensée de ma personne de même est froide et lointaine. Elle est quelque part hors de moi, paisible et engourdie comme l’une d’entre toutes ces choses qui sont sous le soleil. Je suis une certaine forme dans laquelle on a coulé une certaine histoire qui n’est pas à moi. Je mets à la porter, ce sérieux et cette indifférence avec lesquels on se charge de ce qui ne vous appartient pas.”

     

    … Ce n’est point, certes, le roman le “plus accessible”, de l’ œuvre de Marguerite Duras… D’ailleurs, lequel de ses livres, serait le plus accessible?

    Des phrases courtes, une monotonie dans le récit pouvant paraître agaçante, mais dont il ressort un ensemble en lequel foisonnent des sensations viscérales, sensuelles, olfactives… Des thèmes dont celui de l’ennui et celui du doute, du sens de l’existence, de la vie, de l’amour, de la mort… Universels, intemporels…

     

     

  • Voyages extraordinaires

    Voyages extr

    … En 1999 dans le cadre du printemps des poètes j’avais participé à un concours de nouvelles sur le thème des voyages aventureux, concours d’écriture au cours duquel il était demandé aux participants, de se “mesurer” à ce maître que fut Jules Verne, né le 8 février 1828 et mort le 24 mars 1905, qui imagina, dans ses livres qu’il a écrit, de savantes constructions mécaniques, toutes sortes de moyens de locomotion, et cela dans une dimension narrative poétique…

    Ce fut le seul concours d’écriture parmi ceux auxquels je me suis par la suite inscrit durant les années suivantes, jusqu’en 2007, où mon texte fut retenu et primé ; ayant donc fait “chou blanc” à chacun de ces printemps des poètes du mois de mars, entre 2000 et 2008, année où j’ai finalement “déclaré forfait”…

    C’était une association littéraire “Paroles”, de Créon en Gironde, qui organisait en 1999 ce concours de nouvelles, ouvert à tous, à des jeunes, à des adultes, “écrivains en herbe” ou écrivains confirmés ayant ou non publié leurs œuvres soit dans des revues, soit chez un éditeur, soit à leur compte, dans la région Aquitaine…

    Le premier prix était un voyage d’une semaine sur un grand voilier en haute mer, et l’attribution aux douze gagnants sélectionnés, d’un livre édité aux frais de l’association (en fait avec l’aide de la Caisse d’Epargne d’Aquitaine-Nord ), tiré à 2000 exemplaires.

    Ce livre contenant le texte intégral de chacune des douze nouvelles sélectionnées, a été édité dans le cadre des deuxièmes prestivales créonnaises consacrées en 1999, à Jules Verne, du 10 au 14 juillet.

    Ci dessous, l’image du livre dont voici le résumé en 4 ème de couverture :

     

    “ Destination la lune ou le fond d’une éprouvette, la ligne d’horizon ou le cœur de maman ? …

    Le choix est vaste et l’embarquement immédiat. L’an 2000 est là, et l’imagination a pris le pouvoir… Tout au moins dans ce recueil où douze auteurs amateurs ont osé se mesurer à leur maître Jules Verne. Entrez dans leur rêve… Vous ne serez pas déçus.”

     

    … Voici la liste des douze textes sélectionnés :

     

    La ligne bleue, de Max Bajolle, 48ans

    Broutille, de Laurence Bordenave, 26 ans

    Le voyageur de Babel, Christine Doucet, 31 ans

    Le site secret, de Monique Favier, 40 ans

    Voyage au cœur de maman, Jean Louis Fornielles, 34 ans

    Balade islandaise, de Christophe Lartigue, 38 ans

    Le dernier voyage de Nemo, de Véronique Laroche, 32 ans

    Nina, de Gilberte Pernaud, 74 ans

    Le cartographe des souvenirs, d’Olivier Pichard, 17 ans

    Mission Cérès, de Laurent Schouler, 38 ans

    La séparation, de Guy Sembic, 51 ans

    De si beaux voyages, de Chloé Vicreux, 21 ans

     

    … L’ouvrage comporte 190 pages, mon texte occupe 10 pages…

     

    À noter – nous sommes en 2021 – les âges des personnes citées ci dessus, sont les âges qu’elles avaient en 1999…

    Vingt deux années depuis, pour ces personnes, se sont écoulées… La “doyenne”, Gilberte Pernaud, a aujourd’hui 96 ans… Si elle vit encore (ce serait heureux pour elle si sa vieillesse se déroule dans les “meilleures conditions possibles”)…

     

    … Le gagnant du voyage d’une semaine sur le grand voilier en haute mer, fut Olivier Pichard, 17 ans en 1999, avec son texte “Le cartographe des souvenirs”…

    Les douze, nous étions conviés à assister aux festivités et aux activités, à tout ce qui était organisé lors de ce festival, lors des journées du 10 et du 11 juillet 1999, à Créon en Gironde ; et à nous voir remis lors d’une “cérémonie” officielle, à chacun, 10 exemplaires du livre édité…

     

    La nuit du 10 au 11 juillet, je la passai dans un camping, proche de Créon… Une belle nuit douce et étoilée, je dormis sur une couverture étendue sur l’herbe… Deux journées d’un temps superbe, chaud et ensoleillé, sans nuages dans le ciel… Et… “de jolis visages” – de femmes notamment – à “en veux tu en voilà” (rire)…

     

    … Aujourd’hui, le livre est “introuvable” (non répertorié, non numérisé, plus accessible)… J’ai cherché en vain sur internet… Sur la Bibliothèque Nationale, avec les outils de recherche, Gallica ; le titre de l’ouvrage “Les voyages extraordinaires”, le numéro ISBN : 2-9514315-0-3, l’année de parution 1999… Figurent en bas page 4 ème couverture, les logos suivants : Créon, Caisse d’Epargne Aquitaine Nord, Belem, Centre Régional des Lettres Région Aquitaine.

    Si quelqu’un arrive à trouver en effectuant d’autres recherches, qu’il me le dise, merci…

     

    Pour accéder au texte intégral de ma nouvelle “La séparation”, voir sur mon site

    http://yugcib.e-monsite.com/ à “Mes œuvres écrites” et faire défiler la page jusqu’aux liens des pages numérisées, en bas.

  • Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu

    Leurs enfants

     

    … De 1992 à 1998, dans une vallée proche du Luxembourg, où les hauts fourneaux, la sidérurgie, la métallurgie déclinaient la vie économique et sociale depuis des dizaines d’années, en fait depuis la seconde moitié du 19 ème siècle, où s’étaient succédées cinq, six générations d’ouvriers… Un monde, mais surtout une jeunesse qui meurt…

    Toute une région de cette partie Nord et Est de la France, que les “promesses” de la mondialisation ( des nouvelles économies de marché et de la consommation ) n’ont pas atteint, et encore moins dans ces villes et bourgades devenues des “cités” en majorité habitées par des chômeurs, des gens et des familles en situation d’assistance, ou vivant d’expédients, notamment avec la drogue, les marchés clandestins et informels, des artisanats ou des emplois de survie…

    Mais cette époque là, celle de ces années de la dernière décennie du 20 ème siècle, du Franc et des premiers téléphones portables, dans son “apogée” si l’on peut dire, en 1998 avec “Les Bleus” champion du monde de la coupe de football ( 12 juillet 1998)… Est aujourd’hui, une génération (20 ans) plus tard, une époque révolue…

    Révolue, en ce sens que, bien au delà encore du désastre économique et social laissé par la fermeture définitive des hauts fourneaux, bien au delà de cette détresse et de cette misère sociale, de toutes ces familles autant “normales” que “recomposées” qui se sont disloquées, éparpillées, métissées, etc. … Bien au delà des “promesses” non tenues, de projets d’avenir orientés sur l’économie touristique et de loisir, bien au delà des “discours” des élus de la République et des “politiques”, des partis de droite, de gauche et du centre, du Front National (aujourd’hui le Rassemblement National), des anticapitalistes et de l’extrême gauche, et des abstentionnistes de plus en plus nombreux aux scrutins électoraux…

    Bien au delà mais à plus vrai dire “en plus”, de tout ce qui était dans les années 1990, le monde en déshérence de la désindustrialisation avec ses conséquences sur la vie sociale ; il y a aujourd’hui, en 2021 et depuis déjà un bon quart de génération… L’islamisation radicale en progression, les communautarismes exacerbés, les crispations des minorités revendicatrices, le terrorisme et les attentats, toute une violence sociétale larvée, prête à se manifester à tout moment, une violence même assez souvent agissante…

    … Mais les “héros du jour” que sont cependant et indéniablement, les “gens de bonne volonté” – de toutes générations dont des jeunes et même des très jeunes – par les actions qu’ils mènent en fonction de leurs possibilités, de leurs imaginations, initiatives, énergie créatrice, détermination, optimisme… Là où ils demeurent et dans leur environnement de famille et de connaissances, en partie grâce il faut dire aux réseaux sociaux, à tout ce que permettent de nos jours les nouvelles technologies de communication… Les “héros du jour” ne font jamais la Une des Actualités, ce sont autant des humbles et des gens de modeste condition, que des personnages ayant quelque pouvoir, influence, notoriété locale (autant dire des pauvres Et des riches)…

    Ce sont ces “héros du jour” là qui feront finalement ce que sera le monde de demain (qui dans le “meilleur” et plus probable des cas il faut dire, ne sera, ce monde “ni pire ni meilleur” – mais différent)…

    … Cela dit, autant ce livre est intéressant, avec de nombreux passages d’une écriture travaillée, autant j’en recommande la lecture… Autant cependant je trouve qu’il ne justifie pas l’attribution d’un Prix Goncourt, déjà pour cette raison : il comporte des pages de description de “baise” (quelques passages tout de même un peu épuisants) d’une part ; et dans l’ensemble, il n’est pas à mon avis, suffisamment représentatif de la langue, de la littérature française dans son intemporalité si je puis dire… D’autre part…

    Mais bon, ce n’est là qu’un avis personnel…

    … Reste à savoir ce que ce livre aurait donné s’il avait évoqué non plus cette époque des années de la dernière décennie du 20 ème siècle, mais plutôt les mêmes lieux, les mêmes personnages, la même jeunesse, tout cela dans l’actualité des années présentes…

     

     

  • Suite française, d'Irène Némirovsky

    Suite francaise

     

    … Devant cet ennemi que l’on ne peut combattre avec les mêmes armes qui furent celles de la Résistance contre l’occupant Nazi en ces “années noires” 1940-1944, devant cet ennemi autrement occupant et envahissant qu’est le covid depuis février 2020 ; et qui a pris possession de la France, de l’Europe et du monde, rendu vulnérables les populations les plus exposées aux formes les plus graves du covid, radicalement modifié en les détériorant les rapports sociaux et nos modes de vie ; durement impacté nos économies et nos activités ainsi que nos libertés… L’on retrouve les mêmes désordres tragiques, les mêmes inerties, lâchetés, peurs, égoïsmes, individualismes, précipitations, préjugés, violences, prédations, hypocrisies, que durant le déversement sur les routes de millions de gens en juin 1940… Mais aussi il faut dire, les mêmes héroïsmes, les mêmes générosités…

    Sauf que ce ne sont plus les routes qui sont encombrées par des voitures, des charrettes, des bicyclettes, des familles et des gens à pied, mais des appartements en ville, des maisons de lotissements entourées de murs ou de palissades ou de haies, en lesquels les gens, les familles se “terrent”, se “barricadent”, dont ils ne sortent que masqués…

    L’on retrouve aussi la même désespérance, la même absence de perspective, le même fatalisme… La même idée qui s’impose selon laquelle “il faut désormais faire avec”, s’adapter en somme et donc, accepter, se soumettre, obéir aux ordres, se conformer aux prescriptions, renoncer à rêver, à penser, à imaginer, à réfléchir ; et se jeter sur tout ce qu’il reste encore d’accessible et de consommable, d’achetable, de vendable, de jouable (je dirais de “loisirable”)… Avec seulement son regard pour s’exprimer dans la mesure où l’on arrive à rendre son regard “parlant” ; avec le sourire en moins (dissimulé et d’ailleurs souvent inexistant sous le masque)…

    Ce sont les nouvelles “années noires” 2020 – 20…” De la “Suite française” d’Irène Némirovsky” emportée sur les routes de l’exode, trouvant refuge dans un village du Morvan et peu après, arrêtée, déportée à Auschwitz où elle mourut assassinée en 1942…

     

     

  • Quel avenir aujourd'hui pour un livre ?

    Les comités de lecture des maisons d’édition, consultent-ils sur Facebook :

     

    - Le site officiel des auteurs, écrivains, novellistes, conteurs, illustrateurs

     

    - Ecrivains poètes peintres faisons nous connaître

     

    - Promotion des auteurs inconnus

     

    - Textes en liberté, livres et poèmes à volonté

     

    - Promouvoir son livre sur Facebook et les réseaux sociaux

     

    Ou encore, les sites dédiés aux auteurs qui publient leurs œuvres en ligne (par exemple Edilivre) ou Editions999 le site des ouvrages publiés en numérique (e-books) ?

     

    J’imagine que, dans les comités de lecture des différentes maisons d’édition, en particulier les principales (les plus connues) de ces maisons d’édition ; les personnes chargées d’examiner page par page, intégralement ou partiellement voire très partiellement, les ouvrages reçus, chaque jour très nombreux (jusqu’à 3000 dans l’année), n’ont pas pour seule activité journalière la lecture de ces ouvrages reçus…

    Et qu’en conséquence, ces gens des comités de lecture, ne vont pas avoir le temps, ni d’ailleurs prendre le temps, de consulter les pages Facebook Promotion des auteurs inconnus, Ecrivains, site des auteurs… Ni les sites dédiés aux écrivains publiant en ligne, ni Editions999…

     

    De toute manière, même la consultation, la seule consultation des ouvrages reçus, implique un choix aléatoire qui consiste par à priori, à éliminer une grande partie des textes reçus… Quant aux textes sélectionnés en fonction de telle ou telle “politique éditoriale”, beaucoup sont sans doute sommairement parcourus voire au hasard quelques passages, pages…

     

    Et avec la technologie, l’intelligence artificielle, les algorithmes ; les réponses recherchées, les résultats apparaissant, tout cela fait qu’un vrai travail de lecture, d’analyse et d’appréciation, n’est plus nécessaire …

     

     

  • L'Histoire de France vue d'ailleurs, de Jean Noël Jeanneney et Jeanne Guérout

    Histoire de f... Collection Points Poche mai 2018, 50 événements racontés par des historiens étrangers. 

    … Selon une idée chère à Montesquieu, il est sain et tonique pour un peuple, en l’occurrence le peuple Français, de se contempler dans un miroir tendu par ses voisins Européens et autres de par le monde…

    Encore que, à l’époque de Montesquieu, l’idée de « patrie » ou d’appartenance à une nation, ne pouvait être que le fait de se sentir « sujet » du royaume, pour un Français de telle région, duché, province, village, coin de terroir…

    En effet un Français de l’époque et cela est d’autant plus vrai que l’on remonte dans le temps, jusqu’au haut Moyen Age, se sentait dans sa vie quotidienne, appartenir à la communauté territoriale dont il faisait partie, limitée au village où il demeurait et vivait, qu’il ne quittait d’ailleurs jamais… Être Français n’avait donc aucun sens, ne correspondait à aucune réalité en ces temps là…

    Il ne devait venir à l’idée de personne, dans les campagnes et dans les villes de l’époque, au 18ème siècle, pas même dans la bourgeoisie et la noblesse, de se mesurer ou de se comparer à un habitant de Milan, de Madrid, de Francfort, de Londres ou de Vienne, lequel habitant de l’une de ces villes aurait tendu à son voisin Français à Nancy ou à Toulouse ou à Chartres, comme un miroir… Chacun étant, pour les privilégiés, préoccupé de ses intérêts personnels et d’accroître son domaine et sa fortune ; pour les gens du peuple en général paysans, de survivre…

    L’Histoire de France telle qu’elle est enseignée dans les manuels scolaires depuis la troisième République notamment après 1881 avec l’école républicaine laïque obligatoire et gratuite ; dans ses grandes lignes et ses principaux événements, est encore (mais peut-être un peu moins de nos jours du fait de certaines « remises en question ») la plus « acceptable » qui soit, ou si l’on veut, la plus proche de la vérité historique… Il n’en est sans doute pas tout à fait de même dans des pays non démocratiques, où la religion ou quelque idéologie dominante, « font l’Histoire »…

    Outre les écrits, les documents, les témoignages, tout cela figurant dans les centres d’archives, qui ont pu être retrouvés de ci de là, transmis d’une génération à l’autre, il y a les œuvres de peinture, de sculpture, les statues, les monuments érigés, qui font trace…

    L’Histoire de notre pays, La France, qu’elle soit vue « de l’intérieur » par les Français que nous sommes, ou vue « de l’extérieur » par les autres peuples, et cela au sujet de tel événement passé… Cesse d’être l’Histoire lorsque des visions s’imposent, lorsque des idéologies dominent, lorsque des dénis, des refus, de la morale, des appréciations, des modes, des interprétations, des déformations, s’invitent…

    Ainsi ces appels à déboulonner, abattre des statues de personnages contestés, à mesurer à l’aune d’une « morale de bon aloi » ce qui à telle ou telle époque prévalait, se pratiquait et était la réalité de l’époque dans son contexte environnemental…

    Nier, juger, condamner – au nom de valeurs du temps présent – défait l’Histoire. Et si l’Histoire est défaite, alors quelle Histoire peut se faire dans les temps qui viennent ?


     

     

  • Qui étaient nos ancêtres, de Jean Louis Beaucarnot

    Nos ancetres

    Dans cet ouvrage, Jean Louis Beaucarnot nous convie à une vision -à mon sens- plus scientifique, de ce que furent la vie quotidienne, les activités, de nos ancêtres, depuis le Moyen Age jusqu'au 20 ème siècle...

    Alors que dans un autre ouvrage, « Ainsi vivaient nos ancêtres », l'auteur nous présentait une société notamment des 17 ème et 18 ème siècles, où régnaient l'ignorance, la superstition, l'obscurantisme, une religion castratrice, une condition féminine déplorable, dans des récits peut-être par moments amusants et originaux mais le plus souvent assez noirs...

    J'ai donc préféré cet ouvrage « Qui étaient nos ancêtres », précisément pour son contenu et sa documentation plus « scientifique »...

    De nombreux Français dont en particulier ceux âgés de plus de 50 ans, se posent la « grande question » de leurs origines et sont à la recherche de leurs racines, effectuant des recherches généalogiques, surtout depuis que les archives départementales sont numérisées et consultables sur internet.

    Une grande caractéristique se dégage, de toutes ces recherches que font les gens, c'est celle qui met en évidence, dès que l'on « descend » en dessous des années du début du 20ème siècle, le nombre d'ancêtres en ligne directe ou proche collatérale, nés dans un même village de la « campagne profonde, rurale, paysanne et des métiers d'artisanat, de telle sorte que l'on retrouve dans le même village ou celui d'à côté, ses arrière-arrière grands parents paternels et maternels... Ce qui n'est plus le cas, devenu plus difficile et demandant des recherches plus longues, à partir d'après la première guerre mondiale et à plus forte raison à partir de 1950...

    Le nombre d'ancêtres doublant à chaque génération, nous arrivons à la 27 ème génération sous le règne de Saint Louis au 13 ème siècle, à plus de 134 millions d'ancêtres chacun de nous (mathématiquement parlant), ce qui semble tout à fait surréaliste du fait qu'à cette époque du 13 ème siècle la France de Saint Louis n'avait que 15 millions d'habitants...

    C'est dire qu'en réalité, plus on cherche dans le passé, et plus l'on retrouve pour beaucoup d'entre nous, les mêmes ancêtres communs...

    Ce qui fait – à mon avis- l'intérêt réel, le vrai de ce livre, c'est que l'auteur s'est appuyé sur des extraits d'archives familiales ou municipales, de témoignages écrits, de récits anecdotiques qui sont autant d'histoires véridiques...

    L'on y trouve aussi l'explication et l'origine de certaines de nos habitudes, le sens qu'ont certains mots et expressions que l'on entend encore aujourd'hui...

     

     

     

  • Le liseur du 6h 27, de Jean Paul Didierlaurent

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    Ce livre, « Le liseur du 6h 27 », paru le 31 mai 2014 aux Éditions Au Diable Vauvert, dans la liste de tout ce que j'ai lu jusqu'à présent, « fera sans doute date » dans ma mémoire tant il m'a suscité de réflexion et interpellé, par le thème, le sujet qu'il évoque...

    Jean Paul Didierlaurent est un romancier et un nouvelliste né le 2 mars 1962 à La Bresse dans les Vosges, qui, après des études à Nancy, a travaillé à Paris avant de revenir dans les Vosges.

    Lors d'un premier concours de la nouvelle en 1997, il entre dans le monde de l'écriture, et remporte à partir de 2004, de nombreux prix.

    « Le liseur du 6h 27 » est son premier roman, en 2014, qui connaît un succès fulgurant.

     

    Un jeune homme, Guylain Vignolles, le personnage central du livre, travaille dans un centre de traitement destruction de livres mis au pilon par les maisons d'éditions... L'on détruit ainsi dans ce centre, chaque jour, des tonnes de livres invendus, dont des  Prix Renaudot, Fémina etc. … et même des Goncourt, de l'an passé...

    Il vit seul, ce Guylain, dans un petit appartement avec un poisson rouge pour compagnon « Rouget de l'Isle » - le 4ème, le 5 ème puis le 6 ème – parce que ces poissons ont une durée de vie assez courte...

    Il récupère des pages de quelques uns de ces livres broyés et, le matin en prenant le RER de 6h 27, il fait lecture d'une page, au hasard, dans la rame du RER, devant les gens assis ou debout...

    Un soir en rentrant de son travail (jamais il ne fait de lecture au retour) il trouve sous le siège où il est assis, une clé USB...

    Il branche la clé à son ordinateur et en explore le contenu, plusieurs dizaines de documents texte intitulés « Doc1, 2, 42, etc. »...

    Un matin dans le RER il rencontre deux dames d'un certain âge qui lui demandent de bien vouloir venir chez elles, lire des pages... Il accepte... Vu le succès de l'expérience, les deux dames proposent à Guylain de renouveler la séance de lecture mais en présence d'amies ou de voisines...

    Entre temps, Guylain ayant exploré le contenu de la clé USB, toute une suite d'épisodes d'une sorte de journal rédigé par une Julie, 28 ans, « dame pipi » dans les toilettes publiques d'un grand centre commercial ; décide pour le prochain rendez vous chez les deux dames avec leurs amies, de lire des passages de ces documents texte Doc1,2,42...

    Un ami et compagnon de travail de Guylain, Guiseppe, qui a perdu ses deux jambes, accidentellement broyées dans la machine au centre de destruction des livres, propose de rechercher cette Julie, dresse une liste de tous les grands centres commerciaux d'Ile de France... Et voilà Guylain qui passe toute la journée du samedi à visiter les centres commerciaux et bien sûr, les toilettes publiques... Il ne trouve pas cette Julie...

    Cependant, autant dans le RER, ce 6h 27 du lundi au vendredi, que chez les deux dames, et cela à force d'être renouvelé, la lecture ainsi faite devant un public inconnu ou dans l'intimité d'une réunion d'amis, remporte un succès inattendu en ce sens qu'elle semble contribuer à une modification des comportements, des rapports de communication entre les gens...

     

    Un extrait, page 135 livre de poche folio :

     

    « 4.Doc »...

    « Quand on tient des toilettes publiques, quelles qu'elles soient, on n'est pas censée tapoter sur le clavier de son ordinateur portable pour y tenir son journal. On doit juste être bonne à torcher du matin au soir, à astiquer les chromes, à récurer, à briquer, rincer, réapprovisionner les cabinets en papier toilette et rien d'autre. »

     

    Des séances de lecture, de livres, de textes divers, à haute voix, dans un train, un bus, un métro, à côté d'une file d'attente à la caisse dans un grand supermarché... Peut-être pas forcément une page entière, juste un paragraphe... Pourquoi pas ? … Il y a bien des musiciens parfois, jouant d'un instrument, dans le métro parisien, entre deux stations...

    Mais... « on va dire » (vais-je dire)... Lorsque sera passé le temps du port du masque... Et sans béret ou casquette renversé, par terre, avec des pièces de monnaie dedans... (rire)...

     

     

     

  • Cent ans de solitude, de Gabriel Garçia Marquez

    Cent ans de solitude

    Ce livre, de Gabriel Garçia Marquez écrivain Colombien né le 6 mars 1927 et mort le 17 avril 2014, prix Nobel de Littérature en 1982 ; « Cent ans de solitude », publié aux Éditions du Seuil en langue Française en 1968 ; fut classé il y a de cela quelques années, dans une liste de 20 ouvrages les plus lus sur la planète, autant dire le succès qu'il remporta auprès d'un très large public dans le monde entier.

    « Une épopée vaste et multiple, un mythe haut en couleur plein de rêve et de réel » lit-on en page de 4 ème de couverture en édition de poche « Points »...

    Je ne me souviens plus exactement du rang, dans la liste des 20 ouvrages, qui était celui de « Cent ans de solitude »...

    Toujours est-il que, peu de temps après avoir eu connaissance de cette liste des 20 ouvrages les plus lus dans le monde, je m'étais décidé à lire ce livre...

    Mais je dois dire que j'ai « déclaré forfait » à la 35 ème page, alors que j'avais pris soin cependant, de lire la présentation d'Albert Bensoussan, écrivain né en 1935 à Alger, traducteur et Docteur ès Lettres... Une présentation faisant état de l'écriture d'un auteur « épico-lyrique, parodique et grandiose, excessive et fleurie, à la fois hyperbolique et simple, charmante et fascinante, et parfois terrifiante, comme peut l'être le langage d'un conteur de village qui impose à la conscience stupéfaite de son auditoire-ici de son lecteur- des contes de fées et des histoires fantastiques »...

    Récemment, ayant retrouvé sur l'une des étagères de ma bibliothèque, ce livre « Cent ans de solitude » j'ai tenté un deuxième essai de lecture, m'étant aperçu qu'à la page 35, se trouvait encore le marque page, un bout de papier plié en deux avec une flèche écrite au stylo pour repère...

    Et cette fois en dépit de toute ma bonne volonté, j'ai encore déclaré forfait, cette fois, à la page 32...

    Je dois dire -il en a toujours été ainsi de mes lectures depuis adolescent- que le côté « conte de fée » et histoire fantastique mettant en scène des fantômes, des personnages aux pouvoirs surnaturels ; que tout récit de fiction trop éloigné de ce qui est rationnel, dont la crédibilité fait défaut (du moins une apparence de crédibilité)... Ne m'a jamais attiré ni passionné....

    Pour moi, dans le rêve, dans l'imaginaire, dans la fiction, il doit entrer une dimension -comment dire- « d'ordre universel » ou « cosmique » en rapport avec des lois physiques, des principes de relation, d'association des éléments ou particules, une sorte de chimie de la vie, et tout cela dans une « logique », un « sens »...

    Il m'est arrivé de dire que la réalité est plus « surréaliste » par elle même dans son état brut, naturel, complexe ; que le « surréalisme » des artistes (peintres ou écrivains) du surréalisme en Art...

    Je n'ai guère senti ou perçu le lien -s'il y en a un – entre le réel et le rêve, dans les trente premières pages de « Cent ans de solitude » ; je n'ai pas été sensible à ce langage de conteur de village épico-lyrique, parodique et grandiose, excessif et fleuri, en lequel je n'ai trouvé que ce qui me gêne dans le surréalisme, dans le récit de fiction, à savoir cette absence ou cette déficience de « dimension universelle ou cosmique » (dans la dimension universelle, naturelle et cosmique il n'y a pas de « fantômes » ni de surnaturel mais des formes, des organismes, des structures, tout cela d'une diversité quasi infinie, en somme une sorte de « réservoir inépuisable  de création », et d'une grande complexité (le « vrai surréalisme » donc)...

     

     

  • Ainsi vivaient nos ancêtres, de Jean Louis Beaucarnot

    Cvt ainsi vivaient nos ancetres de leurs coutumes a 3049

    Journaliste, chroniqueur sur France Inter, généalogiste, auteur de plusieurs essais dont l'odyssée des familles, chasseur d'ancêtres et les noms de famille et leurs secrets... Jean Louis Beaucarnot, né le 19 septembre 1953 à Saint Symphorien-de-Marmagne en Saône et Loire, nous présente avec son livre Ainsi vivaient nos ancêtres publié en juin 1990, un tableau pour le moins -à mon sens- assez noir, de ce qu'était la vie quotidienne de nos ancêtres, gens du « commun des mortels » dans les campagnes et dans les villes, aux 17 ème, 18 ème, 19 ème siècle et jusqu'en 1914...

    « Originale et amusante , l'histoire quotidienne de nos ancêtres vous réserve une foule de découvertes savoureuses »... Est-il écrit à gauche, dans le résumé figurant en première page interne de la couverture..

    « Original, amusant, savoureux »... Je veux bien … Mais à vrai dire, c'est effrayant : que de superstition, d'omni présence d'une religion « castratrice et punitive », de crasse, de saleté, de manque d'hygiène, d'obscurantisme et surtout de condition féminine encore pire que celle d'aujourd'hui dans les pays où la femme est déconsidérée...

    Puanteur, ignorance crasse, jamais d'autre contact du corps avec l'eau, que dans une rivière en été lors d'un bain, femmes battues à coups de bâton, de lame de faux, de tisonnier rougi au feu... Sorcelleries et diableries, bébés étouffés ; jeunes enfants gardant des oies ou des moutons dans des prés jouxtant des forêts infestées de loups et de bêtes sauvages, une médecine inexistante ou empirique, de décoctions avec des fientes de divers volatiles, de pratiques divinatoires...

    Il est difficile d'avoir du respect, de la considération, pour une telle « civilisation  de merde », d'obscurantisme et de si féroce imbécillité, qui fut celle de nos 17 ème, 18 ème, 19 ème siècles en France ! … Du moins dans la société du « commun des mortels »... Et ce « n'était guère mieux » dans la bourgeoisie ou chez les privilégiés -surtout en matière de traitement et de considération de la femme...

    Sans compter toutes ces pratiques visant à stigmatiser, à offenser publiquement, voire à exclure par la violence et par la cruauté, les « indésirables », les marginaux, les Juifs, les lépreux, les gens atteints de difformités, ou encore tout comportement n'entrant pas dans le sens commun, toute manière de penser jugée dérangeante... Jusqu'à la religion, jusqu'à ces passages de la Bible relatifs à la femme qui n'ont rien à envier à ce que l'on peut lire sur la femme dans le Coran...

    Notre époque -depuis 1920- « est peut-être ce qu'elle est, tout ce que l'on voudra lui reprocher, de violence, d'injustice et d'hypocrisie », mais elle est tout de même « préférable » à ce qui a été avant le 20 ème siècle !... Quoiqu'une « sophistication » de la barbarie notamment depuis la seconde guerre mondiale et à plus forte raison encore depuis la mondialisation de l'économie marchande et de la surconsommation, n'en fasse guère loin s'en faut, une « société modèle » !

    Reste à voir ce que cela va donner, au 21 ème siècle, avec ces « neunœils » partout, ces fichiers numériques, la liberté d'expression bafouée, muselée, la robotisation, les manipulations génétiques, le retour de diverses formes d'obscurantisme et d'intégrismes religieux, les pouvoirs accrus des décideurs, des puissances financières, des lobbies de la santé publique...

    Par comparaison, on peut dire qu'avant le 17 ème siècle, notamment au temps de « l'âge d'or » du Moyen Age du 13 ème siècle, à l'exception de l' épopée des croisades cependant, nos ancêtres alors, « vivaient un peu mieux dans leur quotidien »... Si l'on peut dire... (Au moins, déjà, ils se lavaient le corps entièrement, plus habituellement, plus fréquemment, qu'aux 17 ème et 18 ème siècles)...

     

     

  • Les mémoires de la comtesse de Boigne

    Née D'Osmond, récit d'une tante. Tome I, du règne de Louis XVI à 1820, édition présentée et annotée par Jean Claude Berchet, collection Mercure de France.

     

    Voici ma fiche de lecture de ce livre dont j'ai arrêté la lecture au bout d'une cinquantaine de pages :

     

    En livre de poche, cet ouvrage comporte 730 pages... Couvrant près de 70 ans, les mémoires de la comtesse de Boigne, depuis les dernières années de l'ancien régime jusqu'à la révolution de 1848, nous avons là un premier tome de 730 pages : du règne de Louis XVI à 1820...

    Il y a donc un deuxième tome pour la période 1820 à 1848, qui sans doute comporte autant de pages...

    Déjà, il faut parvenir à aller jusqu'au bout d'une longue introduction d'une vingtaine de pages...

    En règle générale, je ne suis que fort peu « partant » pour lire de ces préambules, préfaces, introductions, que je passe, afin d'entrer tout de suite dans le vif du récit, du roman ; et cela ne peut être qu' après avoir achevé la lecture du livre, que je me décide à prendre connaissance de l'introduction...

    Au début de la première partie, chapitre I, Versailles, nous devons « ingurgiter » tous les tenants et aboutissants d'une généalogie très compliquée, autant du côté maternel que paternel avec les grands et célèbres aïeux, leur place et le rôle qu'ils ont joué dans la société aristocratique et bourgeoise de l'époque... Tous ces personnages au noms composés à particules, difficiles à retenir -autant dire que ça te passe au travers de la tête d'une oreille à l'autre...

    Il va sans dire que pour un lecteur (en l'occurrence le lecteur que je suis), immergé dans son temps dont il est le témoin, pris par la vie qui est la sienne au quotidien, avec ses activités, ce qui le sensibilise, ce qui le motive... Les tenants et aboutissants d'une généalogie très compliquée de personnages dont les noms de surcroît ne sont en aucune façon mémorisables ne sont que de peu d'intérêt voire d'aucun intérêt...

    Je ne retiens de ce livre, de ces quelque 50 pages que j'ai lues, ainsi que d'autres pages entrevues (« survolées » on va dire)... Que la qualité de l'écriture, bien dans le « beau style » de ces auteurs notamment féminins de ce XVIII ème siècle des Lumières...

    En règle générale dans mes lectures, je privilégie des textes, des récits, où n'interviennent et ne sont mis en scène qu'un nombre restreint de personnages, et cela en l'absence de toute intrigue compliquée du genre « thriller » policier, psychologique, aventurier, etc. (En revanche je recherche là où il y a du sens, de la réflexion, du réalisme « pur et dur » -mais néanmoins empreint de ce qui participe à la beauté du monde et impacte-, tout cela au delà de la seule dimension émotionnelle)...

     

    À priori, du fait que je m'intéresse à l'Histoire, au récit historique, et cela de toutes les époques ; j'ai pensé en ayant vu ce livre en ma possession et se trouvant parmi d'autres livres sur une étagère, ce livre que j'avais dû sans doute trouver dans un vide grenier, et dont je n'avais point encore commencé la lecture, j'ai donc pensé qu'il pouvait m'intéresser et j'ai pris connaissance du résumé en 4 ème de couverture, puis je me suis lancé...

    Entre autres récits ou romans historiques relatifs à la période révolutionnaire 1789-1799, j'avais notamment lu, de Christian Gilles « Madame Tallien » et de Anne Couvreuse « Les mémoires de madame Roland », et Condorcet en livre de poche...

    Mais pour ces mémoires de la comtesse de Boigne j'ai déclaré forfait au bout de 50 pages... Je n'arrivais pas à « entrer vraiment dans le texte »...

     

     

  • Le Fléau, de Stephen King

    Le fleau

    Dans « Le Fléau », de Stephen King, entre 97 et 98% de la population aux USA et partout dans le monde, meurent de cette sorte de grippe très virulente qui ravage la planète et ne laisse donc survivre que 2 à 3% de gens de toutes générations...

    Il est évident qu'avec un nombre aussi réduit de survivants, à peine 20 à 30 personnes sur mille en des lieux où vivaient des centaines de milliers de personnes, dans des très grandes villes, plus rien ne peut fonctionner du fait que la plupart des activités humaines (industrie, commerce, emplois qualifiés, informatique, numérique, robotique, médecine, chirurgie, écoles, artisanat, métiers de maintenance entretien, tout ce qui nécessite du savoir faire) dépendent précisément et globalement de spécialistes, de chercheurs, d'ingénieurs, qui devenus très rares, font cruellement défaut... De telle sorte que les survivants eux-mêmes n'ont que très peu de chances de se maintenir longtemps en vie...

    C'est alors, dans le roman de Stephen King, qu'entrent en scène des sorciers, des illuminés, des imposteurs de tous bords, des empiriques, de redoutables prédateurs humains, toutes sortes de gens mal intentionnés dont les pouvoirs sont exorbitants...

    L'on pourrait imaginer une évolution de ce « virus chinois » (actualité février 2020) qui peu à peu, muterait et deviendrait aussi ravageur que celui du Fléau de Stephen King...

    En attendant, avec à peine 2% de mortalité à l'heure actuelle, toutes les places boursières affichent de fortes baisses...

    Que la Bourse capote et que la Bouse soit ! (rire)... (La bouse empuantissant les Marchés dévergondés et mettant des nuées de mouches en dividendes)...

     

  • La vie est ailleurs, de Milan Kundera

    La vie est ailleurs

    Jaromenil, un petit garçon ( futur poète et déjà poète), voit sa maman qui affiche ses premiers écrits sur de grandes feuilles de dessin et les accroche aux murs de sa chambre comme si c'étaient des tableaux...

    Tout étonné, et ravi, Jaroménil prend alors conscience de l'importance que l'on donne à ses mots... Il en est très ému, et, au delà, bien au delà de la fierté qu'il en a, il réfléchit et se dit que les mots qu'il prononce puis écrit, sont des mots qui ne vont pas disparaître, des mots que l'on retiendra...

    Beaucoup d'enfants de par le monde n'ont pas ainsi, une maman, quelqu'un de leur famille ou une autre personne dans leur entourage, qui présente, met en valeur, avec autant de sincérité et d'émotion leurs écrits, leurs dessins et tout ce qu'ils réalisent...

    Mais prendre des enfants pour de petits dieux, céder à leurs caprices, surdimensionner avec ostentation ce qui les porte à dominer, à devenir des petits héros, et cela sans jamais s'intéresser à ce qui les singularise et qui n'entre pas dans les normes, c'est aussi ce que l'on voit... Et ces enfants là, dans une société consumériste, technologiquement et économiquement développée, seront les adolescents, puis les adultes de demain, bien accordés à un système en place dans une bonne ou mauvaise conscience mais plutôt à vrai dire dans une conscience et dans une réflexion sans consistance...

    Jaroménil enfant et déjà jeune poète, ne se voit pas en un Rimbaud ou en un Mallarmé, il ne se se voit qu'en lui-même selon ce qu'il observe, selon ce dont il s'interroge, selon ce qu'il exprime, traduit, interprète avec ses mots à lui... Et ainsi en est-il de même de chacun d'entre nous, qui dès l'enfance, peut être comme on dit « un poète, un écrivain, un artiste en herbe »... Il n'y aura par la suite, que le travail, que la recherche, en lien avec le talent, le talent qui sans le travail, n'est plus que de la terre d'un jardin en friche...

    Si la maman de Jaroménil n'avait point accroché tels des tableaux sur les murs de sa chambre, ses premiers écrits, si elle avait mis à la place des dessins de grands humoristes caricaturistes que son petit garçon aurait un temps admirés... Peut-être que Jaroménil devenu adolescent puis adulte, aurait fini par ne plus considérer sa vocation de poète, aussi essentielle dans sa vie... Peut-être même aurait-il abdiqué...

    Il y aura cependant -comme il y a d'ailleurs quasiment toujours pour le poète, pour l'écrivain, pour l'artiste devenu ( Le Jaroménil du roman de Kundera ou le Jaroménil de la vie réelle en 1920 ou en 2020) n'échappant point à la « règle »)... Cette  bonne ou mauvaise conscience empruntée à l'époque, et plus ou moins accordée au système en vigueur, qui viendra se « greffer » en surface, sans que soit effacé le fond premier du tableau...

    Je ne pense pas qu'un Jaroménil d'aujourd'hui âgé de quatre ans, devienne un jour un incendiaire de voiture, de cave d'immeuble ou de forêt proche d'un village, s'il a une maman ou quelqu'un dans son entourage qui lui accroche ses mots comme des tableaux sur les murs de sa chambre...

     

  • Ma "fiche de lecture" du livre de Jean Pierre Poccioni "LUNGOMARE BELLINI" (éditions Weyrich)

    Lb

    https://www.mollat.com/livres/2376199/jean-pierre-poccioni-lungomare-bellini , pour se procurer le livre...

     

    Soit dit en passant : la librairie Mollat à Bordeaux, est la plus grande librairie de la région Nouvelle Aquitaine (il faut y avoir été pour s'en rendre compte)... C'est aussi une librairie dans le sens de ce qu'est vraiment une librairie dans le monde actuel des espaces culturels, et cela est d'autant plus « heureusement étonnant » pour une librairie de cette taille et de cette envergure !

     

     

    En lisant le livre de Jean Pierre Poccioni LUNGOMARE BELLINI, j'ai eu l'impression de plus en plus nette page après page, d'être comme en une promenade le long d'une plage immense sans vacanciers avec juste l'air du large et un grand soleil supportable aux yeux, ou dans une forêt bruissante de la vie qui la peuple, ou sur un haut plateau sans sentiers ou chemins balisés de grande randonnée d'une région de montagne ; en fait, dans un espace naturel qui aurait retrouvé sa pureté originelle...

    L'espace naturel est celui, en l'occurrence, du livre... De ce qui fait ce livre : l'écriture, le style de l'auteur ; avec, ce qui est peu commun dans la littérature d'aujourd'hui, l'auteur qui met en scène le personnage de Pierre racontant à sa nouvelle compagne, un livre « Lungomare Bellini, écrit par un « Bertrand Descombières », un livre dont se sert Pierre pour faire comprendre à sa compagne, la trahison dont il a été victime dans sa relation avec une autre femme précédemment...

    Mais bien au delà de l'histoire elle même, au delà du thème du roman (les péripéties d'une trahison dont soit dit en passant, beaucoup d'entre nous en font l'expérience douloureuse), c'est bien cet « espace naturel », celui de ce livre dans sa pureté et dans sa facture, celui de la littérature ; l'environnement de la « promenade »...

    Et durant toute la promenade, pas un seul instant je n'ai eu ces pensées, ni même ces rêves... Et encore moins ces longues et profondes réflexions qui d'ordinaire me viennent à propos de ce qui se passe dans le monde, dans l'actualité du moment, de l'époque présente...

    C'était, page après page, aussi, comme si je m'étais trouvé devant le tableau d'un artiste que j'aurais choisi d'acheter, dont chaque détail de ce tableau aurait retenu mon regard et l'aurait prolongé, revenant sur ce détail là en particulier, et sur un autre encore...

    L'artiste qui avait peint ce tableau ne me semblait appartenir à aucune de ces écoles dont on parle dans les académies, les salons, les expositions... Je n'y voulais voir, d'ailleurs, aucune école...

    Cependant, oui, mais seulement quand je n'avais plus le livre sous les yeux, parce que l'on lit une demi heure, une heure, de ci de là dans la journée... Il m'est venu cette pensée, après avoir plusieurs fois lu page 11 «  Le fait est que comprendre les autres n'est pas la règle dans la vie..../...  » de Philip Roth dans Pastorale américaine :

     

     Tant que notre culture, notre sensibilité, et par là même notre faculté à penser, à réfléchir, à juger, à témoigner de ce que l'on observe... Se fondent sur les valeurs qui nous ont été inculquées, d'une part ; et les valeurs qui nous sont personnelles et que l'on s'est forgées au fil de nos expériences et de ce que nous avons vécu, d'autre part... Et qu'avec et par tout cela l'on croit comprendre les autres, comprendre ce que les autres font ou ne font pas, comprendre le monde, comprendre l'époque en laquelle on vit, comprendre le pourquoi et le comment, comprendre l'œuvre d'un écrivain ou d'un artiste... Nous demeurons dans une dépendance qui fait de l'être vivant que nous sommes en tant qu'être humain, et précisément parce que nous sommes humains, un être vivant conscient -et imbu- de son existence, tellement conscient qu'il en perd de vue la nature même, la nudité, la pureté, le caractère intemporel de ce qui au fond, fait un être vivant à l'état brut, avant tout ce dont se fait lui-même cet être vivant, avant tout ce que les autres êtres vivants font de lui...

    La dépendance est d'autant plus déformante qu'elle se fixe sur des normes de pensée, de mode, de jugements, de préjugés, en flux et reflux de vagues déferlant sur le sable d'une plage souillée de tous les petits détritus que l'on abandonne sans se poser de questions...

    Dans la relation humaine de l'époque présente, peut-être plus encore que dans un passé relativement proche, celui d'avant Internet et des réseaux sociaux, de ce temps que l'on dit être celui des « trente glorieuses »... « L'air du temps » n'est pas, loin s'en faut, à la compréhension des autres, de ces autres même, qui sont des proches, des personnes de notre famille, des connaissances et amis... Et à plus forte raison, des gens que l'on connaît peu ou voit peu...

    L'on passe sa vie à se fourvoyer, bardés de ces certitudes que l'on s'est faites et auxquelles on croit jusqu'à les imposer aux autres, impactant ainsi les opinions, dans un sens ou dans un autre, souvent dans le sens d'une déconsidération, d'un mépris de l'autre... Ou dans le sens d'un « mieux » qui n'a de « mieux » que l'engouement, que l'attirance nous venant, ou qu'une propension à surestimer...

    « L'air du temps » n'est pas non plus, à refuser ou même à seulement douter d'avoir tort ou raison... Il faut à tout prix avoir raison et autant que possible, pas trop souvent tort ; et si d'aventure l'on se risque au refus ou au doute, alors ne chercher à avoir ni tort ni raison devient suspect, hors du sens commun...

    C'est pourtant, ne point s'attacher à avoir raison ou tort, peut-être la meilleure manière d'être témoin de ce qui se voit, se perçoit, s'entend, de l'autre …

    Témoin en somme, « comme en promenade sur le boulevard animé des gens qui passent, des musiques, des bruits environnants, du théâtre de la vie et de la cité »... Et peu importe si l'on a les mains dans ses poches ou le long du corps, sa casquette de travers ou bien droite, le regard perçant ou perdu, enfin le « genre » que l'on se donne... Peu importent ces certitudes que l'on a pu se faire... Peu importe ce que l'on nous a dit ou pas dit, d'un tel, d'une telle...

    La promenade ... Rien que la promenade...

    Et le sourire -parfois le rire- de temps à autre... Mais peut-être pas le sourire ou le rire qui « veut dire quelque chose »...

    Et le regard...

    Et dans le regard, une pensée sans jugement, sans mots, en face de tout ce qui fait la nudité, la pureté, le caractère intemporel, la réalité crue et authentique des êtres et des choses vus... En somme, face à la beauté qu'il y a dans le monde, dans un visage, un paysage, une œuvre d'art ou d'écriture... Extraite de ce tableau toujours raté des barbouilleurs fussent-ils de génie...

     

    Quelques extraits :

     

    -Page 48 et 49 : « La caricature consiste à grossir un trait pour le rendre visible à tous mais il ne faut pas oublier qu'elle sacrifie toute nuance au point qu'au bout du compte on n'obtient rien d'autre qu'une marionnette universelle destinée à faire rire plus qu'à éclairer. »

     

    -Page 69 : « Le libraire était seul et ouvrait des colis qui encombraient l'entrée. Muni d'un énorme couteau de cuisine il dépeçait les cartons dans une sorte de précipitation rageuse, les agrafes arrachées faisaient un bruit sinistre. »

     

    -Page 107 : « Pierre reportait alors son attention sur la route, seul avec ses pensées même s'il surveillait par de brefs coups d'œil une mèche de ses cheveux qu'un flux d'air silencieux agitait doucement. » ( Pierre conduit la voiture sur l'autoroute et regarde sa compagne Caro endormie à côté).

     

     

    C'est ce que j'appelle -pour très simplement dire les choses  : « de l'écriture ! »... Il n'y a absolument aucune « critique » à formuler, notamment « pharisienne »...

    Soit dit en passant, le « pharisianisme » d'aujourd'hui sonne désespérément creux lorsque l'on tape du doigt sur la surface du tableau hérissée de concrétions corrosives...

     

    Aux passionnés de littérature et d'écriture -et de travail d'écriture- je conseille la lecture de ce livre de Jean Pierre Poccioni « Lungomare Bellini »... Et je rappelle que Jean Pierre Poccioni est l'auteur de cinq autres livres :

     

    -Le beau désordre, éditions Autrement, 2000

    -La maison du faune, Phébus, 2006

    -Un garçon en ville, éditions du Rocher, 2008

    -La femme du héros, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015

    -L'histoire du marin blond, Z4 éditions, 2018

     

     

  • Mon chien stupide, de John Fante

    Mon chien stupide

    ... Le livre de John Fante est un roman dans la pure tradition autobiographique, style, écriture, de l'auteur, où sont abordés entre autres thèmes privilégiés de l'auteur ; les relations familiales et la place de l'artiste dans la société.

    Déjanté, débridé, irrévérencieux, brut d'émotion et d'humour, sur un fond d'amertume, de cette amertume dont John Fante dit qu'elle est la pire chose qui puisse arriver aux gens...

    ... Le film dont le titre est le même "Mon chien stupide", réalisé par Yvan Attal lui-même dans le rôle de Henri Mohen le personnage principal, avec Charlotte Gainsbourg dans le rôle de Cécile la femme d'Henri, et de Ben Attal le fils du réalisateur dans le rôle de Raphaël le fils d'Henri, est une adaptation proche du roman de John Fante, un écrivain américain du 20ème siècle fils d'immigrants italiens qui a grandi dans une famille croyante et conservatrice dans un environnement qui lui fut hostile et dans lequel il a été incompris...

    Pour reprendre une expression de Frantz Kafka, le film "Mon chien stupide" et surtout le livre de John Fante, est, par son style, par son écriture, et dans tout ce que le livre évoque, un "coup de hache sur la mer gelée"...

    Mon sentiment est que, dans l'époque où l'on vit en ces années d'autour de 2020, bien plus encore que la pesanteur des croyances et des habitudes avec tout ce que les croyances véhiculent de crispations et de violences ; bien plus que l'absence de repères dans les relations familiales et que la place incertaine et aléatoire de l'artiste dans la société ; bien plus aussi, que l'indifférence, que l'incompréhension, que le renoncement -ou que le radicalisme dans un engagement politique ou religieux... C'est le recul -ou le repli- de l'intelligence dans la relation humaine, sur fond de ce qui imite l'amour à s'y méprendre (ce que j'appelle "l'ennemour") ; c'est le recul de la réflexion, le remplacement de la bienveillance par la complaisance, la substitution de l'affirmation par l'outrance, la domination de l'apparence et de l'effet immédiat sur l'authenticité et la réalité vraie... De telle sorte que le "coup de hache sur la mer gelée" devient un "coup d'épée dans l'eau"... Et qu'en tant qu'artiste, écrivain, poète ; en tant qu'être de réflexion et de pensée, en tant qu'être "ordinaire" -mais purement humain... Ça devient, comme pour le petit renard des sables vivant et se déplaçant dans un désert de rocailles de ci de là habillé d'un peu de verdure... De plus en plus difficile, de plus en plus aléatoire... Avec le difficile qui pèse plus que l'aléatoire...

     

    http://yugcib.forumactif.org/t74-john-fante

     

     

     

  • L'Atlantide, de Pierre Benoît

    L atlantide

    ... Lors d'une mission d'exploration au Sahara dans le massif du Hoggar, deux officiers Français, André de Saint Avit et François Morhange, se retrouvent prisonniers d'Antinéa, descendante des Atlantes, la souveraine de ce petit paradis merveilleux situé dans ces montagnes du Hoggar, un territoire en fait, qui, dans le récit de Pierre Benoît, serait un "reste" de ce que fut l'Atlantide, ce continent mythique évoqué par Platon dans le Critias et le Timée, entre la fin du 5 ème et le début du 4 ème siècle AV-JC.

     

    ... L'intérêt véritable, dis-je, de ce livre, réside tout d'abord dans sa forme littéraire, dans la beauté de l'écriture...

    Ensuite sur ce qu'il y a de crédible, historiquement et scientifiquement parlant... À savoir que les Grecs du temps des Mycéniens et des Minoens (le monde Egéen de 1700 à 1200 AV-JC) et les Grecs du temps de Platon au 5 ème siècle AV-JC ; avaient mené des expéditions d'exploration jusqu'au fin fond du Sahara, dans le massif du Hoggar, et étaient même allés jusqu'au cœur de l'Afrique subsaharienne... Et de même ont fait les Égyptiens anciens de l'âge du Bronze, qui sont allés jusqu'en Ethiopie actuelle, jusqu'à l'extrémité de la mer rouge, et aussi vers l'Afrique subsaharienne (le Soudan actuel)... Et encore les Romains dès les 2ème et 3 ème siècles AV-JC, eux aussi jusqu'en Afrique subsaharienne...

    Les deux officiers Français en mission font la découverte d'une insciption en forme de croix, d'un dessin très régulier, avec des caractères entaillés dans la roche (du Grec traduit dans une langue locale d'un peuple qui vivait là, dans cette région du Sahara il y a plus de 2500 ans)...

    Mais là où s'arrête la science commence la légende et le mythe... Déjà, première constatation : autant du côté des Grecs anciens que des Égyptiens anciens, la présence dans cette région (le Hoggar), des uns et des autres, datent de l'âge du bronze c'est à dire, en gros, entre 3000 et 1200 AV-JC ; et ensuite de l'âge du fer après 800 AV-JC...

    L'Atlantide étant située dans le temps à plus de 9000 ans avant notre ère, il est absolument impossible qu'une civilisation méditerranéenne proche orientale comparable à celle qui a existé après 1700 AV-JC, ait pu s'épanouir à cette époque là vers 10/9000 AV-JC... Et donc, entrer en contact avec cette civilisation Atlantide... L'on sortait à peine du Néolithique au proche orient vers 9000 AV-JC...

    En supposant que cette civilisation Atlantide ait encore existé au delà de 9000 AV-JC, reste à savoir comment et quand elle aurait disparue, aurait été engloutie ou détruite ou étant tombée en décadence...

    Il me semble difficile d'imaginer une "jonction" entre "ce qui resterait encore d'une civilisation Atlantide" et la civilisation Egéenne par exemple vers 1500 AV-JC.

    Autant dans ce livre de Pierre Benoît j'ai été intéressé par le début, jusqu'au récit de la découverte des inscriptions, autant par la suite je n'ai plus du tout adhéré au récit faisant état d'un "paradis" au cœur du désert saharien, avec ce personnage d'Antinéa descendante de Neptune, un dieu des Atlantes, ni à cette description d'un paysage merveilleux avec sur les cimes des montagnes environnantes, de la neige! ... Même si parfois -cela peut arriver- à plus de 2000 mètres dans le Hoggar, en hiver, des passages de fronts et des dépressions peuvent provoquer des chutes de neige sur les sommets...

     

     

     

  • 1177 AV-JC, le jour où la civilisation s'est effondrée, de Eric H. Cline

    9782707185938

    ... Un texte d'une rigueur scientifique notable, qui repose en grande partie sur des découvertes de milliers de tablettes d'argile recouvertes d'écriture, dont l'une d'elles était une langue commune pratiquée dans le monde méditerranéen et moyen-oriental dans les échanges entre empires et états : l'Akkadien...

     

    Ce texte retrace une période qui se situe entre le 14 ème et le 12 ème siècle avant JC, en gros sur trois siècles, à la fin de l'âge du bronze... Mais comme on peut le lire au début du livre, est évoquée une période précédente, de 1700 à 1550 AV-JC...

     

    Lorsque commence le 12 ème siècle AV-JC, dans les années -1190/-1180, toutes les civilisations (en fait LA civilisation) de méditerranée grecque et orientale, se sont rapidement effondrées, le point culminant dans la conjonction de plusieurs causes (invasion de peuples, destructions de villes et de cités, changement climatique/sécheresse, guerres, conflits, révoltes, rupture des échanges commerciaux) ayant été l'année -1177... Causes auxquelles s'ajoute une importante activité sismique due à la faille en profondeur du bassin méditérranéen, entre les plaques africaine et eurasienne, une activité sismique qui, durant plusieurs dizaines d'années autour de -1200, a provoqué une série de séismes dévastateurs en Grèce, Anatolie, moyen orient)...

     

    Le monde "globalisé" (politique, économique, culturel, échanges internationaux, routes terrestres et maritimes) était ainsi constitué, à cette époque entre -1400 et -1200, comprenant :

     

    -À l'ouest, la Grèce continentale avec Mycènes, Tirynthe et Pylos ; une partie des îles de la mer Egée et la Crète, les minoens, avec Cnossos

     

    -L'empire Hittite avec sa capitale Hattusa au nord de l'Anatolie, qui s'étendait cet empire Hittite sur une grande partie de la Turquie actuelle

     

    -Le voisin, à l'est de l'empire Hittite, le royaume de Mitanni avec pour capitale Assur, une région comprise autour du cours nord du Tigre (nord de l'Irak actuel)

     

    -Au sud du royaume de Mitanni, la Babylonie des rois et des princes Kassites, située entre le Tigre et l'Euphrate dans la partie sud de ces deux fleuves, et jusqu'au Golfe persique

     

    -L'empire Égyptien, de basse et haute Égypte, tout le long du Nil, et s'étendant au nord au delà du Sinaï, dans ce qui est aujourd'hui Israel et le Liban, avec Memphis et Thèbes (Égypte) et Megiddo, Tyr, Biblos (côte méditerranéenne).

     

    Tous ces empires, royaumes, sociétés, à cette époque, étaient connectés, avaient une langue commune (l'Akkadien), échangeaient de nombreux biens tels que des céréales, des tissus, de l'or, du cuivre, de l'étain, et les artistes, les marchands, circulaient librement d'un bout à l'autre de ce monde "globalisé" où la diplomatie, les traités, les codes, les correspondances par messages sur des tablettes d'argile ou par des cadeaux offerts, les alliances entre états, était la règle commune plutôt que le rapport conflictuel (quoi qu'il y eût, il faut dire, quelques guerres notamment entre Égyptiens et Hittites, Hittites et Mitanniens)...

     

    En dehors ou en deçà de ce monde "globalisé", il y avait aussi d'autres peuples, mais qui étaient moins reliés entre eux et peu reliés au monde méditerranéen et moyen oriental : Ibères, Celtes (ouest Européen), Etrusques (nord de l'Italie) et plus loin en Asie orientale, les peuples de Chine et d'Inde ... Sans oublier les peuples d'Afrique, d'Amérique, d'Océanie Pacifique...

     

    ... L'âge du bronze couvre une période qui va de -3000 environ jusque vers -1200/-1100.

    En gros l'âge du bronze (alliage cuivre et étain) intéresse un territoire qui part du sud de la péninsule ibérique, traverse la partie Est de la France, puis l'Europe jusqu'à la mer Noire avec l'Italie et la Grèce, ensuite l'Anatolie jusqu'à la mer Caspienne et le moyen orient et l'Égypte.

     

    ... L'âge du fer se situe entre -800 et la fin du 1er siècle après JC, mais la technologie utilisée pour le fer (plus difficile que pour le bronze) était déjà connue entre -1500 et -1000, dans un espace qui va de l'Anatolie à l'Iran, et les Philistins, les Phéniciens et les Égyptiens connaissaient aussi le fer entre -1100 et -800...

    C'est autour de -800/-700, que l'usage du fer s'est répandu en Europe, à partir du sud de l'Allemagne et l'Autriche...

     

    ... La période obscure qui s'étend entre -1200 et -800/-700 après l'effondrement de la civilisation méditérranéenne et moyen orientale de la fin de l'âge du bronze, peut être comparable à la période qui, entre les 4ème et 7ème siècle après JC, a suivi la chute et le déclin de l'Empire Romain (Empire qui avait duré de -200 environ à 450 après JC, du moins pour sa partie occidentale)...

     

    Cependant, après l'effondrement des empires et royaumes Grec mycénien Hittite Mittanien Babylonien Égyptien ; du 12 ème au 9ème siècle avant JC, la civilisation n'a pas complètement disparue et des états, des royaumes se sont constitués, avec beaucoup moins de liens entre eux ; le monde méditérranéen et moyen oriental étant alors devenu une mosaïque de pays, où le commerce, l'artisanat, les échanges, se faisaient non plus à grande échelle mais par des entrepreneurs privés, indépendants et sur des distances moins longues, et sans règles communes...

     

    Il a fallu attendre l'arrivée du monde Grec que nous connaissons (l'antiquité grecque que l'on enseigne à l'école aujourd'hui, qui débute vers -700); puis l'Empire Perse, et ensuite l'Empire Romain à partir de la chute de Carthage, pour retrouver de grandes civilisations généralisées sur une vaste étendue territoriale...

     

    ... Il y a quelques correspondances dans le monde globalisé (en gros, la civilisation dite "occidentalisée") que nous connaissons aujourd'hui (depuis les années 1990) avec ses traités de libre échange, sa mondialisation de l'économie marchande, ses alliances entre grandes puissances telles que celles de l'OTAN, la dominance des lobbies de l'industrie, de l'agriculture et du commerce, les transports sur de grandes distances... Avec le monde de la fin de l'âge du bronze tel qu'il était alors entre -1400 et -1200... En ce sens que les "problématiques" sont à peu près les mêmes : celles d'un changement climatique (qui cette fois, est davantage lié à l'activité humaine sur la planète, donc plus que par cause de phénomèmes naturels plus ou moins "cycliques" ou liés à des conjonctures d'ordre naturel), de désordres, de conflits, de mouvements migratoires consécutifs à des guerres et à de la misère dans des pays appauvris, de rupture ou de modification de traités d'échange, d'insécurité politique, de constitution de blocs de grandes puissances qui s'opposent, déstabilisant ce monde globalisé qui commence à se fragmenter, pour ne pas dire à voler en éclats...

     

    Un autre point commun entre notre monde et celui de la fin de l'âge du bronze, et peut-être le plus déterminant aussi combiné qu'il soit avec une série de causes multiples telles que celles citées plus haut ; c'est le niveau de complexité atteint, dans l'un et l'autre monde, pourtant séparés par 3200 ans d'histoire...

     

    En effet le monde de la fin de l'âge du bronze, de ces sociétés, états, empires royaumes, dans la civilisation grecque égéenne hittite mitannienne babylonienne égyptienne, avait atteint vers -1200 un niveau de complexité tel, que le moindre "rouage" défectueux dans le "système", par effet de domino, pouvait faire s'écrouler le système...

    Nous sommes de nos jours, avec notre civilisation mondialisée et ses technologies, dans une complexité encore plus grande...

     

    Autrement dit, plus une civilisation, plus une société est complexe, et plus elle devient fragile et donc exposée lorsque l'un des "rouages" du système se "grippe" entraînant toute sortes de dysfonctionnements...

     

    ... La différence qu'il y a -la plus manifeste à mon avis- entre le monde globalisé du début du 21ème siècle après JC et le monde globalisé de la fin de l'âge du bronze (3200 ans d'écart)... C'est qu'aujourd'hui... Les tablettes d'argile sur lesquelles on écrivait tout (y compris ce qui se passait au niveau de la vie quotidienne des gens) ont été remplacées par des documents texte image numérique, tout cela stocké dans des "data center" ou sur des supports informatiques ou espaces de stockage internet, sur des blogs, des sites, sur Facebook, sur Twitter... Enfin sur des supports qui sont dématérialisés... Et dont les futurs archéologues du 4 ème millénaire (s'il y en a encore) ne retrouveront rien, rien de rien... Tout aura disparu depuis longtemps, et notre civilisation avec...

     

    Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas, au 4 ème millénaire, une autre civilisation dont on a pas idée, aujourd'hui, de ce qu'elle sera ni comment et quand elle aura commencé...

     

     

  • A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Marcel Proust

    Jeunes filles en fleur

    ... Première parution de cet ouvrage en 1918, édition et préface de Pierre-Louis Rey.

     

    Gallimard 11 mai 1988.

     

    Marcel Proust, lauréat du Prix Goncourt en 1919, avec "A l'ombre des jeunes filles en fleurs"...

     

    ... Ce qui m'a surpris et interpellé, à la lecture de cet ouvrage de Marcel Proust, c'est la complexité dans la structure et dans le déroulé, dans la longueur, dans le rythme des phrases, tout cela, associé en même temps à une grande fluidité du texte.

    Une telle complexité dans la structure de la phrase, et une telle fluidité, en même temps, dans un texte littéraire, dans le genre roman et récit en l'occurrence, et dans toute l'oeuvre de Marcel Proust avec "A la recherche du temps perdu", c'est inédit, unique, dans l'histoire de la littérature française ; ce qui fait de Marcel Proust un auteur, un écrivain, inimitable...

    Il faut assurément faire un effort de lecture, et avec une volonté déterminée et constante, sans faille, pour lire jusqu'à la dernière ligne, ce texte de 514 pages (en collection poche Folio) d'une écriture aussi dense...

     

    ... Je reproduis ici ce passage (page 280 et 281) :

     

    "... D'abord l'impossibilité de s'arrêter auprès d'une femme, le risque de ne pas la retrouver un autre jour lui donnent brusquement le même charme qu'à un pays la maladie ou la pauvreté qui nous empêchent de le visiter, ou qu'aux jours si ternes qui nous restaient à vivre le combat où nous succomberons sans doute. De sorte que s'il n'y avait pas l'habitude, la vie devrait paraître délicieuse à des êtres qui seraient à chaque heure menacés de mourir, -c'est à dire à tous les hommes. Puis si l'imagination est entraînée par le désir de ce que nous ne pouvons posséder, son essor n'est pas limité par une réalité complètement perçue dans ces rencontres où les charmes de la passante sont généralement en relation directe avec la rapidité du passage. Pour peu que la nuit tombe et que la voiture aille vite, à la campagne, dans une ville, il n'y a pas un torse féminin, mutilé comme un marbre antique par la vitesse qui nous entaîne et le crépuscule qui le noie, qui ne tire sur notre coeur, à chaque coin de route, du fond de chaque boutique, les flèches de la Beauté, de la Beauté dont on serait parfois tenté de se demander si elle est en ce monde autre chose que la partie de complément qu'ajoute à une passante fragmentaire et fugitive notre imagination surexcitée par le regret."

     

    ... La question de l'unité (dans le récit, dans l'histoire, avec un début, une fin, une intrigue, un déroulement par épisodes) ; non seulement dans "A l'ombre des jeunes filles en fleur" mais aussi dans les autres ouvrages de l'oeuvre de Marcel Proust... Est-elle pertinente et (ou) essentielle ?

    N'est-ce point le caractère composite de l'oeuvre -et en quelque sorte, comme inachevé, qui fait l'originalité, l'unicité de l'oeuvre?

    Les circonvolutions, les détours, les métaphores, de la phrase Proustienne, expriment un attrait pour l'inconnu, une interrogation en face de l'inconnu ; et les fréquentes comparaisons auxquelles se livre l'auteur, relient les lois qui régissent l'individu en ce qui concerne sa personnalité, sa psychologie, la manière dont il fonctionne, avec les lois qui gouvernent le monde. Et il y a encore cette recherche d'une vérité, par laquelle une mémoire et un instinct naturels, une intemporalité de l'Etre au delà des limites de son existence (naissance et disparition), qui convient mieux à l'esprit, qui fonde et organise davantage la pensée et le regard porté sur les êtres, sur le monde, que tout ce que l'intelligence méthodique peut apporter avec sa logistique, ses démarches, ses démonstrations, son argumentation, ses principes...

     

     

     

  • Mort à crédit, Louis Ferdinand Céline

    Cvt mort a credit 7003

    ... Mais bon, on dit Céline tout court...

    C'est peut-être la 3ème ou 4ème fois que je lis ce livre Mort à Crédit... J'avais commencé par Voyage au bout de la nuit, plus tard je me suis risqué à Guignol's Band...

    C'est sûr que quand on lit Céline, ça ressemble à rien, à rien de rien de tout ce qui a été écrit comme livres sur cette planète...

    J'imagine Céline naître en 1977 au lieu de 1894... Et à 42 ans il écrit Mort à crédit qui paraît en 2019... Je pense pas que ça s'appellerait Mort à crédit... Mais ça reviendrait au même...

    Le Louis Ferdinand y'a des chances qu'il soit sur Facebook, sa page facebook longue comme le chemin de fer Lisbonne Vladivostok, ça n'arrêterait pas les points de suspension, le mots inventés pour désigner les choses, ses formulations, son vocabulaire... Oui j'imagine tout ça, son écriture à nulle autre pareille, dans l'environnement du monde d'aujourd'hui avec les smartphones, l'internet, les technologies nouvelles, toutes les couleurs du temps d'aujourd'hui, tout ce qu'il en dirait, en écrirait, de ce monde qui marche sur la tête avec tous les enfoirés, les vendus, les pourris qui font crever la planète... Délirant mais version premier quart du 21ème siècle...

    Je sais pas s'il serait sur Twitter... Peut-être... Sans doute... Peu importe... De toute façon je le vois pas, le Louis Ferdinand, en 140 caractères, faire des raccourcis... En effet, pas mal de formules langagières sont pas très compatibles, telles quelles, brutes et isolées, expurgées de tout le contexte qui va avec...

    Et qui le lirait ? Il serait peut-être noyé dans la masse, on le zapperait, c'est pas sûr qu'il fasse un tabac comme le Céline de 1932 avec son Voyage au bout de la nuit... Et encore moins avec son Mort à crédit de 1936 au moment du Front Popu, ou avec son Guignol's Band de 1944...

    C'est que les temps ont changé... En fait, y'a juste que l'internet facebook twitter les smartphones en plus ; on se fringue pas tout à fait pareil, et y'a un peu plus de monde sur terre, et surtout tout le monde écrit poste diffuse publie produit et ça va jusqu'à la vidéo de Yohan le bébé qui fait sa première dent et au "bourricot-à-versaire" de Jennifer en ensemble pantalonant qui se fout du gâteau sur le chemisier après avoir soufflé pas assez fort sur les bougies...

    Il est plus là Céline pour nous causer du Grand Merdier Général et occire de sa verve tous ces enfoirés, ces emplumés, qui tous ou presque se la pètent leur culture leur Ego avec leurs lecons d'morale et pour certains leur athéïsme qu'est pire que la religion, leurs putains d'bouquins qui font la Une des étalages Leclerc Culturel, leurs coucheries, les salons du livre où ils se pavanent comme des dindons et font de la dédicace au kilomètre...

    C'est que Mort à crédit, ça c'est d'l'autobiographie ! D'la vraie! Du foisonnant, du délirant, du littératoque inimitable, ça pue, ça sexe, ça se torticole dans tous les sens... Tellement que, trois phrases avec deux séries de points de suspension plus tard, tu te souviens plus, il te faut relire et encore t'es pas plus avancé dans la mémorisation, du coup le livre tu le lis 4 fois mais seulement si tu ressens en toi cette écriture comme de regarder sans pouvoir la quitter des yeux une fille laide d'apparence mais dont le chien t'accroche par son visage, son habillement, ses gestes, sa voix, tout son tra-la-la... C'est ça Céline... Et ça n'a rien à voir avec "Cé-Cé-Cé- Célimène..." qu'on recyclait dans les bals de mariage à 4h du matin à la soupe à l'oignon dans les années 90...

    L'anarchie dans l'écriture... à défaut d'être dans le monde la vie qui court la société... ça la fait exister l'anarchie sans exister au vrai... C'est déjà pas mal !

    C'est pas la dentelle avec 2/3 accrocs volontaires bien étudiés, des romans d'terroir avec des amours ratés et des belles baraques et des intrigues tarabiscotées... C'est pas la fulozofu de tous ces granpenseurs qu'en sont à leur 4ème, 5ème essai sur un truc d'l'état du monde !

     

    ... "J'en ai bien marre des égrotants... En voici trente emmerdeurs que je rafistole depuis tantôt... J'en peux plus... Qu'ils toussent! Qu'ils crachent! Qu'ils se désossent! Qu'ils s'empédèrent! Qu'ils s'envolent avec trente mille gaz dans le croupion!... Je m'en tartine!... "(Page 15, collection Folio)...

    ... Y'en a des comme ça tout le bouquin, et le comédien (ou la comédienne) qui serait capable de réciter tout ça sur scène, appris par coeur... Il est pas encore né ! Il faudrait déjà s'il existait, ce comédien ou cette comédienne, qu'il déclame tout ça, pas comme le font, bien théâtral et consensuel de la récitation, les liseurs de textes sur scène !

     

     

  • Le démon de minuit

    Demon minuit bazin

    ... Dans ce roman -mais à mon avis c'est plus un récit qu'un roman- Hervé Bazin aborde un sujet grave et difficile, celui de cet âge de la vie où, homme ou femme l'on atteint les 70 ans et au delà...

     

    Cet âge où l'on est à la merci -quoiqu'à 50 ou à 40 voire plus tôt cela arrive aussi- de quelque "accident cardio vasculaire" pouvant survenir et ainsi "changer la vie au quotidien" jusqu'à la fin de ses jours... Sans compter les autres affections du genre cancer, diabète et diverses "vacheries" lourdement handicapantes...

     

    Septuagénaire, homme ou femme, à une époque, celle de ces années du premier quart du 21 ème siècle, où l'espérance de vie continue d'augmenter (mais soit dit en passant, qu'en sera-t-il après 2050 vu ce que l'on observe déjà, une diminution, aux Etats Unis d'Amérique et en Russie)... Où 70 ans d'aujourd'hui correspond à peu près à 50/55 il y a un demi siècle et à plus forte raison au 19 ème siècle, le "démon de minuit" est un phénomène de société, d'autant plus que par ce terme de "démon de minuit" l'on pense à la sexualité, à la virilité pour les hommes, à la capacité d' "atteindre le septième ciel", au pouvoir de séduction (autant pour l'homme que pour la femme ayant passé l'âge de 60 ans)...

     

    L'on parle d'égalité de l'homme et de la femme... Mais -et c'est encore là, au sujet de la sexualité et du fait de "refaire sa vie" avec quelqu'un d'autre- aussi, un fait de société... Il n'est pas "si bien vu" du moins " pas vu de la même manière" qu'une femme de plus de soixante ans se "remette en vie de couple avec un homme de vingt ans plus jeune qu'elle, ou comme on dit "ait une aventure" avec un homme beaucoup plus jeune... En quoi et au nom de quoi serait-ce moins bien vu et plus "sujet à critique" qu'un homme de 70 ans vivant en couple ou se remariant avec une jeune femme de 30, 40 ans voire de 25 ans ? Si la société a évolué -on ne peut le nier- vers une égalité totale/vraiment totale entre l'homme et la femme, il y a encore des progrès à faire ! (les préjugés, les jugements, les parti-pris, la tradition, la religion, les principes moraux, tout cela n'est pas prêt à disparaître)...

     

    Gérard Laguenière, le personnage central du livre, à 70 ans, refuse les tabous, les usures, les humiliations de l'âge, de la vieillesse. Il entend mourir debout et heureux si possible. Bafoué, trompé à maintes reprises par sa deuxième femme Solange, il finit à force "d'avaler des couleuvres" par divorcer et se remarier avec Yveline, une jeune femme de 33 ans avec laquelle il a un enfant Noël... Yveline était une amie de longue date avant que Gérard n'envisage avec elle une relation plus intime...

     

    Hervé Bazin dans "Le démon de minuit", traite à l'acide, en force, en noirceur, et avec un réalisme "pur et dur", mais aussi en des pages sombrement comiques, ce sujet grave et difficile, à sa manière, qui est celui de cet "âge venant" qui n'est pas encore la vieillesse, la "grande vieillesse"... Mais il le traite dans un style "baroque" à souhait, avec force métaphores, effets de style, phrases parfois longues et façonnées telles ces gargouilles drôles et surréalistes, démoniaques, tarabiscotées, que l'on peut apercevoir sur les cathédrales... Ce qui ralentit la lecture si l'on veut prendre la mesure de certains passages du texte, ou même par moments rend la lecture difficile...

     

    ... Quelques extraits :

     

    "Mais l'ondée se déclenche et, comme s'il se souvenait d'avoir été sous-lieutenant, M. Séverin qui rentre tous les soirs à Paris porte la main à sa tempe et se hâte vers sa voiture. Yveline,machinalement,ouvre son parapluie. Les pieds serrés, les bras repliés, elle se rétrécit sous le dôme de soie verte qui crépite et dont chaque bout de baleine devient une mini-gargouille."

     

    "Il se tourna vers cette carte postale mouvante qu'est une vitre de wagon. N'aimant guère l'auto, encore moins l'avion qui, s'il fait beau, vole sur une carte d'état-major et, s'il pleut, sur une océan de coton hydrophile, d'ordinaire il appréciait le train, proprement nourri de volts par les caténaires : le train, procession rapide, fête-lieu, lissant du fer entre ces temples de l'exactitude que sont les gares."

     

    "Une mouche posée sur un étron et suçant la chose avec ardeur connaît la félicité et des basses oeuvres de ses fesses Solange tirait d'aussi fleurantes gloires.Jusqu'où pouvait aller la rage de triompher de la ménopause dont ceci devenait une complication infectieuse méritant les imprécations dédiées à Lynote.../..."

     

     

     

  • Diderot le génie débraillé, de Sophie Chauveau

    Diderot

    Résumé quatrième de couverture :

     

    Diderot l’écrivain, le philosophe, l’Encyclopédiste nous est ici révélé sous un autre jour.
    Voici un adolescent, fuyant son père avec la complicité de sa soeur, qui plonge avec délices dans le Quartier Latin. Voici un bon vivant, gastronome et séducteur, navigant d’amour en amour. 
    Surveillé par les censeurs sous le règne du Roi Soleil, il se passionne pour toutes les causes, entraîne d’Alembert, La Condamine dans l’aventure de l’Encyclopédie. 
    Avant de quitter la France pour la Russie et de rejoindre à Saint-Pétersbourg la cour de la Grande Catherine… 

     

    Denis Diderot, encore aujourd'hui, n'est pas reconnu… Ou s'il l'est, il n'occupe que la troisième place après Voltaire et Rousseau, voire la quatrième après D'Alembert…

    La place qui lui revient et qu'il mérite, est la première de ce XVIII ème siècle que l'on dit „des lumières“…

    Athée et anticlérical, Diderot n'a jamais été pour autant un fanatique de l'athéisme. Passionné, épris de liberté, voyant et témoin de son temps, résolu, ennemi des rois et des prêtres, des salons et des coteries ; remettant en cause l'ordre social de l'époque, anti esclavagiste… Son indépendance d'esprit et sa liberté de pensée le situent très au-delà, très en marge de tout ce qui au XVIII ème siècle, était certitudes, fanatismes, exacerbations , crispations, et modèles… Et condamnations de mode exprimées dans la violence et l'ostentation…

    Déjà, de tout son vivant, il n'a jamais appelé à la mort de personne une seule fois ! Génie débraillé, il fut un être bon (mais inassimilable, atypique, et d'une dimension humaine hors normes…

    La France d'aujourd'hui ne possède pas dans sa bibliothèque nationale, dans les archives de tout ce qui constitue son patrimoine littéraire, scientifique, artistique, historique ; une édition intégrale des écrits de Diderot…

    Diderot par son œuvre tout entière, aussi diverse, aussi prolixe ; mais aussi par la vie qu'il a menée bien plus souvent auprès des gens du peuple que dans les coteries et dans les salons, est non seulement un auteur moderne, en avance sur son temps et sur les époques qui lui ont succédé jusqu'à nos jours, mais un auteur intemporel…

    Dénigré et combattu, il le fut, de son vivant, y compris de quelques uns de ses amis qui l'ont lâché ou trahi… Cependant, Barbey d'Aurevilly, qui ne l'aimait pas, disait de lui qu'il était suprêmement artiste par l'enthousiasme et par l'expression ; que c'était par l'art, la forme spontanée, la chaleur de l'accent, que Diderot a devancé son siècle…

    Voltaire et Rousseau s'épanouissent sous les ors de la République, Mais Diderot demeure encore dans les vestiaires des parc-expos de la République, en pièces détachées et incomplètes…

     

    Eloigné du monde dès ma jeunesse, je n'en ai jamais contracté l'aisance. Et j'ai en horreur la pantomine exigée par toute société… (page 270)

     

    Nous ressemblons à de vrais instruments dont les passions sont des cordes. Un homme sans passion est un instrument dont on a coupé les cordes ou qui n'en eut jamais. (page 70)

     

    Une université est une école dont la porte est ouverte indistinctement à tous les enfants d'une nation, et où des maîtres stipendiés par l’État les incitent à la connaissance élémentaire de toutes les sciences… Une aristocratie de l'éducation doit se dégager d'une démocratie des chances. (…) L'enseignement est ce qu'il y a de plus important pour l'avenir d'un pays. Primordial. (Page 534).

     

     

  • Jojo, le Gilet jaune, de Danièle Sallenave

    Jojo le gilet jaune

    ... 48 pages, sortie de ce petit ouvrage en avril 2019, de Danièle Sallenave, membre de l'Académie Française depuis 2011, née le 28 octobre 1940 à Angers...

    Etudes secondaires au lycée d'Angers, reçue en 1961 au concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure, et à l'agrégation de Lettres Classiques en 1964... Tel est son parcours -ou sa formation...

    Autrement dit -comme on dit/comme aussi je dis- "une intellectuelle" (avec tout ce que peut comporter de "juste et clair" mais aussi de "sous-entendus") ce terme d' "intellectuel"... Je vous laisse "méditer" quelques instants...

     

    Une intellectuelle, Danièle Sallenave, cependant, qui a pu bénéficier en ces années 1960 -il y a donc bientôt 60 ans- (comme on dit aussi "une autre époque")... de ce que l'on appelle "l'ascenseur social" ; les parents de Danièle ayant été des instituteurs...

    Elle a publié son premier récit "Paysage de ruines avec personnages" en 1975, et a reçu en 1980, le Prix Renaudot, pour "Les portes de Gubbio" ; puis en 2005 le Grand Prix de l'Académie pour l'ensemble de son oeuvre...

     

    ... "Il y a ce que disent les Gilets jaunes. Il y a surtout ce qu’ils révèlent. Cette manière de parler d’eux, dans la presse, les médias, les milieux politiques, sur les réseaux sociaux! Une distance, une condescendance, un mépris. "
     

     

     

     

    Danièle Sallenave 

     

    ... Danièle Sallenave ou pas, enfin quelque femme ou homme d'écriture, auteur, journaliste, écrivain, philosophe, sociologue que ce soit... (je ne parle pas des "politiques")... le terme de "France d'en bas", ou de "gens d'en bas" -par opposition à "France d'en haut" ou "gens d'en haut"... Me gêne quelque peu sinon beaucoup, me met "mal à l'aise"... Et d'ailleurs je n'use point de ce terme...

     

    Danièle Sallenave dans son ouvrage "Jojo le gilet jaune" emploie souvent ce terme (c'est ce qui m'a un peu gêné à la lecture de cet ouvrage que j'ai pourtant trouvé très juste et très pertinent dans son contenu, de bout en bout)...

     

    Soit dit en passant, si mes souvenirs sont exacts, c'est Jean Pierre Raffarin en 2002,

    qui avait lancé ce terme de "France d'en bas"... Repris, "universellement repris" par l'ensemble des corps sociaux, des médias, des politiques, des gens communs que nous sommes...

     

    ... Danièle Sallenave écrit que le monde des gilets jaunes et apparentés, reste largement inconnu du monde de l'art, du journalisme, de la littérature, et qui se dit de gauche, où l'on se représente la France des ronds-points, son mode de vie, ses loisirs sur un ton de commisération. C'est la France de TF1 et de Jean-Pierre Pernaut, un peuple livré sans distance et sans recours à une sous-culture médiatique, abonnée aux réseaux sociaux bas de gamme, à une musique à la chaîne, à des loisirs coupés d'apéro au pastis.

     

    J'ai eu moi-même je le reconnais et le déplore, et désormais m'en défends... ce genre de "discours" -et je ne suis pas le seul à l'avoir ou l'avoir eu ! ... Même si c'est "un peu vrai", c'est tout de même réducteur et frise la condescendance, cette condescendance que pour ma part je dénonce dans quelques uns de mes écrits...

     

    Ce qu'il y a "de vrai" de cette "France de TF1 des loisirs coupés d'apéro au pastis, de ce mode de vie consumériste et standardisé et de cette sous-culture... N'est "vrai" QUE parce que nous sommes poussés à le voir ainsi (influencés, conditionnés, et dans une adhésion tacite à ce genre de discours) d'une part ; mais surtout pour l'essentiel, au fait que la vie quotidienne des gens (travail, déplacement en voiture, courses, diverses contraintes, difficultés et revenus trop faibles) ne favorise nullement l'accès à la culture, à une vie comme celle des citadins aisés qui vont au théâtre, au concert, et consomment en terrasses de café le soir, d'autre part...

     

    ... Et il y a aussi -ce qui rend encore plus complexe et difficile à analyser la situation sociale dans notre pays- ; les contradictions, dont la principale est celle d'un côté, des 16 000 lieux de lecture publique, des 500 librairies labellisées, des 1200 musées de France, des 2000 cinémas, des 440 lieux de spectacle labellisés etc... Et d'un autre côté, des chiffres consternants de pratique culturelle avec seulement 16% de Français inscrits dans une bibliothèque, et 764000 spectateurs dans l'un des cinq théâtres nationaux...

     

    ... Selon une constatation que j'ai pu faire à maintes reprises (et "cela ne date pas d'hier"')... Autour de moi un peu partout là où je suis passé quelque part dans ce pays, en ville comme à la campagne, à la terrasse d'un café en compagnie, ou bien en me promenant avec des personnes de ma connaissance ; dans une certaine intimité relative -ce qui n'est plus le cas dans une foule ou même dans un groupe de plus de dix personnes- à partir du moment où l'on arrive à sortir des "à priori", des apparences et où l'on parvient à s'affranchir de ce que l'on croit de l'autre (parce qu'on le croit différent et qu'on pense qu'on ne va pas pouvoir communiquer avec lui)... L'on s'aperçoit finalement que le "courant de communication" passe, que ce que l'on transmet, que ce que l'on exprime, est accueilli... Et c'est alors que l'on réalise que l'autre est, non seulement réceptif, mais porte en lui une culture qui lui est propre, une pensée, une capacité de réflexion...

     

    Cela je le dis parce qu'il faut le dire et que cela -dans une certaine mesure- "met par terre" ce genre de discours style "France de TF1 Jean Pierre Pernaut/loisirs apéro/réseaux sociaux bas de gamme/séries de télévision...

     

     

  • Un testament Espagnol, d'Arthur Koestler

    Un testament espagnolRESUME :

     

    ... Arthur Koestler, journaliste anglais d'origine hongroise, est à Malaga en 1937 lorsque les troupes nationalistes prennent la ville. Sympathisant déclaré des républicains, il était alors correspondant pour le journal anglais News Chronicle. Il est arrêté et incarcéré par le général Bolin notamment à cause d'un article peu flatteur consacré au général Queipo de Llano, un des principaux instigateurs du coup d'État de 1936, à la tête des troupes combattant dans le Sud de l'Espagne. Le général en question avait promis la mort à tous les « rouges » ; quatre mille partisans du Front populaire furent exécutés suite à la prise de Malaga. Arthur Koestler va attendre son exécution près de quatre mois avant d’être libéré en mai 1937.

     

    ... Un livre bouleversant, très bien écrit, différent de la plupart des ouvrages sur la guerre d'Espagne 1936-1939.

     

    Ces pages ont été pour la plupart écrites dans l'attente d'une mort quasi certaine, par l'auteur lui-même, emprisonné tout d'abord à Malaga, puis à Séville, du 9 février au 10 mai 1937, après sa condamnation par un tribunal militaire sous l'accusation de "aide à une insurrection armée" ( Auxilio del Rebellion Militar )...

    Durant son séjour en prison, Arthur Koestler voyait souvent dans le milieu de la nuit entre minuit et 2 heures, venir le gardien et le prêtre qui entraient dans la cellule du prisonnier pour l'emmener contre un mur avec d'autres prisonniers. Entre le moment où la porte de la cellule s'ouvrait et l'éclatement de la salve, il ne s'écoulait que quelques minutes...

    Dans la profondeur des pensées, dans la capacité et dans la lucidité de l'auteur durant ces trois mois passés en prison, cela même dans des circonstances aussi dramatiques... Bien que cela se soit passé en 1937 en Espagne, il y a dirais-je, une "intemporalité" dans la mesure où l'Histoire se répète, où les guerres, les prisons, les dictatures, les oppressions, sont toujours les mêmes... Et où il existe encore et toujours des gens, dans le combat comme dans l'ordinaire des jours et dans ce qui est vécu en face du danger, de la peur, de la violence ; pas forcément des héros médiatisés et célébrés, pas forcément des intellectuels ou des écrivains ou des correspondants de guerre... Mais des anonymes, des hommes et des femmes d'une grande profondeur de pensée, d'un grand courage, d'une grande lucidité, d'une grande capacité de réflexion, dont les noms ne seront pas inscrits sur des monuments, dont les historiens du 21 ème, du 22 ème siècle ou de d'en mille ans, feront des figurants dans leurs ouvrages comme il y a des figurants par dizaines dans les films d'histoire à grand spectacle...

     

     

    EXTRAITS :

     

    - Page 23 :

     

    "Nous arrivons à Malaga à la nuit tombée. Première impression : une ville après un tremblement de terre. Pénombre, des rues entières en ruine, celles où les maisons sont demeurées debout sont désertes et jonchées également de ruines ; silence de mort, et, dans l'air, ce goût spécial que nous connaissons tous depuis Madrid : une poussière de craie mêlée de fumée, et aussi, -est-ce une imagination?- l'odeur répugnante de la chair brûlée."

     

    -Page 32 :

     

    "Sir Peter m'a expliqué qu'il tient les anarchistes pour des gens raisonnables, les communistes et les socialistes n'étant que des espèces de bureaucrates réactionnaires."

     

    Page 272 :

     

    "Au fond de leur coeur, criait le caballero en chemise noire, tous les Espagnols sont de notre côté. Quans les rouges fusillaient les nôtres, leur cri final était notre cri "Viva Espana" . J'ai vu fusiller quelques rouges, eux aussi criaient au dernier moment "Viva Espana". A l'heure de mourir, on dit la vérité."

    Note personnelle :

     

    ... Les anarchistes sont des gens "raisonnables" dans la mesure où ils fondent leur réflexion, leurs choix et leur liberté, sur le seul principe intemporel et naturel de la relation humaine, sans ces supports que sont la morale, la religion, les lois et les formes de gouvernement, l'armée et la police. Ce qu'il y a de "raisonnable" en eux, tient à la liberté qu'ils se donnent, une liberté indissociablement liée à la responsabilité qu'ils ont, d'eux-mêmes et des autres, de leurs actes et de tout ce qu'ils expriment...

    Dans l'"échelle" ou, si l'on veut, dans le nombre des barreaux de l'échelle, des mouvements anarchistes -l'échelle n'étant pas verticale et posée contre un mur mais horizontale et posée sur un sol instable (ou mieux, entre les bords d'un ravin)- ... Peut-être -c'est ce que je pense- que le mouvement anarchiste Espagnol des années 1930 -1939, dans ses composantes reliées ensemble, était "l'un des plus solides barreaux d'échelle qui ait pu exister"...

    Mais bien sûr -c'est ce que je pense aussi- le plus solide de tous les barreaux ce sera, ce ne pourra être que celui d'acier trempé, inoxydable, incorruptible... qui n'a encore jamais été produit...

     

    ... Si les socialistes, les communistes, le gouvernement républicain en Espagne, en 1937, avaient pu s'entendre avec les anarchistes, et si les uns et les autres ne s'étaient pas entre-tués, pourpres et rouges et roses qu'ils étaient dans l'arène, alors que tombaient sous la force armée franquiste, les villes peu à peu depuis le sud de l'Espagne... Même avec l'appui des Italiens de Mussolini et des Allemands du 3 ème Reich d'Hitler, Franco "aurait eu fort à faire" et n'aurait peut-être pas gagné la guerre...

     

     

     

     

  • Le cousin Pons, d'Honoré de Balzac

    Cousin pons

    ... Roman paru en feuilleton en 1847 dans Le Constitutionnel , et publié en livre la même année, qui fait partie de la Comédie humaine dans Scènes de la vie parisienne.

    C'est sans doute, de Balzac, l'un des romans les plus noirs dans cette Comédie humaine, que l'histoire de ce cousin Pons, une histoire centrée sur un problème d'héritage, où l'on voit évoluer dans un univers cruel et hideux, des personnages sordides, criminels, obsédés par l'appât du gain et par l'accession aux bonnes places, aux honneurs ; égoïstes, hypocrites et mensongers...

     

    Au milieu du 19 ème siècle vers la fin du règne de Louis Philippe roi des Français dans un régime de monarchie constitutionnelle, le personnage principal Syvain Pons est le type même de ces martyrs ignorés dont la Comédie humaine met en scène les souffrances, la misère, qu'une société inégalitaire inflige aux humbles, aux purs, aux pauvres...

     

    Ce sont, dans cette société du milieu du 19 ème siècle, les personnages aux âmes dures, tant dans la bourgeoisie que dans le peuple des petits métiers, des ouvriers, des portiers et des concierges et des fonctionnaires sans grade, qui dominent, qui écrasent, qui volent les "gens de peu" ou ayant quelque bien durement acquis par le travail et par la probité, souvent même le sacrifice tant ils font passer l'intérêt de ceux qu'ils chérissent au détriment de leurs propres intérêts, de leur vie, de leur santé...

     

    Cependant, ce cousin Pons est un esthète angélique et un gourmand ; son histoire, ses déboires, le personnage qu'il est par ses comportements, sa mise, ses opiniâtretés, ses lubies, ses peurs, ses fantasmes... Tout cela tourne à la farce...

     

    ... Quatrième de couverture

     

    Deux mots suffisent à tout éclairer, madame, dit Fraisier. Monsieur le Président est le seul héritier au 3 ème degré de monsieur Pons.

    Monsieur Pons est est très malade, il va tester, s'il ne l'a déjà fait, en faveur d'un allemand, son ami nommé Scmucke, et l'importance de sa succession sera de plus de 700 mille francs... Si cela est, se dit à elle-même la présidente, foudroyée par la possibilité de ce chiffre, j'ai fait une faute en me brouillant avec lui, en l'accablant.

    Non, madame, sans cette rupture, il serait gai comme un pinson et vivrait plus longtemps que vous, que monsieur le Président et que moi... La Providence a ses lois, ne les sondons pas.

     

    ... Il y a une analogie manifeste et réelle entre ce monde et cette société du 19 ème siècle décrits par Honoré de Balzac dans la Comédie humaine, puis par Emile Zola dans les Rougon Macquart, d'une part... Et le monde et la société de ce début de 21 ème siècle dans leur réalité, d'autre part... En particulier pour ces questions d'héritage et de discorde dans les familles qui sont plus que jamais dans l'actualité, tout cela avec pour "fond du tableau" la morale, la religion, les droits de l'homme, la légalité, la justice, le bien-fondé et la bien-pensance, mis en avant, haut et fort et avec crispations, parti-pris et préjugés...

     

    Pour résumer si je puis dire -et je le dis- ce monde du 21 ème siècle est à l'image d'un plateau de crevettes à Intermarché, ça sent la mer, le frais, l'air du grand large en apparence lorsqu'on s'approche de l'étal... Mais dans l'assiette, à la maison – ou même au restaurant- ça sent l'ammoniaque -pour ne pas dire le sexe malpropre...

     

     

  • Un été dans l'Ouest, de Philippe Labro

    Un ete dans l ouest

    ... "Rien ne vous prépare à l'Ouest", nous dit cet étudiant étranger que fut Philippe Labro vers la fin des années 1950, parti travailler tout un été dans les montagnes du Colorado, un territoire sauvage, d'immenses forêts...

    L'étudiant venu de Virginie, pour arriver jusque dans le Colorado, est confronté au peuple de la route, chauffeurs de camions et d'autocars, ouvriers d'un lieu de travail à un autre, vagabonds, filles perdues, toutes sortes de gens au parcours de vie accidenté, de pauvres bougres, de personnages étranges et atypiques...

    Avancer, toujours avancer, plus loin, d'un lieu à un autre, dans la solitude, l'horreur, la laideur, la vérole et la lâcheté... Tout cela devant être laissé derrière soi, mais finissant quand même par trouver la beauté et la lumière, l'amitié, l'amour... C'est la Loi de la Route...

    Dans les années 1950/1960 du Grand Ouest Américain...

    Et la loi de la route au fond, c'est aussi celle de la vie dans la confrontation -souvent brutale- dans un rapport de forces autant physique que moral entre les humains, entre tous les êtres vivants... Un rapport de relation, de symbiose, d'une complexité extrême, et d'un ordre intemporel, où l'on réalise que l'intelligence, que tout ce qui nous est appris par le raisonnement, que tout cela, acquis et même maîtrisé... N'est pas pour autant le meilleur instrument, le plus subtil, le plus puissant, le mieux approprié, pour saisir, comprendre le Vrai... Si le Vrai existe... (En fait le Vrai existe mais il est insaisissable, situé au delà de l'entendement humain... Et seulement parfois, se laissant entrevoir telle une lueur fugitive, une "déchirure de lumière" comme au travers de l'enveloppe d'une bulle, enfermés que nous sommes tous, chacun, dans la bulle...

    ... Page 199 :

    "Avec sa guitare sur le dos et son énorme baluchon au bout du bras, elle semblait transporter un avenir indécis de nomadisme, d'amours transitoires, d'auditions ratées ou réussies dans des salles enfumées et vides, des nuits et des nuits sur les bancs des gares routières, pour aboutir à quoi ?

    Cependant, elle vivait d'espoir et de mouvement, elle était animée par une foi sans limite dans son étoile, qui commandait l'admiration, et même jusqu'à un certain respect."

    ... Page 200 :

    "Au début de la nuit, le silence de la forêt m'avait frappé. Maintenant, je savais qu'il y avait tout un choeur derrière ce silence.

    C'est le choeur des bêtes, des rongeurs, des prédateurs, des animaux à fourrure, de la gent ailée et à mesure que le soleil bat en retraite, il prend possession de la prairie.../... Puis des sous bois, clairières, pâturages, torrents et ruisseaux, puis il finit par imposer sa musique avec la nuit tombée, à la forêt subalpine et au haut pays."

    ... Ayant lu cela, je me suis dit que de nos jours, le soir, la nuit dans nos campagnes, dans nos forêts, dans nos champs, dans nos jardins... Nous n'entendons plus ces bruits des bêtes, ces bruits de la vie... Et que nous voyons des cours d'eau sans poissons, un ciel parfois sans oiseaux, que nous remuons de la terre sans vers dans nos jardins où les soirs de juillet on n'entend plus chanter de crapauds...


     

     

  • Gainsbourg ou la provocation permanente, de Yves Salgues

    ... Une biographie de Serge Gainsbourg, dans laquelle Yves Salgues nous livre les images d'un destin hors du commun de cet artiste, auteur compositeur mais aussi peintre , fils d'un immigré russe et juif, à l'enfance à l'étoile jaune, jusqu'à l'âge de 30 ans peintre méconnu et pianiste de "musique de complaisance" dans un cabaret, et devenu célèbre en quelques semaines en 1958 avec "le poinçonneur des Lilas" première chanson d'un album "Chant à la Une" au Milord l'Arsouille...

    ... Page 424, nous dit Yves Salgues : "Serge-bon an mal an- cherche à élever son auditoire à une sorte de dignité intellectuelle. Son audace, son ambition et sa vaillance sont ici indécourageables. Elles sont justement récompensées puisque plus Serge élève la barre, plus le succès l'encourage à l'élever plus haut. Plus son oeuvre nous paraît vouée à l'impopularité par sa haute facture, plus elle est populaire par le tirage."


     

    ... Au cimetière Montparnasse à Paris le 9 mars 1991 se pressaient à l'enterrement de Serge Gainsbourg (Lucien Ginzburg né le 2 avril 1928 décédé le 2 mars 1991), de nombreux jeunes de la génération 15-25 ans...

    Nés de 1966 à 1976, les plus jeunes en mai 1968 étaient alors des bambins et ont vécu leur enfance du temps où -comme disaient leurs parents à l'époque- "l'on baisait à couilles rabattues"... Cependant, adolescents devenus dans les années 1980, les nés en 1966, 1967, 1968, ont vécu leur jeunesse collégienne et lycéenne dans ces "années sida" de la gauche mitterrandienne et de la rigueur rocardienne (1983/1984) où "il ne fallait plus baiser qu'avec des capotes" et où Game-Boys et consoles de jeux et autres gadgets électroniques, avec la société de consommation en dépit de la rigueur et du premier million de chômeurs... Donnaient le "ton" de l'époque... C'était aussi le temps de la grande provocation gainsbourienne, qui, soit dit en passant, "passait au dessus de la tête" de toute une jeunesse défavorisée et méprisée autant par les élites que par la "moyenne bourgeoisie" française, parisienne, mitterrandienne...

    Aujourd'hui en 2019, cette génération des nés entre 1966 et 1976, est devenue celle des décideurs, des cadres d'entreprise, des salariés à 2500 euro mensuels, des "quadra/quinqua" avec maison et voiture cossues, multi-connectés, modernité ambiante... Mais aussi celle d'autant de "quadra/quinqua" accidentés de la vie, qui n'ont pas réussi à l'école, chômeurs ou en emplois précaires, moins de mille euro par mois de revenus, SDF même pour quelques uns, et tout aussi méprisés sinon encore plus, par les élites et par la bourgeoisie aisée des grandes villes...

    La provocation Gainsbourienne des années 1980 s'est diluée dans un courant élargi de toutes sortes de provocations aux multiples effets dévastateurs, dont certaines ne sont que des contestations aussi brutales que sommaires, et d'autres, de revendications exacerbées de minorités arrogantes exhibitionnistes, tout cela dans un bouillon de culture planétaire ; la plus grande provocation étant celle de la violence et de l'arrogance des possédants et dominants... Et les talents des provocateurs "anti-système", "bêtes de scène", petites et grandes célébrités du moment ; ne sont autres le plus souvent, que ceux octroyés, fabriqués et véhiculés dans une économie de marché qui "récupère" les provocateurs en tant que "produits culturels avec un prix sur l'étiquette"...

    Et c'est vrai qu'à l'époque, entre 1980 et 1990, l'on achetait bien plus de Gainsbourg à Saint Germain des Prés plutôt que lotissement Les Alouettes à Sainte Tarte de la Midoue... Mais il y avait le talent, la musique, la facture, de Gainsbourg...

    Et aujourd'hui il y a les "geeks" ... Et les casseurs en godaces à 300 euro...

    La vocation d'un artiste, outre celle qui consiste à parfaire sa facture et à se produire devant un public, c'est d'être en même temps un témoin de son temps... Un témoin, pas un moralisateur, pas un juge, pas un nostalgique d'un autre temps... Un curieux de ce qui a été comme de ce qui est et qui demain sera, un questionneur, un provocateur oui aussi parfois, un engagé pour une cause mais sans fanatisme, et un résistant à toutes les formes d'obscurantisme, de pensée consensuelle, de conformisme ambiant, de renoncements et d'opportunismes...


     

  • A propos de la Shoah...

    Dans la dernière partie (les 200 dernières pages) de son livre Le lièvre de Patagonie, Claude Lanzmann nous fait part de son travail de réalisation de son film documentaire la Shoah, d’une durée de 9h 30, qui l’a occupé pendant douze ans, de 1973 à 1985 année de sa sortie... Et des difficultés qui furent les siennes durant les années de ce travail de réalisation, recherchant des témoins...

    Combien de fois dans la recherche de témoins y compris de Nazis sortis de prison, d’images et de séquences filmées, dans ses démarches auprès de divers gouvernements (Pologne, Allemagne d’après guerre, notamment) ; a-t-il risqué sa vie, été attaqué ou empêché? …

    Nul autre que Claude Lanzmann n' aurait pu réaliser un tel document film de mémoire, de témoignages, quand bien même existent des réalisations, des oeuvres de littérature, de peinture, de photographies, d’autres films sur ce que fut l’holocauste de six millions de Juifs...

    Cette page d’histoire qui fut celle, de 1942 à 1945, de l’extermination de six millions d’êtres humains dans des conditions d'horreur absolue, de cruauté, de barbarie et de gigantisme avec des chambres à gaz pouvant contenir jusqu’à 3000 personnes, des fosses où l’on enfouissait et brûlait les cadavres, cette puanteur permanente autour des lieux d’incinération dans les villages proches des camps...

    Cette page d’Histoire est une horreur sans nom, et il n’y a pas d’ailleurs dans toute l’histoire de l’humanité, de génocide et d’extermination d’une telle dimension d’horreur, même lorsqu’on pense à la guerre de 30 ans 1618-1648, même au génocide des Arméniens en 1915 et à celui du Rwanda en 1994 ou encore à celui des amérindiens en Amérique pendant 4 siècles et qui lui a pourtant fait beaucoup plus que six millions de victimes... Auquel on peut ajouter les millions de morts de l’esclavage des Noirs d’Afrique dans les plantations de coton d’Amérique du Nord et partout dans les empires coloniaux du 15ème au 19 ème siècles... Sans oublier non plus les millions de morts dans les goulags en Russie du temps des soviets...

    Une horreur sans nom qui n’a en égale horreur que l’antisémitisme... L’antisémitisme bien sûr, celui des années 1930-1945 mais aussi celui des années présentes d’aujourd’hui, au 21 ème siècle...

    L’antisémitisme que l’on peut -soit disant- “différencier” de l’antisionisme à cause des colonies implantées en territoire palestinien)...

    L'antisionisme est une face cachée (ou soft) de l'antisémitisme... Parce que, par ricochet, quand on déclare être antisioniste à cause des colons qui occupent des territoires palestiniens (ce sur quoi beaucoup sont d'accord), on verse insidieusement dans l'antisémitisme...

    Ce film documentaire La Shoah, de Claude Lanzmann, par ce qu'il a de vrai, de tragiquement et surtout d'horriblement vrai, et qui se fonde sur les témoignages bouleversants de survivants et de gens qui ont vu de près ce qui se passait dans les camps, l'arrivée des trains, le tri en deux colonnes dont l'une de gens destinés à être exterminés par asphyxie dans les chambres à gaz... Et aussi sur les témoignages d'anciens nazis, gardiens, fossoyeurs, trieurs et récupérateurs... Ce film, donc, est „tellement vrai“ que l'on en arrive -du moins certains- à „remettre en cause ce qui s'est passé et dont les traces cependant, ne peuvent être effacées en dépit de tout ce qui a été fait pour les effacer...

    Plus jamais ça“ que l'on dit... On voudrait bien le croire... Mais il faut une constance dans la détermination à ce que cela ne soit plus jamais... Un travail d'éducation et d'information...

     

     

     

  • Le lièvre de Patagonie, de Claude Lanzmann

    Lievre patagonie

    ... Claude Lanzmann né le 27 novembre 1925 et mort le 5 juillet 2018 (il a donc vécu jusqu'à l'âge de 93 ans) a été journaliste, cinéaste, et réalisateur du film documentaire La Shoah, un film d'une durée de 9 h 30...

    Jacques, son frère est né le 4 mai 1927 et mort le 21 juin 2006, auteur de Café crime, Rue des mamours, le septième ciel, la baleine blanche... Il a été aussi un passionné de la marche, auteur de 150 chansons dont de nombreux titres pour Jacques Dutronc, et un peintre abstrait...

    Evelyne Rey, sa soeur, a été une actrice française née le 9 juillet 1930 et morte le 18 novembre 1966.

     

    L'on suit, dans "Le lièvre de Patagonie", 757 pages collection Folio, les aventures de Claude comme on lirait un roman de Jack London, d'Ernest Hemingway ou de Joseph Kessel... Notamment de nombreuses pages dans lesquelles il évoque, raconte, la relation qui fut la sienne avec Jean Paul Sartre et Simone de Beauvoir, lors d'épiques pérégrinations dans le midi de la France, la Suisse, l'Italie, les Balkans, l'Espagne... Et sa vie parisienne, de ses rencontres avec d'autres écrivains, cinéastes, comédiens, au lendemain de la seconde guerre mondiale et durant les années 50...

     

    Pourquoi ce titre "Le lièvre de Patagonie" ?

    Tout simplement parce qu'un jour, lors d'un voyage en Amérique du Sud, il vit devant les phares du véhicule qu'il conduisait, de nuit, sur une route de Patagonie, un grand lièvre élancé qui sautait, et que ce lièvre était d'une taille largement supérieure à celle d'un lièvre d'une campagne française...

     

    A la lecture que j'ai faite (deux fois), de ce livre, je mets juste un bémol : tout au long des 757 pages, se succèdent de longues phrases avec des digressions tout aussi longues, et des réflexions, de telle sorte qu'on perd le fil... C'est un texte d'une écriture dense que bon nombre de lecteurs d'aujourd'hui trouveraient "fatigant à lire... (Date de publication originale, cependant, en 2009)...

     

    Ce qui m'a le plus intéressé, ce sont les nombreuses pages dans lesquelles Claude Lanzmann évoque sa relation avec Jean Paul Sartre et Simone de Beauvoir (née le 9 janvier 1908 et morte le 14 avril 1986)...

    Jean Paul Sartre né le 21 juin 1905 et mort le 15 avril 1980, était de 1950 à sa mort, l'intellectuel Français par excellence, présent sur tous les fronts... Mais de nos jours, il semble avoir disparu du paysage littéraire ; au delà de la nouvelle donne idéologique (ou de sa vacuité), le style de Sartre a "pris un coup de vieux", ses gabardines marron, ses longues tirades imprégnées de marxisme, ses appartements de location sommairement meublés (Sartre ne possédait rien et n'était propriétaire de rien et de surcroît il était avec ses proches amis et connaissances d'une générosité hors du commun) en font un dinosaure dans la France actuelle du buzz permanent où tous les débats se cristallisent autour d'un tweet... On lit très peu Sartre en 2019, et seuls deux ouvrages "Huit clos", sa pièce de théâtre, et son bref essai sur l'existentialisme sont évoqués dans les programmes scolaires et universitaires.

     

    Il faut dire aussi que le monde de la littérature, du théâtre, du cinéma, de la culture en général, qui fut celui tout d'abord de l'après guerre, puis des années 1950/1960 et de la "guerre froide" et des "deux blocs Est/Ouest"... Appartient à un passé révolu, de nos jours où les nés en 1930, 1940, 1950 en dépit des transformations, des modes de vie et de consommation loisirs, culture et surtout depuis internet et les réseaux sociaux, sont encore sous l'influence de ce qu'il ont vécu durant la première moitié de leur vie...

     

     

     

  • Meurtre sur le Grandvaux, de Bernard Clavel

    Meuetre sur le grandvaux

    ... Bernard Clavel, encore une fois dans ce beau et pathétique roman, comme d'ailleurs dans toute son oeuvre, ne "fait pas dans la dentelle"...

    Aucun "effet de style", un texte "brut de brut" d'une précision et d'une clarté remarquables... Des phrases courtes mais chargées de sens, d' "atmosphère"...

    Peu de personnages, une histoire simple, tragique.

    C'est que la vie, celle que vivaient les gens en 1844 sur le Granvaux en Franche Comté, et, d'une autre façon celle que bien des gens vivent aujourd'hui en ville comme à la campagne en France et ailleurs (et surtout dans les pays pauvres)... C'est que la vie "ne fait pas dans la dentelle"...

    Nous ne sommes point là, avec ce roman "Meurtre sur le Grandvaux", de Bernard Clavel ; dans le genre "gentil et émouvant roman de terroir" où "tout finit assez bien" voire comme dans un conte de fées...

    Des mots simples et forts, des images précises qui impactent, une histoire qui claque comme un coup de fouet... Des femmes et des hommes dans la réalité de leur quotidien, dans ce qu'il a d'authentique, d'émouvant en eux ; des vies en somme, quasiment toutes dans les romans de Bernard Clavel, chaotiques, difficiles... Et à chaque fois, un drame poignant... Une histoire qui finit mal...

    Les paysages, la géographie, en général du Jura, jouent un rôle déterminant dans les romans de Bernard Clavel, notamment lorsque les gens vivent isolés dans la montagne, murés dans leurs secrets, dignes, humbles et sauvages...

    Les personnages principaux des romans de Bernard Clavel incarnent tous chacun à leur façon, ce qu'il y a de meilleur et de pire en l'être humain... Mais ce qui est -à mon sens- "curieux" et qui en définitive finit par dominer, c'est que c'est le meilleur que l'on retient... Ce meilleur qui lui, en général, ne gagne jamais la bataille, meurt au combat en face de l'injustice, de l'arrogance des riches et des puissants, de la violence, de la cruauté, de la brutalité, de l'hypocrisie, de l'égoïsme, omni présents partout d'un bout à l'autre de la société... Ce que n'a jamais cessé de dénoncer dans son oeuvre, Bernard Clavel...

     

    ... Mon texte sur l'oeuvre de Bernard Clavel :

    http://yugcib.forumactif.org/t43-a-propos-de-l-oeuvre-de-bernard-clavel

     

  • Le mal d'Algérie, de Jacques Duquesne

    Mal d algerie

    ... C'est l'histoire d'un jeune professeur qui veut savoir comment son père, cultivateur, a combattu en Algérie.

    Et qui va de découverte en découverte.

    C'est aussi l'histoire d'un poste de soldats français presque isolé dans une zone montagneuse.

    Et c'est encore l'occasion d'une réflexion sur la violence et le mal.

    Mais c'est d'abord un roman. ( Quatrième de couverture, résumé ).

     

    ... Sur la guerre d'Algérie, nombreux sont les livres et les films qui ont été produits.

    L'Histoire et la mémoire nationale (ouvrages, documents, témoignages, récits) se sont emparés -selon diverses versions- de la guerre d'Algérie (1954 – 1962) et de la guerre d'Indochine (1947 – 1954)...

    ... Mais la triste et dramatique aventure du soulèvement malgache en 1947, a été rayée de la mémoire nationale...

    Seuls, quelques historiens, dont entre autres Michel Mourre qui n'appartenait pas à l'Université, parlent aussi, de tortures, de répression féroce, de massacres de populations, en 1947 à Madagascar, tout comme en Indochine de 1947 à 1954 et en Algérie de 1954 à 1962.

    Dans une petite encyclopédie publiée en 1993 chez Larousse, "Mémo", l'on n'y trouve pas une seule ligne sur le soulèvement de 1947 et sa répression, à Madagascar.

    La Grande encyclopédie Larousse évoque tout de même une rébellion sanglante lors de laquelle furent tués des fonctionnaires, des soldats dans des garnisons isolées, de quelque 11 000 morts...

    Michel Mourre lui, un historien autodidacte qui a réussi à force de travail, à produire son Dictionnaire encyclopédique d'histoire, parle d'une vague de violence en de nombreux endroits de l' île (Madagascar qui, soit dit en passant, par sa dimension, est en fait un "petit continent")...

    La 4 ème République de 1947 à 1958, a procédé, avec un corps expéditionnaire en 1947 fort de 18 000 hommes, à une répression, un véritable massacre de populations, ayant fait 89000 victimes selon les estimations militaires (dont la mort de 550 européens et de 1900 Malgaches imputable cette mort d'européens et de Malgaches, aux insurgés).

    Il existe, pour confirmer ce qu'évoque Michel Mourre, une chronologie de plus de 2000 pages "Journal de la France et des Français" (Gallimard collection Quarto, 2001), qui fait état de cette répression sanglante à Madagascar en 1947 (Michel Mourre parle de 80 000 morts)... Mais personne n'en parle, et nombreux sont les Français d'aujourd'hui qui connaissent ce que furent la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie ; les tortures, les camps de la mort, la cruauté des Nazis durant la seconde guerre mondiale... Et ignorent ce qui s'est passé en 1947 à Madagascar...

     

    ... "S'il faut payer le bien par l'existence du mal, c'est un peu cher!" (page 167)...

    Et, à la même page : "à propos de la liberté laissée à l'homme par Dieu. La réponse est simple : s'il n'y a pas de liberté, il n'y a pas d'amour. Sinon, on vivrait dans un monde de robots"...

    Si la question du Bien et du Mal se pose depuis toujours, et si le Bien est payé par le Mal...Que dire d'un monde de robots ?

     

    ... En 2019, en dépit de tout ce que l'on voit, de violences, de haines, de crispations, de difficultés de vivre au quotidien notamment si l'on est pauvre... L'on vit tout de même (un plus grand nombre d'humains) mieux qu'en 1430 ou qu'en 1850... Et nous devons ce mieux, à des hommes et à des femmes qui ont fait le bien (par exemple le côté positif – ce qui a amélioré le quotidien de vie des gens- des découvertes scientifiques, des technologies ; les progrès de la médecine)...

    Le bien, aussi, par la pensée agissante, par la Culture, par l'Art, la poésie, la philosophie, l'évolution des esprits...

    L'Histoire en somme, peut être imagée par une succession de strates de paysages s'étendant en paliers plus ou moins longs chacun, et de palier en palier le ciel devient de plus en plus proche, même si des fossés, des fractures, des enfoncements, des gouffres surgissent de ci de là sur le même palier, laissant croire que la pente est plutôt descendante qu'ascendante...

    Mais les paliers cependant, ne sont jamais séparés par une ligne de crête ou par un rebord ou encore un rehaussement, net et rectiligne...

    L'Histoire, qui parviendrait à "dessiner" ou à représenter cette ligne de changement de niveau entre un palier et un autre, ne s'est pas encore faite, elle n'a raconté -au plus vrai quand elle était indépendante des visions des uns ou des autres- que ce qu'elle a vu sur les paliers qui se sont succédé...

     

     

  • La petite fille et la cigarette, de Benoît Duteurtre

    Petite fille cigarette duteurtre

    ... L'auteur, Benoît Duteurtre, porte, avec ce livre, un regard sarcastique sur un monde, celui du 21 ème siècle, où de nouvelles inquisitions apparaissent et rendent la vie, la relation humaine difficiles et dont les protagonistes de ces nouvelles formes d'inquisition sont le plus souvent l'homme de la rue, tout un chacun, nos voisins, nos connaissances ; sous une pression médiatique s'exerçant par le biais d'associations et de mouvements engagés dans un "combat", au nom d'une "morale", d'un soit-disant "bien public", tout cela avec statistiques enquêtes et études établies afin d'appuyer le "bien fondé" de leurs actions percutantes souvent relayées par une partie plus ou moins importante de l'opinion publique...

    Ces inquisitions nouvelles sont une menace ou constituent un frein à un certain nombre de libertés individuelles, et celui ou celle d'entre nous qui contrevient à tel ou tel "ordre moral", à telle interdiction de ceci ou de cela, est stigmatisé, devient un "paria"...

    Ainsi l'être humain, pris dans un environnement sociétal (famille, travail) qui ressemble à ce décrivaient dans leurs oeuvres, Swift et Kafka, est une créature menacée, de plus en plus isolée lorsqu'elle est traquée à tout instant de sa vie par les nouveaux inquisiteurs... Et elle a, de fait, peu de chances d'échapper au "coup de filet" qui la happe...

    L'auteur, dans ce livre, prend la défense de cette créature menacée qu'est l'homme d'aujourd'hui...

     

    Page 69 :

     

    "Vous me faites penser aux anciens communistes. On dirait que le nombre de cigarettes que vous avez fumées jadis vous rend spécialement intolérants!"

     

    Page 88 :

     

    "Cent fois, dans la presse, j'avais observé la facilité qu'ont les enfants d'accuser les adultes des pires forfaits, sans aucune possibilité de démenti."

     

    ... Dans la rue, dans l'espace public qu'est par exemple la galerie marchande d'un hyper marché, il devient de plus en plus "problématique" et à vrai dire de plus en plus malvenu ou inconvenant, de sourire à un enfant, ou même de seulement porter un regard sur lui, comme on le ferait (mais en vérité on ne le fait pour ainsi dire jamais) en souriant à une personne ou en la regardant...

    ... Et pour "fumer une clope" c'est tout juste si, même dans la rue, on n'attend pas de se trouver dans un coin reculé, isolé...

     

    Page 132 :

     

    "Pour une personne dans ma situation, s'appuyer sur une personnalité forte, incontestée dans la communauté, constitue une garantie d'intégrité physique et mentale. On retrouve la même loi dans la plupart des carrières politiques ou administratives qui exigent de rencontrer le bon protecteur au bon moment... "

     

     

  • Histoire d'un paysan, de Erckmann Chatrian, la révolution française

    Histoire d un paysan

    De tous les livres que j'ai pu lire, de grands auteurs ou même d'Historiens « sérieux et fiables  sur le plan de la « vérité historique », qui traitent de la période de la Révolution Française depuis avant 1789 (la fin de l'Ancien Régime) jusqu'au Consulat en 1799… Il en est un de ces livres, que je viens de lire, et qui me semble être l'un des meilleurs, l'un des plus vrais qui aient jamais été écrits sur cette période de l'Histoire ; c'est « Histoire d'un paysan », d'Erckmann Chatrian, en deux volumes de chacun 500 pages…

    Dans le premier tome, 250 pages (la moitié du livre) décrivent dans le détail jour après jour entre le 3 mai et le 20 juin 1789, tous les travaux, discussions et événements, des Etats Généraux, sous la forme de lettres envoyées par un député du Tiers Etat, Chauvel, d'une ville de Lorraine, à un jeune paysan à Phalsbourg…

    Le récit de ces Etats Généraux est précédé de ce qui est dit des dernières années de l'Ancien Régime, par ce jeune paysan de Lorraine (ce qu'il faut savoir au sujet de la vie quotidienne dans toute sa réalité, dans les villes, dans les campagnes, dans la société telle qu'elle était alors, sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI)…

    Dans le deuxième tome, la première moitié du livre parle de l'an I de la République (automne 1793- été 1794), et la deuxième moitié (de 1795 à 1799) du « citoyen Bonaparte »…

    C'est « un autre regard » qui nous vient alors, à la lecture de ce récit, sur la Terreur (celle de la Convention et du comité de Salut Public et aussi celle que l'on a appelé « terreur blanche » et dans laquelle il y a eu autant de morts et d'atrocités commises que sous la terreur avec Robespierre, Couthon et Saint Just), la guerre de Vendée, le Directoire, et « l'épopée Bonaparte » (qui préfigure l'épopée Napoléonienne)… Un regard qui « balaye » -dans un sens comme dans l'autre d'ailleurs- la plupart des idées reçues et des préjugés… Surtout lorsqu'on lit, dans la dernière partie du deuxième tome, tout ce que dit Chauvel, l'un des personnages centraux du livre, un esprit éclairé, un « sage » mais en même temps un vrai révolutionnaire, et l'analyse qu'il fait des événements de cette période de 1795 à 1799…

    Certes, il faut le reconnaître, certaines pages sont un peu difficiles voire « indigestes » à lire, dans lesquelles sont décrites des récits de campagnes militaires, avec de nombreux détails de lieux, de villes, de noms de généraux, soldats, lieutenants, capitaines etc. (impossible à retenir tout cela tellement il y en a) … Il faudrait certainement avoir à côté de soi en lisant tout cela, des cartes de pays afin de pouvoir situer tous ces lieux…

    Bon c'est vrai, ce Chauvel, personnage central avec Michel Bastien le jeune paysan, je me suis senti « proche de lui » (de sa vision, de son regard, de son analyse, que ce soit pendant les travaux des Etats Généraux, lors de la prise de la Bastille, puis de la prise des Tuileries, les débuts de la République, la Convention, la Terreur, le Directoire, et l'arrivée du « citoyen Bonaparte »)…

    « Une vision éclairée » de la Révolution Française dans son évolution entre 1789 et 1799, par cet ouvrage d'Erckmann Chatrian, à travers l'histoire de ce paysan Michel Bastien, de Phalsbourg en Lorraine… Et un regard que je partage, tel celui de Chauvel, sur ce que fut « l'épopée Bonaparte », le personnage de Bonaparte dont on dit qu'il a « sauvé la Révolution » … Mais… En mettant en place, en fait, un « nouveau régime » avec des barons, des comtes, des ducs, une nouvelle aristocratie qu'il a créée et instituée avec toutes sortes de distinctions et de privilèges, comme du temps de l'Ancien Régime avec l'aval de la grande bourgeoisie et de tout un peuple fasciné par ses victoires militaires -jusqu'en 1812…

     

     

  • Boulots de merde, de Julien Brygo et Olivier Cyran

    Cvt boulots de merde 1430

    ... Du cireur au trader, enquête sur l'utilité et la nuisance sociales des métiers...

     

    ... Je vous mets au défi de trouver ce livre en Maison de la Presse ou dans un rayon de Grande Surface genre Leclerc Culturel...

    A la limite peut-être le trouve-t-on dans quelques librairies "spécialisées"... Ce qu'il y a de sûr, c'est -qu'à ma connaissance- ce livre ne fait pas l'objet de la part des Médias, d'une "grande campagne publicitaire" (et pour cause ! -vous voyez la cause)...

    Je l'ai trouvé, ce livre, au salon du livre du festival international de géographie, à Saint Dié des Vosges... Son prix est de 10,50 euro, 240 pages... Pas de quoi grever un budget même modeste !

    C'est pourtant un livre qu'il faut lire ! (Enfin, que beaucoup d'entre nous, de la France dite "d'en bas" devraient lire -je déteste ce vocable de "France d'en bas" qui date du temps où "papa Raffarin" était premier ministre sous Jacques Chirac en 2002 )...

    L'on y apprend ce que les Médias, le Gouvernement, nos députés d'En Marche et bien d'autres des "sphères politiques" ne disent pas au sujet de ce qu'est vraiment un "emploi à temps partiel" (soit disant 20 h par semaine minimum) et un "emploi à temps complet"...

    Ce qu' "ils" appellent "temps complet", les recruteurs pour ces "jobs" de manutention, de services, de vendeurs, de télé-opérateurs, de "techniciens de surface" ou même de "jobs" nécessitant quelque qualification, n'est autre que du "temps plein à 70%"... On joue sur les mots... Avec des salaires de 843 euro par mois...

    Des millions de gens en France, où le SMIG net est de 1188 euro/mois en 2018 pour 35 heures par semaine temps complet (durée légale), à commencer par les plus "fragiles" (ceux qui ne savent pas se défendre, ne connaissent pas leurs droits et sont dans des situations personnelles de souffrance et donc particulièrement exposés à la violence et aux abus exercés par les employeurs), du fait qu'ils ne travaillent pas 35 heures mais souvent 30 ou moins (à "temps plein à tant pour cent")... Vivent donc avec moins de 900 euro/mois (alors que selon l'INSEE, le seuil monétaire de pauvreté en France en 2018 est de 1026 euro/mois)... Ce qui fait 8,8 millions de pauvres en France ! (avec une partie importante des retraités, des chômeurs, des allocataires de revenus d'assistance)...

    ... Soit dit en passant, la proportion des pauvres (en dessous du seuil de pauvreté) par rapport à l'ensemble de la population, est encore plus forte en Allemagne et en Angleterre (sans compter les pays du centre et de l'est européen où les salaires sont nettement inférieurs à ceux de France)...

    ... En bleu et blanc ou en noir et blanc les cheveux courts une cravate et ou le logo de la boîte sur la casquette, un contrat de travail envoyé sur smartphone, des gants un balai des tenailles des ciseaux un téléphone un ordinateur une perçeuse un mètre une truelle un chariot une brouette une élagueuse une pelle de quoi gratter poncer cirer... Et... "ça te donne une dignité/ça te remet dans le bain de la réinsertion sociale/ça t'obliges à te bouger le cul" ... Dixit les donneurs de leçons de morale des ceu's zé celles d'un ainsi va le monde on peut pas faire autrement merci patron encore heureux d'avoir un boulot ! ... Merde !

     

  • Le premier homme, d'Albert Camus

    Le premier homme

     

    " Mais il s'était évadé, il respirait, sur le grand dos de la mer, il respirait par vagues, sous le grand balancier du soleil, il pouvait enfin dormir et revenir à l'enfance dont il n'avait jamais guéri, à ce secret de lumière, de pauvreté chaleureuse qui l'avait aidé à vivre et à tout vaincre."

     

    [ Albert Camus, dans "Le premier homme", page 53 collection Folio ]

     

    ... Il y a chez les pauvres qui ne trépignent pas et n'enragent pas, dans le regard qu'ils portent autour d'eux et dans tout ce qui émane d'eux au quotidien, une dignité et une sobriété dans l'expression qui sont bien là une vraie résistance à la violence, au mépris et à l'indifférence des possédants ... C'est sans doute cela, le "secret de lumière"... Et, la pauvreté qui ne trépigne pas et n'enrage pas est chaleureuse parce qu'elle rapproche des êtres qui souffrent, dans le peu qu'il y a à partager... Ce que ne fait jamais la pauvreté qui trépigne et enrage...

    Il y a aussi chez les pauvres qui ne trépignent pas et n'enragent pas, ce qui reste de leur enfance : cette sorte de connaissance des êtres et des choses qu'ils avaient, autant intuitive que dans un imaginaire à eux, et qu'ils ont gardée...

     

    ... Ces pauvres qui trépignent et enragent, s'ils devenaient riches ils seraient sans doute plus vaches que les riches qui nous volent, nous bousculent et nous oppressent... Déjà, dès que ces pauvres là, qui trépignent et enragent, et auxquels tu donnais deux sous ou sortais de l'ornière, le jour où tu n'as plus deux sous à leur donner et que tu ne peux sortir de l'ornière où tu es toi-même... Ils te piétinent, quand ils ne t'enfoncent pas la tête dans l'ornière où tu te débats...

     

    ... Et à la page 163, dans "Le premier homme" d'Albert Camus, ce passage :

     

    "Seule l'école donnait à Jacques et à Pierre ces joies. Et sans doute ce qu'ils aimaient si passionnément en elle, c'est ce qu'ils ne trouvaient pas chez eux, où la pauvreté et l'ignorance rendaient la vie plus dure, plus morne, comme refermée sur elle-même ; la misère est une forteresse sans pont-levis."

     

    ... C'est ce livre "Le premier homme" le dernier ouvrage d'Albert Camus, écrit avant sa mort le 4 janvier 1960, dont le texte était encore en feuillets dans la sacoche qui se trouvait dans la voiture accidentée, à côté de lui... Il avait cessé de vivre, il avait 47 ans...

     

    En 1960 en France tout comme à Belcourt un quartier d'Alger en 1922, à l'école, du moins à l'école primaire, l'on franchissait une sorte de "pont-levis" qui menait à l'intérieur d'une "forteresse" du savoir élémentaire où la pauvreté avait droit de cité, alors qu'au dehors dans la ville et dans le monde, la pauvreté n'avait que le droit de "fermer sa gueule", de "courber l'échine" et de demeurer plus encore que dans l'ignorance, dans un obscurantisme organisé par ceux qui détenaient le pouvoir et l'argent...

     

    En 2018 le "pont levis" est une étroite passerelle branlante... Quand il n'existe parfois plus du tout... Et dans la forteresse du savoir élémentaire, la pauvreté y a un droit de cité plus affiché que réel ; l'ignorance au dehors s'est coiffée de toutes sortes de casquettes aux marques imprimées au dessus de leur visière ; l'obscurantisme organisé par ceux qui détiennent le pouvoir et l'argent s'est revêtu de culture consommable pour tous et de jeux, et d'internet où l'on peut tout être et tout faire au vu et au su de tout le monde comme sur un mur infini où chacun tague sa vie et ses coliques...

     

    ... En 4ème de couverture à la fin :

     

    "Après avoir lu ces pages, on voit apparaître les racines de ce qui fera la personnalité de Camus, sa sensibilité, la genèse de sa pensée, les raisons de son engagement. Pourquoi, toute sa vie, il aura voulu parler au nom de ceux à qui la parole est refusée."

     

     

  • Un feu brûlait en elles, de Jean-Guy Soumy

    Un feu brulait en elles

    ... Ce livre est un très bel hommage rendu à la Femme, à la Féminité...

    C'est l'histoire, dans un contexte historique, de 1709 à aujourd'hui, de onze femmes qui se transmettent de génération en génération, la flamme que Marie Vergne, la première, durant le terrible hiver de 1709 sous le règne de Louis XIV,a cueilli au feu perpétuel qui brûlait sur la place d'un village de la Creuse.

    La dernière de ces femmes est Marie Beaulieu née en 1968. Mais l'histoire en fait, s'arrête à Sara puis à sa fille Gilberte, qui dans le récit sont les neuvième et dixième de ces femmes dont chacune eut un destin hors du commun en ce sens qu'elles furent chacune d'elles témoin et actrice lors d' événements tels que ceux qui se sont déroulés durant la Révolution Française, les batailles de la grande armée de 1805 à 1813, la retraite de Russie sous Napoléon en 1812, les barricades de 1832 sous Louis Philippe à Paris ; lors des années 1860 en Algérie sous le Second Empire, pendant la Grande Guerre de 1914-1918, et pour finir avec Sara dans la Résistance en 1943/1944...

    Accidents, tragédies, histoires d'amour, révoltes, se succèdent dans les générations, avec Marie, Jeanne, Louise, Judith, Constance, Marianne, Luce, Marguerite, Sara, Gilberte et Marie la dernière née en 1968...

    Ces femmes ont toutes en elles quelque chose qui les distingue des autres : la fierté, le courage, la grâce, et cette fidélité qui les fait chacune d'elles revenir à la ferme du Puy Marseau qui avait accueilli Marie Vergne en 1709...

    Rarement si bel hommage dans la littérature, a été rendu aux femmes. L'auteur Jean-Guy Soumy est un professeur de Mathématiques ayant exercé à Limoges, né le 1er juin 1952 à Guéret. Il est l'auteur de plusieurs livres : Le soldat fantôme, Le Congrès, La Promesse, Les moissons délaissées...

    Quelques lignes, de ci de là, dans le texte :

     

    Page 25 : La jeune fille, à l'aide d'une badine, taquinait les tisons. Vergne regardait l'incandescence se rebiffer, tenter de mordre le bâton, menacer en rougissant. Et puis ses yeux remontaient au poignet qui agitait la baguette, à ses os fins, à cette main que le travail n'avait pas encore nouée.

     

    Page 508 : Luce Cassagnac, née Rivière, Meçaouda comme l'appelaient à présent ses compagnons caravaniers, avait le pas des arpenteurs d'infini.../.../... Son visage, sculpté par le vent et le soleil, avait pris le tranchant des aventuriers de haute lignée. Le désert avait dissous l'Européenne pour faire éclore la Saharienne. Plus femme.

     

     

  • Claude Lanzmann, écrivain, journaliste, réalisateur scénariste acteur...

    ... Vient de nous quitter, ce jeudi 5 juillet 2018...

    Il était né le 27 novembre 1925 à Bois Colombes, et c'est donc à l'âge de 93 ans qu'il nous quitte...

    Il est l'auteur, entre autres ouvrages dont "le dernier des injustes", de "Le lièvre de Patagonie", un livre de mémoires (de 1940 à 1965)...

     

    ... "Vivants, nous ne reconnaissons plus les lieux de nos vies et éprouvons que nous ne sommes plus les contemporains de notre propre présent"... Lit-on, page 170 dans Le lièvre de Patagonie...

     

    Il est le réalisateur de SHOAH... Et d'autres films.

     

    Claude Lanzmann nous raconte dans Le lièvre de Patagonie, sa relation avec Gilles Deleuze, Jean Paul Sartre, sa soeur Evelyne... Et avec tous les écrivains et artistes de cette époque de 1940 à 1965, qu'il a rencontrés et fréquentés.

    Nombreuses sont les petites anecdotes dans tous leurs détails ; les pensées et les réflexions des uns et des autres de tous ces personnages dont il parle dans son livre...

    Une autobiographie dans le plein et authentique sens du terme...

     

    ... Encore un Grand, un Géant... du monde de la littérature, du cinéma et du journalisme, qui vient de disparaître...

    Un témoin de son temps... Le temps de sa vie, de la fin des années 1920 jusqu'en 2018... quasiment un siècle...


    http://parolesetvisages.blogs.sudouest.fr/archive/2010/02/17/lieux-et-visages-de-nos-vies.html

  • La louve et le sanglier, de Yann Brékilien

    La louve et le sanglier

    A propos de Vercingétorix ...

     

    ... Notre héros national, peut-être le personnage historique le plus connu notamment par les enfants des écoles de France...

     

    Il faut déjà savoir qu'avant Alésia (-52 ) la Gaule (une partie occidentale de tout l'ancien espace celtique) avait en gros des frontières naturelles (géographiques) : au nord et à l'est le Rhin, depuis son origine alpine jusqu'à son embouchure dans la mer du nord ; au sud et à l'est le Rhône, depuis son origine alpine jusqu'à la Méditerranée (quoique la région incluant le delta du Rhône faisait partie au 1er siècle av-jc, de la Narbonnaise, province romaine)...

    Et bien sûr à l'ouest l'océan Atlantique...

    Avant Alésia, bon nombre d'enfants de divers peuples de la Gaule, le plus souvent, de fait, les enfants de la noblesse ainsi que ceux de commerçants, d'artisans, ou de bourgeois de l'époque ou même encore de quelques gros propriétaires terriens ; recevaient une éducation de base par les druides (entre autre savoir lire et écrire le Latin et le Grec, puisque tous les documents administratifs, les actes de propriété, de justice, etc., étaient rédigés soit en Latin le plus souvent, ou en Grec.

    En gros, à l'époque, en Gaule d'avant Alésia, tous les peuples, fort nombreux il faut dire, parlaient tous une langue commune, le Celtique ou Gaulois (mais avec des variantes, de vocabulaire, de tournures de phrases, et surtout d'intonations de voix (accents) d'une contrée à l'autre voire parfois d'un village à l'autre). Ils arrivaient donc à se comprendre entre eux, même entre peuples éloignés, les uns des Belges, les autres des Aquitains...

    "Roi" se disait en Gaulois "rix" , "guerrier" en Gaulois se disait "cingès" ("bellator" en latin) , et "ver" était le préfixe correspondant au latin "super" et au grec "hyper".

    Lorsque, à Gergovie, un jeune chef fut acclamé par son peuple, les Arvernes, et validé par les druides, il fut alors appelé "Le roi des supers guerriers" (en Gaulois Rix ver cingéton d'où Vercingétorix)...

     

    ... La louve et le sanglier, de Yann Brékilien ( une "autre version" de la "guerre des Gaules", de Jules César )...

    Soit dit en passant, Albert Camus : "les conquérants romains que nos auteurs de manuels, par une incomparable bassesse d'âme, nous apprennent à admirer"...

    Et Jean Anouilh : "Fabrice a trop cru aux Romains à l'école, ça l'a intoxiqué"...

    Et encore Simone Weil : "les Romains, poignée d'aventuriers réunis par le besoin... les romains ne pouvaient rien tolérer qui fût riche en contenu spirituel..."

     

    NOTE : à l'école nous avons tous appris à prononcer "verSINGEtorix" (comme "singe vert"-rire-)... Les Gaulois prononçaient "VerKINN'GUEtorix"...

     

     

  • Sapiens, une brève histoire de l'humanité, de Yuval Noah Harari

    Telechargement 1

    On ne peut pas dire que ce livre est compliqué (ou ardu) à lire... Je suis encore dans les 100 premières pages, je trouve que c'est "relativement digeste" dans la mesure où l'auteur me semble avoir écrit son livre pour "un large public" (un public intéressé, bien sûr, par la préhistoire)...  

     

    Cependant, je ne suis pas sûr que ce livre soit le meilleur qui ait pu être écrit sur la question (l'un des meilleurs, oui, je crois, car il se fonde sur une argumentation "sérieuse" et sur de la documentation (donc, un travail de recherche)... Mais il y a tout de même à mon avis, un "regard" (de l'auteur) qui rejoint -en partie- une pensée, une culture, un ensemble d'idées général...  (Sur la préhistoire, mais aussi sur l'Histoire)… Un „regard“ qui s'appuie en grande partie sur ce qui est interprété, de ce qui a été découvert, en fonction d'une „vision du monde“ dépendante d'une culture fondée sur des croyances, sur un imaginaire, sur des valeurs qui sont les nôtres depuis au moins deux siècles, voire sur une „morale“ balançant en gros entre deux tendances (l'une, en gros versant plus ou moins dans l'angélisme, et l'autre versant dans l'idée d'un monde humain violent et barbare)…

    Certes, dans les 100 premières pages, l'auteur, il faut le reconnaître, nous convie à réfléchir sur la vision que nous avons du monde des humains d'il y a 35 000 ans (et c'est bien là ce qui fait l'intérêt du livre)…

     

    En lisant ce livre je m'aperçois (est-ce qu'il en sera ainsi jusqu'au bout du livre?) que je n'apprends finalement rien de plus que tout ce que je sais déjà sur la question...  

     

    Personnellement, mon "regard" est quelque peu différent de celui, non seulement du "commun des mortels" mais aussi de celui d'une large partie de la communauté scientifique... En ce sens que certaines questions se posent en dépit de ce qui a été découvert jusqu'à présent, d'une part ; et qu'un certain nombre "d'idées reçues" font voir les choses sous un angle particulier (ou avec une vue déformée) d'autre part...  (et parfois sinon assez souvent, orientée par les pouvoirs et par les régimes politiques en place)…

     

  • Zéro de conduite, de Michel Onfray

    Zero de conduite

    ... Dans la série très popularisée "Pour les Nuls" (histoire, littérature, windows, l'anglais, la psychologie, la guitare... etc. ) les millions de "nuls" que nous sommes, ne sont pas en effet des "experts en la matière" (la matière concernée)... Mais des gens qui sentent le besoin d'acquérir "une base de connaissance" en tel ou tel domaine, discipline, pratique...

     

    ... A la lecture de ZERO DE CONDUITE, l'un des derniers livres de Michel Onfray, je me pose cette question :

    Michel Onfray n'a-t-il pas écrit ce livre comme s'il avait voulu faire de l' "Onfray pour les Nuls" (mais des "nuls au sens propre")?

    Je dis cela parce que, dans la plupart de ses autres ouvrages, Michel Onfray ne se lit pas comme l'on lirait du récit ou du roman de terroir, ou comme on lirait un article de fait divers, un texte anecdotique ou caricatural journalistique...

    J'ai perçu à la lecture de ZERO DE CONDUITE, ouvrage cependant révélateur de l'état de notre société et de nos élites gouvernementales et autres dans un "post-politisme en décomposition"... J'ai perçu donc -peut-être cela tient-il plus à la personnalité de Michel Onfray qu' à la formulation dont il use dans son livre- que les "nuls" là, en l'occurrence, pouvaient s'apparenter selon un regard que certains pourraient prêter à Michel Onfray (parmi ses contradicteurs les plus critiques), à des nuls au sens d' abusés béats sans réflexion...

    Me sentant assez proche si je puis dire, de la pensée, de la réflexion et du regard anticonformiste/anti bien pensance de Michel Onfray et ayant lu plusieurs de ses livres, je n'adhère cependant pas à son jugement sur la Terreur et sur l'époque Stalinienne et des soviets -certes époques historiques de grande violence... Il me paraît devoir considérer la réalité dans le contexte de l'époque (au temps de la Terreur et au temps des soviets) : on peut parler de "mal nécessaire" étant donné les enjeux d'une politique intérieure et extérieure particulièrement sensible, incertaine quant à l'avenir d'un pays et d'une société...

     

    ... Le drame ou plus exactement le probème de notre époque où "l'on marche sur la tête", c'est que, si tu ne prends pas position ferme et ouverte (publique) contre ce qu'on dit "être barbare et contraire aux droits de l'homme"... Alors tu es accusé de soutenir et d'adhérer à ce que l'on "voue aux gémonies"...

    Et en ce sens, Michel Onfray, par la position qui est la sienne et qu'il déclare publiquement, au sujet de la Terreur et des Soviets, rejoint la pensée commune, autrement dit le "politiquement correct pensant" (là, il déroge à son anticonformisme à mon sens)...

    Quel "monument d'hypocrisie" en effet, aujourd'hui, que tous ces "hauts cris" poussés contre ceci/cela jugé barbare et anti droits de l'homme anti l'avenir de la planète... alors même que la France, notre pays, est en bonne place en vente d'armes et en avions Rafale !

     

    ... Alors quoi, avec la vente d'armes et d'avions Rafale ? "Un contexte d'actualité et de réalité de l'époque étant donné les enjeux et les intérêts de politique stratégique, économique ?" ... Mais les intérêts pour qui ? Pour les peuples ? Non, en aucune façon! Pour les intérêts des lobbies, oui, pour les actionnaires, les possédants, les assassins, ceux qui mettent en coupe réglée les richesses et les ressources de la planète !

     

     

  • Tom Wolfe

    Tom wolfe

    Lundi 14 mai 2018, Tom Wolfe nous quitte…

    Nous laissant son oeuvre immortelle tant qu'il y aura des Hommes sur la Terre…

    Une douzaine de romans publiés, dont le plus connu “Le bûcher des vanités” adapté au cinéma en 1990 par Brian de Palma… “Un homme, un vrai” en 1999, et “Moi Charlotte Simmons” en 2006, son troisième roman…

    Tom Wolfe est né à Richmond en Virginie en 1931.

    Dans les années 1970 il se fait connaître dans un genre nouveau, du “journalisme à l'américaine”, après avoir débuté au Washington Post, puis au New York Herald Tribune.

    Il est un observateur éclairé de la société de son temps, et en même temps, un témoin… Le “greffier du siècle” selon son expression…

    Avec son troisième roman “MOI CHARLOTTE SIMMONS”, mille pages, il nous parle du monde clos aux règles impitoyables des grandes écoles, d'une Amérique qui forme ses élites dans la pétaudière de la branchitude, de la coolitude, de la paresse et de la servitude sexuelle…

    Dans un “look de dandy au chic démodé”, Tom Wolfe incarne à mon sens, une vision du monde et de la société, en réaction contre ce qu'il y a d'impitoyable, de vulgaire et de “bienpensance nauséabonde” dans cette société “policée” mais aussi clanique, sélective et gangstérisée, voyoucratisée et -dis-je- pourrie comme un melon par la queue…

    Un peu de chic et de classe, dans cette société voyeuriste et vulgaire, notamment parmi les élites mais aussi jusqu'en bas de l'échelle sociale… Un peu de chic et de classe et avec une âme bien trempée, belle et forte… ça fait du bien, de temps à autre…

    C'est un géant qui nous a quitté… Non seulement de la littérature américaine, mais de la littérature toute entière…

     

  • BOHEMES, de DAN FRANCK... Mon commentaire...

    ... Et une vision que j'ai, une étude que je fais, de l'Histoire de l'Art et de la Littérature à travers les époques... 

     

    Bohemes

    ... J'avais dit que l'histoire de l'Art (et de la Littérature) pouvait être (c'est l'image que j'ai utilisée pour "résumer" l'histoire de l'Art et de la Littérature) :

    Comme un feu qui, jusque dans la seconde moitié du 19 ème siècle, et cela époque après époque depuis le Moyen Age, aurait brûlé avec des flammes en vivacité et en dimensions différentes, avec toutes les couleurs du feu dans leurs nuances, par exemple de l'orangé au rouge et avec des reflets bleutés, jaunes ou verts... Selon les différentes matières inflammables dont on alimentait le feu, le bois étant le matériau principal dans ses différentes compositions et essences...

    Je voulais dire par là, que jusque dans la seconde moitié du 19 ème siècle, il y avait à mon sens, autant dans la peinture que dans la littérature, une "continuité", et que j'imageai cette "continuité" en un feu qui brûlait avec, à chaque époque, des flammes de couleurs, de vivacité et de dimensions différentes. Autrement dit, le feu était toujours fait de flammes"...

    Cette "continuité" dans la peinture avait été celle de (je cite quelques époques) :

    Le Gothique ( 12 ème siècle), la Renaissance (15ème et 16 ème siècle), le Baroque ( 17 ème et début 18ème), le Classicisme ( 17 ème siècle) , le Romantisme ( milieu 19 ème ) puis enfin le Réalisme (de 1850 à 1870/1880)...

    Cette "continuité" en Littérature avait été celle de (je cite quelques époques) :

    L'Humanisme ( 16ème siècle), le Baroque et le Classicisme ( 17 ème siècle), les Lumières (18 ème siècle), et enfin le Romantisme, le Naturalisme, le Parnasse et le Réalisme (19 ème siècle)...

    Dans cette "continuité" en peinture comme en littérature, l'on assiste à une évolution, à une suite de représentations ou de genres différents... Mais jamais à une véritable rupture, même si en littérature par exemple le Romantisme au 19ème siècle rompt avec les règles et avec le beau traditionnels...

     

    Avec l'impressionisme en peinture entre 1860 et 1890, et le symbolisme en littérature de 1869 à 1896, c'est là que l'on assiste pour la première fois dans l'histoire de l'art, à une véritable rupture :

    -Une remise en cause de la peinture académique et codifiée en opposition avec ce qui se pratiquait dans le passé, et avec des représentations picturales entièrement nouvelles.

    -Un mouvement, dans la poésie, en réaction contre, au départ, le naturalisme, né de la poésie Baudelairienne : suggérer au lieu de dire, évocation d'un monde caché à travers les symboles, poème en prose, vers libre.

    En cette seconde moitié du 19 ème siècle, l'on ne peut que comprendre à quel point les critiques, à quel point les vues des visiteurs de galeries et les lecteurs d'ouvrages de poésie et de littérature, pouvaient être perturbés et en opposition violente contre ces nouveautés considérées dérangeantes et déraisonnables... Il a fallu une trentaine d'années pour que ces nouveautés soient déja acceptées avant d'être finalement reconnues...

     

    ... Puis à partir de la fin du 19 ème siècle, si demeurait (et demeure d'ailleurs encore de nos jours au début du 21ème siècle) dans une même continuité, celle d'un "feu fait de flammes", tout ce qui procède d'un art classique de représentation des êtres et des choses (même dans des formes ou des genres différents)... L'on assiste comme à une explosion, en l'espace de 3 générations entre 1860 et 1930, de "gerbes de feux d'artifice", de "fontaines de lumière ", de "geysers de boues et de sables et de poussière en fusion", s'élevant et éclatant dans le ciel, jaillis de divers points de paysages du monde ; avec :

    -Le Fauvisme 1894/1897 – 1910, simplification des formes, couleurs juxtaposées, recherche d'une intensité de l'expression

    -L'Art abstrait à partir de 1910, le Futurisme de 1904 à 1920

    -Le Cubisme 1907-1914, représentation des objets et des corps en formes géométriques sous différents angles de vision

    -Le Dadaïsme 1916 – 1925, remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, artistiques et politiques

    -Le Surréalisme 1924- 1945, transcription des pensées et des sentiments avec des formes abstraites et des couleurs très variées

     

    Et l'on retrouve en littérature, poésie, à partir du Symbolisme puis du Dadaïsme et du Surréalisme, et plus tard à partir de 1945 avec l'Absurde 1938-1960 et le Nouveau Roman 1950-1980, les mêmes et aussi radicales et nouvelles évolutions dans l'expression, la forme, le style, tout autant "éclatant dans le ciel en geysers"...

     

    A partir en gros, de 1980, avec la profusion des ouvrages publiés, la multiplication et la diversité des prix littéraires, des galeries d'exposition, du nombre croissant d'auteurs, d'écrivains et d'artistes ; avec la succession accélérée des courants et des modes... Et surtout avec l'arrivée d'Internet, des réseaux sociaux et des blogs à partir du début des années 2000, l'on assiste à un foisonnement de productions artistiques et littéraires, à tel point que dans un paysage qui s'est uniformisé, les feux, les fontaines de lumières, les éclairs d'orage, les geysers, sous les yeux des "spectateurs consommateurs" que nous sommes devenus, se sont banalisés...

    Nous avons vu disparaître année après année depuis la fin du 20 ème siècle, tous les grands acteurs de la vie artistique et littéraire de la période 1915- 1980 (dont nous célébrons soit dit en passant les anniversaires de leur mort ou des 10/20 ans après leur mort), nous voyons apparaître de ci de là, quelques artistes et écrivains de la "nouvelle génération" qui se démarquent du nombre ou du commun...

    Mais -c'est ce que je ressens- (et je ne dois pas être le seul à le dire) :

    "A l'Ouest ou à l'Est rien de nouveau... ou du nouveau à ne plus savoir où regarder" ...

     

    ... Le livre de Dan Franck "BOHEMES" évoque cette époque où durant l'espace de trois générations d'artistes, d'écrivains et de poètes -et de femmes et hommes de l'actualité artistique et littéraire- se réalisa la plus grande mutation (de pensée, de vision et de représentation du monde), entre 1860 et 1930, que toute l'Histoire de l'Art et de la Littérature aient jamais connus depuis des temps immémoriaux...

    Cette évolution aussi rapide que radicale dans l'Histoire de l'Art et de la Littérature s'inscrit dans un contexte historique de bouleversement dans "l'ordre des choses" (économique, sociétal, scientifique, industriel, technologique avec l'arrivée du téléphone, de l'électricité, du train, de l'automobile, de l'avion, du télégraphe)... Un bouleversement sans nul doute, et peut-être même, de plus grande envergure que celui de l'arrivée d'internet, du numérique et du téléphone portable à partir de 1990...

    Il faut dire aussi que les deux plus grandes conflagrations (guerres mondiales) qu'aient connues l'Humanité, en destructions, nombre de victimes et armement utilisé, et avec toutes les horreurs commises... Ont contribué à l'émergence d'un art et d'une littérature totalement nouveaux et en rupture avec ce qui avait cours dans le passé...

     

    ... Il me parait intéressant de situer dans le temps ( du Fauvisme, du Cubisme, du Dadaïsme, du Surréalisme ) les artistes qui ont vécu en particulier leur jeunesse en ces temps où ils se retrouvaient à Montmartre (Bateau Lavoir, Cabaret du Lapin Agile) , puis ensuite à Montparnasse (La Rotonde, la Ruche entre autres)...

    Ainsi avant 1914 à l'époque du Fauvisme, de l'art abstrait, du Cubisme et du début du Futurisme, l'on rencontre toute la génération des nés entre 1878 et 1890, tous alors âgés en gros, de 20 à 30 ans :

    Maurice Utrillo, Pablo Picasso, André Derain, Georges Braque, Juan Gris, Fujita, Modigliani, Jules Pascin...

    A cette époque là, entre 1900 et 1914, Maurice Vlaminck, Henri Matisse, Kees Van Dongen, Raoul Dufy... Eux, étaient un peu plus âgés puisque nés avant 1878...

    C'est aussi l'époque de la jeunesse (1900-1914), de Guillaume Apollinaire né en 1880 -et mort en 1918- , de Pierre Mac Orlan, de Jean Paulhan, de Jean Cocteau, de Blaise Cendrars, de James Joyce, Francis Carco, qui eux, étaient âgés aussi, de 20 à 30 ans avant 1914...

    Les plus "vieux" à cette époque d'avant 1914, étaient Vassily Kandisky né en 1866, André Gide né en 1869, Paul Claudel né en 1868, Alfred Jarry né en 1873, et Max Jacob né en 1876...

    Ensuite, après 1914 vient la nouvelle génération des nés au delà de 1890 :

    Chaïm Soutine, Man Ray, Max Ernst, René Magritte, Salvator Dali né en 1904, André Breton, Tristan Tzara (le fondateur de Dada), Robert Desnos, Ernest Hemmingway, le tout jeune Georges Simenon né en 1903, ainsi que Pierre Brasseur né en 1905, et Louis Aragon né en 1897... Tous eux, âgés de 20 à 30 ans entre 1910 et 1920/1925...

     

    ... Tout ce monde là, au début, entre la fin du 19 ème siècle et les premières années du 20ème, se retrouvaient à Montmartre, au Bateau Lavoir et au Lapin Agile dans leur jeunesse pour les nés autour de 1880/1885, et ensuite à partir de 1905/1910 à Montparnasse à La Coupole et à La Ruche et dans les cafés autour du carrefour Vavin, tels que La Closerie des Lilas et le Dingo Bar (ainsi d'ailleurs qu'à Montmartre encore)...

    Après 1910 bon nombres d'artistes, d'écrivains, romanciers et poètes (Américains pour beaucoup d'entre eux ainsi que des "anciens" de Montmartre dont Pablo Picasso), tous plus ou moins "désargentés et au parcours de vie très "accidenté", anarchistes, libertaires... Ont été attirés par ce quartier de Montparnasse qui à l'origine était un quartier encore relativement en friche, et offrait des ateliers à des loyers modestes dans un environnement de cafés populaires facilitant la sociabilité, l'émulation et l'entraide...

    Mais par la suite avec l'époque des "années folles" entre les deux guerres de 1920 à 1940, notamment avec la Coupole, le Sélect et le Dôme, Montparnasse est devenu un "lieu branché" dans la mesure où il perdit peu à peu son côté "authentiquement bohème"... De telle sorte qu'après 1945, en partie déserté par certains artistes et écrivains, il fut supplanté par le quartier Latin (Saint Germain des prés)...

     

    ... Montmartre, Montparnasse, Saint Germain des prés... L'on assiste à travers ces lieux et à travers les époques successives de l'histoire de l'art et de la littérature, de la fin du 19ème siècle jusque, en gros, vers 1970/1980 ; à toute une évolution du monde contemporain en matière d'art et de culture : celle du "feu fait de flammes" dans une intemporalité qui englobe en fait toutes les époques y compris notre époque actuelle, avec toutes les représentations du monde, des objets et des corps selon des sensibilités, des angles, des couleurs et des formes différents... Mais aussi en même temps à partir de l'Impressionisme et du Symbolisme fin 19 ème siècle, celle des "gerbes de feu d'artifice et de geysers" avec le Fauvisme, le Cubisme, le Surréalisme, le Futurisme, le Nouveau Roman... Pour finalement (et incertainement et aléatoirement) aboutir, après 1980, à un "foisonnement d'expression artistique et littéraire dans la diversité, dans l'instantanéité, dans la banalité"... Et avec cette idée, que de nos jours "tout le monde fait quelque chose", ce qui contribue à une prolifération de productions dont on se demande pour certaines si ces productions sont encore artistiques et littéraires... Tout cela s'inscrivant plus que jamais auparavant, dans un monde marchand de consommation, de modes et d'affects... D'autant plus amplifié et généralisé avec Internet, les smartphones, le numérique, l'informatique, la robotique et la bureautique...

     

    ... Quelques réflexions et notes d'artistes, d'écrivains, dans Bohèmes de Dan Franck :

     

    "Il y a maintenant, comme en tout pays, d'ailleurs, tant d'étrangers en France qu'il n'est pas sans intérêt d'étudier la sensibilité de ceux d'entre eux qui, étant nés ailleurs, sont cependant venus ici assez jeunes pour être façonnés par la haute civilisation française. Ils introduisent dans leur pays d'adoption les impressions de leur enfance, les plus vives de toutes, et enrichissent le patrimoine spirituel de leur nouvelle nation comme le chocolat et le café, par exemple, ont étendu le domaine du goût." ( Guillaume Apollinaire )

     

    "Ce que je n'aurais pu faire dans la vie qu'en jetant une bombe – ce qui m'aurait conduit à l'échafaud- , j'ai tenté de le réaliser dans l'art, dans la peinture, en employant la couleur pure au maximum." ( Maurice de Vlaminck )

     

    "En 1916, Picasso désirait faire mon portrait en costume d'Arlequin. Ce portrait s'est achevé en toile cubiste." ( Jean Cocteau ).

     

     

    ... Une "exception française" cependant, qui a tout de même été une rupture à l'époque, dans l'art littéraire avec François Rabelais né en 1483 ou 1494 selon les sources -et mort en à Paris le 9 avril 1553- , donc en pleine période de l'Humanisme 16 ème siècle...

    François Rabelais dont l'oeuvre constitue un véritable réquisitoire à l'encontre des théologiens de la Sorbonne, de la pensée dominante du temps et de ses codes et règles ; avec ses expressions crues parfois obscènes qui lui ont attiré les foudres des autorités religieuses et politiques, et qui s'est vu censuré...

    Il faut dire aussi que l'oeuvre de François Rabelais s'inscrit dans le contexte historique de la Réforme, politique et difficile...

    A noter également, lors de l'édification des grandes cathédrales, à l'époque du Haut Moyen Age 12 ème, 13 ème, 14 ème siècles, les gargouilles iconoclastes à figures démoniaques sculptées dans la pierre et placées en hauteur à des endroits où seuls avaient accès les artistes "insoumis et caricaturistes" créateurs de ces figures...

    Il n' a certes pas manqué, dans toutes les époques, depuis l'Antiquité, de ces artistes, poètes et écrivains, qui à leur manière dans leurs productions de peinture ou de littérature, ont peu ou prou, "secoué le cocotier" au point de passer parfois même pour des "pestiférés" ou des "damnés"... Mais dont l'Histoire "officielle" a en général fait peu de cas. On peut dire que François Rabelais pour ne citer que lui parce que cinq siècles plus tard il est l'un des personnages les mieux connus de la littérature française... Est un "cas d'école"...

     

    ... Personnellement, en matière d'art et de littérature, je penche plutôt vers des mouvements qui ne sont d'aucune école, d'aucun système de règles et de codes, totalement libres et indépendants, et bien sûr opposés à toute pensée ou tout ordre dominant, ne se "laissent pas acheter", ne deviennent pas finalement une "autre école" au même titre que les écoles en place et en boutique...

    Ce qui me semble évident -et en quelque sorte me "chiffonne"- c'est que tous, quasiment tous, les mouvements artistiques et littéraires ayant mis ou mettant en cause un ordre établi, que ce soient ceux ayant surgi entre 1860 et 1930 ou ceux qui suivent au delà, ainsi que ceux qui de nos jours foisonnent dans la diversité et dans la banalité ; ont tendance dans leur évolution -pour ne pas dire dans leur vocation- à devenir à leur tour quelque chose qui ressemble à une école, une sorte d'école... Avant d'être finalement bousculés ou intégrés ou dilués dans un "mouvement général" qui depuis la fin du 20 ème siècle s'accélère et se diversifie de plus en plus, avec de plus en plus d'acteurs...

    Le seul -enfin presque- des mouvements artistiques et littéraires qui ait "fait le moins école" par rapport à tous les autres, c'est à mon sens le mouvement Dada 1916 – 1924... Celui pour lequel j'ai une préférence et se rapproche le mieux de ce que je ressens, de l'idée que je me fais d'une certaine liberté, d'une certaine indépendance, d'une certaine opposition à toute dominance de pensée ou d'ordre...

    Dada fut d'ailleurs supplanté dès 1924 par le Surréalisme qui lui, en dépit de son côté "révolutionnaire" et "totalement novateur", n'en est pas moins, n'en constitue pas moins, une "école" notamment avec cette sorte de "Dieu le Père" qu'était André Breton exerçant pour ainsi dire une véritable dictature avec son aéropage de fidèles "triés sur le volet" et ses "voués aux gémonies", ses ennemis et ses contradicteurs à abattre!...

     

     

  • "Bohèmes", de Dan Franck

    ... Je viens de lire "Bohèmes", de Dan Franck ; toute une époque qui, de la fin du 19 ème siècle jusqu'aux années 1930, a vu passer une génération de trublions de l'Art et de la Littérature, en ces lieux mythiques de Paris que furent Montmartre et Montparnasse, entre le bateau lavoir et la closerie des lilas...

    Dans un commentaire que je vais prochainement publier, de cet ouvrage, "Bohèmes", de Dan Franck ; il me paraîtra intéressant de situer dans le temps les différents personnages (nombreux) qui ont fait l'actualité artistique et littéraire de cette époque... Si par exemple l'on y croise André Gide né en 1869, âgé de 51 ans en 1920 ; l'on y aperçoit aussi le tout jeune Georges Simenon né en 1903, âgé de 20 ans en 1923... Et Pablo Picasso né en 1881, Georges Braque né en 1882, tous deux de la même génération environ 40 ans au début des années 20 ; puis Man Ray né en 1890, donc 30 ans en 1920, et Louis Aragon, l'un des plus jeunes en 1923 âgé de 26 ans, né en 1897...

    C'est en témoin de mon temps (je suis né en 1948) et donc selon ce que je vois aujourd'hui, ce que je lis, ce que j'observe, ce que je ressens, en ce premier quart du 21 ème siècle, que mon regard se porte sur une époque que je n'ai pas connue, et sur une époque qui est celle que j'ai vu évoluer depuis 1950 pour être ce qu'elle est aujourd'hui...

     

  • La mémoire, une fabrique de "faux-vrais" souvenirs ? ...

    ... Au tout début de son prologue de la biographie de Louis Aragon, Philippe Forest écrit cette première phrase :

     

    "Je me méfie de la mémoire. Elle fabrique à foison de faux souvenirs que l'on prend pour des vrais".

     

    Plus loin, dans "Un album de famille" à la page 56 ( ARAGON, Biographies nrf Gallimard), Philippe Forest dit :

     

    "Jusqu'où faut-il croire Aragon? Dans quelle mesure convient-il d'accorder créance au récit qu'il nous fait de son enfance et qui le présente donc comme un petit garçon pauvre et méprisé, grandissant aux côtés d'une mère victime à la fois des siens et de l'homme qui a profité d'elle mais s'est toujours refusé à lui faire une vraie place dans la vie?" .../...

    .../... Chacun d'entre nous réécrit le roman de sa vie à mesure qu'il vieillit. Et cette fiction finit par devenir la seule vérité qui compte"...

     

    J'ai toujours dit qu'entreprendre par écrit le récit de sa vie et en particulier de son enfance, c'est ce qu'il y a de plus difficile en littérature... Et qu'une biographie d'un écrivain par un autre écrivain, est une oeuvre encore plus difficile à réaliser...

     

    Toute la difficulté à mon sens, réside en partie dans la capacité qui est celle de l'écrivain, à donner aux personnages dont il parle, le rôle principal... En n'étant en somme que le narrateur (mais cependant le narrateur qui, dans les situations et dans les évènements vécus, apparaît lui aussi dans un rôle principal)...

     

    Ensuite la difficulté tient aussi dans la manière dont le récit est présenté (et sera transmis)... Il est à peu près évident -en général- que l'auteur du livre de sa vie, ou que le biographe d'un auteur ; tend à donner à son récit, davantage l'atmosphère qu'il veut y mettre, plutôt que l'atmosphère qui "colle" à la réalité et à l'exactitude des situations, des événements...

    Et il y a enfin la "vérité historique" du récit, des situations, des événements, des personnages évoqués (et avec la situation précise dans le temps, les dates... tout cela corroboré par des documents authentiques, des témoignages recueillis)...

     

    Que penser -c'est la réflexion qui me vient- cependant, d'une "fiction" ou d'une "autofiction", c'est à dire d'un récit évoquant un personnage principal s'apparentant à l'auteur lui-même?

     

    Le "Mentir vrai" de Louis Aragon (1964) ou plus généralement mentir ou arranger... Faut-il en faire procès, ou affaire d'opinion, ou affaire de morale ? ... Dans la mesure où ce qui est écrit, tel quel, vrai ou imaginé ou arrangé... Peut apporter au lecteur ?

     

    Pour répondre -si une réponse est possible- à la question du "mentir vrai" de Louis Aragon, ou de mentir et d'arranger, plus généralement... Je ne vois en vérité, que ceci :

     

    les personnages évoqués dans une oeuvre autobiographique (pour beaucoup disparus), ont tous des descendants directs et ou collatéraux qui, à un moment ou un autre peuvent avoir connaissance de ce qui a été écrit... (et cela d'autant plus avec Internet, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, l'édition en ligne à la portée de tout un chacun)...

     

    Et l'auteur du livre de sa vie ou le biographe, doit peut-être à mon sens, s'interroger au sujet de ce qui sera perçu par un proche, un descendant du ou des personnages évoqués : c'est là qu'intervient la nécessité de l'exactitude des situations, des événements, des faits... et cela dans le contexte particulier qui fut...

    Reste la question du jugement ou de la morale que se fait le lecteur, ce lecteur pouvant être un descendant de tel ou tel personnage évoqué...

    La part faite à la morale et au jugement n'éclipse-t-elle pas en partie, la "dimension littéraire" de l'oeuvre ?

     

  • Céline, un auteur qui fâche

    ... De son vrai nom Louis Ferdinand Destouches, né à Courbevoie le 27 mai 1894, et décédé le 1er juillet 1961 à Meudon.

    Soit dit en passant, ce même 1er juillet 1961, Ernest Hemingway se tirait dans la tête une décharge de chevrotines...

     

    Céline, un auteur qui fâche... L'on sait pourquoi...

     

    Mais de surcroît, et peut-être plus encore qu'il ne fâche, Céline est un auteur "difficile" en ce sens que lire un livre de Céline impose un effort de lecture...

     

    Quel professeur de Lettres Modernes (prof de français pour appeler un chat un chat) aujourd'hui dans un lycée en classe de seconde ou de première littéraire, envisagerait sereinement de proposer à des jeunes de 15/16 ans de sa classe, de lire (le livre à lire dans la semaine) "D'un château l'autre" ou "Guignol's Band" ?... "Voyage au bout de la nuit" est sans doute "plus buvable" (c'est incontestablement, "Voyage..." le livre le plus lu, de Céline)...

     

    ... De toute manière, en matière de lecture, toutes cultures et sensibilités confondues je crois bien dans le monde d'aujourd'hui... Où l'on passe une partie de la journée sur Internet et sur les réseaux sociaux notamment Twitter ( tout ce que l'on peut dire et lire faisant 140 caractères maximum) ; tout livre étant "un peu plus qu'un produit de consommation", ainsi que toute "chose écrite" de plus de 15 lignes sur le Net... Demande assurément "un effort de lecture"...

     

    ... Pour ma part, m'étant cependant intéressé et m'étant senti motivé à lire Céline, j'avoue que pour "Guignol's Band" j'ai "déclaré forfait" au bout de 50 pages... (Et pourtant je suis sensible à ce style ou type d'écriture qui est celui de Céline, et dans lequel "je me reconnais plus ou moins en partie" ...

    Soit dit en passant, quand "on se reconnaît dans l'écriture d'un auteur"... En fait, "on s'y reconnaît mais avec quelque chose de soi-même, de tout à fait différent"...

     

    ... "D'un château l'autre"... J'essaye, j'essaye... J'avance...J'avance... Page après page...

     

  • L'aigle et le dragon, de Serge Gruzinski

    Aigle et dragon

    L'auteur :

     

    ... Serge Gruzinski, historien de renommée internationale (directeur de recherche au CNRS, il enseigne en France, à l'EHESS, et aux Etats Unis, à l'université de Princeton), est l'auteur de nombreux ouvrages dont "La pensée métisse" (Fayard, 1999) et "Les quatre parties du monde" (La Martinière, 2004).

     

     

    ... C'est au tout début du XVI ème siècle que commence ce que l'on appelle aujourd'hui la mondialisation...

    Et cette "mondialisation" a en fait-et de fait- commencé avec les Ibériques (Espagnols et Portugais) qui ont débarqué, avec les Espagnols, au Mexique, et avec les Portugais, le long des côtes du Sud Est Asiatique, depuis le détroit de Malacca jusqu'à Pékin, en passant par Canton et Nankin, dans l'empire Chinois...

    Ces deux événements que furent l'arrivée des Espagnols au Mexique, et l'arrivée des Portugais dans le Sud Est Asiatique, ont eu lieu à la même époque, autour des années 1517/1521...

    Ce sont bien là deux événements qui ont marqué une étape déterminante dans notre histoire (celle des pays Européens et de la civilisation issue du monde Grec et du monde Romain de l'antiquité, d'une part ; et celle des deux continents que sont l'Amérique et l'Asie avec leurs peuples qui eux aussi, avaient leur culture, leur mode de vie, leurs croyances ; en somme leurs civilisations issues de mondes préhistoriques, et donc, d'évolutions et d'expériences différentes dans l'environnement naturel et géographique qui était le leur et qu'ils n'avaient pour ainsi dire jamais quitté -sans cependant avoir vécu isolés et sans contact avec d'autres parties du monde, autant pour les peuples de l'Amérique centrale que pour les peuples de "l'empire céleste" (la Chine)...

    Alors que Magellan au début des années 1520, parvenait en Asie du Sud Est, Philippines et Indonésie ; Cortès menait une expédition en Amérique centrale et s'emparait de Mexico, non sans mal il faut dire, puisque les troupes de Cortès rencontrèrent une forte résistance de la part d'une coalition de Nahuas, de Mexicas sous l'égide de Mexico-Tenochtitlan. (les Espagnols de Cortès bien qu'utilisant des armes à feu et des canons, n'étaient pas très nombreux en face de ces dizaines de milliers de Mexicas et subirent de lourdes pertes)...

    Les Portugais, installés à Malacca, rêvaient de coloniser la Chine, menèrent d'ailleurs une ambassade par la route de Canton à Pékin par Nankin, auprès de l'empereur Zhengde, mais cette opération fut en réalité un échec (les Portugais de cette expédition furent suspectés d'espionnage, emprisonnés et finalement éliminés physiquement)...

    Si "l'aigle aztèque" se laissa anéantir, en revanche le "dragon chinois" élimina les intrus...

    Il faut dire que les Chinois, depuis bien avant l'arrivée des navigateurs portugais au début du XVI ème siècle, avaient eu des contacts (commerce, échanges) avec les pays de l'Europe, notamment Venise et l'Italie...

    Serge Gruzinski raconte ce face-à-face entre des civilisations que tout séparait (la culture, la religion, les modes de vie), mais surtout, démonte cette croyance des Européens fondée sur la supériorité (savoirs et technologies) des Blancs et des Occidentaux, sur les autres peuples "indigènes" de l'Amérique et de l'Afrique d'avant le XVI ème siècle (XVI ème siècle du calendrier chrétien)...

    ... Nous sommes bien là, devant une réalité historique : celle de l'existence de trois civilisations différentes, à savoir la civilisation européenne et occidentale issue de l'héritage Egyptien, Grec et Romain (et du Moyen Orient, Mésopotamie, Perse) ; la civilisation Chinoise, et la civilisation de l'Amérique centrale (Aztèque)... Auxquelles il faut ajouter aussi, la civilisation des Incas (Amérique du Sud, Andes) et les civilisations de l'Océanie (pacifique, océan Indien), et encore, la civilisation Amérindienne de l'Amérique du nord et de l'Amérique du Sud...

    Il faut dire aussi qu'en matière de violence et de cruauté, de domination et de prédation, et de guerres de conquêtes, toutes les civilisations se valent, autant dire que violence, cruauté, domination, guerres de conquêtes ; tout cela n'est pas le fait unique de la civilisation européenne...

    Sans doute la technologie européenne (navigation, armes de guerre, industrie) a-t-elle pu, du XVI ème au XIX ème siècle, constituer une force, être un avantage sur les autres peuples en Amérique et en Afrique notamment, ce qui explique pourquoi tous ces peuples ont été colonisés et dominés, et ont dû, de gré ou de force, se "fondre" en partie dans la civilisation des dominants...

    La fin du XX ème siècle et surtout le XXI ème, "change la donne" et c'est la civilisation européenne qui "perd du terrain" sinon décline... Du fait du développement rapide des autres pays hors d'Europe, pays autrefois sous la domination des Européens et qui de nos jours, "profitent" (si l'on peut dire) -mais en partie seulement- de la mondialisation de l'économie, des technologies, et de l'accès à la consommation de produits et d'équipements...

     

    EXTRAIT, page 203 :

     

    "Depuis l'antiquité, nous, c'est à dire les Grecs, les Romains, les Chrétiens,les Européens, puis les Occidentaux, avons pris l'habitude d'appeler les autres des "barbares". L'écart des langages et des modes de vie pour les Grecs, la différence religieuse pour les Chrétiens, la supériorité technique, militaire et culturelle pour les Européens de la Renaissance et des Lumières, puis la race au XIX ème siècle ont inlassablement ravivé cette distinction. Le terme "barbare" devient passe-partout au point qu'il s'applique même à des Européens quand il s'agit, avec Machiavel, de dénoncer l'intrusion des étrangers sur le sol de la patrie.

    Au cours du XVI ème siècle, dans le sillage de la mondialisation Ibérique, des Européens se sont retrouvés face à la plupart des grandes civilisations de la planète et à des myriades de populations que l'on a longtemps qualifiées de primitives. Dans le Nouveau Monde, Espagnols et Portugais ont usé et abusé du terme "barbare" (alors qu'eux-mêmes se présentaient généralement comme des "cristianos") , en introduisant des distinctions qui n'étaient pas que des exercices de style puisqu'elles orienteraient les rapports que les colonisateurs entretiendraient avec les colonisés."

     

  • Roue Libre

    Rl21rl21.pdf (2.1 Mo)     ROUE LIBRE, petit journal illustré

     

    Ma France c'est celle qui ne croit pas en ces mirages que sont le pouvoir et l'argent.

    Ma France c'est celle de toutes ces voix, de tous ces visages, de tous ces regards, de toutes ces images, de tous ces écrits, de toutes ces musiques, de tous ces dessins qui, en roue libre le long des chemins à l'écart des marchés et des vitrines de boutiquiers ; font toutes ces Une d'une actualité qui n'est jamais célébrée mais dont nous sommes nombreux à partager ce que cette actualité si peu visible, contient ; font toutes ces Une d'une expression qui ne passe pas à la télévision ni dans les salles polyvalentes ni dans ce qui est diffusé par les promoteurs et par les marchands de littérature, de musique et de culture en général...

    Ma France c'est celle de tout ce qu'il y a d'informel mais néanmoins empli d'imaginaire, de rêve et de factures talentueuses des uns et des autres, contre tout ce qu'il y a de formaté, d'organisé et de médiatisé dans le seul but réel d'une retombée économique de marché...

     

  • Voltaire ou le Jihad, de Jean Paul Brighelli

    Voltaire ou le jihad

    "Vers le suicide de la culture Européenne ?"

    "Sommes nous vraiment les héritiers de Voltaire, ou glissons nous vers la barbarie sans nous en apercevoir?"

     

    La lutte contre le Jihad des fondamentalistes de l'Islam est aujourd'hui un théâtre de guerre à ciel ouvert dont la scène est aussi vaste que l'Europe, que le moyen orient et que le monde occidental tout entier, dont les principaux acteurs politiques se présentent comme étant des défenseurs de la civilisation ; un "théâtre de guerre" donc, qui cache un autre "théâtre de guerre", en fait un autre Jihad, qui lui, mené par les grandes puissances économiques du marché et de la culture, écrase les peuples plus universellement encore que les combattants du Jihad islamique. Car si le Jihad islamique est "infiltré" dans les sociétés occidentales, dans bon nombre de pays, et s'il frappe, s'il tue, si les actes de terrorisme qu'il commet sont spectaculaires, dramatiques et d'une violence extrême ; le Jihad mené par les grandes puissances économiques du marché, quant à lui, est d'un caractère, d'une emprise, d'une hégémonie bien plus universelle encore, et cela par toutes les cultures de substitution, les cultures dites "plurielles", les cultures des banlieues et des communautés urbaines et des minorités revendicatrices, les nouvelles technologies... C'est bien cela le "Jihad mondial" des puissances économiques et politiques, qui porte en lui dans son ordre et dans sa gestion du quotidien des peuples, une culture obscurantiste de masse entièrement formatée et légiférée et soumise aux lois du marché, aux lois sans cesse changeantes et opportunistes de l'opinion publique, aux lois de la mode, aux lois de la pensée unique du moment...


    ... Extraits du livre de Jean Paul Brighelli "Voltaire ou le Jihad" :

    Voltaire ou le jihadvoltaire-ou-le-jihad.pdf (92.56 Ko)

     

  • Histoire des Cathares, de Michel Roquebert

    Cathares

          Michel Roquebert, Grand Prix d'histoire de l'Académie française, est le spécialiste reconnu de l'histoire du catharisme. Cette Histoire des Cathares est la quintessence de trente ans de travail sur le sujet.

     

    Si l'on regarde l'Histoire, d'une vue d'ensemble portant depuis ce que l'on pourrait appeler l'an Zéro (les environs de l'an Zéro) jusqu'à notre époque, début du 21 ème siècle ; sur quelque deux mille années d'existence donc... Tout le drame de l'Humanité réside dans le fait religieux...

    Le livre de Michel Roquebert, "Histoire des Cathares", parle bien sûr, des Cathares, de l'histoire de la société Cathare qui couvre plus de trois siècles, du 11 ème au 14 ème... Mais le "champ" des répressions, des violences, des inquisitions ; l'emprise des totalitarismes exercés par les puissances dites temporelles (politique, économie, gouvernement, lois, traités, institutions, administration) et associés à la puissance de l'Eglise Catholique et Romaine dans toute l'Europe, à l'Islam du Moyen Orient jusqu'en Espagne entre les 7ème et 15ème siècles... Ce "champ" et cette emprise donc, débordent largement du cadre de la seule histoire des Cathares...

    Déjà, dès le début même du Christianisme – et l'on peut en dire autant de l'Islam- se développent tels des feux poussés par les vents de ci de là dans la brousse, des foyers de dissidences tous faits de flammes plus rougeoyantes et plus porteuses de lumière les unes que les autres, déjà apparaissent les hérésies, déjà le sang coule, les flammes des bûchers dévorent les impies, les dissidents, les hérétiques, les déviants, les "suppôts de Satan"...

    A l'origine de toutes ces violences exercées par les puissances temporelles et religieuses, il y a, en gros, deux causes principales :

    -L'accession au Pouvoir, à l'Autorité, à la possession des biens, des terres, des territoires, à la domination des peuples... Tout cela au profit d'une minorité détenant les armes, l'argent, la loi.

    -Et la différence de croyance, les interprétations, les doctrines, la lecture des textes dans un sens ou dans un autre "justifiant que ..."

    Et les Pouvoirs, tous les Pouvoirs en place, et les minorités possédantes avec leurs armes, leur argent et les lois qu'ils font à leur avantage, composent et surtout s'appuient sur les croyances, sur les différences, sur les doctrines, sur telle ou telle lecture du texte...

    Les Pouvoirs et les minorités possédantes s'allient ou se combattent selon l'enjeu, selon leurs intérêts, selon ce qu'ils ont à gagner à être d'un côté ou d'un autre, de telle ou telle Foi... Et leurs victimes sont toujours ces milliers de gens du peuple, ces "gens de rien à leurs yeux" qu'ils font combattre sur les champs de bataille... Ou qu'ils font s'égorger entre eux...

    ... Le "fait religieux" c'est le drame de l'Humanité, c'est le sang versé, ce sont les violences perpétrées, ce sont les totalitarismes de la pensée, ce sont les assassins au nom de Dieu ou d'Allah, au nom du Bien et du Mal... Tant que demeurera l'Humanité dans le fait religieux, la barbarie demeurera et s'exercera, ne cessant de se montrer avec des visages différents, des visages masqués ou non...

    Les visages masqués sont peut-être les pires...

     

    ... Dans les sociétés primitives (je pense aux sociétés humaines du Paléolithique Supérieur, en particulier des Néanderthaliens qui enterraient leurs morts, des Sapiens -Solutréens et Magdaléniens ainsi que leurs prédécesseurs)... Et pour tout dire avant les Monothéïsmes (croyance en un seul Dieu), il n'y avait pas de "drame de l'humanité du fait religieux" , il n'y avait que le drame de l'humanité du fait de la précarité de l'existence, de la vie humaine... A vrai dire le "drame" était bien davantage une réalité qu'un "drame"...

    La connaissance scientifique telle que nous l'avons en partie aujourd'hui, n'existait pas, et les "dieux", les croyances, la "grande Mère", le "tout", le "ciel", l'au delà... Tout cela était fondé sur l'observance, l'interprétation des événements naturels et de l'image que l'on s'en faisait ; sur la violence, sur l'imprévisibilité des forces de la nature, sur les manifestations naturelles qui faisaient que l'on avait ou non de quoi manger, de quoi se protéger... Le "fait religieux" tel qu'il est le drame de l'humanité depuis le Monothéïsme, depuis la croyance en un seul dieu, n'était point dans les sociétés du Paléolithique Supérieur.

    La réalité naturelle, sa violence, sa dureté... C'était "l'atelier", c'était "la forge", là où s'élaborait ce "produit" qui est l'Homme... Les religions du Monothéïsme sont une perversion du "produit", plus encore que l'Inconnaissance qui était, avant la Science -quoique la Science ne soit en fait qu'un "embryon de la Connaissance"...

     

     

  • Les chevaux du soleil, de Jules Roy

          Jules Roy, qui fut le grand ami d'Albert Camus, est l'un de mes écrivains auteurs préférés dont j'ai lu "Les chevaux du Soleil" (une saga de l'Algérie de 1830 à 1962 en mille pages), "Mémoires barbares" (guerre 39/45, Indochine, Algérie) ainsi que quelques autres ouvrages.

    Plus encore qu'un écrivain, un homme de littérature, il est aussi en tant qu'écrivain et romancier, en même temps, dans chacun de ses ouvrages, un poète... Le poète que l'on sent par sa manière d'écrire... C'est "riche", immensément riche, son style, son langage, les images qu'il emploie, à tel point d'ailleurs que des pages entières de ses livres sont comme un immense tableau de peinture qui "fatiguerait presque le regard" tant il exigerait d'attention, de concentration, de ce regard...

    Jules Roy n'est pas le fils vrai du gendarme Roy mais d'un instituteur (qui s'appelle Dematons dans "les chevaux du soleil")...

    Voici l'histoire :

    Dematons, instituteur à la fin du 19 ème siècle, vit dans l'Aube et il est marié à Delphine avec laquelle il reste 9 ans et dont il a un fils Robert.

    Cette Delphine est une femme sans magie, qui s'empâte, dans une vie "ron-ron" avec son mari instituteur dans un petit bled de l'Aube, qui est très bonne cuisinière, très femme d'intérieur et qui passe la moitié de son temps à "faire des petits plats"... ça dure 9 ans l'histoire là, jusqu'au jour où Delphine décide de prendre une bonne à tout faire qui s'appelle Eugénie et qui est "hyper canon" comme jeune femme. Et l'instituteur "en pince fort" pour cette Eugénie qu'il trouve si différente de Delphine. Et qui elle, ne cuisine pas, se fout du ménage et est dépensière mais "magique"... Dematons divorce, se remarie avec Eugénie mais Eugénie le déçoit, et sur un coup de tête, il décide de divorcer une 2 ème fois, et de partir en Algérie en 1901.

    En Algérie il est nommé dans un village de montagne, perdu, au milieu des Arabes. Et puis un jour en se rendant à Alger chez des amis puis à Sidi Moussa avec ses amis qui veulent lui faire visiter une ferme dans la plaine de la Mitidja, il rencontre Mathilde une des filles Paris mariée à un gendarme.

    Mathilde n'est pas "spécialement heureuse avec son gendarme de mari", elle est une femme très belle, très rêveuse, très romantique (mais qui sait néanmoins se servir d'un fusil et qui a du réalisme et du tempérament).

    S'établit une liaison amoureuse et passionnée entre Mathilde et l'instituteur Dematons. Le gendarme Roy "n'y voit que du feu" ou il "accepte en faisant comme s'il ne savait pas". En 1907 Mathilde est enceinte de celui qui sera l'écrivain Jules Roy, et le 22 octobre de cette année 1907 naît donc Jules Roy ... qui n'est pas le fils du gendarme mais qui en porte le nom.

    Le gendarme meurt peu de temps après...

    Bon, dans "les chevaux du soleil", les noms (du gendarme, de l'enfant de Dematons avec Mathilde) ont été changés... Et d'ailleurs si le contexte historique est vrai, bien réel (pas "arrangé du tout ni dans un sens ni dans un autre"), de 1830 à 1962... Les personnages eux, dont des personnages de roman (ou réels pour au moins quelques uns mais dont les noms ont été changés)...

    Ce que j'en dis, de cette histoire entre l'instituteur et Mathilde la mère de l'écrivain ?

    J'en dis que... quand un homme ne fait pas ce qu'il faut et n'est pas ce qu'il doit être pour la femme qu'il a, il ne faut pas qu'il s'attende de la part de sa femme à des miracles d'abnégation, de fidélité, de dévouement, d'amour, etc. ! Sans doute ce gendarme était-il un homme "sans magie", "un peu primaire sur les bords", un peu "ron ron", et ça, pour Mathilde "ça devait pas être trop le pied" avec un type comme ça !

    Je suis "idéologiquement parlant" pour la fidélité, contre le cocufiage... MAIS... il faut reconnaître qu'il y a des cocufiages qui se méritent, des "cons" (et aussi des connes) qui méritent d'être bafoués !

    Cette immense saga de l'Algérie de 1830 à 1962 m'a d'autant plus passionnée que j'ai vécu une partie de ma jeunesse avec mes parents en Algérie de 1959 à 1962, précisément à Blida, au pied de l'Atlas Tellien avec Chréa en haut de la crête à 1800 m d'altitude, la vue sur la Mitidja, Beni Mered et Boufarik vers Alger, les collines du Sahel au loin avec les faubourgs d'Alger, et la mer méditérranée en petit triangle dans une échancrure du Sahel, et les monts de Cherchell tout à gauche à l'opposé d'Alger, là où se couche le soleil en mai, juin et juillet.

    Le couscous, la mouna, l'anisette, les fêtes qu'on faisait entre voisins, amis, connaissances, famille, l'accent "pied noir", et tant et tant de ces petites choses qui faisaient la magie de la vie, qui rendait la vie chaque jour totalement "inordinaire" ! J'ai trouvé tout ça, que j'ai connu entre 1959 et 1962, en lisant ce livre "les chevaux du soleil"...

     

    J'avais déjà une première fois, lu ce livre en 2008, et je le relis cet été en ce mois de juillet en 2016... Avec autant de plaisir et d'intérêt, d'autant plus que l'histoire de l'Algérie je la connais bien et que l'auteur retrace avec réalisme et vérité cette histoire de 1830 à 1962...

    Notamment l'épisode de la révolte et du soulèvement Kabyle en 1871 (qui préfigurait ce qui devait se passer après la seconde guerre mondiale, en 1945 à Sétif, et ensuite en 1954)... On peut dire "sans pour autant encenser Napoléon III et le Second Empire Français", que la vision de Napoléon III pour "une nation Arabe aux côtés de la France" avec des droits pour tous, la civilisation, la société, la considération etc. ... Etait une vision à laquelle personnellement je "souscrivais" on va dire... Mais à l'arrivée de cette troisième république bourgeoise et colonisatrice, dédaigneuse des populations indigènes, et qui se prévalait d'une "mission", et qui s'est montrée si injuste, si dure, et qui ne voyait que l'enrichissement, l'exploitation, l'enracinement des colons grands propriétaires, alors ce n'a plus été pareil que du temps du second empire (que d'ailleurs les colons "ne pouvaient pas piffrer, à part quelques généraux idéalistes et leurs fidèles)...

     

    Bon, y'aurait pas eu l'expédition Française à Alger en juin 1830, sans doute que les Britanniques auraient "mis leur nez là dedans" ... C'est vrai qu'il y en avait marre de ces Turcs maîtres de la méditerranée côté Afrique, de toute cette piraterie... Mais les Anglais auraient-ils fait "mieux" (ou pire) que nous ?

    Ah, l'histoire, l'histoire! ...

     

    Ismaël Urbain, un ancien haut fonctionnaire du Second Empire, avait inspiré à Napoléon III, l'idée d'un royaume arabe avec une association entre les Français et les indigènes ("indigènes" dans le sens de "habitants et natifs d'un pays")... Selon Ismaël Urbain, la France faisait fausse route, la sécurité et la prospérité ne pouvait dépendre que de l'adhésion morale des musulmans, et les Français d'Algérie exerçaient sans partage des droits de souveraineté mais ne donnaient rien en échange au peuple colonisé, même pas l'instruction.

    Ismaël Urbain avait été le correspondant du Journal des débats, il avait écrit deux ouvrages : l'Algérie pour les Algériens, et l'Algérie Française, dans lesquels il proposait l'égalité pour tous, l'agriculture dans les mains des fellahs (paysans Arabes), et l'industrie gérée par les Européens.

    En Terre Algérienne occupée et aux mains des Français auxquels les gouvernements de 1830 à 1850 avaient attribué des terres, des propriétés ; pendant le Second Empire honni par les colons, cette idée d'un royaume Arabe avec une association des cultures et des pouvoirs, était considée comme impie, absurde, farfelue, et elle était combattue : les riches et puissants colons qui tenaient salons de réception à Alger, tout le "gratin" de cette société de propriétaires, de grands marchands qui envoyaient en France le produit de leurs cultures fruitières, maraîchères, céréalières, viticoles, et en tiraient déjà pour eux-mêmes les bénéfices, et dont la "bonne société" en France, profitait... N'imaginaient pas un seul instant que les "indigènes" (dans le sens que eux ils donnaient à ce terme d'indigène) puissent être des Humains ! Ils les considéraient comme du bétail, des bêtes de somme !

     

    ... L'on va me dire, certains vont me dire... que, en 1830, ces terres marécageuses, incultes, humides, pourries de moustiques, de la plaine de la Mitidja, n'avaient jamais été mises en valeur, nettoyées, cultivées et entretenues et qu'elles étaient demeurées depuis des siècles à l'état sauvage... Et que ce sont les colons venus de France s'installer dans la Mitidja, qui ont mis ces terres en valeur au prix d'un labeur incessant en payant le prix fort ! Certes, certes...

    Les "bons arguments" -comme c'est drôle- sont toujours du même côté : du côté du plus fort, du mieux démerdard, du plus culotté, du "qui réussit dans la vie", et dont la morale, la bienpensance fait force de loi ! Autrement dit "les autres y'z'avaient qu'à en faire autant, ce sont des feignants, des moins que rien, des abrutis, des incultes, des barbares!" ... Et voilà comment on fait tourner le monde !

     

     

  • Les rois maudits, de Maurice Druon

    Rois maudits

    ... Sept livres ou tomes pour cette série historique écrite par Maurice Druon, de l'Académie Française ; de 1955 pour le premier "Le Roi de Fer" à 1977 pour le dernier "Quand un roi perd la France"...

    Par ordre chronologique :

    -Le roi de fer

    -La reine étranglée

    -Les poisons de la couronne

    -La loi des mâles

    -La louve de France

    -Le lis et le lion

    -Quand un roi perd la France

     

    J'avais déjà lu avant 1977 tous les livres de cette série à l'exception du dernier "Quand un roi perd la France" (écrit en 1977) et c'est avec plaisir que je me suis replongé dans cette histoire mais cette fois, sur liseuse pour les 3 premiers tomes, et sur smartphone pour les 4 autres suivants.

    Il faut reconnaître que la lecture sur écran (de liseuse ou de smartphone) offre un avantage certain qui est celui, sans doute le seul à mon sens mais important, de pouvoir lire dans l'obscurité, sans lumière de lampe de chevet, en un endroit sombre, la nuit, grâce à la luminosité de l'écran ; ainsi que de pouvoir lire dans le train, dans un bus, un tramway ; surtout s'il s'agit d'une série comportant plusieurs ouvrages, ce qui prend très peu de place, dans la main ou en poche ou dans un sac de voyage... au lieu de se trimballer plusieurs livres papier de 300 ou 400 et quelque pages...

    En revanche, internet sur smartphone, même avec un écran de 6 pouces, pour moi "c'est pas évident du tout, sauf peut-être pour consulter sa messagerie"...

     

    ... L'affaire du procès et de la condamnation au bûcher, des Templiers (en particulier du Grand Maître Jacques de Molay et de Geoffroy de Charnay), de 1307 à 1314), m'inspire la réflexion suivante :

    A cette époque du moyen âge en Europe, une époque d'une violence et d'une cruauté extrêmes, l'on peut constater, en l'occurrence dans cette affaire des Templiers, que des personnages haut placés et influents, proches du Pouvoir et donc particulièrement privilégiés et riches, immensément riches autant en terres et domaines que d'argent... pouvaient du jour au lendemain se retrouver privés de tous leurs pouvoirs, de leurs privilèges, leurs biens saisis et jugés plus sévèrement encore que les derniers des malfaiteurs...

    Alors que de nos jours, dans une époque censée être celle d'une civilisation évoluée (mais dans laquelle règnent cependant autant d'hypocrisies que d'autres formes de violence et d'injustice) l'on imagine mal -en fait l'on n'imagine pas du tout- que par exemple les grands lobbies, les grands groupes et multinationales avec leurs sociétés d'actionnaires qui font la loi du marché mondialisé, et dont les pouvoirs, les richesses et les privilèges sont démesurément considérables, puissent du jour au lendemain se retouver démunis, jugés et condamnés et éliminés !

     

    ... Dans l'affaire de la Reine étranglée (Marguerite de Bourgogne) dans une geôle de la forteresse de Château Gaillard, je pense que la responsabilité de son mari Louis de Navarre Louis 10 Le Hutin, est indirecte... Dans la mesure où, bien sûr Louis 10 avait intérêt à ce que sa femme disparaisse et avait publiquement exprimé le souhait qu'elle mourût, mais aussi et surtout parce que d'autres personnages haut placés en particulier Robert d'Artois, avaient intérêt à ce que Marguerite disparaisse...

    Louis 10 Le Hutin, un personnage de peu d'envergure, irréfléchi, faible de caractère, violent, primaire, épidermique, peu intelligent... me paraîssait incapable, de par sa seule volonté, à commanditer, organiser comme cela fut fait (en l'occurence par Robert d'Artois) la mort de Marguerite qui, rappelons le, fut étranglée sans laisser de trace par Lormet, le fidèle serviteur de Robert d'Artois, une nuit d'hiver bien noire...

    Pour moi, c'est évident, "on" (Robert d'Artois et les personnages intéressés) a profité de ce qu'avait dit Louis 10 dans un moment de dépit et de colère, pour faire assassiner Marguerite dans la prison de Château Gaillard, et cela de manière à ce que la responsabilité en incombe au roi Louis 10 lui même comme si c'était par sa volonté et son ordre...

     

    ... L'un des "passe-temps" favori de Louis 10, ce roi sans envergure et faible de caractère, et de surcroît "pas très costaud" physiquement, était de tirer à l'arc à faible distance, des pigeons, des colombes, tourterelles et autres volatiles échappés de cages en osier qu'amenait un valet chargé de cette tâche : l'on imagine vu le temps que durait cet "exercice", le nombre de cages, et d'oiseaux, nécessaire...

     

    ... Clémence de Hongrie, la deuxième épouse de Louis 10, fut sans doute à mon avis, l'un des personnages féminins les plus sympathiques de cette histoire des rois maudits... Elle réussit en quelques semaines après son mariage, à faire de Louis 10 le Hutin, un personnage "acceptable", à "en faire un homme" en quelque sorte, à l'affermir dans son caractère mais sans cependant le rendre plus réfléchi et plus équilibré, dans la mesure où ce roi auparavant si cruel et si inconstant dans ses emportements, devint pour ainsi dire un "champion de la mansuétude et du pardon" au point de faire vider les prisons...

    Cette femme, d'une grande beauté émouvante, mais aussi d'une très grande bonté, docile, aimante, qui se souciait des pauvres, en effet, plaisait beaucoup à Louis du fait de tout ce qu'elle lui consentait... Cependant la bonté, l'immense bonté de cette femme (pour l'époque, une époque de violence et de cruauté extrêmes, c'était tout à fait exceptionnel une telle bonté) n'était pas pour autant de la faiblesse...

    Clémence ne se sentait pas du tout à l'aise au milieu de tous ces chevaliers dont le comportement vulgaire, grossier, à table notamment, la surprenait par rapport à ce qu'elle avait connu avant sa venue en France, à Naples dans la société où elle vivait...

    La bonté lorsqu'elle n'est point faiblesse, a plus d'autorité et de pouvoir -sans cependant "changer le cours des choses et les gens"- que la violence, et même la violence justifiée...

    ... Clémence de Hongrie... selon ma définition de ce qu'est "une femme chic", Clémence de Hongrie fut "une femme chic" !

    ... Voici une lithographie réalisée par Jacques Pecnard :

     

    Clemence

  • Fille de la rue

         Voici "Fille de la rue", un poème de AMINA MAHMOUD, traduit de l'arabe par Antoine Jockey

    [ Paru dans MISSIVES, revue trimestrielle de la Société Littéraire de la Poste et de France Télécom : mars 2016, "Prose et poésie irakiennes contemporaines"... ]

     

    Fille de la rue

     

    Je suis une fille de la rue

    Et ma taille pousse courbée, en s'interrogeant.

    Mon âge? Sept bourgeons desséchés

    Sept explosions qui ont raflé les sept membres

    De ma famille.

    Avorte-moi ô mon malheur!

     

    A chaque feu vert, je me laisse choir sur le trottoir, mon siège

    Sans fin, mon royaume.

    Toutes les larmes sont miennes

    Tous les mouchoirs ne suffisent pas

    A assécher leurs sources.

    La rue est à présent ma mère

    Et le feu de circulation, mon père

    J'ai tellement goûté au soleil en pleine canicule

    Qu'il m'a fait mûrir

    Et les couteaux du froid se sont disputé mon corps

    Ô Dieu, vers qui me tourner?

    Ne connaissant pas la ruse, comment en user?

     

    Le chagrin est ma Bible, les larmes mon Evangile

    La privation mon Coran

    Et dans mes yeux la vie s'est changée en enfer

    Alors l'oubli est mon seul salut

     

    Comme vous, j'ai des yeux

    Une langue et deux lèvres,

    Alors pourquoi, Dieu,

    Suis-je sans abri?

     

    Regarde-moi lorsque la rue se calme

    Et que le soleil rejoint sa demeure

    Comme le policier à la fin de son service.

    Regarde-moi chercher un tas d'ordures

    Pour m'y planquer et me mettre à gémir.

     

     

    ... Dans un pays en guerre c'est toujours plus difficile pour un poète, pour un écrivain ; que dans un pays dans lequel règne une sécurité, un confort relatifs...

    Amina, tu es comme ce naufragé de l'espace dans une coque de survie en errance entre Andromède et la Voie Lactée... Et, quelque part sur la planète d'où tu viens mais dans un paysage de cette planète qui n'est pas le paysage de ton enfance et de ceux qui t'ont précédé depuis des milliers d'années, il y a ce visage, mon visage, qui sait que tu existes... peut-être, ce visage, est-il un petit bout de ce Dieu en lequel tant croient, qui a des milliards de petits bouts, et qui a vu les mots que tu as écrits... Même si on est tout seul dans sa peau jusqu'à la fin de ses jours, quand on écrit, même si on écrit comme un naufragé de l'espace dans une petite coque de survie entre deux galaxies... on n'est jamais vraiment seul...

     

     

  • Houellebecq écrivain romantique, par Aurélien Bellanger

    Houellebecq ecrivain romantique

    Résumé 4ème couverture :

     

    Beaucoup de choses ont été dites sur Michel Houellebecq, sur son oeuvre un peu moins, sinon qu'on y trouvait le parfait catalogue du cynisme contemporain ou l'encyclopédie des ratages de la modernité.

    C'est une double méprise : Houellebecq est un écrivain sincère et ambitieux. Il ne cherche jamais à sauver ce qui ne peut plus l'être. Néanmoins, si le monde n'est pas toujours drôle, il est améliorable. Nous disposons, dans la science, des moyens de le réanchanter. L'homme n'est pas condamné au tragique.

    Désespérance et utopie, l'une comme l'autre argumentées avec soin : la douleur est un indice ; le monde doit être réparé. Les racines du mal sont trop profondes pour être entièrement arrachées, mais nous saurons en extraire des fleurs.

    Houellebecq est un écrivain romantique.

    De Pascal à Lovecraft, Houellebecq a étudié la littérature de la chute, mais c'est, de Novalis à Baudelaire, celle de la rédemption par la technique qu'il a choisi de continuer.

     

    Mon avis :

     

    Pour moi qui n' a pas fait d'études de philosophie en classe terminale ni en université (Positivisme, Auguste Comte ; Heidegger, ontologie, mysticisme, etc. ...) J'avoue avoir été "un peu dépassé" par certains termes employés... Cependant, avec "recherche Google" ou avec un dictionnaire à portée de main – et un minimum de réflexion- je suis parvenu au bout de ce livre...

    Cette étude réalisée par Aurélien Bellanger sur l'oeuvre de Michel Houellebecq, me paraît être un véritable, un incontestable démenti à l'idée selon laquelle, pour certains intellectuels et journalistes littéraires, "Michel Houellebecq serait une nullité littéraire" ...

    En effet, c'est tout le contraire d'une "nullité littéraire" !

    ... Bon c'est vrai, personnellement j'adhère totalement à Michel Houellebecq, à ses livres (romans et essais) que j'ai tous lus jusqu'à "Soumission" ainsi qu'à sa poésie... Tant je "m'y retrouve" dans son style, dans ses formulations, le ton qu'il emploie, son ironie, sa dérision, ses clichés (types de personnages, de comportements, qui à mon sens ne sont pas tout à fait des clichés dans la mesure où ils correspondent à une certaine réalité)... à tel point parfois que je me dis que j'aurais pu écrire cela pareil ou presque! (Mais comme je dis en rigolant "au lieu que ce serait du Houellebecq, ce serait du Yugcib")...

     

    "Windows démarra avec un petit bruit joyeux"...

     

    "En fin de soirée, la montée de l'écoeurement est un phénomène inévitable. Il y a une espèce de planning de l'horreur. Enfin je ne sais pas ; je pense"...

     

    "Dans l'avion, Michel trouve aux pieds de son voisin, un best-seller anglo-saxon merdique d'un certain Frederick Forsyth. Le livre est d'une nullité écrasante. Plus tard, écoeuré par sa lecture du Guide du Routard, il s'empare avec résignation du roman La Firme, de John Grisham."

     

    "J'éteignis juste après le générique du Silure démystifié. La nuit était opaque ; le silence également."

     

    "Maigre, moustachu et nerveux, l'homme se présenta à moi comme un naturopathe ; devant mon ignorance il précisa qu'il soignait par les plantes, ou par d'autres moyens naturels si possible. Sa femme, sèche et menue, travaillait dans le secteur social, à l'insertion de je ne sais quels délinquants primaires alsaciens ; ils donnaient l'impression de n'avoir pas baisé depuis trente ans."

     

    ... Telles ont été, à la lecture de cet ouvrage d'Aurélien Bellanger, ces phrases reportées, de Michel Houellebecq dans notamment "Extension du domaine de la lutte" et "La possibilité d'une île", entre autres...

     

    ... Et maintenant ceci :

     

    "Eh Michel, où est le bec ?

    Le bec de l'oiseau?

    Le bec de la tortue?

    Le bec qui pue... dans les cocktails d'entreprise ou dans les cockails littéraires, où les participants atomisent autour de la table les particules fines de leurs haleines épicées de petits fours ingurgités, de mélanges alcoolisés et de fumée de clopes ?

     

    ... Bon, oui... mais ça, c'est du Yugcib ! (rire)...

     

     

  • Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre

    Au revoir la hautLemaitre

    Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre

     

    Prix Concourt 2013

    Livre de poche, roman, éditions Albin Michel

    620 pages

     

    L'auteur

     

    Pierre Lemaitre est un romancier et un scénariste français né le 19 avril 1951, de parents employés, autant dire "de condition modeste", ce qui déjà à notre époque, le différencie de tant d'autres écrivains issus de milieux aisés...

    Après une formation de psychologue, il accomplit une grande partie de sa carrière dans la formation professionnelle des adultes, par un enseignement qui s'articule sur la communication et sur la culture générale.

    Puis il se consacre à l'écriture en tant que romancier et scénariste et vit de son travail d'écrivain depuis 2006.

    Dans un premier roman "Travail soigné", il rend hommage à ses maîtres.

    Dans un deuxième roman "Robe de marié", il raconte l'histoire de Sophie, une trentenaire démente qui devient une criminelle en série ne se souvenant jamais de ses meurtres. Ce roman est un exercice d'admiration de l'art Hitchcockien...

     

    Au revoir là haut

     

    Publié en Août 2013, marque un important changement dans son oeuvre, en ce sens que Pierre Lemaitre délaisse le genre policier pour signer cette fois un roman "picaresque" (récit sur le mode autobiographique de l'histoire d'un personnage qui vit en marge de la société et à ses dépens).

     

    Rescapés du premier conflit mondial, détruits par une guerre vaine et barbare, Albert et Edouard comprennent rapidement que le pays ne pourra rien faire pour eux. Car la France, qui glorifie ses morts, est impuissante à aider les survivants.

    Abandonnés, condamnés à l'exclusion, les deux amis refusent pourtant de céder à l'amertume ou au découragement. Défiant la société, l'Etat et la morale patriotique, ils imaginent une arnaque d'envergure nationale, d'une audace inouïe et d'un cynisme absolu.

     

    ... Tel est le résumé du livre en 4ème de couverture.

     

    Extraits

     

    Page 40 :

     

    Le lieutenant d'Aulnay-Pradelle, homme décidé, sauvage et primitif, courait sur le champ de bataille en direction des lignes ennemies avec une détermination de taureau. .../...

    Ce n'était pas qu'il fût spécialement héroïque, mais il avait acquis très vite la conviction qu'il ne mourrait pas ici. Il en était certain, cette guerre n'étant pas destinée à le tuer, mais à lui offrir des opportunités.

     

    Page 248 :

     

    Pour Henri (d'Aulnay-Pradelle), le monde se partageait en deux catégories : les bêtes de somme, condamnées à travailler dur, aveuglément, jusqu'au bout, à vivre au jour le jour, et les créatures d'élite à qui tout était dû. A cause de leur "coefficient personnel". Henri adorait cette expression qu'il avait lue un jour dans un rapport militaire, et il l'avait adoptée.

     

    ... Petite reflexion personnelle de ma part : "c'est cette vision du monde que partagent -soit dit en passant- dans une concurrence féroce, bien des gens à notre époque".

     

    Page 419 :

     

    .../... On inhumait des milliers de soldats français dans des cercueils trop petits. .../... Pour les faire entrer, il fallait briser des nuques, scier des pieds, casser des chevilles.../... le personnel en était réduit à fracasser les os du tranchant de la pelle.../... il n'était pas rare qu'on ne puisse faire tenir les restes des hommes trop grands dans ces cercueils trop petits, qu'on y entassait alors ce qu'on pouvait et qu'on déversait les surplus dans un cercueil servant de poubelle, qu'une fois plein on refermait avec la mention "soldat non identifié"...

     

    Page 519 :

     

    .../... Les cercueils trop petits, le personnel incompétant, avide.../... Et la difficulté de la tache aussi ! .../... Des Boches dans des sépultures françaises, des cercueils remplis de terre, des petits trafics sur place, il y avait eu des rapports, il avait cru bien faire en proposant un peu d'argent au fonctionnaire, une maladresse bien sûr, mais enfin...

     

    Mon avis

     

    Il ne nous vient pas à l'idée lors de la visite d'un cimetière des morts de la Grande Guerre, qu'en dessous de la croix blanche sur laquelle est gravé le nom du soldat mort pour la France, avec son année de naissance, l'année de sa mort et son numéro matricule... Qu'en dessous dans la terre, il n'y a... rien d'autre que de la terre, ou des restes qui ne sont pas ceux du soldat dont on lit le nom sur la plaque...

    Cette arnaque d'une envergure nationale, d'une audace inouïe et d'un cynisme absolu, qui consiste en gros, en la vente sur catalogue de monuments aux morts, des monuments dessinés par Edouard, un type défiguré sans mâchoire inférieure, sans langue et dont on voit la gorge ouverte et béante bordée de bourrelets de chair, qui fume des cigarettes par une narine et ne peut absorber que de la nourriture liquéfiée par un tuyau enfoncé dans l'oesophage... Et qui porte des masques qu'il se fabrique lui-même... Cette arnaque donc, imaginée par Edouard et par son ami Albert, n'est pas plus scandaleuse, plus cynique, que tous ces trafics de sépultures organisés par des gens tels que ce lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle et que ces personnages haut placés dans les ministères, impliqués dans ces trafics et ayant gagné beaucoup d'argent...

    Nous sommes là, avec ce livre, dans un récit cruel et sombre mais surtout dans une réalité qui a été méconnue...

    Une réalité soit dit en passant, que la société, que l'Etat, de nos jours comme il y a cent ans juste après cette guerre de 14-18, recouvrent d'une chape d'hypocrisie, de mensonges et de morale consensuelle.

    Cette réalité c'est bien, encore et toujours, celle de tous ces trafics, de toutes ces arnaques qui s'organisent à grande échelle autour de nos besoins, de nos rêves, de nos aspirations, dans les domaines de l'alimentation, de la culture, des loisirs, autour de tout ce qui fait partie de notre vie, auquel on tient, auquel on est attaché et qui est exploité avec le plus grand cynisme, par des personnages qui profitent et décident...

     

     

  • Que dire d'une oeuvre littéraire ?

         Une "oeuvre littéraire" à mon sens, n'est pas un espace d'expression, même de très libre, de très authentique expression, dans lequel on "se met en avant et s'expose" tout comme on le fait par exemple sur Facebook, sur un blog où l'on se produit...

    Tout ce que l'on écrit et qui s'apparente à une "exposition de soi à tout vent", n'a pas vocation à porter l'étiquette d' "oeuvre littéraire", tel tout ce qui est produit, diffusé "dans le détail" au vu et au su de tout le monde, dans sa propre famille, parmi ses proches, ses amis, ses connaissances... Certaines anecdotes peut-être, mais pas d'autres...

    Je pense que dans "une oeuvre littéraire" il y entre autant de "du fond de ses tripes" (pardonnez moi ce "vocable" assez vulgaire) que... de la gravité, du sens, une part d'humilité, une part de discrétion, une part de sobriété, une part d'engagement aussi, et si possible une part d'humour, et encore une part de dérision, tout cela, oui tout cela en même temps et d'un seul bloc, d'un seul tenant...

    Verser dans "l'auto fiction plus ou moins sinon nettement autobiographique" oui, cela me semble "faisable" (Houellebecq, Duteurtre, Clavel, Gide, Proust, Mauriac, et quelque autres écrivains contemporains s'y sont employés avec beaucoup de talent et ont eu mille fois raison de le faire)... Mais à mon avis le genre littéraire autobiographique (fictif ou franchement autobiographique) est assurément le genre le plus difficile en littérature... Car, dès que l'on commence -sciemment ou "à son insu/c'est plus fort que soi" – à "se mettre en avant et à s'exposer" (en usant de petites anecdotes avec détails particuliers tout à fait personnels et en en rajoutant encore)... alors on dérive, on fait dans le voyeurisme voire dans une certaine satisfaction de soi, un "cocorico" qui indispose il faut le reconnaître, à juste titre)...

     

    ... C'est vrai que dès fois, on a tendance -si l'on "s'écoute"- à "se lâcher" ! (rire)... Reste à savoir où et quand et comment et avec qui, on peut "se lâcher" !

    ... Mais comme je dis "Un jour tu verras... "

    "Un jour tu verras"... Ce qui pouvait être compris, reconnu, mais ne l'avait point été sans doute à cause de la manière dans laquelle cela avait été formulé... Sans doute aussi à cause de quelque malentendu... Apparaîtra enfin sous son vrai jour, dans une autre résonance...

     

  • Le quai de Ouistreham, de Florence Aubenas

    Quai de ouistreham

         Florence Aubenas -en tant que femme, journaliste et écrivain- est surtout connue du "grand public" pour avoir été otage en Irak du 5 janvier au 12 juin 2005...

    A l'époque de sa prise en otage elle a été soutenue par ses confrères journalistes qui dénonçaient pour bon nombre d'entre eux, ce qu'elle dénonce aujourd'hui, à savoir ce caractère "pyromane" et de "scoop" des médias...

    ... L'on peut s'interroger cependant, sur le caractère même (et sur la portée) de la dénonciation, de toute dénonciation aussi justifiée et argumentée soit-elle... Qu'y-a-t-il, que trouve -t-on en vérité, derrière la dénonciation?

    La sincérité du moment, dans ce qui est ressenti dans l'événement, dans ce que cette sincérité implique? Mais alors, pourquoi lorsque d'autres événements surviennent, lorsque plusieurs mois ou années ont passé... Ne dénonce-t-on plus ?

    Or plus que jamais aujourd'hui dans l'actualité dramatique du monde, guerre de Syrie entre autres, et flots ininterrompus de migrants... La plupart des journalistes de télévision, de magazines et de quotidiens nationaux et régionaux, n'ont de cesse de produire de ces "scoops", de ces "effets spéciaux de reportage", de ces "petites phrases", tout cela dans un "consensus" frisant l'indécence, l'outrecuidance dans une forme de "pensée unique" orchestrée par les politiques en place, en France et en Europe.

    Dans un Français souvent sommaire et peu respectueux de la grammaire et de l'orthographe, avec des articles à sensation d'un épidermisme consternant, donné "à avaler" à des millions de gens et qui "lamine", "nivelle par le bas", la puissance médiatique fabrique des opinions et de surcroît ment ou dénature...

    Florence Aubenas dénonce tout cela à sa façon, c'est à dire sans outrecuidance, avec lucidité, gravité et faisant part d'une dose d'optimisme malgré tout car elle sait bien "de quel bois, de quelle étoffe est fait le cœur, l'esprit des gens, des gens du peuple, des gens auxquels on ne donne jamais la parole, des gens qu'elle fait monter dans sa voiture pour parler avec eux, des gens qu'elle rencontre devant les portails des usines qui ferment, des gens "ordinaires" en somme, donc tous ces gens complètement oubliés de ces cliques de journalistes consensuels et d'intellectuels arrogants qui eux dans "leur monde à eux" se sentent bien !

     

    ... Le quai de Ouistreham" est un récit saisissant de cette plongée dans le monde de la précarité, un monde dans lequel on ne trouve plus un emploi mais "des heures" avec un contrat à "zéro temps" ! Ce monde là, les journalistes qui ont "pignon sur rue" et qu'on voit sur les plateaux télé, n'en parlent qu'à mots couverts, ou pour produire des images pyromanes...

     

  • L'ange de l'abîme, de Pierre Bordage

    L ange de l abime

    L'auteur

     

    Né en 1955 en Vendée, Pierre Bordage est l'auteur des Guerriers du silence, Grand prix de l'imaginaire 1993, de Wang, Prix Tour Eiffel 1997 et des Fables de l'Humpur, Prix Paul Féval de Littérature Populaire 1999.

    Ecrivain visionnaire et conteur hors pair, il est l'un des grands romanciers français actuels.

    L'Ange de l'abîme et Les Chemins de Damas (Au diable vauvert) composent la trilogie des Prophéties.

     

    ... Ce que j'en pense

     

    J'avais déjà lu, de Pierre Bordage, dans une collection Librio, la série complète des Derniers hommes... Un récit "apocalyptique" dans un futur proche et possible...

    Selon l'idée que je me fais de la Science Fiction, qui s'articule autour d'une certaine crédibilité et sur une base scientifique, les livres de Pierre Bordage, qui me semblent appartenir à ce que l'on peut définir par Littérature populaire, sont bien dans la "ligne" de ces ouvrages de Science Fiction que je lis d'ordinaire, même si pour quelques uns de ces ouvrages, il y entre une part de fantastique et de mystère avec des personnages "surnaturels"...

     

    Résumé

     

    Dans une Europe d'apocalypse ruinée par la faillite des OGM, enlisée dans la guerre contre le Moyen-Orient, en proie au fanatisme religieux et au racisme, le voyage initiatique de Stef et Pibe, deux adolescents à la recherche de l'Archange Michel, le dictateur tout puissant qui gouverne le vieux continent depuis sa forteresse roumaine. Dans une ambiance crépusculaire fascinante car terriblement proche et crédible, un grand roman épique d'une actualité brûlante.

     

    Mon avis

     

    Ce livre est sorti en octobre 2005, alors que l'on ne parlait pas encore d'Etat Islamique et que les guerres de Lybie et surtout de Syrie ne devaient arriver qu'en 2011...

    Dans cette Europe en guerre contre les "ousamas" sur un front de plusieurs milliers de kilomètres, de tranchées, de fortins, du nord de la Pologne jusqu'à la Mer Noire ; les légions de centaines de milliers de combattants de l'Archange Michel avec leurs dirigeants, des Chrétiens Catholiques "purs et durs" sont en guerre contre la Grande Nation des Musulmans qui envoie elle aussi sur le front, des centaines de milliers de combattants, et cela depuis une quinzaine d'années... Il y a des millions et des millions de morts, toute l'Europe est dévastée par d'incessants bombardements... Fanatisme absolu de ces intégristes chrétiens catholiques dont les dirigeants imposent des lois aussi terribles, aussi réductrices que la Charia des Ousamas... Violences, tortures, massacres en masse, viols, perversion, mafias, trahisons, éliminations de supposés "faux convertis" et de prisonniers ousamas dans des incinérateurs géants... Tout cela, tout au long du livre...

    L'on voit où conduit le fanatisme religieux, de part et d'autre!

     

    Extraits

     

    "De part et d'autre, on avait enrayé la progression des blindés adverses et détruit la plupart des aéroports, porte-avions et avions de combat, puis on s'était installé dans un pilonnage mutuel et intensif égayé de temps à autre par des sorties suicidaires. Les rares bombardiers ayant échappé aux missiles à tête chercheuse se contentaient de dévaster les villes, les campagnes et les populations civiles."

     

    "C'est prévu pour quand?

    -D'après ce que j'ai cru comprendre, les opérations commenceront dans dix jours. Il y a environ huit millions de détenus dans l'ensembles des CERI de l'Europe.

    -Tant que ça?

    -Plus si on compte les camps de transition.

    -Et après? Je veux dire quand tu auras terminé le... nettoyage, qu'est ce que tu deviendras?

    -Il y aura toujours du travail. Si on ne trouve plus d'ousamas, le CERI du Centre se remplira d'opposants politiques, de prisonniers de droit commun, de clandestins. "

     

     

  • Ce poème d'Aref Hamzeh

    ... Lu dans "Quelques écritures de Syrie", publication par la Société Littéraire de la Poste et de France Télécom, revue trimestrielle Missives, juin 2015 numéro 277 :

     

    Ce poème de Aref Hamzeh, traduction Hala Omran et Wissam Arbache

     

    Je m'assieds sur la place publique de Buchholz

    Parmi les mutilés de guerre

    Comme eux j'observe la vie qui appartient aux autres

    Comme eux j'attends le coucher du soleil pour partir

    Sans que personne

    Ne s'aperçoive

    De notre solitude

     

    Je ne retournerai pas dans mon pays en tant que citoyen Syrien

    Si la guerre se terminait

    Ni kurde ni arabe

    J'y retournerai exilé

     

    On se parle tous les jours au téléphone ma mère et moi

    Comme deux veufs

    Les années de deuil

    Le téléphone pour ma mère

    Est comme un sérum

    Attaché à sa main

     

    27 janvier 2015

     

    AREF HAMZEH

     

    Né en 1974, diplômé de Droit de l'Université d'Alep en 1998. Il publie des poèmes et des critiques littéraires dans les journaux et magazines arabes. En 2004, il reçoit le Prix de poésie Mohammad Al-Maghout. Il est aussi nominé pour la Bourse Internationale Littéraire "Rolex" en Suisse en 2006.

    Beaucoup de ses textes ont été traduits vers l'Anglais, le Français, l'Allemand, le Turc, le Kurde et l'Espagnol.

     

     

    ... Je viens de me faire cette réflexion :

     

    "Que ce soit hier soir samedi 12 septembre 2015 sur France 2, sur les plateaux l'un de Patrick Sébastien avec Le plus Grand Cabaret du monde, et l'autre de Laurent Ruquier avec On n'est pas couché... Et, avec sur chacun de ces deux plateaux de télévision, les invités de ces deux émissions de grande écoute le samedi soir... Que ce soit tous les autres jours de cette année 2015 avec tous les écrivains, tous les artistes qui se produisent... (Je ne parle point des "politiques" et des "économistes ça serait "trop indécent")... Que ce soit aussi, plus généralement, tous les internautes qui postent sur les réseaux sociaux ou qui diffusent sur des blogs leur petit espace personnel...

    ... QUE VAUT, que représente tout cela ? QUEL EST LE SENS, la portée, la place... dans le monde de 2015, de tout cela ?

    Quelle crédibilité de tout cela...

    Que pèse tout cela... En face de ce chaos, de cette violence, de ces guerres, de ces millions de réfugiés dont la plupart vivent dans des camps ou fuient sur les routes de l'Europe ?

    Nord Mali, Soudan, Erythrée, Lybie, Nigeria, Yemen, Syrie, Irak, Afghanistan, Pakistan, Kurdistan... Tous ces pays dont l'Histoire, aujourd'hui s'arrête, et qui, comme tous les pays du monde, ont eux aussi leurs écrivains, leurs poètes, leurs artistes ?

    Il me semble... il me semble... Et je le dis avec une certaine gravité... Que le sens, que la portée, que la place, que la crédibilité... de tout ce que l'on peut produire, artiste, poète, écrivain... Et même simple internaute sur un réseau social... Se trouve en ces temps que nous vivons, davantage du côté d'un Aref Hamzeh, plutôt que du côté de l'un ou de l'autre des invités de Patrick Sébastien ou de Laurent Ruquier...

    Je crois qu'en ces temps graves que nous vivons depuis les révolutions arabes de 2011, que depuis les politiques menées par les Européens et les Américains dans le développement de ces révolutions ; que depuis les événements, les guerres qui découlent de ces révolutions, avec notamment les flux migratoires de plus en plus importants de ces derniers mois, flux migratoires qui sont l'une des principales conséquences des guerres... Je crois que par la voix et par les oeuvres des artistes, des intellectuels, des poètes et des écrivains de tous ces pays en guerre actuellement et plongés dans le chaos, que c'est bien là, bien plus que par la voix et par les oeuvres des gens qui "font la pluie et le beau temps" sur nos plateaux de télévision Européens... qu'il y a le plus d'espoir pour une "issue" (que l'Histoire, non seulement de ces pays en guerre mais aussi l'Histoire du monde tout entier, puisse "repartir")...

    Les uns, sur nos plateaux télé et dont les livres se vendent et se lisent, sont plus soucieux de leur destin personnel que de l'évolution et de la portée de la littérature,de l'art, dans la vie, dans la société...

    Les autres, persécutés, en exil, censurés, dans des pays de dictature et de guerre, sont au contraire bien plus motivés dans le sens de l'évolution et de la portée de la littérature et de l'art dans la vie, dans la société...

     

  • Les pieds dans l'eau, de Benoît Duteurtre

    Cvt les pieds dans leau 5060

    Les pieds dans l'eau, de Benoît Duteurtre

     

    Dépôt légal octobre 2008

     

    Gallimard

     

    Quatrième de couverture :

     

    "Le 29 septembre 1990, une vingtaine de descendants de René Coty se retrouvèrent à l'Elysée. Chez les petites filles du Président, d'ordinaire si ardentes à rompre avec le passé, l'opportunité sembla éveiller un brin d'amusement. Les années glorieuses s'éloignaient suffisamment pour prendre un arrière-goût folklorique. Tout le monde avait oublié le nom de Coty – sauf pour le confondre avec celui d'un parfumeur. L'époque présidentielle ne représentait plus une menace avec ses privilèges. Rien ne pouvait désormais entraver le triomphe de cette "vie normale" vers laquelle ma famille inclinait depuis trente ans."

     

    Avec ce roman familial, Benoît Duteurtre déploie son art d'humoriste social sur un mode plus intime. A l'ombre des falaises d'Etretat, il observe les transformations de la bourgeoisie en vacances, le catholiscisme revisité par mai 68 et sa propre évolution de jeune homme moderne à la découverte de la nostalgie.

     

    Prix Médicis pour "Le voyage en France", Benoît Duteurtre est notamment l'auteur de "Tout doit disparaître", "Gaité parisienne", "Service clientèle", "La petite fille et la cigarette".

     

     

    Extraits

     

    Page 114 :

     

    "Les aspirations artistiques m'occupèrent donc toujours davantage. Dans le train-train de cette vaste sous-préfecture, on pouvait encore faire semblant d'inventer ce que Paris découvrait un siècle avant. En première puis en terminale, j'avais formé avec mes amis un groupe moderniste à tendance délurée. Notre amour des élucubrations d'Alphonse Allais, des facéties d'Erik Satie et du dadaïsme de comptoir nous éloignait des intellectuels de gauche qui régnaient à la Maison de la culture, comme des femmes-poètes qui se réunissaient le samedi après-midi, pour lire à voix haute des textes de René Char."

     

    Page 222 :

     

    "Pour aggraver les choses, l'artisanat semblait partout sur le point de disparaître en tant qu'activité fourmillante et peu onéreuse, aves ses multiples corps de métiers. La notion même d'entretien devenait problématique dans une économie fondée sur le remplacement systématique de tout objet défectueux par de nouveaux matériaux normalisés. Cette organisation ne laissait guère de place au travail minutieux du bois, sauf sous forme d'activité luxueuse, facturée au prix fort et réservée aux clients fortunés."

     

     

    Mon avis

     

    Il y a dans les livres de cet auteur, Benoît Duteurtre, dirais-je du sens et de l'atmosphère.

    Avec Michel Houellebecq, Benoît Duteurtre est l'un de mes écrivains préférés -et les plus lus par moi- de cette période contemporaine que je situe en gros, depuis les années 70/80 du 20ème siècle.

    Sans doute y-a-t-il, depuis ces années 70/80, d'autres écrivains dont je lis les livres, et j'espère bien découvrir des auteurs qui, comme Houellebecq et Duteurtre, m'interpelleront autant et chez lesquels je trouverais du sens et de l'atmosphère.

     

  • Bernard Clavel (suite)

         J'avais déjà lu, de Bernard Clavel : Malataverne, L'espagnol, La grande patience (4 volumes période 1939-1945 dans le Jura)... et une nouvelle qui fut adaptée pour un film de télévision dans les années 80 je crois... Une nouvelle qui à l'époque m'avait beaucoup marqué (le film de télévision en noir et blanc était à mon avis une excellente interprétation) : un ancien légionnaire, démobilisé à Marseille après la guerre d'Algérie, un baroudeur dur-à-cuire un peu anarchiste sur les bords, un type qui a fait des conneries dans sa jeunesse, un solitaire, un dur, un "solide", un aventurier, qui n'aime pas la routine, le petit confort, qui dort à la dure, qui a fait les colonies, la jungle, la forêt équatoriale, mais d'un tempérament fort et d'une certaine dimension d'humanité, un révolté, un sensible... parcourt à pied et en auto stop la route de Marseille jusque dans le Jura... Il dort dans des granges, il travaille "de tic et de toc" chez des paysans, il arrive dans un bled paumé au fin fond du Jura, un bled où la route s'arrête au bord d'une forêt impossible qui tombe sur un précipice. On ne sait à quel endroit la végétation et les arbres s'arrêtent, on ne voit pas le bord de la falaise abrupte qui tombe à pic... Le type rencontre la postière du bled, une femme déjà "bien en âge", une "vieille fille" au visage sec et sévère, le genre qu'on drague pas, très conformiste, qui va à la messe le dimanche, très attachée à des habitudes (de vieille fille), en somme une femme "impossible"... qu'on n'a pas envie pour tout l'or du monde de se mettre dans son pieu!...

    Eh bien entre la femme et ce type, une relation émouvante faite d'une infinie délicatesse et de discrétion de part et d'autre s'établit peu à peu et à la fin, le type, qui n'a jamais pu concevoir de sa vie une route qui s'arrête, s'enfonce dans l'enchevêtrement des broussailles, taillis, arbres, ronces, et tout à coup, tombe dans le piège mortel : il disparaît dans le précipice... Et la femme continue sa vie toute seule mais avec le rêve dans sa tête, le rêve de cette vie qu'elle aurait voulu avoir et partager avec le type...

    Par la suite j'ai beaucoup réfléchi à ce sens de la relation entre deux êtres si différents l'un de l'autre et qui pouvaient arriver à s'aimer et à envisager de "continuer la route ensemble"...

    ... Lire la suite à  Bernard clavelbernard-clavel.pdf (91.92 Ko)

     

     

  • Bernard Clavel

    ... A l'attention de ceux et celles qui "n'aiment pas Bernard Clavel" je leur dis qu'en 2070 ou en 2150, il y en aura d'autres qui viendront après Bernard Clavel et qui "continueront à porter le flambeau" à leur façon, autant dire qu'ils en écriront autant sinon plus encore et même mieux...

    ça fera peut-être pas "avancer le schmilblic", mais y'aura toujours ce qu'il faudra sur cette planète, d'un tel, d'une telle multiplié par un certain nombre, pour se lever contre l'hypocrisie, contre l'orgueil, contre la haine, contre tout ce consensualisme troudebalesque, ces inégalités phénoménales entre une minorité de très riches et une majorité de très pauvres, contre les assassins, les donneurs de leçon de morale, les prédateurs en tout genre, les bourgeoisies aisées qui vont à la messe et gueulent comme des putois contre les gens qui "marchent pas dans les clous" !

     

    "Clavel ne donne ni dans la bourgeoisie aisée ni dans l'aristocratie mélancolique. Ceux qui redoutent de se trouver confrontés avec la misère des gens de peu évitent sans doute de le lire. Et ils auront tort. Quel ami des lettres n'a pas été secoué à un moment ou un autre par l'ouragan Clavel?"

    (Edmonde Charles-Roux, de l'Académie Goncourt)

     

    "C'est l'écrivain prolétarien français qui a le mieux réussi ; c'est à dire qu'il a réussi la difficile équation d'être lu par des lecteurs qui appartiennent au même monde de la quotidienneté que les personnages de ses romans".

    (Michel Ragon)

     

    "Dans la belle langue simple et dure qui est la sienne, Clavel ne ménage personne. Parce qu'il respecte ses personnages, ces gens du peuple sans défense, il raconte sans fioritures. Sans trahir".

    (Dominique Mobailly, La Vie)

     

    ... Je ne conteste pas que l'on puisse "ne pas aimer Bernard Clavel" : on a le droit de ne pas aimer Bernard Clavel, comme on a le droit de ne pas aimer Victor Hugo, par exemple...

    D'autant plus si l'on exprime son désamour pour Bernard Clavel avec l'humour qui sied au propos que l'on tient sur son oeuvre en général...

    En revanche ce qui me dérange c'est la "vision du monde" que l'on porte en soi dans le fait de ne pas aimer Bernard Clavel, quand il y a dans cette "vision du monde" tout ce que je combats, tout ce qui me révolte, tout ce que je dénonce depuis mon enfance.

    Or, il se trouve que Bernard Clavel défend, par les romans qu'il écrit, dans l'intégralité de son oeuvre d'ailleurs, toutes ces "valeurs" que je défends moi-même et que j'illustre si je puis dire, dans mes écrits, à travers les histoires que je raconte à ma façon...

    De même que l'on fustige, que l'on critique, que l'on "enterre" Bernard Clavel -ou un autre écrivain- pour "telle ou telle raison, raison argumentée"- (parce qu'on le trouve triste, pessimiste)... Je conçois que l'on puisse à l'égard de l'auteur que je suis, me trouver "emmerdant", pessimiste, tragique, hyroglyphique, brouillon etc. ... Et si en plus on y met de l'humour, pour "m'enterrer"... ça m'intéresse !

    Je concède à mes détracteurs le droit de m'enterrer, de ne pas du tout aimer ma manière d'écrire, de dire les choses comme je les dis... Mais je ne leur concède plus ce même droit lorsqu'ils s'attaquent à ce que je défends "bec et ongles", à ces "valeurs" qui me sont chères et que je place au dessus de tout, en particulier du succès, de la gloire, et des avantages que procurent le succès et la gloire...

    Quand ce qui est exprimé (même si "quelque part ça fait mal") l'est avec l'humour qui sied au propos, je me dis (c'est ce que je ressens) que, par l'humour, cet humour là en l'occurrence, je me sens proche de mon prochain si différent de moi dans sa "vision du monde" : c'est la même chose par exemple, que cet officier Nazi, dans le film "le pianiste" qui se trouve dans une église complètement détruite, en Pologne en 1945, en face du Juif résistant pianiste. Les deux personnages que tout sépare et oppose dans une violence qui est la violence réaliste et totale de la guerre, vont alors "se rejoindre" dans une sorte de communion autour d'un morceau de musique! Quel "message" en effet ! Quand du tragique, de l'indicible, de l'insoutenable, du plus inacceptable, du désespoir le plus absolu, du plus absurde, du plus injuste, du plus dramatique de ce qu'il y a dans le "sens du monde", dans une "vision du monde" qui peut être (et qui effectivement est) celle de tant et de tant de gens dans le monde toutes cultures et religions confondues... Se lève cette espérance magnifique, vient cet optimisme, autour du seul fait de "partager quelquechose ensemble".

     

     

  • A nous deux Paris, de Benoît Duteurtre

    Cvt a nous deux paris 4698

         Un tableau assez sombre, dans ce livre, mais réaliste, de ce que furent à Paris ces années 80 du 20ème siècle, dans une atmosphère "gauche bobo" de cocaïne, de "new wave", de musique funky, de sexualité indécise, de sida ; avec notamment le forum des halles et ses alentours, ses bars branchés, ses noctambules, ses boîtes de nuit, tout cela dans un tourbillon de futilité...

    "Le monde est devenu cet antre infâme et pur, envahi de normes qui donnent l'impression de fréquenter partout le même motel texan, la même chaîne hôtelière suédoise...

    .../... Cette proximité du plaisir, de la gratuité, de l'inconscience, faisait pour une part la valeur de telles aventures, avant que ne s'impose l'idée du danger, de la punition et de la mort. Notre époque anxieuse rêve de sécurité ; mais j'ai quelque peine à goûter ce genre de vie nocturne, trop parfaitement hygiénique et dépourvu d'excès .../...

    Place des Innocents, les établissements à la mode qui s'implantèrent dans les années 1980.../... ont mis la clé sous la porte. Le Café Costes a disparu, remplacé par cet alignement de McDonald's, Häagen-Dazs, KFC, qu'on trouve dans toutes les villes du monde. .../... Je me demande pourquoi il a fallu un jour détruire les pavillons de Baltard et l'acien quartier des Halles pour édifier une architecture en toc, faite de matière plastique, de plexiglas et de ferraille. .../... Jamais l'on ne vit construction humaine se dégrader aussi rapidement, pour devenir sale, jaunâtre, pisseuse et bancale. Elle n'a pas tenu trente ans avant qu'on ne décide de la raser à son tour. En 2010, la Ville de Paris a lancé son nouveau chantier des Halles..." ... Peut-on lire, page 329, 330 et 331...

     

    ... C'est fou, fou et... désolant... Ce que les villes se ressemblent toutes, d'une région à l'autre en France, avec ces mêmes ZAC et ZI où à perte de vue se succèdent les grandes surfaces commerciales, les chaînes de d'hôtels et de restaurants... Tout est formaté aseptisé normalisé avec des rond-points, des voies de circulation et des parkings dont les entrées soit dit en passant, par leurs barrières indiquant 2,10 m voire 1,90 m de hauteur, interdisent l'accès à tout véhicule surrélevé ou avec une galerie, des barres à vélo...

     

    ... Au moins, dans ces années 80 "post soixante-huitardes", d'inconscience, de futilité, de looks et de modes, de recherche de plaisir... N'y avait-il pas, aussi lourd de menace, tout ce dont on a si peur aujourd'hui avec l'explosion de la violence et de l'insécurité au quotidien ... Et, si "castrant", tous ces interdits, toutes ces restrictions, avec les punitions et les exclusions assorties...

    Le lien de cause à effet me semble à mon sens, beaucoup plus évident entre d'une part les différentes politiques gouvernementales et économiques de marché au niveau de l'Europe et de la France en particulier, de la montée en puissance de la religion, du communautarisme et des fanatismes ; et d'autre part l'explosion de la violence et de l'insécurité... Plutôt qu'entre la futilité, les modes, les apparences, l'insouciance, la recherche du plaisir immédiat et leurs dérives comportementales d'une part ; et la même explosion de la violence et de l'insécurité...

    Ce n'est pas "une casquette mise visière en arrière" ni un foulard sur une tête de femme, ni encore une console de jeux vidéos dans les mains d'un gosse de trois ans, ni l'utilisation d'un smartphone pour prendre force photos et vidéos à envoyer sur le Net... Qui va faire, plus que ne le font les politiques gouvernementales et économiques de marché, davantage de violence, davantage d'insécurité...

    ... Ce qui fait la violence et l'insécurité, c'est la montée en puissance du religieux, du communautarisme et du fanatisme, tout cela sur fond de politique gouvernementale, européenne, d'économie de marché, d'obscurantisme planifié en matière de culture, et d'un écart de plus en plus considérable entre une minorité de très riches et un nombre grandissant de très pauvres...

     

  • Madame Roland, une femme en révolution

    Mme roland

    Par Pierre Cornut-Gentille

     

    Collection tempus, éditions PERRIN, dépôt légal mars 2015

     

    L'auteur :

     

    Pierre Cornut-Gentille est un homme politique Français né le 26 juillet 1909 à Brest, et décédé le 21 janvier 1992 à Paris.

    Il a été licencié en droit et ès lettres, diplômé de l'Ecole Libre des Sciences Politiques, diplomate, préfet et haut commissaire.

    Avocat, il a publié chez PERRIN L'Honneur perdu de Marie de Morell, La Baronne de Feuchères et Un scandale d'Etat. L'affaire Prince.

    Dans ce livre "Madame Roland", il dresse le portrait d'une femme, d'une aventure intellectuelle, mais le livre est aussi celui d'une analyse vivante de la Révolution française.

     

    Quatrième de couverture :

     

    Etre une femme engagée dans l'action politique, telle fut, en un temps où le gouvernement n'était pas l'affaire des femmes, la profonde originalité de Marie-Jeanne Phlipon, épouse Roland, guillotinée pour ses idées et son action le 8 novembre 1793, à 39 ans.

    Ecrivain au talent éclatant, collaboratrice de son mari deux fois ministre de l'Intérieur, encyclopédiste, amie et conseillère de plusieurs hommes jeunes qui firent la Révolution, comme Pétion, Brissot, Louvet, et amoureuse passionnée de l'un d'entre eux, Buzot, Madame Roland a tenu tous les rôles que l'accélération foudroyante de l'histoire lui présenta.

    Emportée dans la chute de ses amis girondins, elle fit preuve, face à la mort, d'un stupéfiant courage. Sa correspondance et ses Mémoires offrent un prodigieux exemple des enchaînements du coeur et de la raison chez une femme habitée par la passion du bien public.

     

    Un extrait, page 196 :

     

    "Des rumeurs alarmistes circulent. La Fayette déploie ostensiblement la Garde Nationale. Dans la matinée du 17 juillet 1791, Marie Roland écrit à Bancal : "les matériaux de l'insurrection et de la guerre civile s'amassent... Le feu éclatera au premier instant"... /...

    Vers 7 h du soir, profitant de cette belle soirée d'été, plusieurs milliers de Parisiens se promènent en famille parmi les pétitionnaires quand surgit, drapeau rouge en tête, la garde nationale commandée par La Fayette. Que s'est-il passé? Quelques pierres lancées vers la troupe ? Un coup de fusil parti dans la foule ? Toujours est-il que la garde nationale ouvre le feu sans les sommations réglementaires. La fusillade nourrie (six à sept décharges selon Mme Roland) laisse sur le sol plusieurs dizaines de morts et de blessés.

    "Le deuil et la mort sont dans nos murs", écrit Marie, "la tyrannie s'est assise sur un trône souillée de sang".

     

    Mon avis :

     

    Quand on pense à tout ce qui se pratique de nos jours, dans l'arène qui est celle de la politique, de l'actualité, des milieux journalistiques, artistiques... En matière de diffamation, d'injures, de rumeurs, de campagnes de dénigrement... Ce qui se passait dans ces mêmes arènes durant l'époque révolutionnaire entre 1789 et 1795 ; était aussi cruel, aussi violent, aussi ordurier, sinon davantage encore puisque l'on en venait à se présenter dans les salles d'assemblée, avec un poignard ou un pistolet sur soi...

    Le "Père Duschesne" par exemple, était une feuille bien plus "incendiaire" que le "Canard Enchaîné" ou que "Charlie Hebdo"...

    J'ai déjà dit que la Constituante, que la Législative et que la Convention, étaient "des paniers de crabes". Condorcet et Madame Roland durant le temps de ces assemblées et de tous ces débats agités, furent on peut dire "des esprits éclairés" parmi quelques autres "dans le tas"...

    Mais il faut cependant se mettre dans le contexte de cette époque de la Révolution et de la Terreur, pour comprendre si l'on veut, même si elles nous horrifient, toutes ces violences...

    Il n'est pas sûr, pas sûr du tout, que de nos jours, ou dans un avenir plus ou moins proche, que tout cela ne se reproduirait pas...

    L'orgueil et la haine, ça pue autant en 1793 qu'en 2015. Il n'y a que l'environnement qui a évolué : en 1793, il y avait "Le Père Duchesne" et en 2015, il y a Internet...

    Mais c'est vrai, en France en 2015 il n'y a plus la guillotine comme en 1793... On va dire que "c'est un progrès"... Mais... que d'armes en circulation... Et tous ces silences, tous ces murmures, qui sont de véritables bombes à retardement ! (Ou même des sortes de guillotines prêtes à surgir sur la place publique )...

     

     

  • La grande histoire du monde arabe

    Histoire monde arabe

    D'Alexandre le Grand à l'islamisme radical, par François Reynaert, diplômé de de l'Institut d'études politiques de Paris, journaliste au Nouvel Observateur.

     

    Le résumé que je fais, du livre :

     

    Du début du 16 ème siècle jusqu'à la fin du 20 ème siècle, l'Europe avec tout d'abord le Portugal et l'Espagne, puis l'Angleterre, la France, les Pays bas, la Prusse, l'Autriche Hongrie, l'Italie et la Russie ; et à partir de la fin du 19 ème siècle les Etats Unis d'Amérique occupés depuis le 17 ème siècle par les Européens en majorité des Anglais... Constitue un ensemble de pays qui a dominé la planète et dont la civilisation, la technologie, les modes de vie, la culture, la politique ont "fait les livres d'Histoire" comme si l'Histoire n'était "que l'Histoire du monde vue par les seuls Européens"... Laissant de côté, du moins en partie, le "moment arabe" du 7 ème au 13 ème siècle, le temps de l'Empire Mongol avec Gengis Khan et ses successeurs aux 13ème 14ème siècles ( 33 millions de kilomètres carrés, alors que la Russie dans sa plus grande expansion n'en faisait que 17 millions de km carrés); et le "moment Ottoman" de 1453 avec la prise de Contantinople jusqu'à la fin de la première guerre mondiale en 1918...

    ... Sans parler des autres grandes civilisations anciennes d'Amérique du Sud, d'avant l'arrivée des Espagnols au début du 16 ème siècle, et des civilisations de l'Inde, de l'Asie du Sud Est, de l'Indonésie, de l'Afrique (empires du Mali, du Congo, bien avant l'arrivée des Européens)...

    Ce sont en fait les historiens, géographes et chroniqueurs Européens, qui, au fil des conquêtes et des découvertes de lointains pays, ont écrit (et surtout interprété en conquérants, en découvreurs, en "porteurs de la civilisation Chrétienne") l'Histoire des peuples de ces pays éloignés de l'Europe, peuples qu'ils ont dominé et asservi en fonction de leurs intérêts stratégiques, économiques, tout cela dans une compétition guerrière entre grandes nations ou empires...

    Les historiens européens et les peuples européens -et c'est d'ailleurs ce que l'on apprend à l'école- se réclament de l'héritage Gréco Romain, du temps où tous les pays autour de la Méditerranée constituaient le vaste empire Romain...

    De l'Orient à partir de la séparation en 395, de l'empire romain en deux parties distinctes jusqu'à nos jours, nous n'avons de cet Orient pour bon nombre d'entre nous, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Espagnols, Européens, que quelques connaissances encombrées de clichés... Alors que Bagdad en l'an 800, avait un million d'habitants et était le centre d'un vaste ensemble économique, de marché, de culture, de savoirs, d'art et de culture.

    Tout bascule (les équilibres géo politiques qui arrivaient à se maintenir notamment avec l'empire Ottoman, grand ensemble de peuples et de religions coexistant sous l'administration Ottomane) dans les premières années suivant la fin de la première guerre mondiale, avec les mandats, les protectorats Anglais, Français, sur le Liban, la Syrie, l'Egypte, la Palestine, l'Irak... Les grands vainqueurs de la guerre ont décidé, arbitré en fonction de leurs seuls intérêts en promettant la liberté, l'indépendance, à des peuples qui avaient jadis subi la domination Ottomane... Les promesses n'ont pas été tenues, les traités ont été bafoués, et les richesses de ces pays libérés de la domination Ottomane ont été pillées, ont fait l'objet de tensions et de conflits entre grandes puissances Européennes... Et la seconde guerre mondiale "n'a pas arrangé les choses"...

    En somme, tout ce qui se passe aujourd'hui au début du 21 ème siècle dans cette zone géographique que l'on appelle "le croissant fertile", l'un des berceaux des grandes civilisations de la planète, est le résultat de la politique désastreuse, inconséquente et prédatrice menée depuis la fin de la première guerre mondiale par les vainqueurs de cette guerre...

    L'Europe, avec ses 500 millions d'habitants en 2015, ne représente plus que 1/14 ème à peine de l'ensemble de la population de la planète, alors qu'au début du 16 ème siècle avec 100 millions d'habitants elle en représentait 1/5 ème... L'avenir est donc aujourd'hui désormais, davantage du côté des 13/14 ème que du côté du 1/14 ème, autant sur le plan économique, technologique, scientifique, que culturel...

     

    Extraits :

     

    Page 318 et 319 :

     

    Au tournant des XVIII e et XIX e siècles, le monde ottoman sent virer le vent de l'histoire. Il ne va pas rester sans réagir. De nos jours encore, la plupart des Occidentaux n'ont aucune conscience de cet aspect des choses. L'orientalisme vu par les Européens, continue à sévir. Dans les esprits Européens, l'Empire Ottoman du XIX ème siècle et ses provinces arabes sont toujours ces pays sortis de l'histoire, des fruits secs tombés de la branche depuis si longtemps que l'Occident, fort de son progrès, n'a eu qu'à se pencher pour les ramasser. Cette idée est fausse. L'arbre a toujours de la sève. Les défaites militaires de l'empire, son démenbrement progressif ou encore le débarquement des Français à Alexandrie sont autants de chocs qui le réveillent et le stimulent. Le XIX ème siècle de l'Orient n'est pas un siècle mort, bien au contraire. D'Istanbul au Caire, de Tunis à Salonique, on assiste à un bouillonnement à tous les échelons des sociétés, du plus haut au plus modeste.

     

    Page 439 :

     

    Si surprenant que cela nous paraisse aujourd'hui, l'idée même d'une identité arabe est presque neuve. Pendant des siècles, explique Eugène Rogan, un Egyptien, pas plus qu'un habitant de la Syrie, de Tripoli ou d'Alger, ne se considérait comme "arabe" et aurait plutôt mal pris qu'on le désigne ainsi. Chacun se définissait par rapport à sa famille, son clan, son village d'origine ou son appartenance religieuse. Un Arabe, c'était un habitant de la péninsule Arabique...

    ... Et c'est là, à mon sens, cette réalité encore d'actualité, l'idée d'une "identité arabe" même embryonnaire et toute neuve, qui, même encore pouvant se constituer à partir de l'Islam et de ce qu'il y a de "fondamentaliste dans l'Islam", et de la langue arabe , de la culture arabe...Qui fera que l'Etat Islamique en tant qu'état constitué, administré, régi et pouvant s'étendre aussi loin autour de lui qu'il le pourra ; échouera finalement, comme a fini par éclater l'empire Ottoman, en fait, tous les grands empires qui ont régné sur des peuples se définissant par rapport à une famille, un clan, une appartenance religieuse... Parce que le clan, le groupe social, la famille, le village, la tribu, tout cela constitue la seule réalité naturelle, la seule réalité "durable", vraiment durable... La preuve : jusqu'au Néolithique, c'est ainsi qu'a fonctionné la société humaine d'un bout à l'autre de la planète durant des dizaines de milliers d'années, selon un principe de relation, de relation avec les autres humains et êtres vivants, avec les choses "du ciel et de la terre"...

     

  • La Résicencia (suite à "une enfance de Jésus", de JM Coetzee)

         Parmi les gens de la Résidencia, il en est certains d'entre eux qui, avant d'être à la Résidencia, ont été -un temps- au début de leur "vie active", dans les Barres Est voire même mais plus rarement, dans les camps... Ils ont par la force des choses bon gré ou mal gré... "adhéré au Système"... Et sont donc devenus "prospères" sinon "relativement à l'aise" et "policés", et se sont en quelque sorte "désolidarisés" des gens des Barres Est et des gens des camps... Ils disent d'ailleurs à propos des gens des camps : "les Cacalis", les "Romanichels", les "voleurs de poules"...

    Cependant, et c'est là une vérité éternelle, éternelle et intemporelle, la bonté dans un monde globalement sans bonté, est de toutes les Résidencia, de toutes les Barres Est, de tous les camps... Mais la bonté est comme un drôle de gosse qui fait et dit des choses pas comme les autres ; qui, aux yeux des gens, de la plupart des gens de la Résidencia, des Barres Est, et des camps.. Est comme "une fille cacali juchée sur un vieux vélo avec des cartons à dessin sur son porte bagage", à la quelle on largue au passage, avec une certaine condescendance, un petit sourire...

     

    ... Cela dit, à propos de ce que je disais plus haut "les gens de la Résidencia"... C'est "un état d'esprit" beaucoup plus en réalité, que "une façon de penser par sensibilité/opinion personnelle", un état d'esprit donc, que je combats... Un état d'esprit qui est (souvent) celui des gens de la Résidencia et qui consiste en gros, à rejeter, mépriser, maudire ces "cacali/ces romanos" pour des raisons qui "sont ou seraient justifiées en partie...

    Un état d'esprit c'est une chose, une sensibilité/opinion personnelle en est une autre... C'est bien un état d'esprit, que je combats...

    Mais je combats tout autant toute forme de prédation d'autant plus qu'à la prédation s'associe de l'agressivité, du sans-gêne, de la vulgarité (et en ce sens, les pauvres comme les riches, les exclus comme les élus, ne sont pas toujours des anges loin s'en faut!)...

    La générosité, la bonté, le pardon, la mansuétude, ce ne sont pas des tapis sur lesquels on fait sa crotte sans vergogne , ce sont des valeurs intemporelles, et dans la relation que l'on a avec ses proches, ses connaissances, et plus généralement les gens que l'on rencontre, la "vocation" de la bonté c'est sa force agissant comme un moteur, plutôt que sa faiblesse sous la forme d'un tapis sur lequel on essuie ses pieds, qui en fait le sens... de la bonté...

     

     

  • Une enfance de Jésus, de JM Coetzee

    Cvt une enfance de jesus 4798

    Le livre, tel que je le résume :

     

    David, un jeune garçon âgé de cinq ans, et Simon, un homme d'environ 45 ans qui est le protecteur de David, arrivent d'on ne sait où après une longue traversée en bateau, dans un camp de "nouveaux arrivants", Belstar...

    David sur le bateau durant la traversée, avait une lettre dans laquelle se trouvait le nom de sa mère, et qui disait d'où il venait, mais cette lettre a été perdue...

    Au camp de Belstar, les Autorités attribuent au jeune garçon le nom de David et à l'homme le nom de Simon, et leur donnent une date de naissance en fonction de l'âge qu'ils paraissent avoir, David cinq ans, et Simon 45 ans. Ils apprennent l'Espagnol, la langue parlée dans le pays, et on leur dit qu'ils commencent une vie nouvelle, une vie dans laquelle les souvenirs sont "lavés"...

    Simon et David quittent le camp, traversent un désert et parviennent à Novilla, une ville située au nord de Belstar, où ils sont accueillis et hébergés dans un Centre pour Nouveaux Arrivants. Les services publics de la ville leur fournissent un logement sans loyer dans "les barres Est", une allocation de 400 "réaux" et aident Simon à trouver un travail, un emploi de docker sur le quai numéro 2, là où l'on décharge des sacs de grains des cales des cargos.

    Se sentant âgé, Simon craint de ne pas pouvoir exercer longtemps durant de longues journées, un travail aussi éreintant. Mais il y parvient, et Alvaro, le contre maître, devient son ami...

    La grande préoccupation de Simon est de retrouver la mère de David, qui, selon lui, Simon, a dû elle aussi, comme tous les "nouveaux arrivants", passer par le camp de Belstar et peut-être parvenir à Novilla, puisque dans cette ville portuaire, et relativement importante, il y a du travail...

    A la "Résidencia" un lieu où vivent des gens "prospères et policés", Simon rencontre Inès, une jeune femme d'une trentaine d'années, et, par "intuition" comme il dit, déclare qu'Inès est la mère naturelle de David. Simon confie David à Inès qui accepte de le prendre chez elle, mais suite à un désaccord avec Diégo, l'un des frères d'Inès ; Inès et David s'installent dans le petit logement de Simon, des "Barres Est", logement que cède Simon pour aller s'installer ailleurs, sous un abri de fortune le long des quais... Mais en fait, Simon vient souvent voir Inès et David et, à eux trois, ils forment comme une famille...

    L'éducation de David pose problème : David ne veut en faire qu'à sa tête, il apprend à lire dans un livre "Don Quichotte", il écrit des signes et des traits à sa manière, déconcerte le Senior Léon son instituteur... L'administration veut l'envoyer dans un centre éducatif spécialisé qui ressemble à une prison ; Simon et Inès refusent et décident de partir ensemble avec David pour fuir les Autorités... Ils empruntent la voiture de Diégo, le frère d'Inès, traversent de nouveau un autre désert, mais un désert moins aride, suivant une route très longue qui mène au nord du pays...

     

    Réflexion personnelle :

     

    L'un des meilleurs livres, à mon avis, de John Maxwell Coetzee... Mais à la vérité, quels autres des livres de cet écrivain Sud Africain né au Cap en 1940, seraient "moins meilleurs" ?

    L'on y retrouve ici, dans Une enfance de Jésus, la même densité, la même profondeur et richesse de pensée, peut-être ici accentuée, renforcée par un questionnement quasi permament tout au long du livre, un questionnement sur le sens, sur le "non sens" aussi, des choses, de l'existence, de la relation...

    L'on y retrouve également, comme dans ses autres romans, les mêmes thèmes évoqués, à savoir tout ce qui tourne autour d'un malentendu, ce qui a trait au langage, à la filiation, à ce que l'on appelle "l'identité", à la détresse, à la solitude, à la fragilité de l'être, au destin, à la marginalité...

    En somme ce roman Une enfance de Jésus, déposé en Août 2014, éditions du Seuil, en collection poche "Points" ; est "d'une très grande actualité"...

    La Résidencia, les Barres Est et les camps, sont bien la représentation des trois types d'habitat -ou de lieux de vie- principaux, dans le monde d'aujourd'hui...

    La Résidencia, avec ses lotissements de maisons individuelles des "zones rurales urbanisées" ou péri-urbaines, ses bâtiments entourés de carrés de verdure et d'arbres d'agrément, où l'on entre par une porte sécurisée avec un digicode, où vivent des gens "prospères et policés"...

    Les Barres Est, qui sont ces bâtiments de type HLM où vivent des gens qui ont des emplois peu payés, ou se trouvent au chômage ou reçoivent des allocations, des aides sociales...

    Les camps, où vivent les réfugiés, les gens "venus d'un pays en guerre", les "nouveaux arrivants" qui ont traversé des déserts et des mers, fuyant la misère, la famine, les fronts de guerre et les bombardements, les viols et le pillage ; et aussi les réfugiés des catastrophes climatiques... Soit dit en passant, ce sont les pays les plus limitrophes des zones de guerre et de combats, qui ont les camps les plus immenses, où s'entassent dans des conditions d'hygiène et de vie, sous des tentes, des abris de fortune, des dizaines de milliers de gens...

    Si ces pays là, tels que le Liban, la Jordanie entre autres, arrivent à concevoir l'existence de ces camps sur leur territoire alors qu'ils n'ont pas les moyens matériels, l'argent nécessaire et les équipements qu'il faut... Alors comment se fait-il que dans la "riche Europe" on n' arrive qu'à concevoir que de tous petits camps en nombre limité pour n'accueillir que quelques uns de tous ces "nouveaux arrivants" ?

     

    Extraits :

     

    Chapitre 11 page 119 :

     

    Rester décent et propre pose problème. Il se rend au gymnase dans les Barres Est pour se doucher ; il lave ses vêtements à la main et les fait sécher sur les cordes à linge des Barres Est. Il n'a aucun scrupule à le faire -après tout, il est encore sur la liste des résidents-, mais par prudence, et ne voulant pas tomber sur Inès, il ne vient qu'après la nuit tombée.

     

    Chapitre 27, page 316 :

     

    Le senior Daga me fait des cadeaux. Toi et Inès, vous ne me faites jamais de cadeaux.

    Ce n'est pas vrai, mon garçon, pas vrai et pas gentil. Inès t'aime et s'occupe de toi, et moi aussi. Alors qu'au fond de son coeur, le senior Daga n'a aucun amour pour toi.

    Si, il m'aime! Il veut que je vienne habiter avec lui! Il l'a dit à Inès et Inès me l'a dit.

    Je suis sûr qu'elle ne le permettra jamais. Ta place est avec ta mère. C'est pour ça qu'on s'est battus tout ce temps. Le senior Daga peut t'éblouir, il peut te fasciner, mais, quand tu sera plus vieux, tu te rendras compte que les gens éblouissants et fascinants ne sont pas forcément des gens bien.

     

     

  • Vers l'âge d'homme, de John Maxwell Coetzee

    Vers l age d homme

    John Maxwell Coetzee est un écrivain Sud Africain né le 9 février 1940 au Cap...

    Un écrivain sans parti pris qui ne suit pas de courant idéologique ni de mode, et ne verse pas dans le manichéisme (opposition entre le bien et le mal)...

    Le cadre historique et l'environnement où évoluent personnages et situations, n'apparaissent dans ses récits qu'en toile de fond et ne constituent pas l'élément fondamental ou principal... Et encore moins, la réflexion dialectique...

    L'auteur transpose les problèmes qu'il traite, à la manière d'un artiste peintre composant un tableau. Mais un tableau réaliste, dont les images sont pures, dures et d'une cruelle ou tragique lucidité... Et en même temps l'on perçoit bien dans l'écriture de l'auteur, de la candeur et de la pudeur, et de la discrétion...

    "Vers l'âge d'homme" c'est l'histoire d'un homme alors âgé de vingt à vingt-quatre ans (en fait l'auteur lui-même) pris dans les engrenages d'un système dont il est en même temps victime et complice... Un homme fébrile, questionnant et au destin particulier...

     

    ... Voici quelques extraits de "Vers l'âge d'homme"... qui ont particulièrement retenu mon attention :

     

    ..."La poésie ne consiste pas à lâcher la bonde aux émotions, mais à échapper à l'émotion", dit Eliot dans une phrase qu'il a recopiée dans son journal. "La poésie n'est pas l'expression de la personnalité, mais un moyen d'échapper à la personnalité". Puis après coup, Eliot ajoute amèrement : "Mais seuls ceux qui ont de la personnalité et des émotions savent ce que c'est que d'y échapper".

    Il a horreur de déverser sur la page un simple flot d'émotions. Une fois ce flot lâché, il ne saurait comment l'arrêter. Cela serait comme si l'on sectionnait une artère et qu'on regarderait le sang jaillir et couler. La prose, heureusement, n'exige pas d'émotions : il faut lui reconnaître ça. La prose est comme une étendue d'eau calme et plate sur laquelle on peut tirer des bords à loisir, en laissant le dessin du sillage sur la surface.

     

    ... Danser n'a de sens que lorsque l'on peut l'interpréter comme symbole d'autre chose, fait que les gens préfèrent ne pas admettre. C'est l'autre chose qui est réelle : la danse n'est qu'un camouflage. Inviter une fille à danser, cela veut dire qu'on l'invite à coucher ; accepter l'invitation, cela veut dire qu'on accepte de coucher ; danser, c'est mimer l'acte sexuel, l'anticiper. Ces correspondances sont si évidentes qu'il s'étonne qu'on prenne même la peine de danser. Pourquoi tout le harnachement, pourquoi les mouvements rituels, pourquoi cette comédie ?

     

    ... Pourtant, avant de pouvoir oublier, il faudra qu'il sache quoi oublier ; avant d'en savoir moins, il faudra qu'il en sache plus. Où va-t-il trouver ce qu'il lui faut savoir? Il n'a aucune formation d'historien, et de toute façon ce qu'il cherche ne se trouvera pas dans les livres d'histoire, puisque cela appartient au quotidien banal, aussi banal que l'air qu'on respire. Où va-t-il trouver ce savoir ordinaire d'un monde disparu, un savoir trop humble pour même savoir que c'est un savoir ?

     

    ... Lui et Ganapathy sont les deux faces d'une même pièce : Ganapathy qui meurt de faim, non parcequ'il est coupé de sa mère patrie, l'Inde, mais parce qu'il ne mange pas comme il faut, parce que, malgré son diplôme de maîtrise en informatique, il ne sait rien des vitamines, des sels minéraux et autres acides aminés ; et lui, pris dans une fin de partie débilitante, où chaque coup l'accule davantage et le rapproche de la défaite. Un jour ou l'autre une ambulance va arriver devant l'immeuble de Ganapathy, et les ambulanciers le sortiront de son appartement sur une civière, avec un drap qui lui couvrira le visage. Quand ils seront venus chercher Ganapathy, ils n'auront plus qu'à venir le chercher aussi."

     

     

    John Maxwell Coetzee a reçu pour l'ensemble de son oeuvre, le prix Nobel de littérature en 2003...

    De tous les prix littéraires qui existent et sont chaque année décernés en France et dans le monde, le Nobel de littérature est le seul pour lequel j'ai, disons, "une certaine considération" (et qui pour moi a du sens)... Car il qualifie l'ensemble de l'oeuvre de l'écrivain, et non pas seulement, comme par exemple pour le prix Goncourt ou le prix Renaudot, un ouvrage de l'auteur...

    D'ailleurs, il y a à mon sens, beaucoup trop de prix littéraires... Cela va des plus "prestigieux" (en fait des tous premiers qui ont existé dans le passé) jusqu'aux plus "impossibles" (comme par exemple ces si nombreux "petits prix" de diverses associations d'écriture ou clubs ou différentes sociétés d'édition et de littérature/poésie)...

    C'est au salon du livre du Festival International de Géographie à Saint Dié dans les Vosges, que j'ai acheté ce livre "Vers l'âge d'homme", de JM Coetzee... J'avais déjà lu "Scènes de la vie d'un jeune garçon" ... Et après coup, ayant lu dans les deux jours qui suivirent le festival, "Vers l'âge d'homme", j'ai regretté de ne pas avoir aussi acheté les autres livres (dans la collection poche "Points") de JM Coetzee...

    Je peux dire que "Vers l'âge d'homme" m'a vraiment bouleversé, marqué, et que tout ce qu' exprime l'auteur dans ce livre, rejoint d'une certaine manière le regard que je porte moi-même sur tout ce que j'observe des gens, du monde, des évènements, des situations... Tout cela, oui, n'est bien que "le fond général du tableau" (et non pas l'essentiel, et encore moins le "définitif" du tableau)... L'essentiel est dans ce qui ne se voit pas, dans ce qui n'est pas exprimé, dans ce qui se fait à l'intérieur d'un être, dans ce qui surgit sous la forme d'un questionnement (j'ai aimé toutes ces phrases en questionnement, dans le livre de JM Coetzee)...

     

    ... Quand on sait quel destin fut en réalité celui de JM Coetzee, (il poursuivit ses études, devint professeur de littérature américaine, écrivain et prix Nobel)... l'on peut en effet s'étonner de lire (dernière page de "vers l'âge d'homme") :

     

    "Un jour ou l'autre une ambulance va arriver devant l'immeuble de Ganapathy, et les ambulanciers le sortiront de son appartement sur une civière, avec un drap qui lui couvrira le visage. Quand ils seront venus chercher Ganapathy, ils n'auront plus qu'à venir le chercher aussi."...

     

    Phrase effectivement, d'une noirceur absolue... Car c'est ainsi que le "John" du livre, le personnage central, ("il") entrevoit son destin... (il vient de passer trois années en Angleterre, en jeune homme pris dans un système , un "ordre des choses", dont il est à la fois victime et complice... Et sans cependant s'être trouvé dans le dénuement, n'en a pas moins "mangé de la vache enragée" (surtout sur le plan relationnel et environnemental et moral) jusqu'au jour où il fut confronté au dénuement de son ami Ganapathy, un "exilé" comme lui (mais venu du continent Indien alors que lui, John, venait d'Afrique du Sud)...

     

    Toute la "problématique" si je puis dire, d'une "vision pessimiste" et d'une lucidité aussi tragique... réside peut-être dans le questionnement sur la nécessité (comme dans l'instinct de survie) et sur la difficulté qu'il y a, à se libérer peu à peu, de cette "vision aussi pessimiste et aussi empreinte de réalité tragique"...

     

    Il y a là, à mon sens, un pessimisme absolument "moteur" (et d'autant plus "moteur" qu'il se révèle soutenu par une forme d'humilité, de "remise en question de soi"... et, au fond, de cette lucidité pure et dure comme à l'intérieur d'un creuset avant le travail de l'alchimiste...

    Il ne manquerait peut-être là, dans cette dernière phrase du livre, qu'une petite note d'humour (il y a déjà une petite note de dérision)... Mais, à bien "creuser" tout au long du livre, elle s'y trouve bel et bien, la petite note d'humour)...

     

    ... Un "très grand livre" donc, que "Vers l'âge d'homme" de JM Coetzee...

     

     

  • Un homme de trop, de Jean Pierre Chabrol

    Un homme de trop

    En livre de poche, dépôt légal 2 ème trimestre 1967, Gallimard

     

    L'auteur

     

    Jean Pierre Chabrol est né en 1925 à Chamborigaud dans le Gard. Lycéen à Alès, puis maquisard du Bougès, c'est un Cévenol de vieille souche. Après des études en Sorbonne, la sculpture le conduit au journalisme en qualité de dessinateur, puis le croquis l'amène au grand reportage.

    Romancier, cinéaste des marins bretons et des mineurs cévenols, Jean Pierre Chabrol, un écrivain parmi les plus fortes personnalités de sa génération, reçoit en 1956, le Prix du roman populiste pour Le bout galeux, puis la bourse de la fondation Del Duca pour Les innocents de Mars et l'ensemble de son oeuvre.

    Son roman Les fous de Dieu, sélectionné pour le Goncourt en 1961, n'a cependant pas été couronné, au grand regret d'Aragon...

    Il a écrit entre autres livres : Fleur d'épine, La chatte rouge, Les Rebelles, La Gueuse...

     

    Un homme de trop, le livre :

     

    C'est, du lundi 20 juillet au dimanche 26 juillet en 1943, durant une semaine, la vie et l'action d'un groupe de maquisards dans la montagne Cévenole.

    Thomas, commissaire technique, s'irrite de ces paradoxes politiques qui imposent la mort et la misère pour d'hypothétiques "lendemains qui chantent"... Il s'interroge sur la nécessité ou non de devoir "éliminer" un prisonnier suspect, cet "homme de trop", libéré avec onze patriotes, du quartier des condamnés à mort de la prison de Sarlande.

    En cet été 1943, les maquis Cévenols, comme tous les autres maquis constitués de réfractaires, de rebelles, en général des jeunes ayant refusé de partir au STO (service du travail obligatoire) ainsi que de quelques communistes et anarchistes, et aussi, par exemple, d'enseignants révoqués par l'administration de Vichy... En dépit de quelques actions de commando menées dans les villages contre les occupants et les autorités de la France de Pétain et de Laval... Ne forment pas encore comme en été 1944, une armée organisée et structurée avec des armes lourdes, en face de la puissance Allemande, du pouvoir des Milices et surtout -il faut le dire- des unités de Waffen SS françaises ...

    Cette semaine du 20 au 26 juillet 1943, se terminera donc -et hélas- très mal pour la plupart de ces maquisards Cévenols, dont le chef Paulo, cependant, parvient à s'échapper, pris avec "l'homme de trop" et deux de ses compagnons par quatre de ces Waffen SS français chargés de "nettoyer le pays"... Paulo parvient à rejoindre un autre groupe qui se préparait à mener une action d'envergure, et finalement une partie de l'objectif que s'étaient fixé les maquisards est atteinte...

     

    ... De tous les livres que j'ai pu lire sur la Résistance, sur les maquis, Un homme de trop, de Jean Pierre Chabrol, est à mon avis l'un des livres les plus vrais, les plus réalistes... A rapprocher d'ailleurs, de Les forêts de la nuit, de Jean Louis Curtis (Prix Goncourt 1947).

     

    Voici un extrait, afin de "donner une idée" du langage, au quotidien, de ces maquisards Cévenols que sont Terrasse, Lambris, Parquet, Chambranle, Cimaise... entre autres personnages de ce livre. Ce sont là, des noms de guerre... :

     

    "Chierie d'espadrilles! .../... pour cavaler sur les trottoirs, comme l'autre nuit, ca gaze, mais quand tu t'amènes sous les châtaigners, dans les pellous, ça te met les arpions en pelote à épingles.

    Lambris, un petit rouquin aux cheveux en brosse, à la face bien ronde criblée de taches, avec, sur le front, la cicatrice bleue d'une balafre de la mine, parle en confidence, un bras passé sur les épaules de son inséparable Parquet : ... si encore je pouvais la voir rien qu'une petite minute (la Simone).../... Pour t'attendre, ça, t'en fais pas, elle t'attend! S'esclaffe Chambranle.../... et pas seule, qu'elle t'attend, te tracasse pas, elle chôme pas des fesses, ta Simone!

    .../... Tou po pas lui foutre la paix à cé pétiton, s'insurge Cimaise. ...

     

    C'est que la vie, au quotidien, dans le camp en pleine nature sauvage, est rude : le repas principal c'est une grande lessiveuse pleine de nouilles avec l'eau au dessus encore bien chaude... Et du pain...

    Il y a dans ce livre, cependant, beaucoup de philosophie et de morale (si l'on peut appeler "morale" cette "autre morale" qui n'a rien à voir avec la morale du sens du monde et de ce qui doit être et se faire, qu'on apprend au catéchisme et qui s'articule sur le Bien et le Mal, en gros la "morale bourgeoise ou conventionnelle qui doit être celle du citoyen qui ne "fait pas de vagues" et qui obéit sagement en "grinçant un peu des dents" ; morale qui exclue, conspue, punit, guillotine, promet à l'enfer, lorsque le "délinquant", le "salaud" "fait quelque chose de vraiment mal ou choque, dérange)...

     

    ... Et c'est ce que raconte en sourdine Thomas, le commissaire technique, un soir :

     

    "Une des choses qui déterminèrent ma vie fut la lecture d'un texte de Jean Jaurès. J'étais tombé dessus par hasard à la bibliothèque de l'Ecole Normale. Je n'en suis pas sûr, mais je crois bien que c'était son discours d'Albi, à la jeunesse. J'ai oublié les termes exacts, mais Jaurès expliquait que dans chaque être humain, même le plus avili, même tombé au plus bas de l'échelle sociale, il reste toujours, du grand brasier de l'âme humaine, au moins une étincelle, et qu'on peut, et qu'on doit souffler sur elle non pour l'éteindre, mais pour ranimer le grand brasier de l'âme..."

     

    ...La voilà, la "morale", la vraie, celle qui n' a rien à voir avec la morale qui a cours, celle qui n'est pas celle des curés, des hommes politiques, des imans... Mais qui est intemporelle et qui se pratiquait chez des peuples anciens dits "primitifs" vivant en tribus, en collectivités, en groupes, bien avant l'arrivée des religions monothéistes...

     

    Cet "homme de trop", que l'auteur nomme "le type" dans son livre, est en fait un condamné de droit commun, un "simple d'esprit", un frustre, un homme qui a violé et étranglé une femme et a été condamné à mort (à la guillotine) par un tribunal... Lors d'une opération de commando menée par un groupe de maquisards à Pradeilhes, contre la prison, afin de libérer onze patriotes condamnés à mort par un tribunal de la France de Vichy, il se trouve que dans la précipitation de l'action, une douzième porte est ouverte, celle de la cellule du "type"...

    Au départ, le "type" est considéré comme prisonnier, mais Paulo le chef de groupe et ses compagnons décident finalement d'éliminer le "type" (Ils venaient de liquider déjà, un milicien prisonnier)...

    Mais Thomas, chargé de tuer le "type", hésite et décide de le laisser filer dans la nature... Ce qui va se révéler être une erreur fatale, puisque le "type", revenu au camp "parce qu'il a faim et ne sait où aller", s'enfuit de nouveau par crainte d'être tué, et tombe entre les mains de quatre Waffen SS français embusqués non loin du camp des maquisards...

    Le groupe des maquisards venait de réussir un "gros coup", ayant attaqué un train militaire Allemand, tué les soldats allemands, récupéré du matériel de guerre dont une mitrailleuse, des caisses de munitions et de ravitaillement dont ont profité d'ailleurs les habitants de Pradeilhes.

    Finalement, Thomas, deux de ses compagnons -et le "type"- pris par les Waffen SS français, dont l'un deux a tout de même pu être tué par Thomas, sont pendus au viaduc du chemin de fer...

    Le "type" regrettait alors de ne pas être passé par la guillotine, fou de terreur à l'idée de se balancer dans le vide au bout d'une corde...

     

     

     

    ... Tout le monde sait qu'il y avait durant la seconde guerre mondiale en France, la zone occupée au Nord et à l'Ouest, et l'Etat Français de Pétain et de Laval, au Sud, avec pour capitale Vichy ; tout le monde sait qu'il y avait dans la France de Vichy et jusqu'à la libération en été 1944, la Milice, une organisation para militaire tout de noir vêtue avec béret sur la tête, chargée de combattre le bolchevisme et le terrorisme... Soit dit en passant, à l'époque, on ne disait pas "des résistants" mais "des terroristes"...

    ... Cependant, "tout le monde" sait moins qu'il y avait aussi dans la France de Vichy, des unités de Waffen SS françaises, encore mieux équipées, plus féroces, plus "expéditives" dans leurs actions de répression, que les milices... Ces Waffen SS français étaient en fait exactement les mêmes que les Waffen SS Allemands, habillés aussi en noir avec sur la manche et sur la casquette le double lézard blanc en zig zag...

    https://www.youtube.com/watch?v=BbC3p8cQ9fo  (Les Français de la Waffen SS)

     

  • Le voyage en France, de Benoît Duteurtre

    Cvt le voyage en france prix medicis 2001 1915

    Gallimard, prix Médicis 2001, dépôt légal novembre 2001

     

    Quatrième de couverture :

     

    Un jeune Américain, épris de culture française, part à la découverte du "pays des peintres et des poètes". Il débarque dans la France d'aujourd'hui, s'égare dans les quartiers touristiques et la ZUP Claude Monet, arpente les plateaux télé et les coulisses de l'édition puis s'enfuit dans un monastère spécialisé en nouvelles technologies...

    L'itinéraire de David croise celui d'un Français quadragénaire qui a longtemps rêvé d'Amérique. Tandis que l'Américain s'éprend d'une prétendue reine de la Bohème, le Français tombe amoureux d'une vidéaste branchée.

    Conte, récit de voyage, autobiographie et fiction s'agencent dans ce cressendo romanesque qui glisse parfois de l'hyperréalisme au fantastique loufoque.

     

    Un extrait, page 268 :

     

    "L'Européen d'aujourd'hui vit dans cette espèce de schizophrénie. Il grandit dans un décor chargé de souvenirs. Il rêve d'être à la fois d'hier et d'aujourd'hui. Il piétine sous les ombres de son passé, tout en cherchant ses modèles dans un nouveau style mondial, très banal, qui se répand comme un champignon sur les ruines. L'Amérique provinciale se greffe sur l'Europe provincialisée. La beauté se conserve comme une "spécificité culturelle"...

     

    Et, page 274 :

     

    "Sur les pâturages, quelques vaches regardaient le spectacle du crépuscule en s'efforçant de comprendre ce qui se passait. Etait-ce la première fois? Elles ne se souvenaient pas précisément des jours précédents. Elles ignoraient également que les services vétérinaires de la préfecture envisageaint de procéder à leur abattage massif pour soutenir les cours. Impropres à la consommation, elles allaient prochainement servir de combustible dans une cimenterie."

     

    Réflexion personnelle :

     

    De toute évidence, le "Français quadragénaire rêvant d'Amérique" n'est autre que l'auteur lui-même né en 1960 et ayant donc vécu une partie de sa vie (en gros son enfance, sa jeunesse et jusqu'à 40 ans) dans ce que j'appelle "le monde d'avant 1989", ce monde qui entre dès 1990 "en transition" jusqu' au début du 21 ème siècle (2008 on va dire) dans le "nouveau monde" celui du 21 ème siècle.

    Benoît Duteurtre fait donc partie de cette génération (celle des nés après la seconde mondiale jusque vers le milieu des années 1970) qui, passé les années 50 du 21 ème siècle, aura disparu du monde des vivants...

    Benoît Duteurtre est en quelque sorte, en tant qu'écrivain, romancier plus précisément, un "témoin de son temps", du temps qu'il traverse entre deux mondes... Ce qui veut dire que lorsque tous ceux et celles (écrivains, poètes, penseurs, philosophes, artistes, et plus généralement les femmes et les hommes que nous sommes tous, encore vivants), de ces générations des nés entre la fin de la seconde guerre mondiale et la fin du 20 ème siècle auront disparu... Il ne demeurera plus, du "monde d'avant 1989", que de l'écrit, de l'image, du document, des films, des vidéos, de la photographie, de la musique... Et qu'il n'y aura donc plus de "témoin encore vivant" pour exprimer, dire, raconter de vive voix, diffuser...

    Seuls cependant, les enfants, les filles et les fils de tous ces "témoins" disparus, ayant écouté, lu leurs parents, pourront encore transmettre presque comme s'ils avaient eux mêmes vécu dans leur enfance et leur adolescence, cette vie de jadis vécue par leurs parents... Et la transmission, aussi précise, aussi exacte, aussi juste qu'elle pourra l'être -et elle le sera- se diluera dans le temps, s'altèrera par toutes sortes d'interprétations...

     

    ... Il y a à mon sens, dans le fait d'être "témoin de son temps" et dans la nécessité, le besoin que l'on a de transmettre... Que l'on soit écrivain, artiste ou femme ou homme de la vie de tous les jours... Une certaine gravité à témoigner, à transmettre, à exprimer, et cela d'autant plus que l'écrit, que l'image, que le document, que la photo, que la séquence filmée... sera désormais durant un temps indéfini (une "éternité provisoire"), une trace...

    La "vraie éternité" n'est sans doute pas à mon sens, la "vie éternelle ou le paradis" promis par les religions... Mais la certitude de ce prolongement de nous-mêmes, au delà de notre vie, dans toutes ces vies qui seront... en 2050, 2070, 2100...

     

    Ah, ce bébé de 2015... Il aura cent ans en 2115 !

     

    ... Nous sommes la "vie éternelle" des gens qui vécurent à la fin du Paléolithique Supérieur, des gens qui vécurent aux 10 ème, 15 ème siècle de l'ère Chrétienne...

     

     

  • L'été 76, de Benoît Duteurtre

    Cvt lete 76 1086

    Gallimard, roman, dépôt légal mars 2011

     

    Quatrième de couverture

     

    "Il y avait pour moi quelque chose d'incompréhensible et de fascinant chez cette fille, seule au milieu de la cour de récréation : elle me ressemblait mais elle ne souriait guère ; elle avait les mêmes taches de rousseur mais les yeux plus ténébreux ; elle ne lisait pas des livres de prêtres engagés sur l'Evangile (les lectures préférées de ma famille) mais des brûlots anarchistes appelant au soulèvement général ; elle ne voulait pas avoir l'air moderne en enfilant des pantalons mais portait une jupe, dégagée de tout mimétisme masculin. A part cela je ne savais rien d'elle, sauf pour avoir entendu, de loin, prononcer son prénom : Hélène."

     

    Une adolescence provinciale dans la chaleur de l'été 1976 : Benoît Duteurtre, en jeune gauchiste à cheveux longs, y découvre avec enthousiasme la musique, l'amour et la poésie.

     

    Après La petite fille et la cigarette, et Le retour du Général, l'auteur revient à la veine autobiographique qui a fait le charme des Pieds dans l'eau.

     

    ... Nous sommes là, dis-je, encore en 1976, dans les premières années d'une société "post-soixante-huitarde" de marché en pleine croissance : la "société de consommation" loisirs tendances modes avec pour principaux relais la presse, la télévision, la publicité... Les marques de vêtements, les multinationales, tout cela dans la "toile de fond" des mouvements hippie, de la pop music et de toutes sortes de danses, de styles, de modes de vie "déjantés"...

     

    Un extrait , page 62/63 :

     

    Après le temps de l'expansion sans limites se dessinaient pour la première fois les limites de l'expansion, touchant aux symboles mêmes du progrès. L'avion supersonique ne résisterait pas aux guerres commerciales qui jugeraient finalement plus rentable d'arpenter le globe moins vite, en entassant les humains dans d'énormes fourgons des airs. Et si les premiers pas de l'homme sur la Lune avaient matérialisé un projet extraordinaire, il semblerait bientôt clair que nous ne franchirions jamais les confins du système solaire, déjà bien trop vaste pour nous. L'exploration infinie deviendrait le domaine réservé des films de science-fiction. Le progrès réel se reporterait tout entier sur la miniaturisation : celle des puces et de l'ordinateur personnel, aux magies incontestables, mais un peu plus mesquines dans leur fonction d'organiser la vie quotidienne, de communiquer à distance et de réduire encore le coût du travail. Le temps des rêves ferait place au temps des peurs : aux cataclysmes de l'économie mondiale, comme à ceux de la surpopulation, aux ravages écologiques et aux épidémies incontrôlables – bref, au sentiment général de foncer dans le mur.

    On a toujours le sentiment de vivre -entre deux époques- celle qui nous précède et celle qui commence ; mais certains changements sont plus marquants que d'autres. Or ce moment précis où je commençais à devenir un homme coïncide peut-être avec un point de basculement historique : parce que, en 1975, l'idée du progrès infini subsistait comme le mythe dominant, mais que le thème de la crise et du déclin se faisait chaque jour plus présent, annonçant ce dépérissement de la modernité entrevu déjà par quelques esprits avisés.

     

    Réflexion personnelle :

     

    Le monde était fou, il y avait la guerre du Viet Nam, le bloc de la Russie Soviétique et des pays à économie socialiste communiste opposé au bloc des Etats Unis d'Amérique et de l'Europe de l'Ouest, la famine au Biafra... On "baisait à couilles rabattues" (mais ça c'est davantage de la légende que la vraie réalité), on était hippie, anarchiste de gauche, pro Mao Tsé Toung, on faisait des chèques pour la faim dans le monde ; on était poète, contestataire, on écoutait Jean Ferrat, Léo Ferré et Jacques Brel ; les robes étaient chic et courtes et on dansait le Jerk, et "la danse des canards" ; et, même si ce monde là, aussi fou qu'il pouvait être, était aussi violent, aussi injuste... et que déjà pointaient à l'horizon la désindustrialisation, les multinationales, le chômage... Il suffisait d'entendre "à fond la caisse" Je te parie qu'il pleut à Paris" version orchestrale sans les paroles par les Manzano Dreamers ou encore la musique du film Le distrait... si possible en compagnie d'une fille chic... Pour avoir en soi à ce moment là, une impression d'éternité dans le temps vécu, et de ressentir "quelque chose de purement orgasmique", une sorte de "piqûre d'héroïne sans les effets dévastateurs" !

     

  • CONDORCET, un intellectuel en politique, par Elisabeth et Robert Badinter

    Condorcet

         Né le 17 septembre 1743, décédé le 29 mars 1794, Marie Jean Antoine-Nicolas Caritat de Condorcet, intellectuel et philosophe, fut le défenseur des Noirs et des Juifs, un abolitionniste convaincu et militant... Et il fut aussi le premier intellectuel philosophe homme, à défendre les femmes, à dire que les femmes étaient les égales des hommes en tous points, ce qui, en cette seconde moitié du 18 ème siècle, n'était pas encore d'actualité...

    Homme de sciences, mathématicien renommé dans toute l'Europe du 18 ème siècle, il fut aussi un homme politique de premier plan à partir de 1789, à la Constituante, à la Législative puis à la Convention jusqu'en 1793, où à l'automne de cette année là, il est déclaré "d'accusation" puis proscrit par le comité de salut public pour ses opinions dérangeantes... Et abandonné par bon nombre de ses amis dont certains de longue date...

    Il faut dire que Condorcet était un "pur", un intellectuel engagé, un "chercheur de vérité et de justice", un homme qui ne pouvait souffrir la moindre compromission, qui ne recherchait pas les honneurs, la gloire, ni à briller (d'ailleurs il n'était guère un orateur) ...

    C'est à Condorcet que nous devons, que notre pays, la France, doit la République : il en fut l'instigateur, le penseur, le promoteur... Mais ce ne fut point sans mal que s'instaura en septembre 1792, dans une France qui, jusqu'en août 1792, avec la Constituante (1789-1791) puis la Législative (1791-1792) ; depuis les états généraux qui s'ouvrirent le 5 mai, la prise de la Bastille le 14 juillet et l'abolition des privilèges le 4 août en 1789, demeurait encore monarchiste dans son ensemble...

    C'est sous la Convention qui est une assemblée élue au suffrage universel masculin, et qui débute le 21 septembre 1792, qu'est "instaurée" la République le 22 septembre... République qui, cependant n'est pas déclarée officiellement mais s'établit "de fait"...

    Condorcet avait rédigé le texte d'une constitution républicaine comportant plus de 300 articles, mais la Convention en octobre 1792 réduisit cette constitution dans la précipitation du moment en un texte de seulement 24 articles.

     

    ... Dans le passage "Condorcet contre les parlements" (printemps 1788) , l'on lit ceci :

     

    "Condorcet est exaspéré par l'aveuglement ou la complaisance de ceux qui, comme La Fayette, soutiennent la cause des Parlements sans mesurer qu'ils font en réalité le jeu des privilégiés. En juillet 1788, dans une lettre à Mme Suard, il critique le comportement et les courtes vues de son jeune ami : -N'ayant point sur les affaires d'opinions assez arrêtées, il (La Fayette) a le malheur d'attacher une idée de patriotisme et de noblesse à être du parti de l'opposition. Et je crois, au contraire, qu'il ne faut être que du parti de sa propre raison."

     

    La Convention, tout comme la Constituante et la Législative, c'était un panier de crabes...

    De crabes biens nourris et d'une férocité manifeste... Tous autant les uns que les autres, à l'exception de quelques uns que l'on pouvait compter sur les doigts d'une seule main, dont Condorcet...

    Cette République qui a vu le jour le 22 septembre 1792 avec la Convention Nationale élue au suffrage universel masculin, cette république dont Condorcet est l'instigateur, le penseur, le promoteur, a vu mourir d'épuisement après plusieurs jours d'errance du proscrit qu'il était, recherché par la police... Cette toute première république née dans les affrontements entre partis et dans le sang , a vu mourir le 29 mars 1794 dans une prison municipale pour larrons et mendiants à Bourg Egalité près de Clamart, le dernier des philosophes du 18 ème siècle...

    Condorcet fut enterré au cimetière de Bourg Egalité dans une fosse commune, le 30 mars 1794.

    Le cimetière ayant disparu depuis longtemps, nul ne sait où repose Condorcet...

     

    ... Je recommande vivement la lecture de ce livre, de 695 pages en "livre de poche".

     

    ... L'orgueil et la haine, autant de l'Ancien Régime que du temps des années de la Révolution Française avec la Constituante, la Législative, la Convention, le Directoire, le Consulat... Avec ces paniers de crabes qu'étaient les assemblées constituées de personnages féroces et arrogants, bien mieux nourris que la majorité des citoyens la faim au ventre...

    L'orgueil et la haine, toujours d'actualité au début du 21 ème siècle, avec certes, la guillotine en moins...

     

  • Service clientèle, de Benoît Duteurtre

    Service clientele

    ... Un roman bref, de 93 pages (Editions Gallimard septembre 2003), mais qui "en dit long", très long même, sur le non sens, sur l'absurdité de notre civilisation occidentalisée devenue un "système"...

    "Des caisses d'hypermarché aux péages autoroutiers, des halls d'aéroports aux guichets d'ex-services-publics-privatisés, il fallait continuellement attendre son tour pour retirer la marchandise, embarquer très en retard sur des vols surchargés, franchir très lentement des kilomètres d'embouteillages. Et si, par malheur, votre cas finissait par échapper aux cases prévues automatiquement, alors commençait le cycle beaucoup plus long des vaines réclamations à un personnel dépassé, lui-même, par la logique aveugle de cette organisation. "

    ... Telle est la "logique du Système"... De ce "Système" auquel j'ai donné dans mon jargon de Yugcib, le vocable de "Soustème" ... Le pire de tous les totalitarismes, celui de la dérive de l'économie de marché libéralisée qui, après le déclin, le recul et pour finir la chute de l'économie communiste, s'est emparé du monde jusqu'en des lieux en lesquels la civilisation n'avait pas encore pénétré, au cœur des jungles de Bornéo et au delà du Cercle Polaire arctique...

    A la page 68 et 69, l'on lit ceci :

    "Ainsi l'augmentation de la productivité, la réduction des effectifs, la folie de la production conduisaient-elles à une réintroduction des files d'attente communistes en pays capitalistes ; à moins d'appartenir à la nomenklatura aisée qui peut payer le maximum, déléguer les démarches pénibles, payer la business class ou faire parvenir ses plaintes au sommet de la hiérarchie. L'entreprise avait remplacé le Parti dans sa façon d'agiter une propagande irréelle (achetez plus, voyagez plus. Profitez de nos conditions) tout en traitant sa clientèle comme un troupeau, obligé de s'adapter aux marges des actionnaires".

    … On le voit, on le subit, dans ce "Soustème" d'économie mondialisée, libérale, de marché, de profit et de valeurs boursières, de consommation de masse au plus bas prix possible, de publicité et d'offres et promos et soldes incessants... C'est une autre forme de totalitarisme que celui du communisme soviétique qui s'est installé sur la planète et qui invalide, rend "caduc" toute démocratie, toute idée ou principe de démocratie... Avec l'illusion "d'une démocratie sur le papier", avec des discours sur la démocratie et les droits des peuples, discours et droits qui sont bafoués, ne faisant que « vitrine »...

    Le « Grand Argument », celui qui est sans cesse ressorti et qui semble apparemment convaincre beaucoup de gens, notamment ceux qui, sans être vraiment pauvres ne sont pas cependant très riches, consiste en la démonstration fallacieuse du « bien fondé » de ce Système économique axé sur la Croissance, le Développement, l'accès de biens et de services à un toujours plus grand nombre de gens dans le monde qui, il y a encore peu de temps, à peine quelques années, « vivaient comme au Néolithique »...


     

  • Gaieté parisienne, de Benoît Duteurtre

    Gaite parisienne

         Benoît Duteurtre est un écrivain, romancier, essayiste et critique musical Français, né le 20 mars 1960 à Sainte Adresse, agglomération du Havre...

    Il vit à Paris, dans les Vosges et en Normandie.

    Il publie son premier texte en 1982 dans la revue Minuit, puis accomplit plusieurs métiers divers dans la musique et dans le journalisme. Il est l'auteur de quelques romans : L'amoureux malgré lui, Tout doit disparaître, Gaieté parisienne, ainsi que d'un recueil de nouvelles : Drôle de temps.

    Sa curiosité pour les situations et les décors contemporains, son écriture limpide, son humour décalé marquent sa singularité dans la littérature Française depuis la fin des années 90 , en particulier auprès des jeunes générations...

    Drôle de temps a obtenu en 1997 le prix de la Nouvelle, de l'Académie Française, et le prix Médicis en 2001 a couronné son roman Le voyage en France.


     

    Gaieté parisienne est une peinture de Paris à la fin du 20 ème siècle.

    Nicolas, un intellectuel d'une trentaine d'années, s'efforce de séduire le jeune Julien, étudiant en gestion, très à l'aise dans la société moderne. De boîte de nuit en cité de banlieue, la course poursuite entre Nicolas et Julien traverse un paysage étrange où les vestiges de l'ancien monde se mêlent aux entreprises de rénovation. Les protagonistes glissent de situations grotesques aux émotions imprévues, dans une Europe qui pourrait rappeler la Rome du Satiricon.

    Benoît Duteurtre met en scène la comédie de l'amour. Loin des conventions sentimentales, il explore le milieu « Gay » comme un miroir de la vie contemporaine, avec sa foi sexuelle, ses routines et ses tabous.

    Dans un style limpide, attentif à la vérité des apparences, il suit les trébuchements de Nicolas face aux incongruités de l'existence. Il raconte la laideur et la beauté d'une époque, celle que nous vivons et qui a commencé vers le milieu des années 80, alors que le téléphone portable et internet n'existaient pas encore, du moins pas dans la vie des gens, même dans les milieux artistiques et intellectuels, et que l'on s'envoyait des lettres écrites à la main postées en « express », des lettres enflammées de passion amoureuse, notamment, et qui étaient apportées par le facteur à la première heure... (Soit dit en passant, de nos jours en 2015, avec les mails, les smartphones, tablettes, internet et facebook... les « lettres ou messages de passion amoureuse – ou de « drague primaire » écrites à la main envoyées par la poste c'est « complètement obsolète et ringard »!)

    Gaieté parisienne c'est aussi -à mon sens- une vue, un tableau, un aperçu de tout ce que le monde, depuis la fin des années 80, est devenu : un monde sans bonté, où domine la loi des modes, des apparences, du « fashion », des « lieux branchés » en lesquels il faut être et paraître -si possible le meilleur, le plus « fun », le plus attendu, le plus regardé... Et le monde de toutes ces «idées nouvelles », de cette jeunesse dorée » des lycées, des classes de prépa aux grandes écoles et universités , qui sont devenus dans les années 2010/2020, les trentenaires, les quadragénaires « dans le sens du monde et bien dans leur peau », les nouveaux « décideurs »... Soit dit en passant, toute cette « crème » constituée en général de ces quadragénaires des « décideurs »,de l'économie et de la finance et de toute la « clique » des intellectuels qui gravite autour ; est à cent lieues du « citoyen lambda » qui lui, n'a pas fait d'études et dont la vie au quotidien est difficile, sans perspective... Ce « citoyen lambda » qui représente l'essentiel de la société Française, notamment dans les régions rurales, péri urbaines et surtout les régions autrefois industrielles devenues aujourd'hui des déserts médicaux et culturels, économiques, à l'écart des lieux touristiques et constellés de ce qui reste des sites de métallurgie, des « friches industrielles »...

    … Pour dresser un tableau de ce que ce monde des années 90 a produit, et ensuite a fragmenté en se diversifiant et en évoluant dans le tissu social à partir du début du 21ème siècle, je cite ces termes, ces mots, ces phrases, que j'ai relevés tout au long des pages de ce livre Gaieté parisienne, de Benoît Duteurtre... Et qui à mon sens, sont tout à fait représentatifs de notre époque :

    Subversion artistique et intellectuelle parrainé par le ministère de la culture...

    ...Idées nouvelles... Vitalité intellectuelle... Débats, saisir les idées dans l'air... Centre d'agitation esthétique... Nouvelles tendances... Liberté de l'esprit... Sujets quotidiens : le dernier match de foot, le prochain concert de jazz rock, les filles... Vastes perspectives, voyages, vêtements de marque... Divertissements spontanés, spectacles de plein air, musique aux carrefours, dans les rues... Musique pour la liberté... Mouvements de la cité, cafés artistiques et des libres-penseurs... Les marges de la vie moderne... Complexe commercial... New wave... show biz, dîners mondains... Soirée privée... Réussite, mérite... Look... Les mouvements du monde... semer un peu de désordre dans la culture... Etre jeune... House music, raves parties, mouvements parallèles... Contrôler les élans naïfs, dépasser le jeu des apparences... Agressivité de chacun envers tous les autres, à l'exception de ceux qui s'inséraient exactement dans votre archétype... S'éclater... Naturel provoquant... Harmonisation, crédit, législation internationale... Organisation du travail, des loisirs, du crédit, de l'amour... Pouvoir médiatique, intelligentsia parisienne... Existence construite autour d'une profondeur... Une meilleure conjugaison des lois du marché, des techniques de pointe, de la politique culturelle et de la protection sociale ; l'alliance du progrès moderne et de la vieille civilisation... Génération postmoderne... Culte érotique, liturgie fin de siècle... Club d'échanges et de réflexion ouvert sur le milieu intellectuel et le monde de l'entreprise...

    … En gros, pour résumer « tout ce qui pourrit le monde » et qui rappelle dans une certaine mesure, le déclin de l'Empire Romain... Mais là, de nos jours, en fait, il s'agit du déclin, de la déliquescence, de la brutalité, de la violence, du non sens et de l'absurdité de notre civilisation dans son ensemble, puisque même la ou les civilisations qui sont sensées s'opposer, notamment par des courants religieux et -ou- révolutionnaires ou idéologiques, sont elles mêmes imprégnées, gagnées par le pourrissement de la civilisation dominante...


     

  • Interventions 2, Michel Houellebecq

    Interventions 2

    Interventions 2, Michel Houellebecq

    4ème de couverture :

    «  Les « réflexions théoriques » m'apparaissent comme un matériau romanesque aussi bon qu'un autre, et meilleur que beaucoup d'autres. Il en est de même des discussions, des entretiens, des débats... Il en est encore plus évidemment de même de la critique littéraire, artistique ou musicale. Tout devrait pouvoir se transformer en un livre unique, que l'on écrirait jusqu'aux approches de la mort ; cela me paraît une manière de vivre raisonnable, heureuse, et peut-être envisageable en pratique ».

    / …

    Dans avant-propos à la page 7:

    «C'est à tort par exemple qu'on s'imagine les êtres humains menant une existence purement matérielle. …/... ils ne cessent de se poser des questions qu'il faut bien -faute d'un meilleur terme- qualifier de philosophiques. J'ai observé ce trait dans toutes les classes de la société, y compris les plus humbles, et jusqu'aux plus élevées. La douleur physique, la maladie même, la faim sont incapables de faire taire totalement cette interrogation existentielle. Le phénomène m'a toujours troublé, et plus encore la méconnaissance qu'on en a ; cela contraste si vivement avec le réalisme cynique qui est de mode, depuis quelques siècles, lorsqu'on souhaite parler de l'humanité. »

    Ce « réalisme cynique » qui est de mode depuis au moins trois siècles déjà, est d'autant plus amplifié à partir de la fin du 20ème siècle, du fait du développement et de la rapidité, de l'instantanéité à vrai dire, de l'information, avec les nouvelles technologies de la communication... Ainsi les médias et les intellectuels s'accordent-ils pour faire passer l'idée selon laquelle « il n'y a plus de réflexion, plus d'interrogation, et surtout, plus (ou de moins en moins) de capacité, de besoin de réflexion, chez la plupart des gens essentiellement et uniquement préoccupés de consommation, de loisir, de gagner de l'argent »... C'est là, en effet, l'idée qui domine dans la société des pays développés, l'idée que tout un chacun retient au fond de lui-même... Ce qui en fait, le désespère parce que lui, en particulier, « se sent capable de réflexion » (mais ne sait pas comment il va pouvoir en parler autour de lui, ni avec qui)...

    Dans approches du désarroi, au 3 ème chapitre, l'on voit comment la publicité a mis en place un Surmoi terrifiant et dur, qui colle à la peau de l'individu et lui répète sans cesse qu'il doit désirer et être désirable, qu'il doit participer à la compétition, à la vie du monde... au risque de ne pas, de ne plus exister s'il ne se soumet pas à la loi du marché, la seule loi possible lui permettant d'exister... Bien sûr, il sait bien, le « citoyen lambda », qu'il ne peut exister qu'au détriment de tous ces autres qui eux, travaillent pour un euro par jour... Mais il pense que c'est une fatalité, que c'est « dans l'ordre des choses »...

    Dans consolation technique, à la page 212, le terme de littérature nombriliste a toujours déplu à Michel Houellebecq, qui trouve que c'est là un cliché facile...

    « Quel serait l'intérêt d'une littérature qui prétendrait parler de l'humanité en excluant toute considération personnelle ? Hein ? Les êtres humains sont bien plus identiques qu'ils ne l'imaginent dans leur prétention comique ; il est bien plus facile qu'on ne l'imagine d'atteindre l'universel en parlant de soi. …/... On mesure la valeur des livres à la capacité d'implication personnelle de leur auteur. »

    … Je partage tout à fait cette réflexion de Michel Houellebecq ; entendant maintes fois autour de moi, surtout de la part des gens qui n'écrivent pas, des propos selon lesquels « il serait suspect, ou nombriliste ou même indécent, d'écrire sur soi, de donner son avis sur ceci/cela, de se mettre en scène (même indirectement) dans un livre que l'on publie, et, à plus forte raison, de tenir un blog, de s'exprimer personnellement sur divers sujets dans des réseaux sociaux du Net »... A les entendre, ces gens « on ne pourrait, on ne devrait donc, plus rien écrire, à moins d'être un écrivain de terroir local et reconnu, qui écrit des livres pour distraire, pour amuser, pour faire rêver, pour émouvoir... »

    Dans sortir du 20 ème siècle, à la page 225 : « Sur le plan scientifique et technique, le 20ème siècle peut être placé au même niveau que le 19 ème siècle. Sur le plan de la littérature et de la pensée, par contre, l'effondrement est presque incroyable, surtout depuis 1945, et le bilan est consternant.../... « 

    Selon Michel Houellebecq, ce serait en partie l'engagement politique qui serait responsable pour une bonne part, du déclin -ou plutôt de la dérive- de la littérature et de la pensée, à partir de 1945 …

    Pour ma part, je ferais une exception avec l'oeuvre d'Albert Camus, et avec les écrits journalistiques de François Mauriac... entre autres œuvres littéraires de la seconde moitié du 20 ème siècle... Et je dis aussi que le déclin de la littérature et de la pensée depuis 1945, viendrait selon moi, en grande partie, plus que de l'engagement politique encore, de la pensée intellectuelle et progressiste de gauche comme de droite surtout après mai 1968... (tout un vernis de convenances, de « pensée unique s'articulant sur l'idée d'une tolérance qui tolère et accepte tout au nom du respect de la différence et de la liberté de chacun et de la reconnaissance des minorités) … D'ailleurs le cinéma, plus encore que la littérature, s'est fait le vecteur de la pensée intellectuelle et progressiste libertaire -mais « libertaire » avec pas mal d'idées reçues et de préjugés, le tout repris par la société de consommation de masse, la publicité, les modes, les tendances...


     

  • Houellebecq non autorisé, suite...

    ... Lors de la rentrée littéraire de 1998, la course au Goncourt est lancée... Les spéculations vont bon train. Pressentant la réussite commerciale des Particules élémentaires, Sorin, de Flammarion, n'aspire qu'à décrocher le prix tant convoité. Il "travaille" les rédactions, alimente les rumeurs. Sauf exception, la presse, très abondante, est plutôt favorable.

    Cependant, le jeudi 5 novembre au matin, dans un entrefilet de Libération, l'on découvre que Les particules élémentaires ont disparu de la liste des goncourables...

    Sans doute faut-il voir là, la conséquence du scandale de l'affaire de "l'espace possible", un camping alternatif de Charente Maritime, présenté par Michel Houellebecq comme un "repaire de babas cool frustrés sexuellement qui, dans les limbes vaguement sectaires d'un new âge plus ou moins fumeux, s'adonnent à la débauche"... (une publicité catastrophique pour ce camping). Yves Donnars, le propriétaire du camping, fou de rage, avait téléphoné à Flammarion pour protester. Et exiger que l'écrivain transpose, c'est à dire trouve un autre lieu, un autre centre de loisirs sous un autre nom différent et pas dans la même région...

    ... Michel Houellebecq, finalement, obtiendra bien le prix Goncourt, en 2010 avec "La carte et le territoire"...

     

    Le Goncourt, c'est un "GONG"... court...

    En effet, ça claquesonne comme une cloche d'église, une sorte de "glas heureux"... et, une heure plus tard, on entend le vent qui chante dans les blés, les chiens aboyer au lointain... et des avions qui passent le mur du son...

    ... Cela dit, le Goncourt, et tous ces autres prix littéraires prestigieux, c'est de la foutaise... À l'exception-peut-être-du Nobel de littérature, qui me semble "crédible" tant pour la qualité , pour l'impact auprès d'un public, de l'ensemble de l'oeuvre littéraire de l'auteur auquel est attribué ce prix ; que pour la notoriété qui accompagne ce prix, une notoriété dont la dimension est autre que celle que lui donnent les médias... Tous ces grands prix littéraires sont une affaire de gros sous, de magouilles, de combines et compagnie, de lutte féroce entre auteurs et surtout entre grands éditeurs...

    ... Quand j'ai lu La carte et le territoire, de Michel Houellebecq, il m'est venu l'idée d'une petite histoire à laquelle j'aurai donné ce titre "la carpe et le péritoine"... Je pensais à une grosse carpe péchée et maintenue en vie au fond d'une lessiveuse et qui, tournant sans cesse, semblait se mordre la queue, et qui le lendemain aurait constitué le plat de résistance d'une fête familiale... Et Pépé serait venu au déjeuner familial, en pompes noires et costard, et, traversant la rue devant la maison, la semelle de sa chaussure gauche aurait foutu le camp. Et Pépé marchait sur le péritoine de sa chaussure, c'est à dire sur la peau du ventre de sa chaussure...

     

    ... Je m'imaginais, tel Michel Houellebecq, ayant passé non pas comme Michel Houellebecq dix ans de ma vie (jusqu'à l'âge de 35 ans) "à manger de la vache entagée" mais trente ou même quarante ans de ma vie (jusqu'à l'âge qui est le mien aujourd'hui)... Avant de connaître enfin le "succès" (reconnaissance, publication chez un grand éditeur, etc. ...) ... Tous ces salons, toute cette médiatisation, tout ce monde de la littérature et des milieux d'artistes, d'intellectuels "branchés", et toute cette "cour" d'adorateurs , toutes ces jeunes femmes chic épaules dénudées jupes fendues depuis la hanche... Enfin, en un mot tout ce monde plus féroce encore que le monde des "gens ordinaires", tellement plus féroce, plus perfide, plus hypocrite, plus perverti, plus enclin aux "coups bas" entre gens de scène et de plateaux, entre auteurs... Ce monde des gens de plateaux télé, de scènes et de salons, bien plus préoccupé des apparences, bourré de fric... Ce monde qui ne pourrait jamais quoiqu'il m'arrive être le mien, devenir le mien... Ce monde qui ne me fait pas rêver et que je sens lointain, inaccueillant, méprisant, condescendant... sauf exceptions...

    Non, je ne me vois guère, par exemple, dans un jerk déjanté sur la piste de danse d'une boîte à la mode, ni dans un club d'échangisme, ni dans un salon tel que celui des Marroniers du temps de la revue Perpendiculaire...

    Mon anarchisme est totalement inclassable, irrécupérable, invendable, incommercialisable, et cependant je n'ai pas une kalachnikov en bandoulière ou tendue et armée à mon bras pour "sulfater" tous ces guignols qui se la pètent devant tout le monde bardés qu'ils sont de plumes au cul de toutes les couleurs !

    Je ne laisserai en crevant, à mon notaire, que la peau de mon trou de bale... et "vingt mille lieues d'écriture et de poésie sur le Net"... qui deviendront avec le temps comme un flocon, un résidu de chrysalide suspendu sur un fil de clôture de pré à vaches, un flocon que le vent détachera et emportera au loin...

    One day I'll fly away...

     

    ... Dans un entretien au magazine LIRE de septembre 1998 (page 233 du livre de Denis Demonpion, Houellebecq non autorisé), Houellebecq confirme :

     

    "Mon admiration naturelle va à la bonté. Je ne mets rien au dessus, ni l'intelligence, ni le talent, rien. Je viens d'épouser Marie-Pierre pour sa bonté"

     

    ... Voici le poème qu'il lui dédie, dans Le sens du combat :

     

    Tu attends ou tu provoques,

    Mais au fond tu attends toujours

    Une espèce d'hommage

    Qui pourra t'être donné ou refusé,

    Et ta seule possibilité en dernière analyse est d'attendre.

    Pour cela, je t'admire énormément.

    [...]

    En même temps tu as cette force terrifiante

    De ceux qui ont le pouvoir de dire oui ou de dire non

    Cette force t'a été donnée

    Beaucoup peuvent te chercher, certains peuvent te trouver

    Ton regard est la clef de différentes possibilités d'existence

    Et de différentes structurations du monde

    Tu es la clef offerte par la vie pour un certain nombre d'ailleurs

    A ton contact, je deviens progressivement meilleur

    Et j'admire, également, ta force. [...]

     

    ... Tout comme Michel Houellebecq, je suis un "inconditionnel" de la bonté... De cette bonté que je place "au dessus de tout", y compris de l'intelligence et du talent...

    L'intelligence et le talent, en vérité, ne sont -et ne peuvent être... et ne doivent être- d'ailleurs, qu'une "vitrine arrangée au mieux et au plus vrai, et sans effets spéciaux", de la bonté... (mais sans même cette "vitrine", la bonté demeure elle-même la vitrine ET, en même temps, "l'intérieur de la boutique et l'arrière boutique")...

     

    ... Cependant, la bonté est aussi... Ce que les êtres forts peuvent "se permettre" d'avoir, c'est à dire "d'avoir conscience qu'ils ont et de manifester ouvertement...

    Lorsque les êtres "bons", sans être forcément faibles, ne sont pas assez forts, ils se font écraser, parce que le monde, autant celui d'hier et à plus forte raison celui d'aujourd'hui, est un monde sans bonté...

    La bonté, quand elle ne surprend pas, elle est suspecte, en ce monde...

    La bonté n'est pas la clef qui ouvre toutes les portes, vraiment toutes... Mais elle est la seule clef possible... Pour autant qu'elle soit de l'acier le mieux trempé... Et experte à travailler les serrures...

     

  • Houellebecq non autorisé, par Denis Demonpion

    Houellebecq non autorise

    Houellebecq non autorisé, enquête sur un phénomène

    Par Denis Demonpion


     

    4ème de couverture

    On l'a traité de tous les noms : fasciste, raciste, eugéniste, antiféministe, réactionnaire, pervers...

    Mais au fond, qui est-il ?

    Intrigué par le personnage emblématique de Michel Houellebecq, devenu avec les Particules élémentaires, l'auteur culte de la fin du deuxième millénaire, Denis Demonpion, journaliste au magazine Le Point, a mené l'enquête.

    À partir de documents et d'une centaine de témoignages inédits, il retrace le « corpus » que Houellebecq s'est évertué à dissimuler pour mieux fabriquer son personnage, cultivant un brouillard sulfureux qui en fait aujourd'hui le symbole de la littérature postmoderne.

    Né le 26 février 1956 à Saint Pierre de la Réunion, Michel Houellebecq fait vraiment son apparition sur la scène littéraire en 1988, alors âgé de 32 ans, découvert par Michel Bulteau, le directeur de la Nouvelle Revue de Paris.

    Poète, Michel Bulteau dirige aux éditions du Rocher, une collection réservée à des écrivains atypiques.

    À l'époque, en 1988, Michel Houellebecq s'appelle encore de son nom d'état civil, Michel Thomas. Rendez-vous est pris, au siège de la librairie Plon, rue Garancière à Paris dans le 6ème, avec Michel Bulteau... Michel Thomas se présente négligé, mal à l'aise, avec quelque chose de gluant et de moite dans l'apparence, il fait une impression assez repoussante à l'accueil, on l'introduit auprès de Michel Bulteau, qui dit « il s'est présenté comme un marginal. Il parlait très peu. Il avait l'air de sortir de nulle part, d'un univers fracturé, indéfinissable. C'est ce qui m'a plu. Je recevais tout le monde, tous les marginaux de la terre. Je ne lui ai pas demandé son âge, ni s'il avait un emploi. Il m'a parlé musique, de qui au juste, je ne sais plus. Le fait qu'il ne connaissait pas grand chose en littérature m'a frappé. Il avait peu lu. Ses poèmes m'ont laissé sceptique. Je lui ai demandé un temps de réflexion. Avant de prendre congé, il insiste pour que, au cas où ses textes seraient publiés, ce soit sous le nom de Michel Houellebecq, le nom de sa grand mère, la seule personne qui soit un peu digne dans sa famille m'a-t-il dit. Et il s'en va, traînant derrière lui un ennui languide. »

    Jusqu'en 1988, son « parcours de vie » est assez chaotique...

    Lycéen à Meaux, il obtient son bac sans mention, suit les classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Chaptal à Paris, puis en 1975 il entre à l'institut national agronomique Paris Grignon, dont il sort en 1978, avec le diplôme d'ingénieur agronome.

    Lorsqu'en été 1978 il arrive sur le marché de l'emploi, en dépit de son diplôme d'ingénieur agronome, de deux années de prépa et de trois autres années à l'INA, l'expérience lui faisant défaut comme en atteste dans son dossier la grille réservée aux fonctions préalablement occupées, personne n'attend et ne prend à l'essai Michel Thomas, illustre inconnu. Il se retrouve au chômage...

    En juin 1979, il est reçu à l'école de cinéma Vaugirard Louis Lumière pour un cursus de deux ans. Il en sort en 1981.

    En 1983 il débute une carrière en informatique chez Unilog, puis est contractuel à la direction informatique du ministère de l'agriculture où il reste trois ans...

    Enfin il postule pour un emploi à l'assemblée nationale, réussit en 1990 le concours externe d'adjoint administratif au service informatique ; un revenu régulier lui étant désormais assuré.

    Dans « les années d'apprentissage » voici ce que l'on peut lire :

    « Dans son studio de la rue Malar, il n'y a ni bibliothèque, ni rayonnages. Malgré son inaptitude pour le bricolage, Michel souhaite installer des étagères. Il achète une perçeuse ultra sophistiquée qu'il refourgue, sans avoir réussi à l'utiliser, à son camarade de promo Pierre Lamalattie...

    A 19 ans, peu d'illusions sur le genre humain et pas de besoins. Il peut vivre avec 500 francs par mois. Habitué à une nourriture spartiate, il ne fait jamais la cuisine. Son ordinaire se compose principalement de pain sec, de tartines de moutarde, de boîtes de conserve et d'un verre ou deux de whisky... »

    … Et dans « la métamorphose » à la page 144, sa mère qui lui rappelle que, quand il était rue Malar, il avait voulu faire du ciment et que l'ayant jeté aux chiottes, il les avait bouchées. Ça avait déclenché les pompiers, l'échelle, la compagnie d'assurances. « Eh bien, tu vois, Michel, tu prends le type le plus con du monde, tu lui montres comment faire du ciment, une connerie comme celle-là, il ne la fait pas. Donc le con, c'est toi. »

    ...Et cet autre passage, dans « la métamorphose », au sujet de la revue « Perpendiculaire » qui tient salon le 18 du mois, au premier étage du café Les Marronniers » au 18 rue des Archives ; un « lieu branché » où se réunissent des intellectuels et des artistes de la « gauche bobo » du temps de Lionel Jospin, fin des années 90 :

    « Dans une ambiance chauffée de conservatoire, les intervenants, tels de jeunes pousses postulant à l'accessit, lisent ou déclament.../... Jouannais, Duchatelet et les autres s'élancent dans un jerk dorsal collectif, une danse mise au point au lycée. On discute, on babille, on s'esclaffe, devant un verre de tequila ou de pouilly-fuissé.../... Un public d'amateurs, élargi bientôt à des personnalités de l'édition -auteurs, directeurs de collection- et des médias, se presse autour de tables de huit ou neuf. Untel, coiffé d'une casquette bombée, s'est fait une tête de gavroche, tel autre, la barbe de trois jours,la chemise ouverte, s'offre des allures de poète maudit. Un jeune homme efflanqué cache son regard derrière des lunettes noires. On croise de nouveaux visages. Les filles sont jolies, désirables, les épaules nues. »

    Selon Claude Tarrène, directeur commercial des éditions Le Dilettante, très assidu aux rendez-vous des Perpendiculaires, Michel Houellebecq n'y est venu que cinq fois... Assis à la table de Sorin, son éditeur, il se montrait discret, mutique, évasif...

    Mon avis :

    Ce livre nous parle d'un homme, d'un homme à « prendre tel qu'il est » … Comme écrivait Shakespeare : He was a man, take him for all in all.

    Ce livre intéresse autant les « anti » que les « pro » Houellebecq...

    Pour ma part, je dirais que, du temps de Coluche avant 1986, le monde était ce qu'il était mais il y avait Coluche...

    Du temps de Michel Houellebecq, le monde est toujours ce qu'il est-en pire par certains côtés on va dire- mais il y a Michel Houellebecq...

    … Mais je préférais la version « Coluchéenne » du monde... Tout en me disant qu'il y a Michel Houellebecq, cet écrivain qui surprend, dans un paysage littéraire d'aujourd'hui qui fige plus qu'il n'active les regards...

    L'humour autant dans le propos que dans l'agissement, c'est « moins aléatoire » que la littérature, même si dans la littérature il y a de l'humour...


     

  • Fille de la colère, le roman de Louise Michel, par Michel Peyramaure

    Louise michel

    L'auteur

    Michel Peyramaure est né à Brive en 1922. Il est l'auteur des biographies de Henri IV, Cléopâtre, Suzanne Valadon et Sarah Bernhardt…

    Il a reçu en 1979 le Grand Prix de la Société des gens de lettres pour l'ensemble de son œuvre.

    Résumé du livre

    Enfant, elle jouait à guillotiner le marquis de Carabas en chantant La Carmagnole. Fille de la servante-maîtresse d'un obscur châtelain de Haute Marne, Louise Michel grandit auprès de ce vieil homme lettré et voltairien. Adolescente, elle adresse des poèmes enflammés à Victor Hugo en exil. Institutrice à Montmartre, elle s'insurge devant la misère du peuple opprimé par le Second Empire. Elle écrit, milite, lutte. Durant la commune de Paris, elle est au premier rang des barricades. On la condamne et la déporte en Nouvelle Calédonie.

    Cette femme d'une laideur rayonnante s'attache des hommes qui ne l'abandonneront jamais : Clémenceau, Vallès, Rochefort. Sa guerre pour la liberté ne cessera qu'à son dernier souffle. La colère de cette « vierge rouge » a inspiré à Michel Peyramaure l'une de ses plus belles biographies romancées.

    Ce que je dis de ce livre

    Ce livre m'a littéralement bouleversé et cela d'autant plus de l'avoir lu en ces jours de 2015, ces jours que nous vivons depuis le mois de janvier, dans une époque qui par certains côtés les plus noirs, les plus effrayants, s'apparente à cette époque à laquelle vécut Louise Michel de 1860 à 1905 (elle était née en 1830 et mourut le 9 janvier 1905)…

    Ce monde de 2015, de celui à vrai dire qui a commencé à la fin du 20 ème siècle ; et le monde de 1860 à 1905, sont tous les deux comme deux paysages en même temps aussi différents et semblables qui se superposeraient l'un sur l'autre…

    Le monde du transport rapide en avion et en train grande vitesse, le monde de la télévision, de la téléphonie mobile et de l'internet d'une part… Et le monde des déplacements en fiacre, voitures à cheval, trains et paquebots à voile ou à vapeur ; sans TSF, sans téléphonie mobile et sans internet mais avec de nombreux journaux ou « feuilles locales » toutes tendances politique et autres confondues, d'autre part…

    Mais deux mondes aussi noirs, aussi effrayants, aussi contrastés entre l'obscurité la plus profonde et la lumière la plus éclairante, l'un et l'autre…

    La « vierge rouge » … C'est bien le terme qui convient à cette grande figure de la Commune -et de son temps- que fut Louise Michel. Non pas (cela personne ne le sait et ne le saura jamais) qu'elle fut réellement vierge ou non… Mais dans ce terme de « vierge rouge » j'y vois une violence, une intégrité surtout, une insubordination, une insolence, un mépris des apparences, une détermination à agir, une pureté de pensée, un rejet absolu de toute compromission… Et en même temps, indissociables, une bonté, un humanisme et une mansuétude hors du commun qu'elle a montrés dans certaines situations personnelles difficiles voire périlleuses de sa vie… Où elle fut attaquée, menacée de mort…

    Son intégrité était telle, qu'elle est allée jusqu'à lui faire refuser toute grâce, toute amnistie dont elle aurait pu bénéficier (grâce notamment à Georges Clémenceau) si ses compagnons de misère et de révolte eux aussi emprisonnés ou déportés ou même condamnés à mort, n'étaient pas eux aussi amnistiés et libérés en même temps qu'elle…

    Et lors d'une sortie au Bois (de Boulogne) en fiacre avec Victor Hugo âgé, elle s'est refusée aux « avances » du Grand Vieillard  encore bien vert, est descendue du fiacre pour retourner à pied chez elle…

    Bon, sur le plan « purement littéraire » on peut dire (Fayard d'ailleurs ainsi que d'autres éditeurs le lui avaient dit) qu'elle avait une écriture difficilement lisible, sans ponctuation, sans majuscules, sans orthographe… Mais elle a tout de même laissé à la postérité, des œuvres écrites, notamment « je vous écris de ma nuit », ses mémoires, ses correspondances…

    Je cite ces lignes, page 293 de l'édition de poche Pocket :

    « Aujourd'hui, être révolutionnaire ne signifie pas grand-chose. Même le gouvernement de Mac Mahon pourrait y prétendre. Une révolution c'est quoi : un ouragan qui chasse un pouvoir pour en mettre un autre à sa place. Il est meilleur, souvent pire lorsqu'il fait preuve d'une mansuétude apte à décourager les plus âpres de ses partisans, à leur rogner les griffes. J'ai un mot pour exprimer ce que je ressens : Ah que la République était belle sous l'Empire… Je veux dire par là… qu'on se bat avec plus de conviction contre une tyrannie sévère que contre une démocratie mollassonne.

    Le capitaine Launay du Virginie, le bateau qui amenait Louise Michel en exil en Nouvelle Calédonie disait à propos de l'anarchie, du mouvement anarchiste et libertaire vers lequel se tournait Louise Michel :

    L'anarchie est une tentation redoutable. Je l'approuve quand elle dénonce le pouvoir absolu que certains hommes exercent sur d'autres, et quand elle fait souffler sur le monde un vent de liberté, mais là est le danger. L'humanité n'est pas mûre pour l'anarchie, et je crains qu'elle ne le soit jamais. »

  • Chateaubriand ou rien

    Chateaubriand

          François René de Chateaubriand est à la littérature ce que Jean Sébastien Bach est à la musique.

    Né le 4 septembre 1768 à Saint Malo, mort le 4 juillet 1848.

    "Je me suis rencontré entre deux siècles, comme au confluent de deux fleuves ; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue" (Mémoires d'Outre Tombe).

    Il me semblait "inconcevable" de passer ma vie entière sans avoir lu François René de Chateaubriand.

    Un poète, un historien, un romancier, un témoin de son temps... En un mot un génie ! On peut faire nouveau, on peut faire différent... Et cela a été du temps de ce génie de la littérature que fut François René de Chateaubriand... Et cela a été du temps de tout le 20ème siècle... Et cela est du temps d'aujourd'hui y compris avec Michel Houellebecq... Il n'en demeure pas moins qu'il s'avère difficile de "faire encore mieux" !

    ... "Etre Chateaubriand ou rien" au début du 21ème siècle, c'est être le premier et le plus immense à innover, en tant qu'écrivain, poète et témoin de son temps, et cela même dans un présent, dans une actualité et dans une réalité reliés au passé tout entier et à l'avenir tout entier... C'est à dire être l'égal de Chateaubriand mais autre...

    Ce passage, dans "Mémoires d'Outre Tombe" tome 1 :

    "Durant quatre mortelles lieues, nous n'aperçûmes que des bruyères guirlandées de bois, des friches à peine écrêtées, des semailles de blé noir, court et pauvre, et d'indigentes avénières. Des charbonniers conduisant des files de petits chevaux à crinière pendante et mêlée ; des paysans à sayons de peau de bique, à cheveux longs, pressaient des boeufs maigres avec des cris aigus et marchaient à la queue d'une lourde charrue, comme des faunes labourant. Enfin nous découvrîmes une vallée au fond de laquelle s'élevait, non loin de l'étang, la flèche de l'église d'une bourgade ; les tours d'un château féodal montaient dans les arbres d'une futaie éclairée par le soleil couchant."

    ...Un homme qui ne portait point en son coeur les agitations révolutionnaires, un croyant auteur du Génie du Christianisme...

    Mais un homme dont la dimension de son oeuvre d'écriture touche le coeur et l'esprit du libre penseur que je suis...

    Dans cette dimension là, autant littéraire qu'humaine, politique et religion se confondent en une ligne de nuages de toutes nuances de blanc, de gris et de noir, une ligne d'horizon vue d'avion à douze mille mètres d'altitude.

  • Paroles d'écrivains après le 7 janvier 2015

         Voici tout d'abord ce qu'a dit Michel Houellebecq dans un entretien publié par le quotidien italien Corriere della Sera, entretien dans lequel l'écrivain s'est revendiqué "irresponsable" comme l'hebdomadaire satirique.

    "Rien ne sera plus comme avant", a estimé Michel Houellebecq après les attentats commis contre Charlie Hebdo le 7 janvier, et contre une épicerie casher le 9 janvier...

    "Et si l'immense vague de soutien protège pour l'instant les trublions, ensuite je ne sais pas. Malgré la mobilisation historique, la situation ne va pas changer sur le fond. Nous allons redescendre sur terre. Oui j'ai peur, même si c'est difficile de se rendre compte de la situation. Cabu par exemple n'était pas conscient du risque. En lui se mêlaient l'esprit soixante-huitard et une vieille tradition de bouffe-curé. Il n'avait pas saisi que la question est aujourd'hui d'une autre nature. Nous sommes habitués à un certain niveau de liberté d'expression, et nous n'acceptons pas que les choses aient changées. Moi aussi je suis un peu comme ça, inconsciemment. Mais l'idée de la menace revient de temps en temps"...

    L'écrivain précise que son rôle n'est pas d'aider à la cohésion sociale, et qu'il n'est pas instrumentalisable.

    ... On a tout à fait le droit de ne pas aimer Michel Houellebecq. On a donc le droit d'exprimer à sa manière pour quelle(s) raison(s) on n'aime pas Michel Houellebecq.

    Je dis que je me "retrouve" dans le style, dans le ton, dans la "vision" de Michel Houellebecq, et qu'il est l'un de mes écrivains préférés de ce début de troisième millénaire. Mais Houellebecq n'est pas une religion.

    La différence, l'une des différences qu'il y a entre Michel Houellebecq et moi, c'est que, pour Michel Houellebecq, l'espérance en un monde meilleur est très mince ; alors que pour moi, cette espérance aussi mince soit-elle, s'apparente à une lueur, une lueur pouvant devenir clarté et qui parvient à sécher les larmes.

    ... Voici ce que dit Christine Angot dans "Le monde des livres" de vendredi 16 janvier à propos de Michel Houellebecq :

    "C'est pas le moment de chroniquer Houellebecq"...

    Quand on m'a proposé, fin décembre, d'écrire sur Houellebecq, je n'ai pas voulu. Je n'avais pas envie de m'intéresser à lui, il ne s'intéresse pas au réel, qui est caché, invisible, enfoui, mais à la réalité visible, qu'il interprète, en fonction de sa mélancolie et en faisant appel à nos pulsions morbides, et ça je n'aime pas. .../...

    .../... Houellebecq, lui, à partir du moment où il arrive à définir des types sociaux qu'il réduit à leur physique et à leur discours, ça lui suffit, il les promène dans son dispositif comme des Playmobil, et c'est tout, le bon vieil épicier tunisien de quartier (dans Soumission, son dernier livre).../...

    .../... Dans ses livres, on est tous réduits à ça, à des choses. Ou à des animaux. A de la statistique sociologique. Mais on n'est pas obligé de s'y soumettre. On peut ne pas croire à cette religion là. Un grand écrivain, après s'être aperçu que l'observation ne l'amenait que là, se dit qu'il va tout abandonner parce que c'est trop compliqué. Ensuite il se relève. Il se demande ce qu'il y a derrière. Ce qu'il y a derrière la réalité visible c'est le réel. Et le réel c'est nous. Mais c'est le nous qu'on ne voit pas. Qui ne se trouve ni dans le miroir, ni sur l'écran, ni sur les réseaux sociaux et pourtant c'est nous.../...

    .../... Houellebecq ne fait pas de différences fondamentales entre chien et humain, animalité et humanité, regard morne de l'animal et regard de souffrance de l'humain. L'humain n'a rien de spécial. Les droits de l'homme pourraient être les droits du chien. Tout cela, selon un raisonnement qui se présente comme imparable, calme, et surtout : intelligent. Mais d'une intelligence qui se trouverait au dessus de l'intelligence. "

    ... L'on a dit, de Christine Angot, de ses romans... "Qu'elle écrit comme un pied". C'est ce que j'ai moi même pensé lorsque j'ai essayé de lire d'elle, l'un de ses livres... Parce que "je ne m'y retrouvais pas" dans son style, dans sa manière d'écrire... Mais quand je dis "je ne m'y retrouve pas", en fait je veux dire que le style, que l'écriture de Christine Angot dans le roman dont j'ai lu quelques pages, me déroutait...

    "Elle écrit comme un pied"... Soit... Et alors ?

    ... De François Morel, dont le dernier ouvrage paru est "Meuh !" (Les belles lettres/Archambaud, 2014) :

    .../... "Il y a le rire. Le rire pour ne pas mourir. Le rire pour ne pas baisser les bras. Le rire pour se battre contre l'obscurantisme, la bigoterie, la connerie. Le rire pour défendre joyeusement ces notions qu'on ne doit jamais perdre de vue et qui sont sur les frontons de nos bâtiments officiels et insolemment mises en avant chaque semaine par les dessinateurs et les rédacteurs de Charlie Hebdo : Liberté, Egalité, Fraternité."

    ... "Ce que phobie veut dire", par Olivier Rolin, dont le dernier ouvrage paru est "Le Météorologue" (Seuil, 2014) :

    .../... "Islamophobie.../... Un peu de philologie élémentaire est peut-être utile. Phobos, en grec, veut dire crainte, pas haine (misos). Si ce mot a un sens, ce n'est donc pas celui de haine des musulmans, qui serait déplorable en effet, mais celui de crainte de l'Islam. Alors, ce serait une grande faute d'avoir peur de l'Islam? .../...

    .../... J'aimerais qu'on me dise où, dans quel pays, l'islam établi respecte les libertés d'opinion, d'expression, de croyance, où il admet qu'une femme est l'égale d'un homme".

    ... La haine, cependant, cette haine que les intégristes les plus radicaux de toutes les religions voudraient bien que nous, croyants "modérés" ou non croyants, on ait à l'égard des minorités "dérangeantes" sinon même à l'égard de l'ensemble des adeptes d'une religion en particulier ; cette haine est bien là, présente, partout dans le monde là où manifestent dans la violence les intégristes radicaux avec les foules galvanisées qu'ils entraînent (foules soit dit en passant, qui dans leur ensemble sont pour l'essentiel composées de gens se prétendant ou se croyant "modérés"). Que faut-il attendre de tout cela ? Faut-il que nos caricaturistes, faut-il que nos trublions se taisent et renoncent à la liberté qu'ils prennent? Au rire qu'ils ont et qu'ils veulent partager avec ceux qui, avec eux, rient aussi ?

    ... "Peser ses mots", par Jacuta Alicavazovic, dont le dernier ouvrage paru est "La Blonde et le Bunker" (L'Olivier, 2012) :

    .../... "Il me paraît crucial que l'écrit puisse demeurer cet endroit où l'on a toute latitude de peser ses mots. Où chacun est libre de se poser la question de l'utilité collective de son expression personnelle".

    ... Il y a à mon sens, dans la perspective d'une utilité collective de son expression personnelle, dans le contenu même de la question de l'utilité collective de son expression personnelle... Ce qui, tout ce qui, exprimé de telle ou de telle façon, nous touche et nous relie tous, aussi seuls, aussi singuliers, aussi engagés, aussi silencieux ou non, que l'on soit...

  • La possibilité d'une île, de Michel Houellebecq

    La possibilite d une ile

    Un roman d'anticipation qui met en scène le personnage principal, Daniel, chargé d'écrire un « récit de vie » qui fournira l'essentiel -et le détail- de ce qui alimentera la mémoire des clones qui vont lui succéder...

    C'est l'effondrement, précédé de la déliquescence d'une civilisation, que constate Michel Houellebecq, avec le culte de l'argent roi, l'individualisme forcené et l'irresponsabilité.

    La jeunesse, les apparences dans ce qu'elles représentent de plus séduisant pour le plus grand nombre de gens, font des « vieux » des personnages délaissés et exclus, du fait de la dégradation de leur corps...

    Toutefois, par la dimension d'une quête mystique (peut-être dégagée des idéologies et des religions, autant que des systèmes de pensée, de morale et de philosophie) l'auteur nous fait entrevoir une infime espérance  : un monde restreint certes, mais dans lequel l'amour est possible. (la « possibilité d'une île)...

    Pour ma part, je dirais plutôt l'impossibilité d'une non-île … Ce qui me semble « plus réaliste » et par là même, « plus optimiste »...

    Page 420, ce passage :

    « Rien ne subsistait aujourd'hui de ces productions littéraires et artistiques dont l'humanité avait été si fière ; les thèmes qui leur avaient donné naissance avaient perdu toute pertinence, leur pouvoir d'émotion s'était évaporé. Rien ne subsistait non plus de ces systèmes philosophiques ou théologiques pour lesquels les hommes s'étaient battus, étaient morts parfois, avaient tué plus souvent encore ; tout cela n'éveillait plus chez un néo-humain le moindre écho, nous n'y voyions plus que les divagations arbitraires d'esprits limités, confus, incapables de produire le moindre concept précis ou simplement utilisable. »

    Le 7 janvier 2015, jour de l'attentat sanglant contre Charlie Hebdo, paraît le sixième roman de Michel Houellebecq « Soumission » https://fr.news.yahoo.com/après-buzz-polémique-soumission-arrive-librairie-061219181.html

    Soumission

    Si j'avais eu moi-même l'idée d'un roman ou d'un récit, ou plutôt d'une nouvelle sur exactement le même thème, dans la même « politique fiction » j'aurais dépeint une France de 2022, dominée par un Parti Musulman « un peu plus engagé dans l'Islam » que « Fraternité Musulmane »... et donc, « un peu moins modéré » on va dire... Mais je ne me serais guère étendu, cependant, sur la « radicalité » de la doctrine, sur l' « engagement » par lui-même, des croyants dans les aspects, dans le détail de leurs pratiques, de leur mode de vie... Je me serais attaché plutôt à donner à mon récit, une forme ironique, j'aurais décrit ces galeries marchandes des grandes surfaces de consommation de masse , désormais sans boutiques de « fringues féminines », sans boutiques d'Yves Rocher … Mais peut-être avec cependant quelques boutiques de « petits dessous » et de « lingeries fines » aux vitrines recouvertes de l'intérieur par des tissus épais et opaques, afin que seuls, les maris accompagnés de leurs femmes entièrement voilées, aient envie d'entrer dans ces boutiques surmontées d'enseignes discrètes... Et ces cantines scolaires, ces restaurants, sans porc évidemment, mais où le moindre poireau, le moindre nugget de poulet, serait halal...

    Du fait qu'il y aurait à mon avis, au moins autant de chômage en 2022 qu'en 2015, l'arrivée de ce Parti Musulman au pouvoir, aurait contribué à augmenter le chômage, du fait de l'arrêt de l'industrie d'élevage du porc et de la mise hors service d'un certain nombre d'abattoirs... A moins que les éleveurs et les industriels ne se soient reconvertis dans le mouton, l'agneau, le bœuf, l'âne, la chèvre...

    Cinq ans plus tard en 2027, imaginerais-je, c'est le Parti Végétarien qui prendrait le pouvoir, avec cette fois, pour hôte de l'Elysée... Aymeric Caron. Et de nouveau, l'on reverrait les gambettes des femmes, et les foulards auraient raccourci, seraient devenus de jolies écharpes fines chiquement nouées autour du cou...

  • Ravage, de René Barjavel

    Ravage

                             Livre publié en 1943

          René Barjavel est un écrivain, journaliste Français, né le 24 janvier 1911 à Nyons (Drôme) et décédé le 24 novembre 1985 à Paris.

    Il est l'auteur de quelques romans d'anticipation, science-fiction et fantastique, dont l'un des plus connus, outre RAVAGE, publié en 1943 ; est LA NUIT DES TEMPS, publié en 1968.

    Dans RAVAGE, nous sommes en l'an 2052, une panne énergétique brutale, généralisée à toute la planète, survient dans une société robotisée où l'Homme est devenu dépendant d'une technologie qui le libère de tout effort physique, et surtout, répond à tous ses besoins.

    De la cage d'un escalier de grand immeuble de cent étages en passant par des voitures bloquées sur l'autoroute et par des avions qui chutent et s'écrasent au sol, les situations décrites sont variées, et cela dans un contexte d'extrême violence.

    L'auteur laisse le lecteur interpréter ou imaginer à sa manière, la ou les causes de cette gigantesque panne énergétique. A priori, il semble que cette panne soit liée au déclenchement d'une guerre menée par un dictateur d'Amérique du Sud contre les états du nord de l'Amérique, sinon du reste du monde.

    Mon interprétation serait la suivante :

    Le monde civilisé et technologique de l'époque, constitué d'une part de toutes les nations et pays de populations d'origine européenne ayant dominé le monde du 16ème au 20 ème siècle ; et d'autre part des pays d'Amérique de populations d'origine Africaine ayant subi la domination des européens jusqu'au 20 ème siècle ; ce monde de 2052 donc, voit surgir en Amérique du Sud, à Rio de Janeiro, un dictateur très puissant à la tête d'une population qui le suit, très avancée technologiquement, et qui s'est préparée durant 20 ans à une guerre de revanche contre ces états du Nord, en fait contre les autres nations de la planète aux populations d'origine européenne... Les armes utilisées sont terrifiantes, le plan d'invasion et d'occupation des territoires « nettoyés » est gigantesque, de telle sorte qu'il n'y a aucun moyen, aucune possibilité de se défendre, de résister, pour les états du nord de l'Amérique et du reste du monde...

    C'est alors que survient, à la veille de l'invasion et que des dizaines de milliers de « torpilles » et d'avions de combat, fondent vers les territoires visés ; une gigantesque panne énergétique. Tout s'arrête puisque tout fonctionne à l'électricité.

    En fait je pense pour ma part que cette panne énergétique est provoquée, intentionnelle, et vue comme étant le seul moyen, par le monde menacé, de stopper net l'invasion, l'arrivée des torpilles, des armées du dictateur Sud Américain... Au risque bien sûr, de dysfonctionnements catastrophiques causés par la panne d'électricité, et donc, d'un grand nombre de victimes. Ainsi, au prix d'un mal « un peu moins pire », y aura-t-il des survivants en assez grand nombre pour faire repartir par la suite, la civilisation...

    ... Il est intéressant de voir comment, avant l'électronique, avant les nanotechnologies, avant internet, avant tout ce qui fait notre monde technologique d'aujourd'hui (et qui fonde pour ainsi dire, à la base, tout l'imaginaire des temps futurs, la science -fiction actuelle -dans la mesure cependant où ce qui est imaginé demeure relativement crédible-) ... Les auteurs, écrivains, romanciers de science-fiction pouvaient imaginer, décrire le monde de demain, en 1943, en 1925 ou encore même, au 18 ème siècle !

    ... Je précise -car je tiens à le souligner- ce qui pour moi, me paraît le plus important, en matière de romans ou de récits de science-fiction :

    "Il faut que cela reste relativement crédible"... C'est à dire que le récit, ce qui est imaginé, décrit, doit nécessairement s'appuyer sur des éléments scientifiques, même si les technologies évoquées sont encore du domaine de l'utopie, autrement dit encore incréées...

    Parce que... lorsqu'intervient trop de fantastique (en vérité de la "sorcellerie" ou de la "diablerie") c'est à dire du "totalement non crédible", là, pour moi "ce n'est plus sérieux", "j'arrive pas à m'y faire", par exemple lorsque les auteurs évoquent des êtres s'apparentant plutôt à des démons dotés de pouvoirs surnaturels plutôt qu'à des êtres "différents" de par leur seule nature en fonction de l'environnement dans lequel évoluent ces êtres...

    C'est la raison pour laquelle je ne lis que fort peu voire même pas du tout, des livres de genre "fantastique" ou "fantasy" ... Ayant depuis mon enfance un esprit formé à ce qui est d'essence scientifique, réaliste, et en même temps si possible poétique ou invitant à une réflexion non manichéenne (d'opposition à mon sens banale et éternelle entre le Bien et le Mal)...

  • 20 livres

         Jeudi 11 décembre 2014 sur France 5, le sujet de l'émission La grande librairie, portait sur les 20 livres qui, outre le fait qu'ils soient lus partout dans le monde, sont aussi ceux qui ont le plus marqué les lecteurs, ont un jour changé -dans une certaine mesure- la vie des lecteurs...

    Ces livres sont, du 20 ème jusqu'au 1er :

    Les misérables de Victor Hugo

    Madame Bovary de Gustave Flaubert

    Le journal d'Anne Frank

    Le parfum de Patrick Süskind

    Le seigneur des anneaux, de Tolkien

    Crime et châtiment, de Dostoievsky

    Le monde selon Garp de John Irving

    1984 de George Orwell

    La peste d'Albert Camus

    Harry Potter de JK Rowling

    Les fleurs du mal de Baudelaire

    100 ans de solitude, de Gabriel Garcia Marquez

    Belle du seigneur, de Albert Cohen

    L'alchimiste, de Paulo Coelho

    Le Grand Meaulnes d'Alain Fournier

    A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust

    L'écume des jours, de Boris Vian

    Voyage au bout de la nuit, de Louis Ferdinand Céline

    L'étranger d'Albert Camus

    Le petit prince d'Antoine de Saint Exupéry

    ... De tous ces livres, les seuls que je n'ai point lus et dont je ne connais pas les auteurs sont :

    L'alchimiste de Paulo Coelho

    Belle du seigneur d'Albert Cohen

    100 ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez

    Harry Potter, de JK Rowling

    Le parfum, de Patrick Suskind

    Soit 5 livres sur les 20.

    Une première remarque à mon sens s'impose :

    De tous ces livres, dix ont été écrits par des auteurs de langue française

    Et tous ces livres me semblent assez représentatifs de "l'humain lambda moyen" sur cette planète, toutes cultures confondues... Je veux dire par "humain lambda moyen", l'humain ordinaire, qui durant sa vie lit des livres et qui a donc reçu au moins une éducation de base de niveau école primaire, collège, lycée...

    La conclusion que j'en tire est la suivante :

    Les auteurs de langue française tiennent une place importante dans la littérature mondiale toutes cultures et civilisations confondues...

    Et la "médiocrité culturelle ambiante et généralisée", c'est plus ce que l'on a tendance à croire, que la réalité.

    Il y a donc lieu de ne pas désespérer... de l'humain !

    ... Cette enquête a été menée en fait, non pas sur TOUS les ouvrages publiés (donc y compris les livres de religion, gros catalogues, ouvrages techniques et scientifiques, livres de documentations genre "beaux livres avec photos images") mais uniquement sur les romans, les essais, la poésie...

    La Bible, par exemple, demeure encore en réalité, le livre le plus lu et traduit dans le monde... quoique depuis peu, il soit "talonné de près" voire légèrement distancé par... le catalogue IKEA !

    Selon de nombreux témoignages recueillis et après une longue enquête, et avec à l'appui les statistiques concernant le nombre d'exemplaires vendus dans le monde jusqu'à une date précise, et à la fois le nombre de langues dans lesquelles l'ouvrage a été traduit... Ce sont bien ces 20 livres là...

    Tous les témoignages recueillis portaient sur la manière dont le livre avait influencé ou orienté la vie du lecteur...

    Et c'est bien Le petit prince de Saint Exupéry qui est encore actuellement, le livre à la fois le plus traduit dans le monde, et le livre le plus lu...

    Personnellement, en tant "qu'explorateur extraterrestre", c'est le livre (Le petit prince de St Exupéry) que je choisirais pour parler, aux autres civilisations du cosmos, de ce que lisent les Humains de la planète Terre... Même si je devais, par souci de réalisme et de lucidité, parler "d'autres choses" que font les Humains...

    ... "S'il vous plaît, ne les anéantissez pas, ne les réduisez pas en esclavage... Ils prennent déjà le risque de se détruire eux-mêmes, ils se battent déjà entre eux, ils pratiquent déjà l'esclavage entre eux... Mais ils lisent Le Petit Prince de Saint Exupéry !"

  • Le suicide français, d'Eric Zemmour

    ... Il y a dans le livre d'Eric Zemmour "Le suicide français" un point tout à fait contestable : le point sur lequel Philippe Pétain et le Gouvernement de Vichy "aurait sauvé les Juifs français", au dire d'Eric Zemmour, en sept pages de son livre...

    Il y avait en 1940 en France, 340 000 juifs dont 150 000 juifs étrangers. Jusqu'au milieu de 1942, en fait jusqu'au 8 novembre 1942 date à laquelle les Allemands ont envahi la zone "libre" (L'Etat Français capitale Vichy), les Juifs français n'ont pas (de juin 1940 à novembre 1942) été immédiatement inquiétés, ce qui rend "en partie vrai" ce que dit Eric Zemmour dans son livre, à savoir que la stratégie de Pétain et de Laval consistait à négocier la "non livraison" des ressortissants français juifs, et à ne livrer que les "juifs apatrides".

    En fait, dans la réalité vraie, ou si l'on veut, dans la vérité historique, en zone occupée (entièrement administrée et dominée par les Allemands), les juifs, tous les juifs, qu'ils soient français ou apatrides ou étrangers, et cela depuis juin 1940, pouvaient être interpellés, arrêtés, déportés, spoliés "en toute légalité" sous les yeux des autorités françaises ou du moins de ce qui demeurait encore des autorités françaises soumises à l'occupation allemande. Cependant, les juifs français en zone "libre" jusqu'en 1942, ont pu survivre, "déchus de leurs droits de citoyen" (éliminés de la fonction publique notamment) faut-il préciser... Pour prendre un exemple bien particulier, le compagnon de ma mère Roger Darmon né à Berrouaghia en Algérie à l'époque département français, était instituteur et d'origine Israélite alors âgé de 22ans (il est né en 1919). Il fut radié de la fonction publique par le gouvernement de Vichy, ce qui l'a conduit à s'engager dans l'armée et ensuite à combattre avec les forces alliées à partir de 1942 lorsque les alliés ont débarqué en Afrique du Nord.

    ... Des juifs français auraient-ils fait partie de la rafle du Vel d'Hiv du 16 juillet 1942 ?

    Ce qu'il y a de sûr à ce sujet, c'est que Théo Dannecker, le représentant d'Eichmann en zone occupée, avait prévu que 40% des 22000 juifs adultes à Paris seraient des juifs français... Mais il semblerait que des négociations auraient eu lieu et que finalement, il y n'y aurait eu que peu de juifs français au Vel d'Hiv...

    De 1942 à l'automne 1944, 76000 juifs vivant sur le sol de France ont été déportés, dont 25000 juifs français (vérité des chiffres).

    En fait, dans "cette triste et dramatique affaire" des juifs en France durant la période du gouvernement de Vichy, c'est la population française qui a été en partie, responsable du sauvetage de juifs... et non pas le régime de Pétain !

    Jean Marie Le Pen en 2014 a récemment déclaré que le régime de Vichy est « excusable » ...

    Faudrait-il donc, réhabiliter un Pierre Laval ?

    En revanche, Florian Philippot, vice président du Front National, déclare "qu'il n'y a rien à sauver du régime de Vichy, que Vichy n'était pas la France puisque la France était à Londres, et ce sont les résistants qui ont sauvé les juifs". Et Florian Philippot conteste  Eric Zemmour dans son propos sur Pétain et les juifs français... Ainsi d'ailleurs que la plupart des historiens et chercheurs sur cette époque là, de la France de Vichy...



  • Parution chez EDILIVRE de mon dernier livre

         PAROLES  ET  VISAGES

    C'est le titre que j'ai donné à mon livre, 386 pages format poche édition papier ou édition numérique, chez EDILIVRE. 

    Voici le lien : http://www.edilivre.com/paroles-et-visages-20b7c55348.html#.VCzmvGd_uz4

  • Houellebecq économiste, de Bernard Maris

    9782081296077 cm

    ... Bernard Maris est économiste, journaliste (notamment à Charlie Hebdo, où il signe Oncle Bernard, et sur France Inter) et écrivain.

    "Si la souffrance des héros de Dostoïevski est liée à la mort de Dieu, celle des héros de Houellebecq naît de la violence perpétuelle du marché"... [ page 48 du livre édition Flammarion ] nous dit Bernard Maris, qui juste avant cite Houellebecq dans "Plateforme" : "Le capitalisme est dans son principe un état de guerre permanente, une lutte perpétuelle qui ne peut jamais avoir de fin"...

    En 4 ème de couverture l'on lit :

    Servitude, frustration, angoisse sous l'impitoyable "loi de l'offre et de la demande" ou celle de la "destruction créatrice" ; souffrance dans les eaux glacées du calcul égoïste et l'extension du domaine de la lutte qui conduira à la disparition de l'espèce... Tel est l'univers des héros houellebecquiens. ... / ... Vous le détestiez ? Son respect du travail, des femmes, du lien amoureux, et son mépris pour le libéralisme et l'économie vous le feront aimer.

    ... Michel Houellebecq est l'un des écrivains les plus controversés aujourd'hui... Dans le monde de la critique littéraire et journalistique.

    Qualifié de "nullité littéraire" par certains, et de "génie" pour les autres...

    L'on comprend que cet écrivain puisse ne pas être aimé par ceux qui aujourd'hui plus que jamais "font le monde" dans le sens de ce qui doit se croire et se savoir, se subir, et cela dans la "pensée unique" d'un libéralisme tout puissant, prédateur et inhumain...

    ... Cependant je soupçonne l' Economie de Marché (mondialisée), de se servir de ce qu'il y a de plus pur, de plus sincère, de plus authentique, de plus profond, de plus réfléchi, de plus marginal, de plus révolutionnaire, de plus intime, de plus unique en l'être (cet être qu'au fond nous sommes si nombreux à être)... Afin de pérenniser au mieux -et au plus rentable- cette consommation de masse sur laquelle elle s'appuie...

    Ainsi l'Economie de Marché est-elle parvenue à son stade ultime et absolu de perversion... Puisque les purs, les authentiques, les sincères, les révolutionnaires, les marginaux, les "coups de hache sur la mer gelée" ne peuvent désormais s'ils veulent être entendus, que se servir précisément de ce que le "Système" (ce Système pervers) met à leur disposition...

    Aucun écrivain, aucun artiste, aucun humoriste, aucun poète, aucun penseur "postulant à une forme de reconnaissance" n'opte pour ce que j'appelle un "suicide littéraire ou artistique" ... Et quand bien même il opterait pour le "suicide" (par exemple en disant merde à tout le monde et en refusant tout, le fric, la gloire, etc.) eh bien le "Système" trouverait encore le moyen de "récupérer commercialement le suicide littéraire ou artistique" !

    C'est dire l'impasse dans laquelle nous nous trouvons ! Dans un certain sens, c'est pire que l'histoire de l'Intellectuel acculé au pied d'une muraille demi circulaire de roche, devant l'araignée géante dont la paire de mandibules va broyer l'Intellectuel !

    ... Ce passage, du livre de Bernard Maris, Houellebecq économiste :

    "Le kilo de pain était l'élément de base du minimum vital du salarié au temps des maîtres de forges. Sans doute le Smartphone et l'abonnement Internet, plus le litre de gazole, ont remplacé le kilo de pain. Mais le concept reste le même : sans son ordinateur utilisé en continu, le cadre ne peut survivre. La notion de minimum vital social veut dire que l'on vous maintient la tête hors de l'eau, à peine, le temps de consommer les choses que vous avez produites, et que, hors de ce temps de consommation, vous ne pouvez vivre.

    Une telle vie serait inadmissible s'il n'y avait le leurre de la nouveauté. C'est pourquoi il faut innover. L'entrepreneur, écrivait Schumpeter, est homme capable d'innovation.

    Ne nous y trompons pas : en fait d'innovation, il s'agit le plus souvent de démoder aux yeux du public des objets auxquels il aurait le tort de s'habituer, et auprès desquels il acquerrait une certaine sécurité. En même temps, les innovations trop importantes menacent les les rentes des grosses entreprises, qui les récupèrent pour les exploiter et étouffer leurs promoteurs. »

    ... Au temps des maîtres de forges, des grands patrons de l'industrie, des charbonnages et de la métallurgie, qui étaient des gens habitant le château du coin et étaient propriétaires de vastes domaines, et dont la fortune était certes colossale ; il y avait du travail pour tous, du travail très dur, une vie quotidienne difficile... Et en même temps un "bien-être relatif", si l'on peut appeler "bien-être" cependant, le fait que tout un chacun pouvait accéder à une "consommation de base" essentiellement axée sur des produits vraiment nécessaires et surtout durables... Je dirais de cette économie là, qu'elle était "de dimension humaine"... et c'est d'ailleurs cette économie qui avait cours depuis des siècles, une économie en quelque sorte "mondialisée" puisque de nombreux échanges commerciaux, des marchés, des transports de marchandises et de produits manufacturés, de matières premières s'effectuaient par bateau, par train, entre les pays de l'Europe et du reste du monde...

    Mais aujourd'hui, ce sont les banquiers, les financiers, les actionnaires (on appelle cela des "Groupes") qui sont les nouveaux "grands patrons", et ceux là, ne sont plus visibles, plus joignables (ils sont bien plus loin et en même temps davantage  partout, que les maîtres du château du coin, que l'on pouvait jadis houspiller voire un peu bousculer)... Je dirais de cette économie là, qu'elle est "d'une dimension froidement mécanique dans laquelle les êtres humains ne sont même plus des "individus" mais des "variables d'ajustement"...



  • Tout est illuminé, de Jonathan Safran Foer

    Tout est illumine

    ... Il y a de ces livres pour lesquels il faut vraiment faire un effort de lecture... Contrairement à tant d'autres livres, pour lesquels il n'est nullement besoin de faire le moindre effort, et de se laisser emporter par le récit, par l'intrigue...

    Au sujet de ces livres pour lesquels il faut faire un effort de lecture, l'on peut se demander, avant de poursuivre cet effort au delà, par exemple, des 30 ou 50 premières pages, s'il "en restera quelque chose" après l'avoir lu -si l'on parvient à le lire entièrement- et si l'on pourra par la suite, même après plusieurs années, en parler, le commenter... Parce que si n'est point le cas, s'il "n'en reste rien", si l'on n'a pas la capacité de parler de ce livre et encore moins de le commenter... Alors à quoi bon "faire l'effort de le lire" ...



    TOUT EST ILLUMINE , de Jonathan Safran Foer... Est, à mon sens, l'un de ces livres là, l'un de ces livres pour lesquels il faut faire un effort de lecture... C'est à dire déjà, franchir le cap des 50 premières pages...

    Un style d'une surprenante, stupéfiante et  déroutante modernité, qui "déstabilise" le lecteur découvrant cet auteur qu'est Jonathan Safran Foer, né en 1977 à Washington...

    Par exemple :

    « Grand-père disperse la plupart de la journée chez nous, à voir la télévision. Il me hurle souvent. 'Sacha ! Hurle-t-il. Sacha, ne sois pas si paresseux ! Ne sois pas si vaurien !'... / … Je ne le riposte jamais, et jamais ne le morfonds par intention et jamais je ne comprends ce que valable veut dire. »...

    « Aussi, s'ils rêvent, alors c'est qu'ils ont des rêves, ce qui est une chose de plus au sujet de laquelle penser. 'Ils ne savaient pas où est Trachimbrod.' 'bon, entrez dans la voiture' dit-il. Il bougea ses mains sur ses yeux. 'Nous allons persévérer de conduire et chercher une autre personne à enquérir.' …



    TOUT EST ILLUMINE est son premier roman, traduit par Jacqueline Huet et Jean Pierre Carasso.



    Ce livre raconte les aventures d'un jeune écrivain juif américain en quête de ses origines... Mais le récit bascule dès les premières pages, avec une chronique fabuleuse d'un shetl entre 1791 et 1942, un lieu imaginaire "Trachimbrod", version légendaire du mystérieux village des origines...

    L'effort de lecture réside en fait dans les 30 premières pages. Une fois ce cap des 30 premières pages franchi, l'on s'habitue... avec toutefois la nécessité de l'effort de lecture par moments...

    Un "coup de maître", de ce jeune écrivain de 37 ans (né en 1977) avec ce premier, tout premier roman !



  • Les forêts de la nuit, de Jean Louis Curtis

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    L'auteur :

    Jean Louis Curtis est né le 22 mai 1917 à Orthez, et décédé le 11 novembre 1995.

    Il a obtenu le Prix Goncourt en 1947 pour son livre « Les forêts de la nuit ».

    Il a été élu à l'Académie Française en 1986...

    Mais de nos jours, sans doute depuis même avant sa mort en 1995, il n'est plus lu, et comme « passé aux oubliettes »... Est-ce à cause de son style, de son écriture « passés de mode » aujourd'hui ?

    Voici cependant ce qu'en pense Michel Houellebecq, qui écrit à son sujet :

    « Jean Louis Curtis est totalement oublié aujourd'hui. Il a écrit quinze romans, des nouvelles, un recueil de pastiches extraordinaire (…) et pourtant, aujourd'hui, il n'en reste plus rien, plus personne ne le lit, c'est injuste, c'était plutôt un bon auteur, dans un genre un peu conservateur, un peu classique, mais il essayait de faire honnêtement son travail »...

    C'est tout à fait exactement ce que je pense, comme Michel Houellebecq... Oui, venant de lire « Les forêts de la nuit »... Et je compte bien, par cette note que je rédige, refaire découvrir cet auteur... dont le style est aujourd'hui « passé de mode » mais dont le texte, enfin le contenu du texte est à mon sens, d'une actualité aussi proche, aussi tragiquement réaliste, que l'actualité de ces « années noires » de 1940 à 1945...

    Le livre :

    Ce que j'en dis :

    « Une chronique sans complaisance, d'une grande exactitude, réaliste, et d'une lucidité tragique, de ces temps de ténèbres que furent les années de l'occupation Allemande et de la France de Vichy, de 1940 à 1944 »...

    Résumé du livre :

    Dans une petite ville située sur le gave de Pau, peut-être Orthez, que Jean Louis Curtis appelle « Saint Clar »... se déroule l'histoire...

    Avec Francis de Balansun, 17 ans, un garçon au cœur pur, un résistant à sa manière... La sœur de Francis, Hélène, une jeune femme chic, en apparence très traditionnelle et rigide de maintien et de comportement, mais qui délaisse son fiancé Jean disparu alors qu'il tentait de rejoindre l'Angleterre par l'Espagne, laquelle Hélène qui s'abouche avec Philippe Arréguy, un voyou recruté par la Gestapo ; le père de Francis et d'Hélène, le comte de Balansun, un homme d'âge avancé « très classe très vieille France » mais résistant lui aussi, « à sa manière »... Et Madame Costellot, qui passe son temps à épier les gens de « Saint Clar » ; Madame Arréguy, la mère de Philippe qui adore son fils quasi « amoureusement », une femme accorte, et qui « n'a pas froid aux yeux »...

    Dans le livre :

    La bêtise et la haine couraient et ondulaient le long de cette foule bien nourrie, heureuse, cette foule de Saint Clar, qui n'avait jamais souffert, pour qui la guerre avait été une Golconde et les Allemands une bénédiction.

    Ils étaient tous là, au grand complet, les petits profiteurs honnêtes de la guerre ; ils étaient là, hilares, rutilants de graisse et d'âpreté, les paysans des environs, ceux qui avaient exploité avec science et discernement la mine d'or allemande. Et puis tous les autres, les inconscients, les neutres et ceux qui avaient fluctué d'une opinion à l'autre, au gré des nouvelles militaires ; et les marchands, et les bonniches qui, la veille encore, chantonnaient des romances franco-allemandes ; il y avait Salaberry, le gargotier dévot et riche, flanqué de ses fils porteurs de scapulaires. Il y avait aussi des femelles dédaignées par les Allemands... Et tous exultaient, parce qu'on leur avait promis de faire défiler dans les rues deux ou trois putains faméliques, coupables d'avoir couché avec des prisonniers russes. C'était le jour de la vengeance, le jour des saintes colères. Il fallait des coupables. Et Saint Clar, toujours courageuse, avait décidé de faire défiler, nues, deux putains dévorées de tuberculose et de syphillis. …

    Jacques était là, au bord du trottoir, contemplant la foule. Le dégoût qu'il avait d'elle le faisait souffrir comme l'amour. Ses yeux étincelaient, ses poings se crispaient dans les poches de sa veste. « Ils » étaient répugnants, répugnants... Leur bassesse monstrueuse, leur lâcheté, leur laideur. Ce jour qui aurait pu être beau et noble, « ils » l'avaient défiguré, avili. C'était pour sauver ces larves que des milliers d'hommes étaient morts, des millions d'hommes ; que les garçons les plus purs de France avaient subi la torture ; que les parachutistes anglais étaient tombés du ciel comme des anges libérateurs ; pour sauver ces larves, que des armées russes et américaines avaient dépensé des miracles d'énergie et d'endurance. …

    Car il n'y aurait pas de révolution. La colère de ce peuple impuissant s'était résolue en cris inutiles contre de faux coupables et des boucs émissaires. D'un conflit à l'échelle de la planète qui aurait dû passer sur la France comme un grand souffle purificateur, ce peuple ne retirerait nulle leçon, nul enseignement, nulle grâce. Il n'y aurait que le retour des anciennes pantalonnades municipales ou électorales, la continuation d'un statu quo d'injustice et de médiocrité...

    Ces passages, qui évoquent le « Grand Jour » , le jour de la Libération, mais aussi qui résument ce qui s'est passé durant ces cinq années de la seconde guerre mondiale en France, dans les villes et les villages, d'un bout à l'autre de l'échelle sociale... Me semblent aujourd'hui encore d'actualité... La bêtise et la haine... Les coupables désignés, les petits et gros profits, la lâcheté, la bassesse, la duplicité, l'hypocrisie... Et le Fric, toujours aussi Roi, les mêmes drames, la même réalité absurde et tragique... Mais aussi -et heureusement- la même beauté du monde en opposition, comme un fleuve d'une majesté et d'une force sublimes qui charrie sur ses bords, les raclures et les boues et les végétaux décomposés arrachés aux rives...

    Les « Occupants » sont aujourd'hui les Grands Décideurs des Centrales de médias, les assemblées d'actionnaires de multinationales, les rois de la finance, les décideurs économiques, et leurs servants, à savoir les Gouvernements et leurs élus, leurs instances...

    Et les « collaborateurs » sont ceux qui se gavent de ce que les Occupants dégueulent, et qui se vautrent dans le marécage puant de ces mêmes occupants...



  • Le peuple de l'Abîme, Jack London

         Fiche de lecture :

    http://appli6.hec.fr/amo/Public/Files/Docs/141_fr.pdf

         Je viens de terminer la lecture de ce livre "Le peuple de l'Abîme", de Jack London, célèbre auteur et écrivain américain (1876-1916), né John Griffith Chaney...

    Bien que ce livre ait été écrit en 1902, il est, par ce qu'il décrit, par ce qu'il contient, encore aujourd'hui "d'une actualité brûlante", ou plus exactement d'une actualité qui ne fait guère trop la Une des grands reportages et émissions de Télévision, plutôt axés sur le sensationnel, sur ce "qui se vend bien", sur tout ce qui joue sur l'émotion des gens qu'en majorité nous sommes et qui sont friands de "belles histoires plus ou moins mélodramatiques"...

    Rien à voir, donc, ce reportage "vécu au vrai", avec tout ce dont on nous gave à la télé dans le genre de ces  séries américaines ou « novellas » sur certaines chaînes de la TNT... Ou encore avec ces « romans à succès et grand tirage » tout aussi mélodramatiques d'histoires d'amour raté ou d'intrigues compliquées avec des personnages qui sont tous des riches dans de belles demeures, et impliqués dans des affaires de famille, d'héritages et de secrets inavouables...

    Si de nos jours, particulièrement en France et dans la plupart des pays « développés », des lois protègent (ou sont censées protéger) les travailleurs, les salariés, d'une part ; et les pauvres, les chômeurs, les indigents, les handicapés d'autre part... Il n'en demeure pas moins que le « tableau » qui est celui que nous dépeint Jack London, de l'East End Londonien du début du 20 ème siècle, demeure toujours d'actualité...

    Et ce qui est frappant, c'est la similitude des comportements, de nos jours, de la part de ceux qui possèdent, de ceux qui se trouvent « du bon côté de la barrière » vis à vis de ceux qui n'ont rien, qui se trouvent « du mauvais côté de la barrière »...

    L'on retrouve en effet, la même hypocrisie, les mêmes idées reçues et clichés et stéréotypes : en règle générale cela se résume en ce genre de propos « Ils n'avaient qu'à mieux se démerder » (autrement dit « c'est de leur faute »)... Au mieux « ils n'ont pas eu de chance »...

    Sans doute, dans les pays « développés » (en gros le monde dans une économie capitaliste à l'occidentale et de consommation), la très grande misère est-elle « moins visible »... Je veux dire par « moins visible », moins répandue qu'elle ne l'était en d'autres temps historiques lorsque 90 % de la population ne mangeait déjà pas à sa faim, et devait travailler vraiment pour « quelques sous » par jour ou par semaine...

    L'on retrouve aussi, et sans doute aujourd'hui de plus en plus amplifié, cet écart énorme entre d'une part le revenu moyen (les ressources) de 90% des populations toutes conditions confondues... Et le revenu (la richesse) de 10% des populations les plus et les mieux pourvues, favorisées, d'autre part... Et encore faut-il distinguer parmi ces 10% les plus riches, le 1% « très au delà des 9% d'entre eux »...

    Ainsi, de nos jours, sur cette planète qui compte en gros sept milliards d'humains, il y en aurait sept cent millions dont la vie quotidienne est radicalement, fondamentalement différente de la vie quotidienne des six milliards trois cents millions autres personnes...

    Et sept cent millions de personnes « vraiment riches » cela représente tout de même déjà « un sacré marché » (en apparence largement suffisant à lui seul pour produire encore plus de biens de consommation genre voitures de luxe, demeures somptueuses, avions privés, équipements de très haute technologie très coûteux, etc.)

    L'on y pense, l'on y pense, oui, parfois... d'une manière diffuse et comme « automatique » mais en réalité sans en prendre vraiment conscience, comme si « ça coulait de source », ou même, carrément on l'oublie on l'occulte... Que ce qui fait la vie si différente de 10% des populations du monde, c'est justement la vie, le travail, l'activité, la « trime » -et la misère de 90 % de ces populations... De telle sorte que les « capitaux », les « investissements », les « donneurs de travail -ou d'activité- seront toujours situés du même côté et continueront d'accroître le bien-être des mêmes 10% qui, « avec un peu de chance » -et comme « par voie de conséquence » deviendront 12 % au bout d'un temps indéfini...

    A bien observer, et considérer la « marche actuelle du monde » notamment dans son évolution de plus en plus rapide (et disparate) depuis -on va dire- 2008, il paraît certain que peu à peu, puis de plus en plus vite, même dans les pays « développés et d'héritage d'anciennes cultures)... Le « tableau » dressé par Jack London en 1902, de  l'East End Londonien, va redevenir malheureusement une réalité d'ici la fin du 21 ème siècle...

    Une autre constatation également s'impose dans le monde d'aujourd'hui en pleine accélération sans précédent, de technologies nouvelles, de développement économique et industriel en particulier dans les pays dits « émergents » (que l'on appelait autrefois le « tiers-monde ») : ce sont précisément dans les pays « à taux de croissance annuel à deux chiffres » que l'on trouve la plus grande différence entre les plus hauts et les plus bas revenus, l'écart le plus considérable entre la richesse de quelques uns et la pauvreté de centaines de millions d'autres... Et ces pays sont le Brésil, la Chine, l'Inde ; puis suivent derrière le Nigéria, le Togo, et quelques autres pays africains ; la Russie, les USA, l'Afrique du Sud.... C'est dans ces pays là que l'on voit le plus présente la misère de tant et tant de gens... Alors que, logiquement, un fort taux de croissance devrait pouvoir profiter à un plus grand nombre de gens, donc, il devrait y avoir dans ces pays, beaucoup moins de pauvreté et de misère... Ce qui démontre bien qu'une croissance forte ne profite en réalité qu'à une minorité de gens, toujours la même...

    A Paris, quand un milliardaire du CAC 40 se déplace en avion privé ou en hélicoptère, il se rend dans un aérodrome...

    A Sao Paulo ou à Rio de Janeiro ou à Johanesbourg, le milliardaire se rend sur la terrasse du gratte-ciel dont il est propriétaire, et il s'envole direct en hélicoptère depuis la terrasse de son immeuble ou de sa tour de cinquante étages...

    Et enfin pour conclure, à noter que les deux systèmes qui ont été en gros ceux qui ont prévalu dans le monde depuis l'antiquité, à savoir l'économie capitaliste basée sur la propriété (biens immobiliers et argent) et l'économie socialiste ou collectiviste ou communiste basée quant à elle non plus sur la propriété mais sur le privilège (ce qui revient à peu près au même)... N'ont en rien amélioré le sort ou le destin, la vie quotidienne de la plupart des Humains sur cette Terre... Puisque l'on retrouve quelque soit le cas de figure, le même écart considérable entre les conditions de vie des uns et des autres...



  • La case de l'oncle Tom, de Harriet Beecher Stowe

    Ce livre, LA CASE DE L'ONCLE TOM, de Harriet Beecher Stowe... Publié aux USA en 1851... J'ai le regret de le dire... Est un livre raciste...



    Je m'explique :



    Il faut replacer bien sûr, ce texte, dans le contexte de la vie économique et sociale d'avant la guerre de Sécession aux USA. En effet la cause abolitionniste de l'esclavage qui commençait alors à prendre de l'importance notamment dans les états du Nord des USA, s'est trouvée servie par le succès de ce livre, véritable plaidoyer contre l'esclavage...

    Cependant, dans le contexte culturel, social, d'aujourd'hui, lorsque l'on lit ce livre l'on y trouve ce genre de phrase :

    "Il habitait (Tom) une somptueuse résidence, considération à laquelle cette race impressionnable n'est jamais indifférente"...

    Ce sont bien là les termes employés par l'auteur, Harriet Beecher Stowe, une femme écrivain qui défendait vraiment la cause des Noirs !

    Dans tout le livre, les phrases de ce genre (et stéréotypes) sont légion, et de surcroît, que de passages de la Bible cités ! (passages évoquant la « malédiction » jetée par Dieu sur le peuple de Canaan, ou sur Cham, de fils de Noé qui découvrit la nudité de son père)...

    Par moments, j'ai trouvé "enfantin" le style, l'écriture, les situations exposées... Un peu "mièvre", un tantinet "désuet" (décalage entre le genre littéraire populaire de cette déjà lointaine époque (milieu 19 ème) et le genre littéraire même "tous publics" d'aujourd'hui (début 21 ème fin 20ème)... Enfantin, mièvre mais aussi en même temps "baroque" (baroque dans le sens de "tarabiscoté et compliqué »), d'où une certaine lourdeur dans bon nombre de phrases...

    ... Déjà, de nos jours (je veux dire dans le contexte culturel actuel) le vrai non-raciste ne peut employer le mot "race" (terme qui devrait à mon sens être banni du vocabulaire et des dictionnaires vu qu'il n'a aucun sens puisque dans le genre humain il n'existe pas de "races" comme chez les chiens par exemple)... Chez l'humain on peut parler de différences, d'ethnies, de peuples, de nations, d'origines géographiques, sociales, culturelles ;  de différences de modes de vie, de croyances... mais sûrement pas de "race"...

    LA CASE DE L'ONCLE TOM, donc, lu aujourd'hui par des gens (et en particulier par des jeunes) qui se satisfont du genre de discours articulé sur les stéréotypes et clichés les plus communs, est un livre raciste...

    Cela dit, LA CASE DE L'ONCLE TOM, demeure tout de même, "un grand classique de la littérature Nord Américaine du 19 ème siècle", un roman d'aventures et comportant néanmoins des thèmes de réflexion, une certaine "philosophie" empreinte de valeurs morales... Je le redis : il faut se mettre dans le contexte de l'époque, en ces années qui précédèrent la guerre de Sécession, et où les gens qu'ils soient du Nord ou du Sud avec une vision du monde, de la société, différentes... étaient fortement influencés par l'église (les églises en fait, puisqu'il y avait déjà alors, de nombreuses confessions chrétiennes)...

    Mais c'est vrai qu'aujourd'hui nous sommes dans un contexte socio-économique qui ne peut être comparé à celui du milieu du 19 ème siècle, dans la mesure où ce contexte a beaucoup évolué, s'est diversifié et est devenu plus complexe... Quoique certains "stéréotypes" ont "la vie dure" et sont toujours d'actualité...

    ... Voici quelle définition je donne au terme de racisme :

    Le racisme c'est le fait de croire que dans l'espèce humaine il y a des races et que l'une ou l'autre de ces races est soit "inférieure" ou "supérieure" à l'autre, à une autre race... Et cela pour des raisons qui peuvent paraître "justifiées" aux yeux des racistes en fonction de croyances, d'observations, d'expériences vécues en des situations particulières, alors même que ces croyances et que ces observations n'ont pas de fondement scientifique...

    L'on peut être cependant raciste dans le sens de croire qu'il y a des races dans l'espèce humaine, mais néanmoins être bienveillant, accueillant, tolérant, ami même, de gens d'une autre ethnie, et défendre la cause de ces gens lorsqu'ils sont déconsidérés, méprisés, exploités, exclus, marginalisés, réduits à la pauvreté, à la misère...

    À contrario, n'est pas raciste toute personne qui ne croit pas qu'il y a des races dans l'espèce humaine...

    Dans LA CASE DE L'ONCLE TOM, le livre de Harriet Beecher-Stowe, publié en 1851 ; il est évident que l'auteur(e) est "raciste" puisqu'elle écrit "les nègres", qu'elle use de stéréotypes, et qu'elle parle bien de "race"... Mais elle est "raciste" si je puis dire "dans le bon sens" (pour autant que l'on puisse considérer que l'on peut être "raciste dans le bon sens")... En effet, défendant la cause des Noirs, et  servant la cause des abolitionnistes de l'esclavage en Amérique du Nord, l'on ne peut que louer, qu'être ému et convaincu de ce "racisme dans le bon sens", si bien exprimé...

    Mais à mon sens, le "racisme dans le bon sens", c'est quand même du racisme... Et dans le contexte socio-économique-culturel actuel (et en évolution par rapport à ce qui prévalait au 19 ème siècle en Amérique et en Europe), et de surcroît avec ce que la Science a mis en évidence sur les origines Africaines de l'Homme... Le racisme, "dans le bon sens" ou dans le "mauvais sens", est un non sens, une absurdité, une survivance de ce qui prévalait au 19 ème siècle n'étant plus de mise de nos jours...

    ... Sans doute, au fond d'elle même, Mrs Beecher-Stowe n'était pas raciste (raciste dans le sens de penser que les Noirs « seraient des êtres inférieurs ».. Elle a défendu avec coeur, avec courage, avec détermination, de toute son âme, en tant qu'écrivain, et en tant que femme agissante, la cause des Noirs... Du mieux qu'elle a pu, à tel point d'ailleurs qu'elle fut lue, que son livre a eu à l'époque, du succès, un certain retentissement...

    Mais elle a dans son livre, usé de "stéréotypes" relatifs aux Noirs (stéréotypes qui pouvaient cependant rendre les Noirs plus sympathiques aux yeux des Américains de l'époque, ou stéréotypes aussi il faut le dire, empreints de quelque condescendance)...

    Mais en réfléchissant, aujourd'hui encore, vis à vis des peuples d'Afrique, de certains peuples, de certaines catégories de gens partout dans le monde... L'on retrouve les mêmes stéréotypes, les mêmes clichés... qui sont discriminatoires...



  • La guerre de Cent Ans, de Georges Minois

     … Livre de poche, collection Tempus, éditions Perrin, 2010.

    « Autant qu'un récit vivant et documenté, cet ouvrage sur la guerre de Cent Ans est un essai d'histoire totale... » (4 ème de couverture)... qui nous montre à quel point ce conflit entre les royaumes de France et d'Angleterre, de 1337 à 1453, a marqué profondément le destin de l'Europe et contribué à l'émergence des nations ; car l'économie, la politique et l'idéologie ont pesé aussi lourd que les affrontements militaires et la diplomatie...

    Jean II, dit « le bon », un très mauvais roi de France...

    C'est à mon sens, l'un des pires de l'Histoire de France : un incapable, sans aucune envergure, un hésitant, un imbécile... Et sans aucune moralité...

    Dans les années 1360-1364, Jean II est prêt à tout pour payer une partie de la rançon 600 000 écus, en vue de sa libération. Vu l'état du Royaume de France à cette époque (juste après le traité de Brétigny dont les conséquences sont pires que la guerre, notamment avec les Grandes Compagnies qui mettent toute la France région par région jusqu'au moindre village, en coupe réglée ; vu l'état des finances, la misère endémique et totale de millions de gens, les guerres que se livrent entre eux les Seigneurs, les compagnies, les soit-disant "alliés" du Roi d'Angleterre et du Roi de France ou de quelque duc... Il est impossible de réunir une telle somme de 600 000 écus... D'ailleurs, Edouard III roi d'Angleterre "révisera" ce montant astronomique et le réduira à 400 000 écus, dont, dans un premier temps, cent mille parviendra dans le coffre de l'abbaye de Saint-Bertin à Saint Omer (pas-de-calais)...

    Jean II vend sa fille Isabelle âgée de 11 ans, au duc de Milan Galeazzo Visconti qui l'achète pour son fils de 8 ans ! Pour justement 600 000 écus ! (quelle honte!)

    Mais comme cent mille écus sont versés au départ, il faut rapidement trouver le complément afin de régler la rançon à tout prix, le plus tôt possible. Les grands seigneurs, les nobles, les grands bourgeois, le peuple, personne ne veut contribuer à réunir la somme complémentaire, du fait de l'impopularité, déjà, de ce roi imbécile, minable et uniquement préoccupé de son confort personnel, des fêtes et banquets qu'il donne encore en dépensant de l'argent qu'il n' a pas... Alors Jean II lance un emprunt forcé sur les villes, sur le clergé, sur tous les hommes ayant quelque avoir, et cet argent est collecté avec des méthodes brutales dans une population exsangue...

    Et le comble, dans l'histoire, c'est que le clergé Anglais (qui alors dépend encore du pape d'Avignon) et donc le peuple Anglais par conséquent, contribue pour 10% de ses ressources à la rançon de Jean II ! (puisque le pape a autorisé le prélèvement sur le clergé Anglais comme sur le clergé Français)...

    Finalement, ce roi imbécile et incompétent, Jean II "Le Bon" (on aurait dû l'appeler "Le Crétin") s'éteint le 8 avril 1364 au Palais Savoy de Londres après un hiver très froid, humide, où rôde la peste, la typhoïde, la grippe et la variole...

    La France de 1360 à 1370 connaît alors des années bien plus noires encore, que celles de 1940 à 1944 !... Ou même, que celles, actuelles, de la France de Hollande en pleine crise économique, chômage massif et « affaires pourries » (quoique la comparaison avec les années noires de 1940-1944 soit disproportionnée)... Pas un bourg, pas un village, pas une campagne, toutes régions confondues de fond en comble, qui n'est été pillé, brûlé, détruit, ses habitants massacrés au mieux rançonnés, les femmes et filles de 7 à 77 ans violées, les récoltes saisies ou brûlées, sans compter les tortures, les pendaisons arbitraires, les écartèlements, dépeçages à la hache, les gens par centaines entassés dans les églises et brûlés vifs... Tout cela par les armées en déroute ou se combattant, par ces "Grandes Compagnies" de brigands, de seigneurs félons, organisées en sociétés avec leurs lois brutales, leurs codes, leur hiérarchie, tout cela dans l'anarchie la plus complète et sans que le pouvoir Royal (ou "légal" si l'on veut) puisse intervenir, quand il n'était pas lui-même complice, autant d'ailleurs que les Anglais occupant la moitié de la France!



    ... Sources :



    La Guerre de Cent Ans, de Georges Minois, livre de poche...

    Georges Minois est agrégé et docteur spécialiste de l'histoire culturelle. Je recommande également, comme auteur d'ouvrages d'histoire, Jean Christian Petitjean, auteur notamment de livres très détaillés avec nombreuses sources sur le règne et l'époque de Louis XIV...



  • Céline l'homme en colère, de Frédéric Vitoux

         Frédéric Vitoux, de l'académie française, fut en 1968 l'un des premiers étudiants français à entreprendre une thèse consacrée à l'auteur du Voyage, parue en 1973 sous le titre Louis Ferdinand Céline, misère et parole (Gallimard)...

    En janvier 2009, Frédéric Vitoux publie Céline l'homme en colère...

    Voici ce qu'écrit Frédéric Vitoux dans son introduction à « Céline, l'homme en colère » :

    «  Un écrivain happé par l'université...

    Il a été disséqué, laminé, écartelé, embaumé – de thèse en conférence et de colloque en diplôme. Là aussi, le phénomène s'est révélé mondial. Des universitaires australiens lui ont consacré dans leurs revues des numéros spéciaux, des universitaires italiens se sont penchés sur ses hallucinations romanesques. Des études savantes ont été publiées par-ci, par-là, sur les structures stylistiques de sa langue, la répétition chez lui de quelques tournures syntaxiques, les fonctions de ses néologismes... D'autres universitaires s'épuisent encore à dresser des lexiques, des catalogues, des index, des tableaux analytiques de sa vie et de son œuvre. Bref, Céline est mis en fiches, son texte saisi par les ordinateurs et la proie des moteurs de recherche... »

    Il en est de même pour quelques autres écrivains ou poètes entre autres Arthur Rimbaud, Marcel Proust... Sur l'oeuvre desquels « planchent toujours » les universitaires, les critiques, les chercheurs...

    Mais il est à mon sens, comme  une vérité éternelle  ou plus exactement une réalité éternelle : « l'on est tout seul dans sa peau jusqu'à la fin de ses jours » et cela quoiqu'il soit dit, écrit, disséqué, commenté, interprété, de l'homme ou de la femme écrivain, poète, artiste... par les universitaires, les chercheurs, les biographes, et en règle générale tout un chacun... De même que « l'on est tout seul dans sa peau jusqu'à la fin de ses jours » en tant qu' être ordinaire de ce monde au beau milieu de ses proches, de ses connaissances, de tout un chacun aux alentours et cela quoique ces proches, que ces connaissances et tout un chacun puissent dire de ce que l'on est, de ce que l'on fait...

    Et Céline écrit dans une lettre à Milton Hindus du 22 juin 1947 :

    « Je m'intéresse peu aux hommes et à leur opinion, et même pas du tout... C'est leur trognon qui m'intéresse... pas ce qu'ils disent, mais ce qu'ils font... La chose en soi... presque toujours le contraire de ce qu'ils racontent, c'est là que je trouve ma musique dans les êtres... Mais malgré eux... »

    Cette lettre fait écho à une simple et exemplaire profession de foi du médecin des pauvres qu'a été Louis Ferdinand Céline (de son vrai nom Destouches) :

    « La fuite vers l'abstrait est la lâcheté même de l'artiste – Sa désertion. » (lettre à Elie Faure du 2 mars 1935)...

    Le « trognon » n'est-il donc pas la « peau » autrement dit la réalité intérieure, profonde, authentique, en dehors de tout regard porté par les autres, de l'être ?

    Et, fuir cette réalité intérieure, profonde, authentique de l'être, s' absoudre de cette réalité par les artifices de l'abstraction, c'est à dire par une représentation qui n'a plus rien à voir avec la réalité première ou qui est une contrefaçon, une contrefaçon même « habile » si l'en est, de cette réalité... C'est, cela s'assimile à de la désertion, de la lâcheté de la part de l'artiste... Car la réalité s'impose et exige que l'on se confronte à elle dans toute sa dimension, de sa surface jusqu'en sa profondeur ; et que l'on ne baisse pas les yeux vers le sol, là où s'étend ce qui n'est que le reflet ou la représentation « cultuo-culturelle de confort relatif », de cette réalité...

    Écrivain maudit, controversé, ordurier, consacré... (et tout ce que l'on peut en dire) Avec cependant son style ajouré, éclaté comme de la dentelle... ? L'oeuvre de Céline, à l'exception de Voyage au bout de la nuit et de Mort à crédit, reste encore aujourd'hui, largement ignorée du « grand public » mais aussi d'un certain nombre d'intellectuels de formation universitaire...

    Et que dire de tous ces écrivains qui, d'une manière ou d'une autre pour telle ou telle raison se réclament de Céline, tout comme d'ailleurs ils peuvent aussi se réclamer de tel ou tel auteur ?... Que dire, oui, de ces critiques littéraires s'exclamant à propos de tel écrivain « c'est du pur Céline »... Alors qu'en vérité, oui, « on est tout seul dans sa peau jusqu'à la fin de ses jours » ?

    Ce n'est -peut-être- que par le « trognon », ce « petit bout de trognon  pris en pleine poire »... Que tu parviens, à peine le temps d' une étincelle de lumière traversant le ciel de nuit, à ne plus être « tout seul dans ta peau »...



  • Extension du domaine de la lutte, de Houellebecq

          “La difficulté, c'est qu'il ne suffit pas exactement de vivre selon la règle. En effet vous parvenez (parfois de justesse, d'extrême justesse, mais dans l'ensemble vous y parvenez) à vivre selon la règle. Vos feuilles d'imposition sont à jour. Vos factures, payées à la bonne date. Vous ne vous déplacez jamais sans carte d'identité (et la petite pochette spéciale pour la carte bleue !...).

    Pourtant, vous n'avez pas d'amis. “ [page 12, édition J'AI LU]

    ... “Pas d'amis”, dirais-je, autres que ceux qui sont inscrits sur votre page de Facebook... Quoiqu'à mon avis il n'y a guère beaucoup de différence entre les “amis” de Facebook et les “amis” dans la “vraie vie” (rire)...

    En fait, je crois que dans la règle, il y a beaucoup d'amis... Mais je crois aussi que la règle c'est une sorte de paysage large comme un grand tapis de salon salle à manger, sur lequel un train électrique a été installé. Et plus le train a de wagons, plus il peut changer de locomotive, plus il y a de rails, d'aiguillages, de petits arbres en plastique, et même de petits personnages, avec des vaches, un petit toutou, des barrières, des signaux... Et plus il y a de monde, autour du tapis, dans le salon, pour voir le train, le joli train...

    Je n'aime pas ce monde, décidément je ne l'aime pas. La société dans laquelle je vis me dégoûte ; la publicité m'écoeure ; l'informatique me fait vomir. Tout mon travail d'informaticien consiste à multiplier les références, les recoupements, les critères de décision rationnelle. Ça n'a aucun sens. Pour parler franchement, c'est même plutôt négatif ; un encombrement inutile pour les neurones. Ce monde a besoin de tout, sauf d'informations supplémentaires.



    La plupart des “boulots” dans les pays tels que la France où l'on ne “produit” plus, où l'on ne “fabrique” plus, où il n'y a plus d'industries ; sont des boulots d'économie de consommation et de services dans lesquels on “galère” pour “fourguer” à une clientèle sans cesse ciblée et harponnée, des produits la plupart du temps superflus, voire inutiles... Le pire étant certainement dans le domaine des technologies dites “nouvelles” (téléphonie mobile, informatique et applications liées)...

    Dans la soirée (c'est le 31 décembre) je téléphone à SOS Amitié mais c'est occupé comme toujours en période de fêtes. Vers une heure du matin, je prends une boîte de petits pois et je la balance dans la glace de la salle de bains. Ça fait de jolis éclats. Je me coupe en les ramassant, et je commence à saigner. Ça me fait bien plaisir. C'est exactement ce que je voulais.[page 128]

    Bravo ! ... Dis-je, à la lecture de ce passage... Pour ma part, au lieu d'une boîte de petits pois (ou de cassoulet William Saurin) lancée sur la glace de la salle de bains (ou depuis le balcon d'un appartement situé au quatorzième étage d'un immeuble HLM à Cergy Pontoise)... J'aurais donné un grand coup de hache sur l'écran d'une télé...

    Extension du domaine de la lutte, roman

    Voici l'odyssée désenchantée d'un informaticien entre deux âges, jouant son rôle en observant les mouvements humains et les banalités qui s'échangent autour des machines à café. L'installation d'un progiciel en province lui permettra d'étendre le champ de ses observations, d'anéantir les dernières illusions d'un collègue -obsédé malchanceux- et d'élaborer une théorie complète du libéralisme, qu'il soit économique ou sexuel. [quatrième de couverture]

    Ce roman, dont le premier dépôt légal est en août 1997, a donc été écrit lors de cette époque “transitoire” des années 90 du siècle dernier... Et, curieusement l'histoire me semble “tout à fait actuelle”...



  • Les particules élémentaires, de Michel Houellebecq

         ... Y'avait Coluche, y'a plus Coluche... (et c'est dur qu'il n'y soit plus!)

    Le monde était ce qu'il était mais y'avait Coluche... Le monde est toujours ce qu'il était -et même pire-  Mais y' a plus Coluche...

    Y'a Houellebecq... Mais Houellebecq c'est pas Coluche... Mais y'a quand même Houellebecq... Le monde est encore pire que ce qu'il était, mais avec Houellebecq à défaut de Coluche, j'arrive à "m'y faire" (tant bien que mal c'est vrai, mais quand je lis du Houellebecq je me marre et je vois le fil se dérouler et je comprends mieux les choses rien que la façon dont il les dit ces choses, Michel Houellebecq ! … Dis-je...

    ... Le moins que l'on puisse dire c'est que "Les particules élémentaires", de Michel Houellebecq, déposé en juin 1998 ; s'adresse à un public "plutôt averti", c'est à dire à un public qui n'est pas tout à fait le même que celui qui achète des romans "grand public", des livres distrayants ou mélodramatiques que l'on lit sur la plage, dans le train ou dans le métro...

    L'on entre avec ce livre dans la réflexion solitaire d'un des personnages principaux, une réflexion qui s'avère être le point de départ d'une révolution scientifique comparable à l'oeuvre d'Einstein.

    Dans un centre de recherche génétique, Michel Djerzinski, le demi frère de Bruno, qui avait mené des expériences de pointe sur le clonage d'animaux dans son laboratoire parisien du CNRS, travaille à un projet qui va produire une nouvelle espèce humaine non dénuée cependant, de personnalité et de plaisir sexuel.

    Le travail de Michel, poursuivi après sa mort en 2009, conduit à la création en 2029, d'une espèce humaine génétiquement modifiée et contrôlée, mais finalement condamnée à l'extinction...

    Une fellation notamment ( c'est fou soit dit en passant dans ce livre, ce qu'il y est question de fellation) y est décrite cliniquement et scientifiquement dans le moindre détail, avec les terminaisons nerveuses et tout ce qui se passe jusqu'au cerveau...

    ... Je cite ce passage, page 153/154 :

    "L'histoire de la vie sur Mars se manifestait comme une histoire modeste. Cependant (et Bruno Masure ne semblait pas en avoir nettement conscience), ce mini-récit d'un ratage un peu flasque contredisait avec violence toutes les constructions mythiques ou religieuses dont l'humanité fait classiquement ses délices. Il n'y avait pas d'acte unique, grandiose et créateur ; il n'y avait pas de peuple élu, ni même d'espèce ou de planète élue. Il n'y avait, un peu partout dans l'univers, que des tentatives incertaines et en général peu convaincantes. Tout cela était en outre d'une éprouvante monotonie. L'ADN des bactéries martiennes semblait exactement identique à l'ADN des bactéries terrestres... / ... / ... Si l'ADN était partout identique il devait y avoir des raisons, des raisons profondes liées à la structure moléculaire des peptides, ou peut-être aux conditions topologiques de l'autoreproduction. Ces raisons profondes, il devait être possible de les découvrir ; plus jeune, il s'en souvenait, une telle perspective l'aurait plongé dans l'enthousiasme."

    ... Et, page 346 :

    "Les herbes de la berge étaient calcinées, presque blanches ; sous le couvert des hêtres la rivière déroulait indéfiniment ses ondulations liquides, d'un vert sombre. Le monde extérieur avait ses propres lois, et ces lois n'étaient pas humaines."

  • Les lisières, d'Olivier Adam

    L'auteur :

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    Né en 1974, Olivier Adam a grandi en région Parisienne et vit actuellement en Bretagne.

    Son premier roman Je vais bien, ne t'en fais pas a été adapté pour le cinéma par Philippe Lioret.

    Passé l'hiver a reçu le Goncourt de la Nouvelle en 2004 ; À l'abri de rien le prix France Télévision 2007 ; et Des vents contraires le prix RTL Lire 2009...

    Agé de 39 ans en 2013, Olivier Adam fait donc partie de la nouvelle génération des auteurs les plus contemporains, c'est dire de ces auteurs nés après 1968, et dont les livres ont été publiés alors que nous venions d'entrer dans le 21 ème siècle...

    Il est depuis le début du 21 ème siècle, l'un des rares -sinon vraiment le seul- romancier Français qui pénètre dans l'intimité, dans le vécu, le ressenti de ses personnages ; et en même temps, qui met en scène ses personnages à l'intérieur de la « machine sociale » -et aussi familiale- dans laquelle ils évoluent. Une « machine » qui, le plus souvent, les broie, les brise, et fait d'eux des exilés, des êtres de nulle part...

    Ses personnages sont par exemple des pères « en bout de course », des enfants abandonnés, des couples qui se séparent, des hommes et des femmes qui vivent comme sur un fil, sans cesse prêts à tomber dans le vide... Ce sont les éclopés de la vie, souvent rejetés, et dont l'existence ne compte pas et se dilue dans l'indifférence.

    Le livre : Les lisières :

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    Roman de 500 pages environ, paru en Août 2012, édité chez Flammarion.

    Avec Les lisières, Olivier Adam écrit son livre le plus abouti, et le plus ambitieux aussi.

    L'ensemble du début jusqu'à la fin du livre, et à chaque page même, est une gigantesque fresque d'une densité extrême, dans laquelle l'auteur nous raconte l'histoire personnelle, intime, d'un homme « expulsé de sa propre vie », histoire qui en même temps est aussi celle des gens appartenant aux « classes moyennes » de la société Française d'aujourd'hui.

    Le narrateur, Paul Steiner, est écrivain. À l'âge de dix ans, il tente de mettre fin à ses jours alors qu'il se trouve au bord d'un précipice, et depuis, il verrouille tout en lui.

    Il rencontre Sarah, qui sera sa femme et le sauvera des démons qui l'habitent. Avec Sarah et ses enfants Clément et Manon, il sera tour à tour et en même temps heureux, et absent. Alors, au bout de quelques années, Sarah le quitte définitivement. Il continue à voir ses enfants qu'il adore, qu'il chérit... Et il demeure toujours amoureux de sa femme, qu'il voit de temps à autre, et dont il ne supporte pas la présence à ses côtés, de son amant, un type qu'il déteste et dont la personnalité, le statut social lui déplaisent souverainement...

    Le temps d'une semaine, Paul retourne dans la cité pavillonnaire de son enfance, en banlieue parisienne, voir sa mère hospitalisée. Depuis vingt ans, Paul n'avait pas remis les pieds dans cette cité de V. , cette « lisière » qu'il a fui de toutes ses forces. Et la route de ce retour sera une route difficile, de mise au point et de réflexion, de souvenirs...

    Mon avis :

    Après avoir lu Les lisières d'Olivier Adam, la première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est une réflexion que je m'étais faite et que d'ailleurs j'avais précédemment postée dans l'un de mes billets de blog :

    « On est tout seul dans sa peau jusqu'à la fin de ses jours » …

    Et c'est bien cela, dans le livre : le narrateur Paul Steiner (qui n'est probablement autre par le biais d'un personnage fictif, que l'auteur lui-même), est aussi d'une certaine manière, chacun d'entre nous, avec son ressenti, ses émotions, son « parcours » chaotique -et souvent dramatique- de vie... Et également avec sa solitude intérieure, son isolement, tout ce qu'il ne peut communiquer, tout ce qu'il vit en lui, pris dans le « maëlstrom » de son environnement familial, social, de travail et de relations...

    Et ce qui m'a frappé, interpellé, ému, et par moments il est vrai m'a « un peu épuisé à la lecture » c'est cette densité quasi permanente dans la formulation, dans la pensée, dans la réflexion, dans ces longues, interminables phrases-réquisitoire de tout ce que l'on peut observer et déplorer dans le monde, les gens, les comportements, les habitudes, la difficulté de vivre et de communiquer au quotidien... Il y a là toute une vérité et un réalisme tragiques et oh combien réels, et en même temps on sent, on ne sent que trop, ce que les personnages, ce que le narrateur lui-même, ressentent... Et que, inévitablement, on partage...

    Ce livre, c'est l'existence de tous ces gens « ordinaires » que nous sommes presque tous, qui n'est jamais « mise en avant » par les Médias, dont la plupart des écrivains et des intellectuels ne parlent jamais -comme s'ils n'existaient pas, comme s'ils étaient « quantité négligeable »... Et cela nous change en effet, de tous ces romans où il est question de milliardaires, de personnages importants, de décors somptueux, de tout ce qui fait la « Jet Set » du monde littéraire et artistique... Et alimente les séries de télévision, ainsi que les plateaux d'émission de « talk show »...

    Ce livre c'est une fenêtre ouverte sur le monde réel, sur la vie des gens... Très années 2010-20 +++, ces années qui sont celles que nous vivons au quotidien... Une fresque, oui, d'une densité extrême, et qui « nous rentre en plein dedans »...

    Reste cependant à surmonter ce vécu, le nôtre en particulier, à se libérer de tout ce qui nous « plombe » et à entrevoir « comme la possibilité d'une île, d'une île qui ne peut pas être un paradis mais un monde dans lequel on se sent moins seul et où l'on n'a plus cette peur alimentée telle un feu qui ravage...

    Olivier Adam, à la fin de son livre -et d'ailleurs avant la fin à plusieurs reprises- évoque le Japon... Il y a là un symbole, comme le symbole de « la possibilité d'une île », d'un « monde différent »...

    Extraits :

    Page 20 (collection poche J'ai lu) :

    « Avant de monter dans la voiture j'ai jeté un œil à la fenêtre de Manon. Entre les branches du grand cèdre son visage en morceaux m'observait. Nous nous sommes fait un signe de la main, notre signe à nous, un truc compliqué, en six ou sept temps, inspiré des rappeurs et des gars des cités, que nous avions inventé ensemble quand elle avait quatre ans et qui nous avait suivis toutes ces années ».

    Page 109 :

    Je l'avais connu à quinze ans branché du matin au soir sur Radio Libertaire, lisant Charlie Hebdo et l'Humanité, écoutant Jacques Higelin, Bernard Lavilliers et Hubert-Félix Thiéfaine, lisant les poètes russes et la Beat generation. Rien qui ne laisse présager qu'un jour il s'inscrive en droit et se mette en tête de devenir commissaire. Encore moins qu'il devienne un sympathisant zélé du RPR puis de l'UMP. Tout avait changé le jour où sur la place du marché deux types descendus de la cité d'une ville voisine lui étaient tombés dessus, fermement décidés à lui voler son portefeuille ».

  • Le monde selon Garp, de John Irving

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                                                                   Edité par Le Seuil, 1 ère édition en 1981

    Résumé du livre :

    Roman culte des années 80, Le monde selon Garp raconte le destin hors du commun, malgré de faux airs de banalité, d'un des personnages les plus attachants de la littérature contemporaine.

    Le livre s'ouvre sur la conception de Garp, résultat d'une brève étreinte entre une féministe déjantée et un aviateur cloué sur son lit de mort. Dès cet instant, il devient impossible de relever les yeux du récit et d'abandonner les péripéties du héros, de ses bêtises enfantines à ses premiers émois amoureux et de son mariage à sa paternité.

    John Irving excelle dans l'art de transformer les évènements de la vie quotidienne en aventures magiques et loufoques. A travers ses romans, il nous plonge dans un monde onirique peuplé de personnages baroques, originaux et hauts en couleurs. Il nous submerge d'émotions, nous faisant osciller entre l'hilarité et les pleurs.

    Rares sont les écrivains qui peuvent se vanter d'arracher des larmes à leurs lecteurs. John Irving est de cette trempe.

    Des éléments autobiographiques ponctuent ce récit, comme de nombreux autres romans de cet auteur prolifique. Ainsi Garp, à l'image de son créateur, est professeur d'Anglais, pratique la lutte Gréco Romaine et vit en Nouvelle Angleterre.

    Mon avis :

    Un "livre culte", à mon sens, ce "monde selon Garp"...

    Déjà, ce Garp (ST Garp pour être plus précis) il faut voir comment il est né, à l'hôpital Mercy de Boston, en 1943!

    Et la mère de ce Garp, une sacrée femme, Jenny Fields, dans son uniforme blanc d'infirmière (qu'elle ne quitte pratiquement jamais)...

    Quelques épisodes sont particulièrement "sublimes", par exemple celui où Helen, la jolie épouse de Garp "en pince quelque peu pour un certain Michael Milton" (l'un des élèves d'Helen en classe de littérature, qui à vrai dire, "en pince lui-même encore davantage pour son professeur de littérature)...

    Soit dit en passant, notre Garp avait auparavant, et cela dans les cinq premières années de son mariage, eu des vues (et même plus) sur la baby sitter qui gardait son fils aîné Duncan alors tout petit bambin...

    Absolument émouvante la relation de ce couple Helen et Garp!

    Nombreux sont les passages drôles dans ce livre, étranges parfois, et complexes... Et très bien analysées, des situations, des anecdotes, sont "tordantes" de rire (mais d'un certain sérieux cependant)...

    Quant au style, à l'écriture, je trouve "sublime"! Très nuancé, et cocace!

    Chapeau pour la traduction de l'Américain en Français par Maurice Rambaud! (Parce que cela n'a pas dû être évident de bien rendre à ce point là, en Français, la langue de John Irving qui doit encore être plus savoureuse en Américain de notre époque, depuis la 2éme guerre mondiale)...

    Un "vrai monument littéraire" ce livre!

    La fin est tout de même "assez dramatique", et d'ailleurs j'ai vu dans l'action entreprise par cette association de femmes ayant subi des outrages et ayant été violées (association fondée par Jenny Fields assistée de Roberta)... Un combat, certes noble et juste et méritant d'être mené, mais dans lequel entrait tout de même du fanatisme... En effet, par solidarité avec une jeune fille ne sachant ni lire ni écrire qui avait eu la langue coupée après un viol afin qu'elle ne puisse pas dénoncer ses agresseurs, d'autres femmes s'étaient elles aussi mutilées volontairement en se coupant la langue, et l'une d' elles en particulier, Pooh, était particulièrement virulente, extrémiste...

    Et c'est bien là, l'un des sens de ce livre : l'on peut mener un combat juste, pour une cause sensible, avec passion et avec conviction... Mais sans pour autant aller jusqu' à un fanatisme ou à un extrémisme destructeur...

    ... Le 4 septembre 2013 à 20h 50 sur ARTE "Le monde selon Garp", d'après le livre de John Irving ("une oeuvre majeure" à mon sens), film réalisé en 1982 par George Roy Hill.

    Acteurs et actrices : Robin Williams (qui joue aussi dans "Will Hunting", une "oeuvre majeure" aussi) ; Mary Beth Hurt, Glenn Close, John Lightgow...

    J'avais lu deux fois le livre, à plusieurs années d'intervalle...

    Le film m'a semblé "assez fidèle" au livre, sauf qu'un épisode du livre n'apparaît pas dans le film : celui ou T.S Garp séjourne quelque temps avec sa mère Jenny Fields en Autriche, à Vienne...

    J'ai trouvé que les acteurs avaient été bien choisis, et, me souvenant bien des personnages du livre... C'est drôle, il m'a semblé que les visages des acteurs correspondaient bien aux visages des personnages du roman tels qu'à l'époque je me les imaginais en esprit...

  • La montagne de l'âme, de Gao Xingjian

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                                                             Editions de L'Aube, Prix Nobel de Littérature en 2000

    L'auteur :

    Romancier, dramaturge, metteur en scène, critique littéraire et peintre, Gao Xinjian, né en 1940, est réfugié politique à Paris depuis 1988. Son oeuvre foisonnante en fait l'un des plus grands créateurs de notre temps.

    Résumé :

    Dans les années 80, un homme s'embarque dans un long voyage pour fuir les troubles de Pékin communiste. Il suit la piste d'une mystérieuse montagne et traverse une Chine méconnue, infiniment riche, qu'il n'imaginait pas...

    À la recherche de lui-même, son voyage est aussi spirituel et philosophique...

    Mon avis :

    "La montagne de l'âme" est sans doute à mon sens, l'un des plus grands chefs d'oeuvre de la littérature contemporaine...

    À lui seul, de toute l'oeuvre de son auteur, ce livre a justifié l'attribution du Prix Nobel de Littérature en l'an 2000. (En fait "La montagne de l'âme" est son livre le plus connu, mais Gao Xinjian est également l'auteur de nouvelles, de poèmes, et d'un opéra "La neige en Août")...

    Un livre surprenant, où l'on se laisse aller, ou plutôt conduire à travers paysages, lieux, légendes, personnages ; où l'imaginaire et le réel semblent ne plus avoir de frontières précises...

    Il n'y a pas vraiment de trame ni d'intrigue ni de suite organisée, mais du vécu, de l'exprimé, de la confidence, de la douceur, de la liberté, du pensé... et des personnages émouvants. Et ce tutoiement comme si l'auteur s'adressait lui-même à son lecteur par l'intermédiaire du personnage du livre...

    Ce qui m' a interpellé dans cette oeuvre, dirais-je, presque "sculpturale", c'est ce dédale de galeries en pleine nature où l'on est emporté comme sur des voies d'eau aux rives féériques, comme dans une sorte d' "asiatique marais poitevin"...

    Un livre qui se lit et se relit...

    Où l'on est loin du "sens commun", où nous est suggéré l'existence d'un "passage" non pas vers un monde meilleur ou un "différent" hypothétique, mais vers ce monde qui est sans doute en nous, que nous devons apprendre à connaître et qui a toujours existé ; et qu'aucun pouvoir en place et en force ne peut rayer de la carte...

    Quelques passages :

    Page 371 :

    Elle dit qu'elle te donnera la liberté à la condition que tu l'aimes, que tu ne la quittes pas, que tu restes avec elle, que tu continues à la satisfaire, que tu veuilles encore d'elle, elle s'entortille autour de ton corps, elle t'embrasse frénétiquement, elle couvre ton corps et ton visage de salive, elle ne forme plus qu'une boule avec toi, elle a gagné, tu ne peux plus résister, tu retombes dans le désir charnel, tu ne peux t'y soustraire.

    Page 590 :

    Et c'est ainsi que Zheng Banqiao a été gâché par ses contemporains. Ce qui était un détachement chez lui est devenu un simple ornement pour ratés. On a tant abusé de ses traits de bambou qu'ils sont tombés dans la pure convention, une simple manière de régler ses relations sociales chez certains lettrés.

    Ce que je supporte le plus mal, c'est la prétendue "stupidité rare". On serait stupide simplement en pensant l'être, en quoi est-ce difficile ? C'est en fait une manière de paraître intelligent en simulant la bêtise.

  • La pierre la feuille et les ciseaux, d'Henri Troyat

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          Le Cercle du nouveau livre, Librairie Jules Tallandier. Dépôt légal : 1 er trimestre 1972

    Résumé :

    Peindre, rêver, choyer ses amis, recueillir chats perdus et garçons errants, telles sont les joies paisibles d'André jusqu'au jour où surgit dans sa vie, pareil à une tornade, Aurélio -avec sa jeunesse provocante, son féroce appétit de vivre et son ambition démesurée.

    Bientôt maître des lieux, Aurélio subjugue André et fait de Sabine la meilleure amie de celui-ci, sa maîtresse.

    Sabine, jeune femme fantasque, avide de plaisirs et de liberté, aussi prompte à déchirer Aurélio qu'à l'adorer.

    Entre ces trois êtres que lient des sentiments ambigus et sans cesse menacés, s'instaure un jeu tantôt cocasse et tantôt tragique, apparenté à ce très ancien jeu qu'on appelle la pierre, la feuille, les ciseaux.

    Mon avis :

    Nous sommes là, dans ce récit, en plein dans ces années qui suivirent Mai 68, où nous retrouvons bien l'état d'esprit, l'atmosphère, la culture, les modes de vie, les aspirations, les rêves – mais aussi les dérives- de cette époque...

    Et nous sentons, dans ce récit, ou plutôt nous perçevons l'évolution de la société, avec notamment la prise de pouvoir des "Intellectuels branchés et artistes déjantés de style Rive Gauche", l'engouement du "grand public" pour les modes vestimentaires, pour toutes sortes de gadgets et de nouveautés de la société de consommation...Et aussi l'adhésion des jeunes (et moins jeunes) à de "nouvelles expériences", à des mouvements culturels et artistiques "marginaux"...

    Le personnage d'André, dans ce livre, est celui d'un homosexuel qui cependant "n'est pas du tout insensible au charme féminin", la preuve c'est qu'il a "une amie très chère", Sabine, pour laquelle il éprouve une tendresse immense, qu'il vénère et protège, et dont il s'occupe de l'enfant qu'elle a eu avec Aurélio.

    Quelques passages que j'ai notés...

    ... Et qui m'ont interpelés et que j'ai trouvés "très littéraires" :

    ... "Un long fume-cigarette en ivoire, au bout cassé, était tombé de la boîte. Il le ramassa et revit sa mère. Elle fumait en feuilletant un journal illustré, et lui, assis à ses pieds, jouait avec des rubans de couleur. Contre son dos, la chaleur d'une jambe. Il levait la tête et recevait, comme une douce pluie, un regard, un reflet de cheveux, la courbe d'une bouche peinte. Pas d'heure pour les repas ni pour le coucher ; un jour, des gâteaux, le lendemain des macaroni ; une vie d'attrapes et de pirouettes. Un soir, elle s'était déguisée en bohémienne avec de vieux rideaux. Comme ils avaient ri ! Et la fois où on avait décidé de ne s'adresser la parole qu'en chantant, comme à l'Opéra. Elle ne leur disait jamais rien de leur père, qui l'avait quittée après cinq ans de mariage et était mort dans un accident de voiture, en Australie. Tout ce qu'on savait de lui, c'était qu'il avait un grand nez. Elle avait horreur des grands nez. Mille choses lui faisaient peur : les couteaux à manche de bois, les tessons de bouteille, certaines pommes de terre aux grimaces maléfiques, un trop long silence, une trop profonde nuit. Toujours il y avait une lampe allumée dans sa chambre. De quelle couleur étaient ses yeux? Cent fois, André avait tenté de la peindre de mémoire. Impossible, son pinceau mentait. Mais il savait qu'il essaierait encore, de temps à autre, jusqu'à la fin de sa vie. Il reposa le fume-cigarette dans la boîte. "

    ... "A l'aveuglette, André lui entoura les épaules de son bras. Aurélio se laissa faire. Joue à joue et les pieds réunis. De ces points de contact, une tendre brûlure se répandait dans tout le corps d'André. Il avait envie de pleurer et de mordre. Sa bouche frôla l'oreille du garçon.

    Inexplicablement il pensa à sa mère. Elle le prenait dans son lit lorsqu'il était enfant. Sa voix douce. Il ferma les yeux. Aurélio se souleva sur un coude et tourna le buste vers lui."

    ... "Par l'interstice des rideaux mal joints, un jour pluvieux se déversait dans la chambre.../... Assis sur une chaise, il contemplait ce grand corps nu étalé en travers du divan, une jambe repliée, l'autre droite, les bras ouverts, comme un sauteur passant la barre, à l'horizontale, dans un effort de haut vol. La main gauche du dormeur pendait mollement, doigts écartés. Sa figure, à demi enfouie dans l'oreiller, parmi le désordre des cheveux,était, paupières et bouche closes, tout entière vouée au rêve. Les muscles de son ventre plat se soulevaient et s'abaissaient au rythme d'une respriration profonde. Trois touffes de poils bruns marquaient sa peau mate aux points essentiels. Et le sexe désarmé reposait sur sa cuisse, avec une naïveté énorme. Les minutes passaient lentement et André continuait à équarquiller les yeux sur ce paysage de chair, avec étonnement, avec gratitude, comme s'il l'eût créé lui-même en une nuit."...

    NOTE : André est un artiste peintre qui n'a pas d'autre ambition que celle de réaliser "ce qu'il sent, ce qu'il perçoit" (et qui n'est pas forcément "du courant", "de la mode", et qui "aura donc du succès et se vendra")...

    ... Ce passage "qui en dit long" (mais "très classe") sur la relation d'André et d'Aurélio... Soit dit en passant "me fait oublier ce qui me fait horreur en particulier, dans la relation homosexuelle entre hommes, et que je n'évoquerai point ici"...

    Nous sommes loin, d'ailleurs, dans ce livre d'Henri Troyat, de tout "préjugé", de tout "cliché", de toute "morale conventionnelle"... Nous sommes dans "une vérité authentique et profonde des êtres"... qui ne cherche pas à s'imposer à nos vues, qui nous surprend certes, mais sur la quelle nous sentons bien qu'il n'y a "rien à dire de pour ou de contre, de bien ou de mal"...

    Dans une "certaine mesure" dis-je, sans cependant adhérer à la "culture soixante-huitarde" (dont je déplore les effets "pervers" et à mon sens "un peu trop déjantée-branchée-intello-bobo") ... Je reconnais ce que cette époque pouvait avoir d'émouvant, d'humoristique, de sensible, de "libertaire"... Et parfois "d'intellectuel au sens vrai si l'on veut, du terme"...

    ...Et, plus personnellement dirais-je :

    ... La "prise de pouvoir" des intellectuels "branchés-bobos-rive Gauche" est en fait une prise de pouvoir dans les domaines de la littérature, de l'art et de tout ce qui d'une manière ou d'une autre participe à la vie culturelle d'une époque...

    Nous sommes actuellement, plus que jamais, plus encore qu'à l'époque d'après mai 68, dans la "mouvance" (qui évolue d'ailleurs un peu n'importe comment) de cette "prise de pouvoir" par les intellectuels et les artistes en général, des intellectuels et des artistes "portés sur la scène médiatique" mais avant tout préoccupés et soucieux de leur "image de marque", de leur audience... Et qui, en aucune façon, "ne changent le monde ni les gens", et dont les productions sont essentiellement des "produits commerciaux" de "consommation de masse", voire des "gadgets", des "phénomènes de mode et de saison"...

    J'y vois là, personnellement, une "immense médiocrité voire une nullité culturelle" qui "en fout plein la vue" avec des formules, des argumentations, des effets spéciaux de langage et de termes plus ou moins techniques ou universitaires, des complaisances parfois révoltantes ou au contraire des fanatismes et des sectarismes, le tout "architecturé et mis au goût du jour" ; et, avec tout cela, le "look", les cocktails, les dîners, les salons, les coucheries, les trahisons, les tweets incendiaires ou qui partent comme des "belles bleues" dans un ciel qui même clair n'a plus d'étoiles...

    Je me sens "en complète inadéquation" avec ce monde là, de contrefaçon, d'esbroufe, de paraître, et de médiocrités érigées en cathédrales de culture !

  • Michel Houellebecq

         Je ne pense pas, ayant achevé la lecture de La carte et le territoire, que je procèderai comme je l'ai déjà fait pour d'autres livres (présentation-résumé-extraits-mon avis)...

    Ce qui me semble à peu près "sûr" après la lecture de La carte et le territoire, et après les quelques informations que j'ai pu recueillir au sujet de Michel Houellebecq, tant sur Wikipédia que sur le site de l'écrivain... C'est que je tends à penser que Michel Houellebecq serait "l'un des plus grands écrivains contemporains actuels"... Et que "notre époque, pour cette raison de l'existence de cet auteur -et sans doute de 2 ou 3 autres- ne serait pas le vide culturel ou intellectuel que l'on pourrait déplorer"... (cela en effet nous "change" de tous ces auteurs "à succès populaire" mélimélo dramatiques à sensation gros succès de librairie littérature de gare et de plage)... Et cela nous "change" également, de toutes ces productions "essayistes journalistiques connotation autobiographique gallimatia de formulations de style universitaire intellectuel bobo branché" d'hommes et de femmes politiques et de grands animateurs télé, qui se "vendent comme des petits pains" au grand public mais soit dit en passant le grand public il y comprend rien dans ces bouquins là... (ou alors il fait semblant de comprendre et se lance "pour faire bien" dans quelque "diatribe" argumentée de "on dit que...")

    ... Je pense aussi que la seule lecture d'un livre en particulier d'un auteur, ne suffit pas loin s'en faut, pour appréhender l'ensemble de l'œuvre d'un auteur. Mais pour cela, peu de gens, peu de lecteurs, et même peu de "grands lecteurs" (de ceux qui passent des journées ou des nuits entières à lire) sont disposés, ou plus exactement se rendent disponibles pour se consacrer à l'étude d'un auteur, de l'œuvre d'un auteur dans son ensemble... (Pour cela, il faut "sentir que ça vaille le coup"!)

    "L'œuvre de Michel Houellebecq donne lieu à des jugements radicalement opposés. Pour certains critiques, il serait le plus grand écrivain contemporain, pour d'autres son écriture relèverait de la nullité littéraire" [Reynald Lahanque]

    Son écriture est assimilée par ses détracteurs à une "absence de style"...

    Effectivement, dans la réalité du monde d'aujourd'hui, tout comme d'ailleurs "depuis toujours"... Lorsque l'on ne comprend pas un auteur, on dit qu'il est "nul" ou "hermétique"... (il faut du sensationnel, de l'intrigue amoureuse ou policière, de l'émotion, une histoire "bien charpentée qui tient debout du début jusqu'à la fin avec une bonne dose de suspense... Sinon "ça marcha pas", le lecteur "tope pas")...

    Ou alors, à la limite il faut être "un imposteur de génie" et savoir faire "se marrer" et interpeler le lecteur avec toutes sortes de formulations bourrées de métaphores hasardeuses "qui font pas trop dans la dentelle" et qui séduisent quelques "anti ceci/anti cela"... en fait, se livrer à un réquisitoire contre le "sens du monde", la "société de consommation" etc. ... (ce "truc" là, ça "prend toujours")...

    ... On note dans le style de Michel Houellebecq, un usage limité de la métaphore, quelques changements de registre dans le langage dans la même page, le même texte ; l'emploi de "litotes", des descriptions et des détails anodins, des fins de paragraphe avec des phrases simples et banales sur un ton de résignation ; l'emploi fréquent et inhabituel et surprenant d'adjectifs souvent négatifs, pour exprimer des jugements péremptoires...

    ... Un extrait, cependant, dans La carte et le territoire, page 17, collection de poche J'ai lu :

    ...C'est alors qu'il prit conscience du problème du taxi. Comme il s'y attendait, Atoute refusa nettement de le conduire au Raincy, et Speedtax accepta tout au plus de l'emmener jusqu'à la gare, à la rigueur jusqu'à la mairie, mais certainement pas à proximité de la cité des Cigales. "raisons de sécurité, monsieur..." susurra l'employé avec un léger reproche. "Nous ne desservons que les zones parfaitement sécurisées, monsieur" indiqua pour sa part le réceptionniste de Voitures Fernand Garcin sur un ton de componction lisse...

    ... Et, page 47/48 ceci :

    Il avait lu Platon, Eschyle et Sophocle ; il avait lu Racine, Molière et Hugo ; il connaissait Balzac, Dickens, Flaubert, les romantiques Allemands, les romantiques Russes. Plus surprenant encore, il était familier des principaux dogmes de la foi catholique, dont l'empreinte sur la culture occidentale avait été si profonde -alors que ses contemporains en savaient en général un peu moins sur la vie de Jésus que sur celle de Spiderman.

  • "N'ayez pas peur du bonheur, il n'existe pas"

    Une citation de Michel Houellebecq...

    ... Dans "la poursuite du bonheur", éditions "La différence" 1992

    "Compte tenu des caractéristiques de l'époque moderne, l'amour ne peut plus guère se manifester, mais l'idéal de l'amour n'a pas diminué. Étant, comme tout idéal, fondamentalement hors du temps, il ne saurait ni diminuer ni disparaître.

    Une fois que vous aurez développé un concept de l'amour suffisamment idéal, suffisamment noble et parfait, vous êtes fichu. Rien ne pourra désormais vous suffire.

    Pourtant, vous devez rester vivant -au moins un certain temps.

    À mesure que vous approchez de la vérité, votre solitude augmente. Le bâtiment est splendide mais désert...

    Parfois vous vous mettez à pleurer tant la netteté de la vision est cruelle. Vous aimeriez retourner en arrière, dans les brumes de l'inconnaissance, mais au fond vous savez qu'il est déjà trop tard".

    "N'ayez pas peur du bonheur, il n'existe pas".

    ... L'époque moderne -on va dire en gros (pour ma part) depuis 2008, est une bien drôle d'époque : il semble que le pire y soit plus possible, plus prévisible, que le meilleur... Et que les humains se déshumanisent...

    Si effectivement, l'amour ne se manifeste plus -parce qu'il se laisse remplacer par ce que j'appelle "l'ennemour"- il n'en demeure pas moins que, tout comme l'existence d'un "paradis originel" évoqué par Frantz Kafka, qui "n'aurait pas pour autant été effacé" ; l'idéal de l'amour et de la relation, n'a pas lui aussi, diminué pour autant...

    Ce que Frantz Kafka appelle "paradis originel", et cet idéal de l'amour et de la relation, et qui sont "une seule et même chose" en fait, est intemporel...

    Développer en soi et essayer de développer autour de soi, un concept de l'amour -et de la relation- "le plus noble possible" en supposant que l'on va y parvenir et le faire partager autour de soi, c'est prendre le risque de faire comme Icare dont les ailes ont brûlé quand il s'est trop approché du soleil (et aussi les ailes des compagnons d'Icare)...

    Il faut donc "demeurer vivant"... C'est à dire " être Icare sans ailes mais avec une âme, un esprit forts" autrement dit demeurer un humain...

    La "vérité", au fond, c'est peut-être comme un meuble très vaste, très haut, avec de très nombreux tiroirs, ces tiroirs symbolisant on va dire, des "questions"... Des questions il y en a à l'infini...

    À mesure que viennent, se superposent, s'entrechoquent, se mélangent, se diversifient, se reproduisent et se multiplient les questions... Et que ces questions, on les évoque, on les dit, on les dessine, et si l'on peut on les partage avec son prochain... Alors la solitude qui dans un premier temps ne cessait d'augmenter, devient moins "difficile", moins "désertique"... Et "le bâtiment" s'il n'est pas "splendide", s'il n'est pas éblouissant à crever les yeux", se révèle "habitable" -je ne veux pas dire "confortable".

    C'est vrai que la netteté de la vision (de la réalité telle qu'elle se présente, violente, brutale, crue et nue) est cruelle et qu'elle fait pleurer, qu'elle désespère, qu'elle donne envie de "faire le dragorek" (c'est à dire de tout détruire à jamais sans laisser de trace)... Et que l'on aimerait (il vient alors une sorte de nostalgie très profonde, très enracinée en soi) "revenir à ces temps d'origine, de paradis, de pureté, d'innocence, et d'inconnaissance"...

    Mais le temps qui est, le temps qui est "à ce moment là et pas à un autre" (et donc le temps qui fut il y a on va dire un milliard d'années, tout comme le temps qui sera dans un milliard d'années... ce temps n'existe qu'une seule fois... Et par rapport à ce temps, c'est -ou trop tard- ou trop tôt.

    "N'ayez pas peur du bonheur, il n'existe pas"... C'est de la lumière, de l'ombre, du contraste, des couleurs, de la vie, de l'énergie, de "l'âme" on va dire (ou du ciel en soi), du vent, des nuages, de la pluie, de la grêle, des tornades, du paysage... Et tout cela dans "un seul tableau, une seule grande fresque géante"... qui existe en soi... Et c'est peut-être mieux que ce "bonheur" qu'on veut à tout prix faire exister, et qui n'existe pas...

    S'il devait exister, ce "bonheur", alors j'en aurai effectivement très peur, car il me ferait "mourir de mon vivant", et-à fortiori- "mourir pour toujours dans la mort"...

  • Le petit saint, de Georges Simenon

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           Presses de la Cité, édition de 2005 en livre de poche.

    Roman achevé à Épalinges, le 13 octobre 1964. Première édition janvier 1965.

          Bien qu'ayant lu la quasi totalité de l'oeuvre de Georges Simenon, dont bien sûr les Maigret... Je viens récemment de découvrir ce roman "Le petit saint", qui est à mon avis, et de loin dirais-je, l'un des meilleurs de Georges Simenon...

    Il faut dire que Georges Simenon n'a pas écrit QUE des romans policiers, mais aussi des romans "sociologiques", comportant des études réalistes et détaillées  de personnages évoluant dans des situations difficiles ou dramatiques...

    Le petit saint, résumé :

        Louis Cuchas est l'avant dernier d'une famille de six enfants. Nés de pères différents, rien ne les rapproche ces enfants, sinon le logement exigü dans lequel ils dorment et vivent, dans une promiscuité où le vice lui-même n'a plus de nom. Leur mère, Gabrielle, partagée entre ses amants successifs et sa charrette de marchande des quatre saisons, n'a guère le temps de s'occuper de ses enfants.

    C'est parmi les petites gens du quartier populeux de la rue Mouffetard, que Louis laisse le monde venir à lui, enregistrant sons, couleurs, images, sensations, sous la protection de sa mère dont il est le préféré.

    À l'école il s'isole et son regard pétillant excelle à saisir les choses comme les gens. Le surnom de "petit saint" que lui donnent ses camarades d'école, a rapidement gagné les Halles où, à sa demande, il accompagne sa mère chaque matin avant l'aube.

    Ses frères et soeurs vont déserter l'un après l'autre le logement familial, Gabrielle ne reçoit plus d'hommes, Louis grandit...

    Il a quitté l'école et travaille la nuit aux Halles, mais il reste toujours le petit garçon aimable et pudique avec son visage de fillette encadré de boucles délicates.

    Un jour il se découvre une grande passion, la peinture. Désormais il ne vivra que pour la peinture, s'efforçant de traduire à sa manière dans la juxtaposition de couleurs pures, ce qu'il a accumulé depuis vingt ans.

    C'est l'éclosion à une vie nouvelle qui le fascine, malgré les jours difficiles, et, en même temps, la première expérience amoureuse.

    Il déménage, quittant la rue de son enfance et sa mère qu'il aimera toujours tendrement.

    Ses toiles se vendent, sa popularité naît et croît, grâce à son ami, Suard, qui a encouragé ses débuts. Mais, peu soucieux d'argent et de gloire, il restera Louis, le mystérieux petit garçon à la fois si proche et si lointain, dont la renommée, auréolée de légende, fera plus tard un artiste célèbre.

    Extraits :

    ... Avait-il dormi? Son corps était chaud sous la couverture. Aucun bruit particulier ne l'avait éveillé en sursaut. Il avait seulement entendu, derrière le rideau, qui n'était qu'un vieux drap de lit suspendu à une tringle, un halètement familier, entrecoupé de gémissements, avec parfois le grincement des ressorts du lit. C'était sa mère qui couchait dans ce lit, presque toujours avec quelqu'un. Puis, du même côté que lui du drap tenant lieu de cloison, il y avait Vladimir, ensuite Alice, ensuite les jumeaux, lui-même, chacun sur sa paillasse, et, contre le mur, le bébé dans son lit-cage.

    ... Il avait vaguement écouté le halètement, puis, petit à petit, il avait distingué la silhouette de Vladimir, en chemise, les genoux sur la paillasse, qui regardait par le trou du drap de lit.

    Louis n'était pas surpris ni curieux. Tout cela lui était familier, comme s'il l'eût vécu souvent à son insu. Pour la première fois, seulement, les images, les sons, se rassemblaient, formaient un tout qui avait un sens.

    Mon avis :

    Si l'oeuvre de Georges Simenon me paraît remarquable et surtout intéressante dans son ensemble,  je crois bien que "Le petit saint" en particulier, demeurera de tous les livres de Georges Simenon, celui qui m'aura le plus marqué... Peut-être parce que, dans une certaine mesure, je me suis senti par certains côtés, assez proche du personnage de Louis...

    J'ai toujours pensé, en tant qu' "homme d'écriture et de poésie" (si je puis dire)... Que la peinture, que le dessin, ou encore que le modelage, cela pouvait être "un peu comme l'écriture" et, qu'en quelque sorte, l'on pouvait aussi "peindre des tableaux" avec des mots, des tableaux de personnages, de situations, avec une "atmosphère", une sorte de paysage animé... Le tout, avec "un sens évident" ou un sens "suggéré" ou encore, "un sens caché"parfois...

  • "Fin de siècle", d'Eugen Weber

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    La France à la fin du XIX ème siècle

    ... Livre paru le 20 novembre 1986, éditeur Harvard University Press, et Fayard, pour la traduction et l'édition en langue française, en 1986.

    Traduit de l'anglais par Philippe Delamare

    Edition en 1998 Club France Loisirs avec l'autorisation de la librairie Arthème Fayard.

    L'auteur

    Né en Roumanie en 1925, Eugen Weber a enseigné à l'université d'Alberta au Canada, puis à l'université de Iowa aux Etats Unis. Il est devenu professeur à l'université de Californie. Il a effectué de nombreux séjours en France et il s'est spécialisé dans l'étude de l'histoire de France.

    Résumé 4 ème de couverture

    La vie des Français dans les années 1880-1890 est dominée par des préoccupations et des craintes qui font écho aux propres troubles de l'époque actuelle. Si le progrès technique se développe (nouveaux moyens d'éclairage, de transports, téléphone, ascenseur, etc.) autant que le sport, les loisirs, les voyages lointains ; la société "fin de siècle" redoute la criminalité en progression, l'usage des drogues, la surpopulation, les nuisances sonores, le déclin des valeurs personnelles et sociales. Un ouvrage captivant et riche d'enseignement.

    Mon avis

    Il y a effectivement une "ressemblance" entre ces deux époques situées à cent ans de distance l'une de l'autre : les années 1880-1914, et les années 1980-2015...

    Mais en dépit de ces "ressemblances" que sont les préoccupations et les craintes, les deux époques à mon avis ne sont pas comparables du fait du manque d'hygiène (utilisation et traitement de l'eau courante) et surtout de la précarité de l'existence, avant et même après la première guerre mondiale...

    D'autre part la brutalité et la violence dans les rapports humains, notamment familiaux, était une dure réalité dans la vie quotidienne...

    Nous sommes loin, en réalité, en lisant ce livre, de ce qui est raconté de la vie des gens de cette époque là, de 1880 à 1914, dans ces romans de terroir si "moraux", si "gentillets", si "émouvants", si mélodramatiques se terminant "pas trop mal" produits par des auteurs populaires !

    Extraits

    ... Entre les dents gâtées et les digestions difficiles, il est probable que la plupart des héros et des héroïnes des romans du XIX ème siècle avaient aussi mauvaise haleine que leurs modèles dans la réalité.

    Ils devaient aussi sentir généralement fort dans la mesure où leurs lourds costumes et leurs amples robes ignoraient le nettoyage à sec ; quant aux sous-vêtements-quand ils en portaient- ils n'en changeaient pas souvent...

    ... Vers 1850 déjà, Flaubert voyageant dans une voiture publique, pestait contre ses voisins qui puaient ignomineusement...

    ... La violence des adultes traduit la même futilité et le même désespoir : des querelles à propos d'un chemin ou d'une casserole, de poules ou de bétail égaré... dégénéraient en bagarres sanglantes et parfois meurtrières. Faute de couteaux, de gourdins ou de haches, on empoignait un sabot ou tout ce qui tombait sous la main...

    ... L'évacuation des eaux usées posait des problèmes encore plus persistants. Pratiquement jusqu'à la fin du siècle, dans des grandes villes comme Rouen, Bordeaux ou Rennes ainsi qu'en de moindres bourgades, les ordures ménagères et les pots de chambre étaient vidés dans la rue, les fosses septiques vidangées dans des tombereaux ouverts. Egoûts et caniveaux, lorsqu'ils existaient, se déversaient dans la rivière.

  • La Source, de James Albert Michener

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    Résumé du livre :

    Si le Roi David et Abisag la Sulamite, Hérode le Grand, le général Pétrone, Vespasien et Titus, Flavius, Josèphe et Maïmonidès sont bien des personnages réels ; et si Acre, Zéfat et Tibériade sont toujours des villes de Galilée ; et si toutes les descriptions de lieux sont exactes... Makor cependant (en Hébreu : La Source), le site même de Makor, avec son histoire et ses fouilles, est imaginaire, nous précise l'auteur.

    L'auteur nous entraîne à travers son récit, de la préhistoire (en 9834 avant l'ère chrétienne) jusqu'à la création de l'état d'Israël en 1948.

    Nous découvrons au fil du récit (sur quinze niveaux ou époques) entre 9834 av JC et 1948, la vie des premiers Hébreux, l'émergence d'un sens d'un Dieu unique (El, puis El Shaddaï, puis ensuite Yaweh), la conquête de Canaan, la lutte contre les envahisseurs au temps du roi David, l'occupation Romaine, les croisades, l'arrivée des Arabes et la naissance de l'Islam, puis le temps de Bysance et de l'empire Ottoman, et pour finir, au 20 ème siècle après la chute de l'empire Ottoman en 1918, le protectorat Anglais en Palestine jusqu'en 1948.

    840 pages, pavillons poche, Robert Laffont

    L'auteur :

    James Albert Michener est un écrivain Américain né le 3 février 1907 et décédé le 16 octobre 1997.

    Il fut élevé par sa mère adoptive Mabel Michener, à Doylestown en Pennsylvanie. Sa carrière littéraire débute durant la seconde guerre mondiale alors qu'il était lieutenant dans l'US Navy. Sur le théâtre des opérations dans le Pacifique Sud, il exerçait la fonction d'historien maritime.

    Il a écrit près de quarante romans historiques, et il raconte les évènements en évoquant dans le récit, des personnages imaginaires.

    Dans bon nombre de ses romans, il part des origines afin d'expliquer le monde contemporain et de comprendre la société Américaine.

    Il est un sympathisant de la cause Amérindienne qu'il soutient avec force et conviction.

    Oeuvres :

    Pacifique Sud, en 1948 ; La Source, en 1965 ; L'alliance, en 1980 ; La course aux étoiles, en 1982 ; Alaska, en 1988... Entre autres.

    ... L'intérêt majeur de ce livre, à mon sens, est celui du lien qui apparaît très nettement entre les trois religions "du livre" que sont le Judaïsme avec l'ancien testament ou la loi ancienne, le Christianisme avec le nouveau testament ou la loi nouvelle, et l'Islam avec la venue du dernier messager de la parole de Dieu et le Coran, et tout cela dans une continuité chronologique, de telle sorte que l'on réalise à quel point ces trois religions finalement se complètent l'une après l'autre et forment comme une même famille de croyants... (mais une famille profondément divisée cependant, dont chacune des trois parties se réfère, l'une à la loi ancienne et donc aux origines même ; l'autre à la loi nouvelle qui se substitue à la loi ancienne ; et enfin la dernière celle de l'Islam, qui se fonde sur la parole du dernier messager de Dieu, et qui serait donc la parole "définitive", en fait un résumé, une synthèse de tout ce qui précède, et avec de nouvelles ou ultimes prescriptions).

  • Des livres "coup de hache" !

          Après avoir lu, de John Fante, "Sur la route de Los Angelès", "Bandini" et "Demande à la poussière", je trouve là quelque ressemblance avec "Sur la route", de Jack Kerouac... Voilà un livre "La route de Los Angelès" (ou Sur la route, de Jack Kerouac), que l'on ne trouve pas souvent sur les étagères des belles bibliothèques en merisier de pas mal de " bonnes maisons bourgeoises"... Et pour cause !

    D'ailleurs, ces livres là, on ne les voit pas trop non plus en vente, autant que les Lévy et les Musso, ou autant que les livres de nos vedettes de la télé et de nos personnages politiques, sur les étals des Leclerc Culturel ou des Maisons de la Presse... Je ne lis et encore moins achète, l'un ou l'autre de tous ces bouquins aseptisés, d'un romantisme édulcoré aux émotions bon marché ; de ces autobiographies d'hommes et femmes politiques et de présentateurs Télé toutes aussi nombrilistes les unes que les autres, de toutes ces histoires d'amour raté, de ces essais politico-économico-sociétal indigestes bourrés de termes et de locutions sortis des universités, de l'Histoire falsifiée et travestie dans une mise en scène tout ce qu'il y a de plus consensuel et conformiste , de la Géographie à effets spéciaux images surdimensionnées, de toute cette smala de nouveaux jeunes auteurs qu'on voit se pavaner dans des "talk shows" ou émissions de variété à la télévision...

    En effet, tous ces bouquins là, de ce monde là, oui ils sont dans les Leclerc Culturel, à France Loisirs, dans les Maisons de la Presse... Et des milliers de gens achètent ces bouquins -que souvent ils ne lisent même pas ou survolent à peine- parce que "ça fait bien", parce que "on en parle", parce que "t'es un crétin" si t'en a pas entendu parler"...

    Ces livres là je ne les lis donc pas ... Mais il m'arrive, afin de me "faire une idée de leur contenu", d'en feuilleter quelques pages, au hasard, de lire deux ou trois passages de ci de là...

    Tiens... Il faudrait que quelque autre John Fante ou Jack Kerouac, enfin un type "avec les tripes qui vibrent" sorte un jour, un livre encore plus déjanté, encore plus salace, encore plus virulent, encore plus scandaleux, encore plus fou, encore plus absurde tout ça à la fois puissance 10, et avec un vocabulaire à faire pousser des choux-fleurs lumineux dans les tissus cervicaux d'extraterrestres ayant crapahuté sur la Terre sans s'être fait voir !...

    ... Mais... "quelque chose me dit"... que les générations à venir, celles nées après l'an 2000, sauront "faire la différence" entre le crétinisme branché sorti des grandes écoles et le crétinisme consomo-jetable vendu à cent mille exemplaires d'une part (et qui n'a aucun destin) ; et ce qui luminera, bandera du coeur et des tripes, dépoussièrera et ouvrira un espace de relation et de création qui n'a pas encore existé, d'autre part...

  • Dans "Paroles de femmes", de Colette...

         "Tout ce qui m'a étonnée dans mon âge tendre m'étonne aujourd'hui bien davantage. L'heure de la fin des découvertes ne sonne jamais. Le monde m'est nouveau à mon réveil chaque matin et je ne cesserai d'éclore que pour cesser de vivre"...

          Ce que l'on découvre de nouveau, tout au long de notre vie, et qui "avant", n'existait pas mais avait peut-être été rêvé ou imaginé, c'est effectivement comme l'éclosion d'une nouvelle vie en nous, une nouvelle vie qui va être différente de celle que nous vivions jusque là, parce que, ce qui désormais existe et se répand, et que l'on peut utiliser, nous porte à imaginer sinon à réaliser un "possible" qui, avant, n'était pas même concevable...

          Née le 28 janvier 1873 à Saint Sauveur en Puisaye dans l'Yonne, et disparue à Paris le 3 Août 1954 à l'âge de 81 ans ; Colette a donc vu arriver l'automobile, le téléphone, la TSF, et sans doute la télévision dans ses débuts...

    Je l'imagine, née en 1973, aujourd'hui âgée de 40 ans, ayant connu les débuts de la téléphonie mobile et d'Internet dans les années 1990, puis le développement et la généralisation aussi rapide de ces technologies de la communication à partir de 2005 surtout...

    Est-ce qu'Internet, les réseaux sociaux, Twitter, les sites et les blogs, Skipe, la Web Cam, le smartphone, l'édition en ligne et la diffusion instantanée de tout ce que l'on peut produire d'image, d'écriture, de parole... Est-ce que tout cela, oui, aurait fait une autre Colette que celle de la première moitié du 20 ème siècle ?

    Et qu'en aurait-il été, de même, pour chacun de tous ces auteurs, écrivains, artistes, acteurs, réalisateurs, qui, durant la majeure partie du 20 ème siècle, ont fait avec le téléphone à cadran et à fil, avec le télégraphe, la machine à écrire, le courrier postal, un manuscrit déposé chez leur éditeur, lequel manuscrit d'ailleurs, devait être accepté pour être publié ?

    Il est évident que toutes ces nouvelles technologies apparues pour la plupart d'entre elles dans les années 1990, et faisant partie intégrante de notre environnement quotidien depuis seulement quelques années, en gros depuis 2004/2005 ; ont "radicalement changé la donne"... Et les destins, et les habitudes, et les modes de vie, la relation, les rêves, les aspirations, la pensée, la culture, tout ce à quoi on croyait "avant"...

          Cependant, tous ces fils, réels et virtuels, qui nous relient sans vraiment nous relier en fait, nous relient dans un immense maëlstrom qui nous emporte et dans lequel on s'agite, et où l'on pense, où l'on incrimine, où l'on sacralise, où l'on maudit, où l'on illumine bien plus que l'on agit, bien plus que l'on aime, bien plus que l'on vit...

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         Colette en 1896 par Jacques Humbert

     

  • Amour noir, de Dominique Noguez

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                                                                                                               Editions Gallimard

                                                                                                                         1997

                                                                                                               Prix Fémina 1997

    Résumé du livre :

         Le narrateur décrit sa passion charnelle impossible pour une danseuse strip-teaseuse : Laeticia.

         Dominique Noguez est un écrivain Français né en 1942, normalien, agrégé de philosophie et docteur es lettres, il a enseigné à l'université de Montréal, puis à l'université de Paris I.

         Nous sommes loin, très loin, dans « Amour noir », ce roman de Dominique Noguez,  des sirupeuses ou parfois même insipides histoires d'amour raté produites par des auteurs auto-édités du Net, et aussi – il faut le dire- par des auteurs connus du « grand public » dont les livres sont lus sur la plage ou dans le train...

    L'on ne peut pas dire – c'est du moins ce que j'ai ressenti tout au long du livre – que cet amour fut  raté  au sens où l'un des deux  aime plus que l'autre , et où l'on voit se déchirer deux êtres qui tout de même en dépit de situations explosives ou dramatiques, se voient et se revoient, vivent ensemble épisodiquement durant deux ans... Pas  raté , donc... Mais  noir , oui, cet amour !

    Page 20 : «  Quand j'étais revenu, elle était nue sur le lit, dont elle n'avait pas ôté le dessus »...

    Banalité de la situation, qui me surprend, après les premières pages qui précèdent et dans lesquelles l'auteur évoque dans le détail et dans une dimension littéraire peu commune, toutes ces phases d'approche de la femme aperçue : «  Elle n'avait d'abord été qu'une silhouette blanche surmontée d'un buisson de boucles sombres, dans la pénombre de la promenade du casino de Biarritz un soir de juin »...

    Page 21,22 et 23 : Eric revoit la cassette du Cheval Bleu, de Laeticia... Une cassette odieuse  que l'auteur nous décrit en quelques phrases d'une dimension d'écriture tout autre que celle  par exemple, de la prose  innocente  d'un blogueur  faisant le procès de la pornographie...

    Page 34 et 35 : « Je faisais ainsi grande consommation d'épigrammes grecques ou de « lettres » de samouraïs. Les poèmes d'amour arabes me retenaient aussi beaucoup, avec leurs « joues de rose » et leurs « yeux de gazelle ». (De toute façon, c'est cela ou les mots crus. La littérature amoureuse navigue toujours entre la métaphore un peu trop riche et le con-cul-bite ; je préférais la métaphore.)

    Je dis aussi pour ma part, que je préfère, dans l'évocation d'une scène d'amour, la métaphore, bien que je soupçonne cette dernière de barder de fine dentelle une réalité crue et nue... 

    Dans l'ensemble (et j'ai lu aussi quelques unes des historiettes de « Oeufs de Pâques au poivre vert ») j'aime l'écriture de Dominique Noguez dans laquelle je découvre dimension littéraire, vocabulaire riche et imagé, poésie, réflexion... Certaines de ses phrases assez longues sont néanmoins fort bien construites, bien articulées et rythmées, et « coulent comme des ruisseaux de montagne qui chantent »...

    Par comparaison, ayant lu de John Maxwel Coetzee, « Scènes de la vie d'un jeune garçon » ; j'ai trouvé que l'écriture de cet auteur était plus  épurée  (moins imagée, moins  poétique ) avec des phrases courtes, sans effets inutiles ; des phrases cependant, d'une  grande et nette correction de ton et de langage … Et aussi d'une grande sobriété. 

    J'aurais peut-être une préférence pour l'écriture de Dominique Noguez... Mais une écriture  poétique et imagée, au risque d'effets purement émotionnels, au vocabulaire riche et aux longues phrases rythmées... Est-ce une nécessité ? Est-ce vraiment  de notre temps ? Est-ce que cela peut avoir une  portée ? … Je pense par exemple  à des auteurs tels  que Jean Marie Le Clézio ou Alice Ferney...

    Que liront, comment liront, les nouvelles générations ?

  • Mémoires barbares, de Jules Roy

    memoires-barbares.jpg                                                                                                             Albin Michel, 1989

    Quatrième de couverture

          "Je suis né en même temps que l'aéroplane dans la plaine de la Mitidja, au sud d'Alger. J'ai passé mes premières années avec ma mère, ma grand-mère, mon oncle Jules et un vieil ouvrier agricole indigène qui s'appelait Meftah. On s'éclairait à la bougie, le pétrole et la lampe Pigeon étaient un luxe, nous allions à Boufarik dans un break à deux chevaux, les premières autos commençaient à rouler en soulevant un nuage de poussière, il y avait des fusils partout, le soir je m'endormais dans le hululement des chacals et la voix qui appelait les Arabes à la prière. J'ai appris à lire dans le Chasseur Français. Au lycée d'Alger, je fus un cancre, on m'expédia au séminaire : notre professeur de grec sondait l'éther avec un poste à galène et notre professeur de littérature entrait en transe en lisant Lamartine.

    Ma vocation, je la trouvai dans l'armée. Je devins officier. Mes inspirateurs furent un merveilleux mandarin omniscient à demi loufoque, Montherlant et deux poètes alors à Tunis, Jean Amrouche et Armand Guibert. Quand la Deuxième Guerre mondiale éclata, j'étais dans l'aviation, le désastre nous chassa jusqu'à Alger et le drame de Mers el-Kébir nous rangea aux côtés de Pétain. Antijuif et antiarabe, je fus un homme de droite jusqu'à l'arrivée des Alliés en 1942. La confusion qui régnait fut mon salut : j'allai où je devais. Mon premier livre, La vallée heureuse, raconte comment les bombardiers lourds de la RAF écrasèrent l'Allemagne. A mon retour en France en 1945, Camus m'ouvrit les yeux sur le monde, puis je marchai seul. Après ce que je vis en Indochine, je quittai l'armée. Après ce que je vis en Algérie, je devins un subversif.

    Je le suis toujours".

    Jules Roy est un écrivain et militaire français né le 22 octobre 1907 à Rovigo (Algérie, plaine de la Mitidja) et mort le 15 juin 2000 à Vézelay dans l'Yonne...

    En juin 1953 il quitte l'armée qui, selon lui, en Indochine se déshonore, il se porte alors vers la littérature et après la mort de son ami Albert Camus en 1960, il dénonce la guerre d'Algérie et ses atrocités.

    J'avais déjà lu de lui "Les chevaux du soleil" dans une édition de poche de plus de mille pages, une saga de plusieurs générations d'une famille depuis le 14 juin 1830 au débarquement des troupes de Charles X sur la plage de Sidi Ferruch, jusqu'au 3 juillet 1962, jour de l'indépendance de l'Algérie...

    L'action, les personnages, les drames, la vie des gens, les évènements, de 1830 à 1962, tout cela se passe dans la plaine de la Mitidja, entre Alger et les collines du Sahel, et Blida au pied de l'Atlas Tellien (le pays où j'ai vécu avec mes parents, de 1959 à 1962)...

    Je vous livre ici un passage de ces Mémoires barbares :

    Page 169 :

    ... Et le Blida de ce temps là gardait sur moi le même empire, avec ses calèches autour de la place d'Armes, son fameux kiosque à musique avec palmier, l'odeur de péché que toutes les femmes répandaient derrière elles. Dès qu'on parlait de Blida, un soleil éclatait sur le boulevard planté d'orangers.../...

    La ville était pleine de riches grainetiers, de marchands de vin, d'exportateurs d'agrumes, tout le trafic d'Alger avec le Sud passait par là, on disait aussi que les filles de Blida étaient les plus sensuelles de la plaine.

    Je cite ce passage car ayant vécu moi-même à Blida, âgé de 11 à 14 ans (j'ai été au Lycée Duveyrier à l'époque, en classe de 6ème et 5ème), entre 1959 et 1962, je peux dire que, dans ce que raconte Jules Roy, de Blida, de son temps à lui, eh bien en 1960, "c'était encore ça" (mais avec des automobiles Peugeot, Citroën et Renaud autour de la place d'Armes, et bien sûr, toujours le boulevard planté d'orangers, avec les oranges tombant par terre et se ramassant comme des feuilles en novembre)...

    Quelle époque littéraire et artistique que celle de ce 20ème siècle : Céline, Saint Exupéry, les débuts de l'aviation, Gide, Pauhlan, Anouilh, Sacha Guitry, Cocteau, Sartre, Simone de Beauvoir, Montherlant, Mauriac, Camus, Albert Londres... Et tous ces écrivains, journalistes, intellectuels et artistes du temps là ; qui soit dit en passant, avaient "une autre consistance, une autre trempe" que toute cette pléiade d'auteurs et d'artistes d'aujourd'hui se produisant ou étant présentés dans des émissions Télé grand public !... Non pas qu'il n'y ait pas de talents ou de "grandes figures" parmi ces derniers, mais les époques, celle du siècle passé et celle de ce début de 21 ème siècle ne sont pas comparables, du fait du foisonnement, de la diversité, de l'étendue de l'offre en matière de livres et de littérature, du nombre d'éditeurs et d'auteurs, de l'édition en ligne sur le Net, et des blogs... De telle sorte que la consistance, la portée, l'impact d'une oeuvre sur un public, ne se dégage pas vraiment et demeure noyé dans le nombre... Et que le nombre est surtout fait de "tout venant", surtout fait de produit de consommation, et par là, de médiocrité, de banalité, de contre-façon, de plagiat ou de clonage, d'esbroufe et de divers effets spéciaux ou arrangements d'occurrence...

    ... Tout de même, cet écrivain Jules Roy : un homme "de droite" durant la première partie de sa vie, et comme il dit "antijuif et antiarabe", et comme il l'écrit dans son livre "Mémoires barbares", si peu enclin à soutenir les brigades internationales et les républicains pendant la guerre civile espagnole... Un homme qui, "de droite" depuis son enfance ; en 1942 change de vision et en 1953 devient un subversif jusqu'à la fin de sa vie... Ce n'est pas ordinaire !

     

  • John Fante, écrivain Américain précurseur de la "beat generation"

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          John Fante est un romancier, essayiste et scénariste Américain né le 8 avril 1909 à Denver au Colorado et mort le 8 mai 1983 à Los Angelès en Californie.

    Il est le fils d'immigrants italiens et grandit dans une famille croyante et conservatrice.

    C'est un gamin des rues turbulent, épris de liberté, qui découvre la sexualité puis l'écriture, mais tout cela dans la douleur et surtout dans un environnement qui lui est hostile (dans une école jésuite)...

    Il commence à écrire dès son plus jeune âge et il est un enfant sensible, passionné, avide de la beauté du monde.

    Ses "modèles" en littérature sont Knut Hamsun, Dostoïevski, Nietzsche, Jack London et Sinclair Lewis.

    Ses premières nouvelles sont remarquées par H. L. Mencken, rédacteur en chef de la revue littéraire The American Mercury, qui publie régulièrement dès 1932 la prose du jeune Fante.

    En 1933, son roman "La Route de Los Angeles" est refusé car jugé trop cru et trop

    provocant (malgré une correction de son ébauche vers 1936, le roman ne sera

    publié qu'en 1986, après sa mort).

    Dans ses livres John Fante "redimensionne" la réalité afin de donner à la réalité davantage de consistance, de puissance, de vérité brute...

    Dans son premier roman "Bandini", d'une connotation largement autobiographique, le personnage central est un être atypique, inimitable dans une recherche de l'extrême, de l'outrance même, et surprend, dérange dans ses envies, dans les thèmes qu'il aborde : l'art, la philosophie, les femmes...

    Lorsqu'en 1939 il publie "Demande à la poussière" il est encore un adolescent impulsif et torturé . Il vit seul dans un hôtel pension de famille, envoie de l'argent à sa mère dès qu'il perçoit un cachet de l'Américan Mercury. Il "prophétise" le monde, et il se tient en équilibre instable et périlleux entre deux abîmes : les femmes et la littérature.

    Il rencontre Joyce, une étudiante fortunée, éditrice et écrivain, qu'il épouse en juillet 1937.

    C'est la parution de "Pleins de vie" , un véritable succès commercial, qui lui assure sa réussite financière. Les portes d'Hollywood lui sont alors ouvertes et il devient scénariste.

    Après être tombé par la suite, un moment dans sa vie, dans un oubli relatif, voire une certaine indifférence, il est en quelque sorte "remis en scène" par Charles Bukowski et par son ami éditeur John Martin qui rééditent "Demande à la poussière".

    Mais John Fante, atteint de diabète, suite à de graves complications, devient aveugle et cul-de-jatte...

    Lorsqu'il rencontre Charles Bukowski, il dit ceci : "la pire chose qui puisse arriver aux gens, c'est l'amertume. Ils deviennent tous si amers"...

    À l'âge de 74 ans, il dicte à sa femme Joyce, les épreuves de "Rêves de Bunker Hill".

    Il eut quatre enfants, dont l'écrivain Dan Fante.

    Personnage d'excès et de provocation, John Fante est aujourd'hui considéré comme un écrivain précurseur de la "beat generation".

    "Pour écrire il faut aimer, et pour aimer il faut comprendre"

    [John Fante]

    ... Oui : pour écrire il faut aimer avec sa queue (ou sa mouillette) ET avec les vélos qui te sprintent dans la tête ; et pour aimer il faut comprendre pourquoi la queue bande, pourquoi la mouillette s'écarte, pourquoi les vélos sprintent dans la tête...

    Mais aimer sans se laisser mener par la queue qui bande ou la mouillette qui s'écarte, aimer en battant à la course les vélos qui sprintent dans la tête, aimer en comprenant non seulement le pourquoi mais aussi le "pas pourquoi" ; c'est encore plus qu'aimer : c'est de la rage, et le tout est de ne pas en crever...

    C'est "un peu dommage" que les plus grands écrivains finissent presque tous par crever de la rage qu'ils ont à écrire... (Ou ils deviennent alcooliques ou dépendants de drogues dures, ou ils se suicident, ou ils s'autodétruisent, ou ils ont des vies chaotiques et dramatiques, ou ils sont quasiment incompris, ou ils sont censurés ou emprisonnés ou assassinés)...

    Rares sont ceux, de ces plus grands écrivains, qui parviennent à ne pas crever de la rage qu'ils ont à écrire, et même au contraire, à en vivre avec cette rage, comme personne ne peut en vivre... Alors même qu'ils auraient toutes les raisons de devenir alcooliques, drogués, fous, et de s'autodétruire...

    ... John Fante a dit aussi : "la pire chose qui puisse arriver aux gens, c'est l'amertume. Ils deviennent tous si amers".

    J'ajouterai pour ma part, qu'effectivement l'amertume est une chose désastreuse parce qu'elle ne nous réconcilie pas avec le monde, un monde que l'on ne rejette pas forcément, que l'on peut même aimer tel qu'il est... Mais qu'en définitive on ne cesse de déplorer, de "pourfendre" jusque dans l'excès, jusque dans une certaine forme d'autisme (une manière de "crever de rage")... Et le pire c'est quand la nostalgie coexiste avec l'amertume, la nostalgie de ce qui fut et ne sera plus, la nostalgie de ces temps vécus si regrettés (soit dit en passant j'aime mieux ce que j'appelle "la nostalgie d'un temps futur et possible", la nostalgie d'un temps qui viendra, que nous avons pressenti, que nous ne verrons pas mais que nous avons rêvé différent et peut-être plus beau)...

    Le ou l'un des seuls moyens à mon sens, de ne pas sombrer dans l'amertume et dans la nostalgie, c'est encore d'être, d'essayer être le témoin de son temps, le témoin de tout ce qui se dit, se fait, s'écrit, se vit ; et cela dans la plus grande "honnêteté" possible, jamais en "juge", jamais avec de ces "fioritures" ou de ces "effets spéciaux" trompeurs, véritables numéros d'illusionnistes ; mais autant que possible avec ce qui "du coeur de son réacteur", ne ressemble à personne d'autre, demeure intemporel et inimitable...

  • Révolutions, de Jean Marie Le Clézio

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                                                                    Editions Gallimard, 30/04/2004, collection Folio

    Biographie de Jean-Marie-Gustave Le Clézio

    J. M. G. Le Clézio est né à Nice le 13 avril 1940 ; il est originaire d'une

    famille de Bretagne émigrée à l'île Maurice au XVIIe siècle. Il a poursuivi des

    études au collège littéraire universitaire de Nice et est docteur ès lettres.

    Malgré de nombreux voyages, J. M. G. Le Clézio n'a jamais cessé d'écrire depuis

    l'âge de sept ou huit ans : poèmes, contes, récits, nouvelles, dont aucun

    n'avait été publié avant Le procès-verbal, son premier roman paru en septembre

    1963 et qui obtint le prix Renaudot. Son oeuvre compte aujourd'hui une trentaine

    de volumes. En 1980, il a reçu le Grand Prix Paul-Morand décerné par l'Académie

    française pour son roman Désert.

    Le livre :

    Ce n'est pas le paradis qui est perdu, c'est

    le temps avec ses révolutions. Nice, dans les années cinquante et soixante,

    était l'endroit rêvé où rendre un culte intérieur et un peu désespéré à l'île

    Maurice de mes ancêtres. La réalité semblait ne cesser de s'y transformer, des

    populations très pauvres, venues de tous les coins de l'Europe et de l'Asie, des

    Russes, des Italiens, des Grecs, des émigrés africains, et les premiers

    rapatriés fuyant la guerre d'Algérie, s'y croisaient chaque jour, et quelque

    chose de la fabrication de la pensée classique, c'est-à-dire de la philosophie,

    y était encore perceptible. Peut-être, à un degré différent et sur un autre

    mode, ce qu'était Alger ou Beyrouth à la même époque. L'exil, la recherche d'une

    terre, font partie de ce qui m'a été donné premièrement. Il m'a toujours semblé,

    comme l'a dit Flannery O'Connor, qu'un romancier doit être porté à écrire sur

    les premières années de sa vie, où le principal lui a été donné. J.M.G. L.C.

    Mon avis :

    De Jean Marie Le Clézio, dans “ Révolutions”, page 403 livre de poche collection Folio :

    Que reste-t-il, quand le temps a tout miné, et que plus rien de ce qui existait si fort ne semble tenir ensemble?”...

    ... Et, à la fin de la page suivante : “Le soleil des philosophes était entré dans sa phase occultée. Jean pensait que longue serait la révolution.”

    ... Ce “temps qui mine tout”, est-il donc comme l'onde clignotante d'éclats de lumière sur l'eau et s'éloignant puis disparaissant? Et cet éclat si vif, lorsqu'il est entré dans notre vision en nous donnant un regard que nous n'avions pas avant que n'apparaisse l'onde d'éclats de lumière, cet éclat si vif et d'une seule trace de lumière... Doit-il avec ce “temps qui mine tout”, se fracturer en paillettes de lumière errantes et de plus en plus séparées les unes des autres?

    Que reste-t-il? Peut-être la mémoire, comme un grand livre endormi jusqu'à ce que des mains, un jour proche ou lointain, le découvre et en ouvre les pages...

    ... Ce “soleil des philosophes” n'est-il pas la pensée de quelques êtres de ce monde et plus généralement la pensée exprimée avec les mots de tous les jours de tant d'êtres de ce monde,

    une pensée venue de très loin dans le temps, du temps d'Anaxagore et d'avant ; une pensée seulement occultée en apparence?

    Comme Jean, je pense que longue sera la révolution... Mais longue comme quoi? Un “jour” de la Bible? Un “jour” à l'échelle du cosmos? Un “jour” à l'échelle de la durée de nos civilisations?... Ou un souffle venu tout à coup des profondeurs de millions d'êtres peuplant la Terre?

  • Réflexion sur la qualité littéraire...

    ... Un bien vieux débat à vrai dire, et qui n'en finit pas d'ailleurs !... Ou que l'on éclipse dans la mesure où modes et tendances font la qualité ...

    Dans "Comment lire" d'Azra Pound, l'auteur esquisse une classification qualitative des oeuvres littéraires...

    Ainsi distingue-t-il pour les auteurs :

    -Les inventeurs

    -Les maîtres

    -Les dilueurs

    -Le gros de la production littéraire

    -Les faiseurs d'engouement

    Azra Pound écrit :

    "Il suffit de savoir à quoi s'en tenir quant aux deux premières catégories pour être à même d'évaluer au premier regard quasiment n'importe quel livre inconnu..."

    ... Je serais assez d'accord avec la classification d'Azra Pound... Mais à quelque nuance près :

    Les inventeurs et les maîtres, sur le dernier barreau en haut de l'échelle, ensemble... Car l'inventeur seul, ou le maître seul ne peut être au dessus à lui seul...

    Ce sont les inventeurs qui sont en même temps des maîtres, "qui font faire un pas en avant à l'humanité" (ou plutôt à l'humanité par la littérature mais aussi à l'humanité par l'art, par la science, par la philosophie)...

    En littérature par exemple, par le "Nouveau Roman"...

    Mais cela ne peut être, ce que je dis là au sujet des "inventeurs et maîtres" une certitude ou une affirmation... Autrement dit peut-on parler d'un pas en avant pour l'humanité, par la littérature en l'occurrence, avec le "Nouveau Roman" ou tout autre genre littéraire jusqu'alors inconnu ?

    Les dilueurs et le gros de la production écrite, je place tout cela sur le barreau de l'échelle situé juste au milieu.

    Quant aux faiseurs d'engouement, je les place tous sur le dernier barreau de l'échelle, tout à fait en bas...

    En somme, l'échelle n'aurait que trois barreaux, très espacés les uns des autres.

    Avec de très grandes jambes et par un très grand effort, peut-être parvient-on à poser le pied sur le barreau du milieu...

    Avec de lestes et -ou-jolies jambes même sans grande force peut-être parvient-on à poser le pied sur le premier barreau en bas...

    Mais pour poser directement le pied sur le dernier barreau en haut, alors il faut des ailes !

    ... Nous savons tous, consciemment ou non ; que le meilleur, le plus novateur, le plus révolutionnaire, de ce qui peut être produit en matière de littérature, de philosophie, de réflexion, de science, d'art... Ne peut changer le monde, ne peut même la plupart du temps, changer la vie en soi ou changer la vie des personnes qui nous sont proches et que l'on aime... Mais seulement "ouvrir une porte ou un passage", une porte ou un passage que l'on emprunte juste durant le temps de l'émotion que l'ouverture a suscité...

    Dans le prolongement de l'émotion il faudrait déjà que la réflexion s'installe, et se mette à couler dans notre esprit comme le sang dans nos veines irriguant nos tissus, nos muscles, nos organes...

    ... "Évaluer au premier regard quasiment n'importe quel livre inconnu" ... Comme l'écrit Azra Pound...

    Mais des livres inconnus il y en a beaucoup... Et parmi ces livres là, des livres qui sont inconnus pour la seule raison qu'ils ne sont pas lus alors même qu'ils existent...

    C'est sans doute que les "faiseurs d'engouement" ne dérangent pas, sont tous "asceptisés" et nous mènent sur les chemins que nous préférons suivre... Avec de temps à autre quelque paysage inattendu d'un côté ou de l'autre du chemin...

  • Le monde en stop, de Ludovic Hubler

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    Ludovic Hubler est un voyageur Français né le 11 septembre 1977, qui a effectué un tour du monde en stop. Il est l'auteur du récit de voyage "Le monde en stop", et lauréat du prix Pierre Loti 2010.

    Né le 11 septembre 1977 il est le fils d'un père chef d'entreprise et d'une mère au foyer. Passionné de football et de géographie, il passe son enfance et son adolescence à Wasselonne et à Obernai en Alsace.

    À la suite d'une formation à l'Ecole de management de Strasbourg, il obtient un master de management en juin 2002. Mais avant de se lancer dans une activité professionnelle, il décide de réaliser le rêve qui l'habite depuis son enfance : un voyage autour du monde en auto stop, sans utiliser ni train ni bus ni taxi ni avion, et avec un budget très sommaire (environ douze mille euro)... Son aventure qui ne devait durer que deux ans tout au plus, durera en fait cinq ans jour pour jour, du 1er janvier 2003 au 1er janvier 2008.

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    Un extrait du quatrième de couverture :

    ... Du "voilier- stop" pour traverser notamment les océans Atlantique et Pacifique au "brise-glace-stop" pour se rendre sur le continent Antarctique, en passant par la traversée du Sahara, ou de pays comme la Colombie et l'Afghanistan, Ludovic aura testé son pouce dans toutes les situations possibles et imaginables.

    Cinq années de voyage, 170 000 kilomètres parcourus, 59 pays traversés, des centaines de conférences données et les services de plus de 1300 conducteurs donnent l'idée de l'ampleur et de la richesse du périple. Plus qu'un nouvel exploit de l'extrême, ce livre retrace une aventure humaine extraordinaire dont le souffle de liberté ne manquera pas de vous emporter...

    Mon avis :

    ... À travers ce récit, l'on découvre la réalité du monde d'aujourd'hui, autrement que par les images diffusées à la télévision, autrement que par les articles de presse, autrement que par ce que nous disent les grands médias d'information...

    Ce qui m'a cependant interpelé, à la lecture de ce récit - que je savais déjà mais sans doute pas à ce point là et dans cette réalité là au quotidien de la vie des gens- c'est cette omni présence des religions partout dans le monde, aussi bien dans le "monde occidentalisé et développé" que dans le monde "en voie de développement ou encore misérable ou ancestral"... En gros, le monde Chrétien d'une part, et le monde Islamique d'autre part...

    Mais les médias font plus souvent dans le "catastrophisme", dans le sensationnel, dans les "sujets sensibles qui génèrent de l'émotion ou de la violence... Plutôt que dans ce qui pourrait (et qui existe bel et bien) réellement "changer le monde" en mieux...

    Peut-être, après tout, sommes nous, générations actuelles d'humains, dans une phase d'évolution, certes difficile voire incertaine... Mais tout à fait nouvelle en ce sens que bon nombre d'entre nous et de plus en plus sur toute la planète, savent "ce qui se passe ailleurs" et surtout "comment c'est ailleurs et comment on vit ailleurs"...

    ... Si seulement les religions pouvaient un peu refluer, ne plus comme dans certains pays dans le monde, "avoir force de loi", et surtout ne plus pousser à la guerre, ne plus être aussi omni présentes dans la vie des gens au point que les gens n'arrivent pas à concevoir qu'on peut être sans religion, vivre sans religion...

    ... Il est vrai que nous avons là, avec ce récit, l'expérience d'un jeune qui, il faut le dire, a une grande faculté d'adaptation, un sens "nettement au dessus de la normale" de la débrouillardise, quelques relations "intéréssantes" et sur lesquelles il peut compter dans son environnement social avant son départ, le soutien de ses parents et surtout de son père en particulier, et tout de même un "bagage" en matière de formation intellectuelle, universitaire (ce qui lui permet de donner des conférences lors de son séjour par exemple, aux USA)... Autrement dit, il a "pas mal d'atouts déterminants dans son jeu" ! Ce qui est loin d'être le cas pour bon nombre d'autres jeunes (ou personnes plus âgées d'ailleurs) "nourrissant" un tel rêve, celui de partir à l'aventure à pied, en stop, en vélo, et même en utilisant des moyens de transport tels que le train ou l'avion, à travers le monde...

  • Le journal de Kafka, par Marthe Robert

          Marthe Robert née le 25 mars 1914 et décédée le 12 avril 1996, est une critique littéraire Française, et l'un des plus éminents spécialistes de l'oeuvre de Frantz Kafka.

    Dans sa jeunesse elle décida d'apprendre l'Allemand parce que son père ayant combattu durant la première guerre mondiale, était devenu un militant pour la paix.

    Après ses études à la Sorbonne, Marthe Robert intègre l'université Johann Goethe à Frankfurt.

    Elle fut une traductrice fidèle de l'oeuvre de Kafka.

    LE JOURNAL DE KAFKA, traduit et présenté par Marthe Robert. (Le livre de Poche, biblio, 674 pages)

    Ce combat entre Kafka et le monde, avait quelque chose de paradoxal…

    Poète, Kafka se sentait différent du commun des mortels et par conséquent contraint d’affirmer sa singularité. Ce qui rendait inévitable sa lutte avec le monde.

    Cependant, Kafka avait en même temps une autre préoccupation, un autre regard que celui d’un écrivain sans complaisance à l’égard du monde : il a voulu aider le monde à se défendre, en particulier par ce besoin qu’il sentait, de surmonter sa révolte (et plus généralement celle de l’individu), et de trouver la route ouvrant le passage vers une communauté vivante, celle des hommes coexistant ensemble dans une tradition, une culture, une histoire…

    Ce journal est, selon Marthe Robert, « le témoignage le plus poignant de toute l’histoire de la littérature ».

    « Nous avons été chassés du paradis mais le paradis n’a pas été détruit pour cela »…

    Ce « paradis » n’était-il pas cette Connaissance, ou mieux peut-être, cette « vérité » originelle, totalement pure, en l'absence de tous ces mécanismes inextricables des codes et des procédures, de toutes ces lois et de tous ces systèmes politiques et économiques constituant un immense carcan ?

    Retrouver ce " paradis qui n'a pas été détruit mais dont nous nous sommes nous-mêmes exclus" , apparaît donc comme une nécessité… D’autant plus que sa « redécouverte » s’ouvre dans une perspective encore plus belle et plus émouvante que sa découverte qui, à l’origine, n’en était qu'au début de son commencement...

    En fait, ce n’est pas le « dieu » des Chrétiens, ni celui des Musulmans ou un autre « dieu »… qui nous a chassés du « paradis » : ce sont bel et bien nous, les humains, qui avons en partie, perdu la Connaissance, et qui avons cru retrouver cette Connaissance par la Science, par la Civilisation, par la Technologie, avec des lois édictées par les monarques ou par les parlements, par les codes et par les procédures sans cesse remaniés et adaptés aux évolutions politiques et sociales… Le plus souvent d'ailleurs, au bénéfice d’une minorité « privilégiée » d’humains…

    Mais cette Connaissance existait avant que l’humain ne fût, ici ou ailleurs…

    …Le Journal de Kafka, 674 pages. Un casse tête aux dires de certains, à la seule idée que l’on peut se faire de ce que suggère à priori, la lecture des écrits et des romans de Kafka…

    Mais quelle pureté de langage ! Quelle précision ! Quelle minutie dans les moindres détails ! Et surtout quelle écriture !

    ... Je retrouve là, dans l'oeuvre de Kafka en général, et en particulier dans cette idée selon laquelle "le paradis n'a pas été détruit" et que " sa redécouverte pour autant qu'il en peut être, s'ouvre dans une perspective encore plus belle et plus émouvante"; et encore, "de ce besoin de surmonter sa révolte"...  L'un des thèmes récurrents et privilégiés de ma propre pensée, de toutes les réflexions qui me viennent depuis mon enfance...

  • Les Autres, d'Alice Ferney

         Un livre tout à fait étonnant, et qui nous éclaire sur le sens, sur la complexité, sur la nature même de la relation humaine...

    Je savais déjà que l’univers du relationnel était un univers complexe, avec des liens multiples, de « drôles de liens » parfois, des liens étranges, des « dits », des « non dits », des regards, des interrogations, des intonations de voix ; jusqu’à des habillements, des attitudes, des comportements, des silences et de toutes sortes de petits gestes émouvants, évocateurs, messagers… Dans la manière par exemple, de relever une mèche de cheveux ou de se passser un doigt sur le bord des lèvres...

    Mais c’est encore ici dans ce livre, entre des personnages que l’on voit apparaître en trois tableaux à la fois différents et semblables, bien plus complexe encore !

    Et surtout, révélateur...

    L’on ressort de ce livre, LES AUTRES, d’Alice Ferney, « averti » désormais… Mais non pas forcément plus aguerri... Et parfois même, fragilisé...

    Pour en savoir plus sur Alice Ferney :

    http://www.evene.fr/celebre/biographie/alice-ferney-4154.php

  • Virtualodrome, de Denis Juanola, Alexandrie Editions

         Je ne lis que peu de romans d'auteurs d'édition en ligne, c'est à dire de ces livres dont on télécharge le contenu pour une lecture sur écran d'ordinateur...

    Mais ce livre "Virtualodrome", de Denis Juanola, publié sur Alexandrie Editions, a retenu mon attention...

    http://www.alexandrie.org/resum.php?lid=57 : en dessous du résumé, bouton pour le téléchargement du livre... (282 pages)

         Déjà pour commencer, ce raid meurtrier dans le métro parisien, de trois énergumènes tout de cuir noir vêtus, bottés casqués, armés de pistolets mitrailleurs, appartenant à un groupe terroriste d’extrême droite, liquidant presque à bout portant des miséreux, SDF et autres marginaux pouilleux sur le quai d’une station… Et comme par hasard, ce toutou cagneux (mais pas méchant du tout) dont on « caressait vicieusement les roustons », réchappant de ce carnage. Faut-il voir là, dans la survie de cet animal famélique, un symbole ? Une signification particulière ? Et dans l’évènement lui-même, un avertissement donné par l’auteur, de ce que pourrait être ce monde de 2022, dans un futur très proche de nous, donc ?

     Un peu plus loin, mais assez vite tout de même et cela ne me surprend guère, nous avons droit à une scène de baise virtuelle « des plus classiques » à mon sens : tout y est, le décor paradisiaque (une plage tropicale, du soleil, une fille de rêve…). Cela ne m’a point percuté et encore moins émerveillé outre mesure… Je n’ai pas « bandé comme un étalon » à la lecture de cet épisode de « baise virtuelle » ! Par contre j’ai particulièrement apprécié l’intrusion du pirate dans le serveur de « Hawaïan Dream », même si l’issue est fatale pour la jeune femme Californienne. Et plus loin encore, cette formidable explosion au Ghana, faisant plus de 400 000 victimes à la suite du minage d’un terrain pollué de vieux déchets toxiques et nucléaires.

     Avec les tueurs de la VREC, on entre dans un thriller de série noire… Mais un thriller fort bien troussé et dont le déroulement alterne avec des développements et des analyses sur ce monde archi pourri qui est celui des années 20 du 21ème siècle… Les descriptions de lieux et les évocations de faits divers sont truculentes et retiennent l’attention du lecteur par leur côté à la fois tragique, caricatural et comique parfois… Notamment ce passage concernant l’élection de « Miss Troud’balle » dans une boîte hyper branchée, retransmise sur les chaînes de télévision, où l’on voit se pavaner un jury de personnalités censé représenter le « top » de la nouvelle culture émergente…

    L’idée de ces crimes réels, perpétrés par un pirate grâce aux prouesses technologiques de ces combinaisons « bio-rétractables », est déjà originale… Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est le message que l’auteur a voulu faire passer, en mettant en évidence la finalité de cette série de crimes. Ce Mike Foster donc, l’un des personnages les plus actifs des membres d’une association mondiale pour l’élimination de la pourriture du monde et la promotion d’un « Monde Merveilleux », souhaite que la VREC dont le pouvoir et les bénéfices sont immenses, prenne désormais une place décisive dans le monde entier, pour que le monde change dans le sens de ce que les nombreux militants de l’association « régénératrice » souhaitent… Dans un tel dessein, l’on ne recule pas devant le crime, l’exploitation faite par les médias de ces crimes, et l’on fait admettre dans l’opinion publique, que seule, une « élite » d’humains peut régénérer et reconstruire le monde… Et par conséquent, pour que survive et évolue l’humanité, il faut éliminer dans un premier temps tous les indésirables, petits prédateurs, miséreux, clochards, pourvoyeurs d’une culture du sexe et des plaisirs « malsains » ; et ensuite, par une sorte d’épuration, les « non élus » jugés soit trop mous, soit plus ou moins complices… Un tel message est d’autant plus prémonitoire, d’autant plus d’actualité, et d’autant plus sujet à réflexion dans le monde présent où l’on assiste à une montée en puissance des extrémismes et des fanatismes.

    A la lecture de l’épisode relatant l’action de Mike Foster contre les dirigeants de la VREC, puis du récit de l’intervention du célèbre commissaire Lipinsky et de ses lieutenants qui éliminent le gang de Belleville, je pense que l’auteur a intentionnellement surdimensionné les images qu’il nous donne de cette intervention. En effet, toutes ces têtes qui éclatent, ces explosions, ce déluge de feu, ces massacres… Et ces reportages télévisuels avec du matériel hyper sophistiqué, cette retransmission en direct d’un aussi colossal déploiement de forces de police, cette résistance acharnée des membres de ce gang de jeunes du squatt de Belleville ; tout cela n’est pas sans rappeler l’exploitation faite par nos Médias actuels, de faits de guerre et d’actions violentes…

    L’on pense également à toutes ces courses à l’audimat, à ces compétitions féroces que se livrent les principaux acteurs de l’économie de l’information, à cette profusion de messages publicitaires dans un monde inculturel et niveleur de sensibilités, essentiellement marchand et constitué de réseaux et d’alliances opportunistes.

    Cependant j’ai noté dans cet ouvrage quelques développements qui m’ont paru assez didactiques, parfois un peu « indigestes » par leur contenu, la longueur de certaines phrases… Mais à vrai dire, le lecteur que je suis moi-même en particulier, n’a pas été trop gêné par ces longs développements… que j’ai trouvés intéressants voire passionnants… Disons que je me pose la question de savoir comment un lecteur « lambda », un lecteur préférant plutôt des récits où de tels développements sont absents ou très brefs, va « ingurgiter » toute cette « philosophie »…

    Je pense que les « meilleurs livres » ne sont pas toujours les plus aisés à lire. Mais il est vrai aussi que de longues phrases, de longs développements, de longues descriptions ; dans la mesure où le rythme, le ton, l’image, le souffle, la respiration, et l’émotion sont au rendez vous... Ce n'est pas un défaut...

  • Marcel Proust : Contre Sainte Beuve, Folio Essais...

         Ayant découvert Marcel Proust, seulement dans les premières années du 21 ème siècle, en lisant "Contre Sainte Beuve", je cite ces lignes, page 70 dans le chapitre « journées » :

    « J’aperçois un de ces êtres qui nous dit par son visage particulier la possibilité d’un bonheur nouveau. La beauté, en étant particulière, multiplie les possibilités de bonheur. Chaque être est comme un idéal encore inconnu qui s’ouvre à nous. Et de voir passer un visage désirable que nous ne connaissions pas nous ouvre de nouvelles vies que nous désirons vivre. Ils disparaissent au coin de la rue, mais nous espérons les revoir, nous restons avec l’idée qu’il y a bien plus de vies que nous ne pensions à vivre, et cela donne plus de valeur à notre personne. Un nouveau visage qui a passé, c’est comme le charme d’un nouveau pays qui s’est révélé à nous par un livre. »

    ... Sublime, n'est-ce pas ?

    Et j'ai poursuivi dans ma découverte de cet auteur, par "À la recherche du temps perdu"...

    Une lecture "au long cours"... Comme sur un paquebot transatlantique du temps de Georges Simenon entre Le Havre et le canal de Panama...

    Pas d'intrigues compliquées mais un "kaléidoscope" de petites scènes de vie quotidienne avec chacune son atmosphère... Et comme sur l'océan, à l'infini, de petites crêtes blanches qui se meuvent et se balancent en une cadence toute tranquille ; et tous ces sentiments, tous ces changements de point de vue exprimés...

    Certes, tout cela se passe "dans le beau monde" mais les sentiments, les émotions, les pensées de "ces gens là", après tout... Sont-ils si différents que cela des sentiments, des émotions et des pensées, des gens que l'on dit être "du pauvre monde" ?

    N'y-a-t-il pas en chacun de nous, autant de vanité, autant de fureur ou même de gesticulation, à essayer de "s'exister" à tout prix ? Autant de souffrance aussi, autant de solitude au fond de soi ? Autant de "non dit" et autant de ces rêves qui partent dans le "grand inconnu" ou "dans les étoiles" quand on est mort ?

    Vers la fin de son existence, Marcel Proust fut contraint à l'immobilité, du fait de sa santé déficiente...

    Est-il "si nécessaire que cela", à un grand écrivain, de bouger beaucoup, de sans cesse parcourir le monde... et tous les mondes possibles ?

    La culture, l'observation, l'intuition, l'imagination, la réflexion... Ce sont bien là comme des "bouées" non pas de "naufragé qui veut se sauver à tout prix et rejoindre quelque rivage", mais "d'enfant trop vite grandi au milieu des baïnes qui veut partir à l'assaut des vagues pour y danser, y voler dessus"...

    Dans " À la recherche du temps perdu", le narrateur est souvent ravi par "le visage de l'inconnue"...

    Ainsi, Albertine en vélo au bord de la mer ; la laitière aperçue sur un quai de gare au moment de l'arrêt du train au lever du jour... Deviendront l'image récurrente.

    D'où vient cette idée -absurde- qu'il y aurait du "snobisme" à lire Proust ?

    Ou qu'il y aurait "un trop grand décalage" dans la forme, dans le style d'écriture, entre cet auteur du début du siècle dernier et nos auteurs du début du siècle présent ? ( un décalage dans la forme et dans le style qui d'ailleurs est largement entretenu par les modes, par les médias, par de "soit-disantes nouvelles valeurs" )...

    "L'on n'écrit plus comme cela"... C'est vrai... (mais est-ce que c'est "tragiquement vrai"?... ce n'est pas si sûr ni si désespérant à vrai dire et si l'on réfléchit tant soit peu...)

    Ces longues phrases forment comme des tableaux impressionnistes aux très belles images...

    Et je les trouve "très actuelles"... Ou, plus précisément encore... " intemporelles"...

    ... Ce qui est "nouveau"... ou nous semble nouveau, ne tire-t-il pas sa "nouveauté" en réalité, de ce qui demeure à jamais, intemporel ? Ou, comme l'on le croit, comme l'on se l'illusionne, de ce qui surgit et s'impose dans le temps immédiat, le temps présent, ce temps aussi fugace que l'éclair d'un orage ou que l'onde sur l'eau ?

  • L'anarchisme, de Daniel Guérin

    ... Livre de poche collection "idées nrf"... Editions Gallimard, 1965.

         Sans doute à mon sens, (après l'avoir lu et dont certains passages plusieurs fois) l'un des meilleurs livres sur l'anarchie... (c'est fou les ouvrages qui ont été publiés depuis des temps immémoriaux sur l'anarchie, notamment après le début du 19 ème siècle et avant, au 18 ème)...

    Mais... tout de même : ce livre ne se lit pas comme un roman ! À vrai dire, on peut le lire "anarchiquement" par exemple en choisissant tel ou tel chapitre de l'une ou l'autre partie... Par le début, par le milieu, par la fin, peu importe...

    Le mot "anarchie" dérive de deux mots du Grec ancien : "an" et " archê " (nos claviers d'ordinateurs n'ont "pas prévu" l'alphabet Grec Ancien... pas plus d'ailleurs que le "Nordique Primitif Inférieur" du roman de John Irving, l'histoire d'un type qui devait boire beaucoup d'eau - rire- )...

    Ces deux mots Grecs "signifieraient" : absence d'autorité ou de gouvernement... Mais depuis des millénaires règne en maître un préjugé selon lequel l'Homme ne peut se passer de l'un ou de l'autre, et que "anarchie" serait synonyme de désordre, de chaos, de désorganisation...

    Le livre commence avec les idées-forces de l'anarchisme, puis, "à la recherche de la société future", l'anarchisme dans la pratique révolutionnaire, avec la révolution Russe, puis un passage sur une révolution libertaire, et pour finir, l'anarchisme dans la révolution Espagnole (qui n'acceptait pas le diktat de type soviétique ni toute forme de gouvernement autoritaire censé "être juste et égalitaire par la force", et donc par des autocrates, des intellectuels froids et calculateurs, une police et une armée et derrière, un système)...

    Y sont cités (avec les phrases les plus marquantes qu'ils ont dites) Proudhon, Stirner, Bakounine, Elisée Reclus (entre bien d'autres)...

    Toute une histoire de l'anarchie, des mouvements ouvriers et paysans, aux Pays Bas, en Allemagne, en Hongrie, en Espagne... depuis 1880 jusqu'en 1914 et au delà... Expériences, déchirements, adhésion au non à l'internationale communiste, à la révolution Russe et à son évolution, congrès, actions entreprises, ouvrages publiés, censure, poursuites et persécutions, etc; ... Tout cela en face de l'autorité de l'état, de la police, de l'armée, du principe sacro saint de la propriété, du fait religieux, de la "morale traditionnelle et bourgeoise", des différentes formes de "pensée unique" selon les époques...

    ... Pour celles et ceux d'entre vous qui "seraient intéréssés" par ce vaste (et sensible) sujet, qui est celui de la pensée anarchiste, je ne puis que vous recommander ce livre, qui, bien "qu'un peu ardu à la lecture", contient à mon sens, l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur l'anarchie... Mais bien sûr, il n'y a pas "que ce livre là"...

    ... Dans la société anarchiste qu'en mon esprit je conçois, et que je dis "être un jour peut-être l'avenir de l'Homme"... dans le fil sinueux et accidenté et parfois même cassé, d'une évolution cependant certaine... C'est la relation qui est le "fondement premier et moteur" , la relation seule...

    Et la relation, c'est la relation dans la vie quotidienne et dans les contingences de la vie quotidienne entre les gens, c'est la relation à tous les niveaux : dans l'échange, dans le dialogue, dans la prise de décision, dans l'acte, dans la culture, dans l'art, dans le "vivre ensemble", dans la transmission du savoir et donc dans l'éducation, dans la mémoire, dans le souvenir, dans le vécu, dans le ressenti, dans l'émotion partagée ou communiquée...

    Il n'y a alors, plus besoin d'élire qui ou quoi que ce soit, de se donner un "système", un gouvernement, un chef, une loi écrite ou un quelconque dispositif fonctionnant comme une machine mais une machine cependant, mûe par des hommes...

    ... Mais je conçois et j'intègre dans mon esprit qu'il y a un RISQUE, un risque certain et d'ailleurs naturel, même dans l'hypothèse d'une relation "la plus évoluée et la meilleure soit-elle" : le risque de la violence et de la cruauté et de la prédation, ce risque qui fait partie intégrante de la nature... Aussi le risque ne peut-il qu'être "accepté" (ou reconnu)... et jamais, en aucune façon, écarté ou éclipsé... au nom d'une idée selon laquelle "l'Homme deviendrait comme Dieu" ... C'est à dire un être "totalement bon et juste"...

    Le risque, alors, étant reconnu, accepté en connaissance de cause... une question se pose : comment le gérer, ce risque ? ... C'est là, sans doute, un grand défi à surmonter... car alors, il semble qu'il n'y ait que deux alternatives : la violence contre la violence, ou la loi (et donc l'état) contre la violence...

    J'essaye d'imaginer "une porte qui s'ouvre" entre les deux alternatives, une porte qui ne mène ni du côté de la violence, ni du côté de la Loi... Et, pour moi, ça commence avec la relation déjà... qui au départ, ne peut-être que ce qu'elle est, mais forcément évolue...

    ... Il faut dire aussi (et c'est indéniable) que la Loi, que l'Etat, est une forme de violence : une violence organisée et codifiée. Elle est -à la base- censée protéger, garantir, sécuriser... Mais elle se révèle en définitive inefficace (du moins en partie sinon souvent)...

    Nous préférons la loi et l'état plutôt que "rien", parce que nous pensons "par la force des choses" que "rien" c'est pire que la loi et que l'état "en partie inefficaces"...

    Ce "par la force des choses"... Est-ce que c'est une "fatalité" ?

  • Mara et Dann, de Doris Lessing

    Doris Lessing, Prix Nobel de littérature en 2007, a passé une grande partie de sa vie au Zimbabwe... Je rappelle aussi, que John Maxwell Coetzee (Afrique du Sud) avait obtenu le Prix Nobel de littérature en 2003...

    Nous sommes là, avec ce roman de Doris Lessing, Mara et Dann (660 pages livre de poche "j'ai lu") dans une culture, une sensibilité, une "vision du monde", une quête initiatique à travers les mythes fondateurs de notre civilisation... Qui nous est "quelque peu étrangère" à nous, Européens, Occidentaux ; immergés que nous sommes dans une société et une économie du confort (relatif cependant), une société formatée et "aseptisée" culturellement, une société "ultra sécurisée" dans certains domaines mais "très insécurisée » dans d'autres domaines... Ainsi, chez nous, la beauté toute vraie, toute naturelle, des êtres et des choses, nous échappe, ou bien est travestie, dénaturée, pervertie aux lois de l'économie de marché, des modes et des engouements passagers... Et la cruauté, la cruauté naturelle et originelle et "faisant partie intégrante de la vie -sur Terre et peut-être dans l'univers-"... devient chez nous, spectacle, mise en scène, représentation... et cela même alors que nous sommes bel et bien conscients de la réalité de cette cruauté (qui d'ailleurs nous "tombe parfois sur le dos")...

    C'est (il faut le dire aussi) depuis la seconde moitié du 19 ème siècle en fait... Que nous, Européens, avons introduit en Afrique, dans toute l'Afrique entière du Nord au Sud, notre culture, nos modes de vie, nos habitudes, notre civilisation censée avoir apporté l'éducation, le "mieux vivre", l'hygiène, la science, la technologie, etc. ...

    Comme si l'Afrique, avant l'arrivée des Européens, "n'avait jamais eu d'Histoire" ! Or l'Afrique a bel et bien une Histoire, une Histoire bien plus ancienne à vrai dire, que la nôtre, en Europe... Il y eut, entre autres, avant l'arrivée des Européens, de grands empires tel que celui du Mali, celui du Congo... et sans doute d'autres auparavant en des époques plus anciennes... Donc, des sociétés, des civilisations culturellement et sans doute pour l'époque, technologiquement avancées...

    Tous ces empires, toutes ces sociétés et civilisations bien sûr, ont subi l'épreuve du temps, l'épreuve des évènements (guerres, éclatements/morcellements, dispersions, arrivée de "colonisateurs" Arabes, de peuples venus par l'océan indien, d'Asie, Indonésie). Et il y eut à partir du 7 ème siècle Chrétien, l'expansion de l'Islam, lequel Islam d'ailleurs s'est pour ainsi dire "mélangé" à des pratiques et des rites ancestraux...

    La situation générale de L'Afrique, (peuples, sociétés, ce qui restait des anciens empires) était donc, à l'arrivée des Européens à partir surtout du 17 ème siècle, assez différente de ce qu'elle avait été quelques siècles plus tôt ; de telle sorte que les Européens se sont alors fondés sur l'idée qu'avant, il n'y avait "rien"... Et que tout, par conséquent était "à conquérir"...

    Le livre (Mara et Dann) commence par une longue marche d'une jeune fille et de son petit frère, à travers un territoire complètement desséché, où les points d'eau sont rares, où les animaux (lézards, vouivres, dragons, et aussi oiseaux, insectes et serpents) sont de fort belle taille et très cruels et omni- présents) , où les humains se volent entre eux et se tuent pour survivre... Mais il y a, à chaque page, une réflexion, une profondeur, une sensibilité : nous sommes là, bien au delà de l'émotion ordinaire du genre de celle qu'on éprouve en lisant un roman d'aventure "grand public" par exemple...

    La faim, la soif (encore plus que la faim), la violence (elle est extrême), la trahison... mais aussi (et surtout), l'amour, la maturité, la beauté, la relation des êtres entre eux lorsqu'elle n'est plus violence, la pensée, la réflexion, l'évocation de ce qui autrefois (il y a des millénaires) fut...

  • Le silence des armes, de Bernard Clavel

          Le silence des armes est l'une des œuvres majeures de Bernard Clavel. En ces jours de l'été de 2012 en Syrie après un an et demi déjà d'une guerre civile aussi terrible que la guerre d'Espagne de 1936 à 1939 ; dans la perspective -peut-être- d'un conflit qui, dans cette partie du monde, le Moyen Orient, risque de se généraliser, avec la menace nucléaire (je pense à Israel et à l'Iran) qui semble se préciser... Ce livre, le silence des armes, est comme un cri de révolte, un immense cri de révolte et de dégoût contre toutes ces guerres, contre toute cette soldatesque, contre toutes ces armées de mercenaires, contre tous ces pouvoirs politiques ou économiques et financiers qui soutiennent ces guerres, ces conflits ou ces coups d'état ou ces révolutions, ou même encore, les orchestrent... Car nul ne sait vraiment ce qui se trame en arrière plan de tout cela, même si l'on se doute bien qu'au fond, c'est pour l'argent, les ressources énergétiques, ou pour des questions de territoires et de stratégies avec en plus, pour compliquer les choses, la religion...

    J'avais déjà lu, de Bernard Clavel : Malataverne, L'espagnol, La grande patience (4 volumes période 1939-1945 dans le Jura)... et une nouvelle qui fut adaptée pour un film de télévision dans les années 80 je crois... Une nouvelle qui à l'époque m'avait beaucoup marqué (le film de télévision en noir et blanc était à mon avis une excellente interprétation) : un ancien légionnaire, démobilisé à Marseille après la guerre d'Algérie, un baroudeur dur-à-cuire un peu anarchiste sur les bords, un type qui a fait des conneries dans sa jeunesse, un solitaire, un dur, un "solide", un aventurier, qui n'aime pas la routine, le petit confort, qui dort à la dure, qui a fait les colonies, la jungle, la forêt équatoriale, mais d'un tempérament fort et d'une certaine dimension d'humanité, un révolté, un sensible... parcourt à pied et en auto stop la route de Marseille jusque dans le Jura... Il dort dans des granges, il travaille "de tic et de toc" chez des paysans, il arrive dans un bled paumé au fin fond du Jura, un bled où la route s'arrête au bord d'une forêt impossible qui tombe sur un précipice. On ne sait à quel endroit la végétation et les arbres s'arrêtent, on ne voit pas le bord de la falaise abrupte qui tombe à pic... Le type rencontre la postière du bled, une femme déjà "bien en âge", une "vieille fille" au visage sec et sévère, le genre que l'on ne drague pas, très conformiste, qui va à la messe le dimanche, très attachée à des habitudes (de vieille fille), en somme une femme "impossible"... qu'on n'a pas envie pour tout l'or du monde de se mettre dans son pieu!...

    Eh bien entre la femme et ce type, une relation émouvante faite d'une infinie délicatesse et de discrétion de part et d'autre s'établit peu à peu et à la fin, le type, qui n'a jamais pu concevoir de sa vie une route qui s'arrête, s'enfonce dans l'enchevêtrement des broussailles, taillis, arbres, ronces, et tout à coup, tombe dans le piège mortel : il disparaît dans le précipice... Et la femme continue sa vie toute seule mais avec le rêve dans sa tête, le rêve de cette vie qu'elle aurait voulu avoir et partager avec le type...

    Par la suite j'ai beaucoup réfléchi à ce sens de la relation entre deux êtres si différents l'un de l'autre et qui pouvaient arriver à s'aimer et à envisager de "continuer la route ensemble"...

    ... Le silence des armes, première page, commence ainsi (je cite) :

    "Le pays fut sur lui d'un coup. Tout le pays, absolument. Encore noyé dans cette heure d'avant l'aube qui porte le poids de la nuit sans connaître l'espérance du jour à naître.

    Partout à la fois, autour de lui, Jacques sentit le pays. C'était inattendu. A vous couper le souffle. Une eau jaillie de nulle part et de partout.

    Et Jacques éprouva soudain la sensation d'être deux. L'un percevait toute la chaleur de cette étreinte profonde ; l'autre demeurait insensible, planté sur le quai de la gare. Devant lui, l'autorail aux fenêtres éclairées. A côté de lui, sa grosse valise qu'il venait de poser sur le quai. A quelques pas, l'employé. Personne d'autre n'était descendu de la voiture, personne n'y montait. Elle s'était arrêtée pour lui, au coeur de cette nuit qui enveloppait la gare. Cette nuit qui portait le pays invisible qu'il devinait mouillé comme ce quai de bitume où s'étiraient des reflets sales."

    ... Nous sommes, dans ce livre, dans des descriptions de paysages, d'atmosphère et d'ambiance à la fois très imagées, très poétiques et suggérant par moments une réflexion profonde, avec des phrases bien rythmées, des sonorités qui reviennent, une grande richesse de vocabulaire mais sans effets spéciaux, sans grandiloquence ou métaphores hasardeuses...

    Un passage qui m' a presque fait pleurer tellement je le trouve beau et émouvant, c'est quand il parle du traquet rieur, cet oiseau délicat, fragile, qui sait que l'homme est dangereux et qui construit son nid dans un creux de roche barré de petits cailloux qu'il dispose tel une barricade... sublime ! (ça m'a fait penser à ce sujet d'ailleurs, à un texte que j'avais écrit moi-même en 2005 sur le traquet rieur)...

    Ce livre c'est l'histoire de Jacques Fortier blessé, moralement détruit par les atrocités vécues en Algérie, qui revient dans son village du Jura pour quelques jours de convalescence... Mais il ne repartira pas dans les Aurès, il refuse d'accepter la haine et le sang, il ne veut pas renier l'enseignement d'un père mort et jadis incompris...

    "Le monde ne sera sauvé, s'il peut l'être, que par des insoumis"... Cette phrase résume le drame du Silence des armes, l'une des oeuvres majeures de Bernard Clavel.

    ... Bernard Clavel est, avec Albert Camus, l'un de mes auteurs préférés de la littérature du 20 ème siècle...

    Et cela déjà, outre la dimension littéraire de ces auteurs là, du fait de leurs origines : ils sont tous deux des "fils du peuple", du monde des ouvriers, des artisans, des gens simples qui n'ont jamais fait fortune ni leurs prédécesseurs dans leurs familles respectives que ce soit du coté du père ou de la mère...

    Albert Camus, son père était tonnelier à Belcourt un quartier "pauvre" d'Alger, il a été boursier pour pouvoir se rendre au Lycée et faire ensuite des études...

    Bernard Clavel a quitté l'école dès l'âge de 14 ans, pour aller en apprentissage chez un pâtissier de Dole, ensuite il a travaillé en usine, dans le vignoble, dans la forêt, dans un atelier de reliure, à la sécurité sociale, dans la presse écrite et parlée, et il dit que les métiers qu'il a fait ont été pour lui des universités...

    J'ai toujours eu une très grande admiration pour ce genre d'auteurs ou d'écrivains : ceux qui ont eu une autre "formation" que la formation universitaire ou de grande école (quoique Albert Camus ait fait, ait pu faire, des études universitaires (mais au départ il était boursier)...

    La dimension d'humanité (et de l'artiste, et de l'écrivain, ou du philosophe, de l'homme de lettres, de l'intellectuel en général)... devrait à mon sens "aller de pair" (lorsque c'est le cas) avec la formation universitaire si l'on a pu avoir cette formation dans les meilleures conditions possibles...

    J'ai peu de considération (du moins pas de vénération) pour les "Grands" que "l'on a fait Grands" ou qui se sont fait grands grâce à l'argent et aux relations...

    J'ai peu de respect voire de la révolte, pour le pouvoir de l'argent et des relations et des milieux où l'on "a tout pour plaire et réussir"...

    Et je tiens à le faire savoir, à l'exprimer haut et fort, avec même une sorte de "pensée intégriste" ... Mais je n'oublie pas cependant la "dimension humaine" lorsque elle existe chez des gens qui "ont eu plus de chances que les autres" ... (on peut être "intégriste" dans ses convictions... mais avec toutes les nuances possibles et avec aussi, toute la réflexion qu'il convient d'avoir et qui est en fait, nécessaire...)

    Quel livre, que le silence des armes ! Et quel épilogue avec le "réquisitoire du fond de ses tripes" de Jacques Fortier en face des gendarmes, du Maire et des Autorités qui sont venus l'interpeler, un "réquisitoire" contre l'armée, la guerre, celle d'Algérie avec toutes ses atrocités de part et d'autre... Des "vérités" qui claquent comme des coups de fouet sur ces villageois et gens "du bon pays de France" qui avaient des vues totalement erronées et conditionnées par le pouvoir de l'époque au sujet de ce qui se passait en Algérie... En lisant tous ces mots, ces mots de la plume même de Bernard Clavel (il n'invente rien en fait) je me voyais moi-même dire les mêmes mots -dans un contexte évidemment différent, celui de notre époque- j'avais l'impression de reconnaître l'être même que je suis au fond de moi, et bon sang, qu'est-ce que "ça me prenait aux tripes"! Et ce curé, ce jeune curé, qui disait à Jacques que le père de Jacques était le seul du village qui n'allait pas à l'église mais qui était le plus chrétien de tous!

    Et ce Théodore, ce "vaurien", ce voleur, ce paresseux, ce "connard" à la solde des "braves gens quand ça les arrange", qui avec son fusil de chasse, tue le chien rouge, ce chien qui n'arrêtait pas de suivre Jacques partout où il allait... Il le tue sur la place publique où est massée une foule compacte de curieux venus là pour assister au drame et à l'interpellation de Jacques Fortier... Alors Jacques Fortier vise avec son Lebel et "troue la paillasse" à ce salaud de Théodore (le seul mort de l'affaire mis à part Jacques Fortier à la fin, à la "Fontaine aux daims")...

    Retranché dans la maison de ses parents, en vente, il a récupéré la caisse d'armes et de munitions au grenier, de son oncle Emile, un ancien militaire, frère de sa mère... Et il déjoue tous les plans de la force de gendarmerie, parvient à quitter la maison durant la nuit, et finalement se rend à la fontaine aux daims où il est tué, exactement comme bien des années avant du temps de son père lorsque une troupe de chasseurs avait attendu les daims assoiffés venus boire à cette fontaine...

    Quel livre ! A vrai dire, tous les romans de Bernard Clavel sont ainsi : une immense réflexion, de la poésie, des images fortes, une fabuleuse et "légendaire" dimension d'humanité... Des histoires dramatiques et poignantes mais en toile de fond "une vraie beauté des êtres et des choses"...

  • Le journal de Kafka

         LE JOURNAL DE KAFKA, traduit et présenté par Marthe Robert. (Le livre de Poche, biblio, 674 pages)

    Ce combat entre Kafka et le monde, avait quelque chose de paradoxal…

    Poète, Kafka se sentait différent du commun des mortels et par conséquent contraint d’affirmer sa singularité. Ce qui rendait inévitable sa lutte avec le monde.

    Cependant, Kafka avait en même temps une autre préoccupation, un autre regard que celui d’un écrivain sans complaisance à l’égard du monde : il a voulu aider le monde à se défendre, en particulier par ce besoin qu’il sentait, de surmonter sa révolte (et plus généralement celle de l’individu), et de trouver la route ouvrant le passage vers une communauté vivante, celle des hommes coexistant ensemble dans une tradition, une culture, une histoire…

    Ce journal est, selon Marthe Robert, « le témoignage le plus poignant de toute l’histoire de la littérature ».

     

    « Nous avons été chassés du paradis mais le paradis n’a pas été détruit pour cela »…

     

    Ce « paradis » n’était-il pas cette Connaissance, ou mieux peut-être, cette « vérité » originelle, totalement pure, affranchie de ce « sens du monde » régi par les lois des hommes et les mécanismes inextricables des codes et des procédures ?

    Retrouver ce « paradis », puisqu’il existe toujours, apparaît donc comme une nécessité… D’autant plus que la certitude de sa redécouverte s’ouvre dans une perspective encore plus belle et plus émouvante que celle qui, à l’origine, n’en était qu’à la gestation de son commencement...

    En fait, ce n’est pas le Dieu des Chrétiens, ni celui des Musulmans ou un autre Dieu… qui nous a chassés du « paradis » : c’est nous, les humains, qui avons en partie, perdu la Connaissance, et qui avons cru retrouver cette Connaissance par la Science, la Civilisation, la Technologie, les lois édictées par des monarques ou des parlements, les codes et procédures sans cesse remaniés et adaptés aux évolutions politiques et sociales… le plus souvent, hélas, au bénéfice d’une minorité « privilégiée » d’humains…

    Mais cette Connaissance existait avant que l’humain ne fût, ici ou ailleurs…

    Le Journal de Kafka, 674 pages. Un casse tête aux dires de certains, à la seule idée que l’on peut se faire de ce que suggère à priori, la lecture des écrits et des romans de Kafka…

    Mais quelle pureté de langage ! Quelle précision ! Quelle minutie dans les moindres détails ! Et surtout quelle écriture !

     

    ... Il ne suffit pas à mon sens, à un écrivain, à un artiste ou même tout simplement à un homme ou une femme "de réflexion, d'agissement, d'engagement ou de résistance"... d'être "à juste titre" sans complaisance à l'égard du monde, et de porter sur le monde le regard qui découle de cette absence de complaisance...

    La révolte, si elle est nécessaire, doit aussi pouvoir être surmontée... Par une forme d'expression lui donnant une toute autre portée que celle des armes, de la confrontation avec violence ou du retranchement sur des positions à maintenir à n'importe quel prix... Sans doute en ce sens, les écrivains, les artistes, les intellectuels, ont-ils un rôle à jouer, mais pas seulement eux car à dire vrai, c'est l'affaire de chacun à sa manière...

     

    ... J'avais évoqué une fois ce terme ou plus exactement cette expression "créateur d'atmosphère" (ou "créatrice d'atmosphère")...

    Je voulais dire par là : une personne qui dans sa relation avec l'Autre, avec les Autres, dans la manière qu'elle a de s'exprimer, dans son comportement, par son regard, par tout ce qui émane d'elle, et qui peut surprendre, émerveiller parfois... crée autour d'elle et dans une situation particulière, dans l'évènement, dans l'agissement... une "atmosphère relationnelle"... Et cette "atmosphère" alors, peut se diffuser, s'étendre, s'infiltrer, gagner du terrain, se dégager peu à peu au dessus de toutes ces pesanteurs naturelles ou organisées que sont toutes sortes de révoltes ou de retranchements censés nous protéger...

     

  • Les écureuils de central park sont tristes le lundi, de Katherine Pancol

    "Un écrivain, c'est un mur avec deux grandes oreilles et un oeil de cyclope...

    Écrire, c'est écouter, observer, renifler, devenir marronier, abat-jour ou toile d'araignée. Tendre l'oreille, le regard, le pif, faire le vide en soi pour que la vie s'y engouffre et dépose ses alluvions.

    S'oublier pour devenir tous les personnages, les rires et les larmes, les espérances et les impatiences, plonger tout au fond, saisir une pièce en or...

    La déposer dans le récit et repartir...

    Quand j'écris, j'ouvre grand les bras et j'avale la vie...

    Je franchis les mers et les montagnes, je traque le détail, dévore des kilos de documentation, j'écoute..."

     

    Voici au moins une définition de l'écrivain qui sort de l'ordinaire !... Et qui ne peut alors, au risque d'imposture, faire de l'écrivain un être ordinaire...

    Bien sûr, à dire vrai, que l'écrivain, tout comme le météorologue, le chercheur, la lingère, la ballerine, l'employé de banque ou le chômeur longue durée... Est un être ordinaire, tout ce qu'il y a de plus ordinaire en ce sens qu'il a un trou en haut pour absorber et un trou en bas pour évacuer... Mais cet "ordinaire" qu'il y a en l'être – et donc, en un écrivain aussi- est bien une "matière première" sans laquelle absolument rien d'exceptionnel en l'être ne peut exister autrement qu'en trompe -l'oeil, en trompe- le- regard, en trompe- les- oreilles, en trompe-l'intelligence, en trompe-l'humain...

     

    Si les gens que nous sommes, chacun d'entre nous à sa façon, se parlaient les uns les autres comme se parlent les personnages du livre de Katherine Pancol – "Les écureuils de central park sont tristes le lundi"- sans doute la vie que nous vivons au quotidien serait moins triste...

    "Une vie meilleure" (ou plus belle, ou moins injuste, ou plus ou moins "tout ce que l'on voudra") ça ne veut rien dire et en faire de l'écriture c'est encore pire...

    "Une vie moins triste" – en se parlant moins triste- c'est dans le domaine du possible...

    Peut-on imaginer, avec un langage tel que celui des personnages du livre de Katherine Pancol... que des tranchées, des redoutes et des nids de mitrailleuses soient nécessaires ? Ou des contes ou des histoires ou des discours à dormir debout ?