Jean Pierre Poccioni

  • Ma "fiche de lecture" du livre de Jean Pierre Poccioni "LUNGOMARE BELLINI" (éditions Weyrich)

    Lb

    https://www.mollat.com/livres/2376199/jean-pierre-poccioni-lungomare-bellini , pour se procurer le livre...

     

    Soit dit en passant : la librairie Mollat à Bordeaux, est la plus grande librairie de la région Nouvelle Aquitaine (il faut y avoir été pour s'en rendre compte)... C'est aussi une librairie dans le sens de ce qu'est vraiment une librairie dans le monde actuel des espaces culturels, et cela est d'autant plus « heureusement étonnant » pour une librairie de cette taille et de cette envergure !

     

     

    En lisant le livre de Jean Pierre Poccioni LUNGOMARE BELLINI, j'ai eu l'impression de plus en plus nette page après page, d'être comme en une promenade le long d'une plage immense sans vacanciers avec juste l'air du large et un grand soleil supportable aux yeux, ou dans une forêt bruissante de la vie qui la peuple, ou sur un haut plateau sans sentiers ou chemins balisés de grande randonnée d'une région de montagne ; en fait, dans un espace naturel qui aurait retrouvé sa pureté originelle...

    L'espace naturel est celui, en l'occurrence, du livre... De ce qui fait ce livre : l'écriture, le style de l'auteur ; avec, ce qui est peu commun dans la littérature d'aujourd'hui, l'auteur qui met en scène le personnage de Pierre racontant à sa nouvelle compagne, un livre « Lungomare Bellini, écrit par un « Bertrand Descombières », un livre dont se sert Pierre pour faire comprendre à sa compagne, la trahison dont il a été victime dans sa relation avec une autre femme précédemment...

    Mais bien au delà de l'histoire elle même, au delà du thème du roman (les péripéties d'une trahison dont soit dit en passant, beaucoup d'entre nous en font l'expérience douloureuse), c'est bien cet « espace naturel », celui de ce livre dans sa pureté et dans sa facture, celui de la littérature ; l'environnement de la « promenade »...

    Et durant toute la promenade, pas un seul instant je n'ai eu ces pensées, ni même ces rêves... Et encore moins ces longues et profondes réflexions qui d'ordinaire me viennent à propos de ce qui se passe dans le monde, dans l'actualité du moment, de l'époque présente...

    C'était, page après page, aussi, comme si je m'étais trouvé devant le tableau d'un artiste que j'aurais choisi d'acheter, dont chaque détail de ce tableau aurait retenu mon regard et l'aurait prolongé, revenant sur ce détail là en particulier, et sur un autre encore...

    L'artiste qui avait peint ce tableau ne me semblait appartenir à aucune de ces écoles dont on parle dans les académies, les salons, les expositions... Je n'y voulais voir, d'ailleurs, aucune école...

    Cependant, oui, mais seulement quand je n'avais plus le livre sous les yeux, parce que l'on lit une demi heure, une heure, de ci de là dans la journée... Il m'est venu cette pensée, après avoir plusieurs fois lu page 11 «  Le fait est que comprendre les autres n'est pas la règle dans la vie..../...  » de Philip Roth dans Pastorale américaine :

     

     Tant que notre culture, notre sensibilité, et par là même notre faculté à penser, à réfléchir, à juger, à témoigner de ce que l'on observe... Se fondent sur les valeurs qui nous ont été inculquées, d'une part ; et les valeurs qui nous sont personnelles et que l'on s'est forgées au fil de nos expériences et de ce que nous avons vécu, d'autre part... Et qu'avec et par tout cela l'on croit comprendre les autres, comprendre ce que les autres font ou ne font pas, comprendre le monde, comprendre l'époque en laquelle on vit, comprendre le pourquoi et le comment, comprendre l'œuvre d'un écrivain ou d'un artiste... Nous demeurons dans une dépendance qui fait de l'être vivant que nous sommes en tant qu'être humain, et précisément parce que nous sommes humains, un être vivant conscient -et imbu- de son existence, tellement conscient qu'il en perd de vue la nature même, la nudité, la pureté, le caractère intemporel de ce qui au fond, fait un être vivant à l'état brut, avant tout ce dont se fait lui-même cet être vivant, avant tout ce que les autres êtres vivants font de lui...

    La dépendance est d'autant plus déformante qu'elle se fixe sur des normes de pensée, de mode, de jugements, de préjugés, en flux et reflux de vagues déferlant sur le sable d'une plage souillée de tous les petits détritus que l'on abandonne sans se poser de questions...

    Dans la relation humaine de l'époque présente, peut-être plus encore que dans un passé relativement proche, celui d'avant Internet et des réseaux sociaux, de ce temps que l'on dit être celui des « trente glorieuses »... « L'air du temps » n'est pas, loin s'en faut, à la compréhension des autres, de ces autres même, qui sont des proches, des personnes de notre famille, des connaissances et amis... Et à plus forte raison, des gens que l'on connaît peu ou voit peu...

    L'on passe sa vie à se fourvoyer, bardés de ces certitudes que l'on s'est faites et auxquelles on croit jusqu'à les imposer aux autres, impactant ainsi les opinions, dans un sens ou dans un autre, souvent dans le sens d'une déconsidération, d'un mépris de l'autre... Ou dans le sens d'un « mieux » qui n'a de « mieux » que l'engouement, que l'attirance nous venant, ou qu'une propension à surestimer...

    « L'air du temps » n'est pas non plus, à refuser ou même à seulement douter d'avoir tort ou raison... Il faut à tout prix avoir raison et autant que possible, pas trop souvent tort ; et si d'aventure l'on se risque au refus ou au doute, alors ne chercher à avoir ni tort ni raison devient suspect, hors du sens commun...

    C'est pourtant, ne point s'attacher à avoir raison ou tort, peut-être la meilleure manière d'être témoin de ce qui se voit, se perçoit, s'entend, de l'autre …

    Témoin en somme, « comme en promenade sur le boulevard animé des gens qui passent, des musiques, des bruits environnants, du théâtre de la vie et de la cité »... Et peu importe si l'on a les mains dans ses poches ou le long du corps, sa casquette de travers ou bien droite, le regard perçant ou perdu, enfin le « genre » que l'on se donne... Peu importent ces certitudes que l'on a pu se faire... Peu importe ce que l'on nous a dit ou pas dit, d'un tel, d'une telle...

    La promenade ... Rien que la promenade...

    Et le sourire -parfois le rire- de temps à autre... Mais peut-être pas le sourire ou le rire qui « veut dire quelque chose »...

    Et le regard...

    Et dans le regard, une pensée sans jugement, sans mots, en face de tout ce qui fait la nudité, la pureté, le caractère intemporel, la réalité crue et authentique des êtres et des choses vus... En somme, face à la beauté qu'il y a dans le monde, dans un visage, un paysage, une œuvre d'art ou d'écriture... Extraite de ce tableau toujours raté des barbouilleurs fussent-ils de génie...

     

    Quelques extraits :

     

    -Page 48 et 49 : « La caricature consiste à grossir un trait pour le rendre visible à tous mais il ne faut pas oublier qu'elle sacrifie toute nuance au point qu'au bout du compte on n'obtient rien d'autre qu'une marionnette universelle destinée à faire rire plus qu'à éclairer. »

     

    -Page 69 : « Le libraire était seul et ouvrait des colis qui encombraient l'entrée. Muni d'un énorme couteau de cuisine il dépeçait les cartons dans une sorte de précipitation rageuse, les agrafes arrachées faisaient un bruit sinistre. »

     

    -Page 107 : « Pierre reportait alors son attention sur la route, seul avec ses pensées même s'il surveillait par de brefs coups d'œil une mèche de ses cheveux qu'un flux d'air silencieux agitait doucement. » ( Pierre conduit la voiture sur l'autoroute et regarde sa compagne Caro endormie à côté).

     

     

    C'est ce que j'appelle -pour très simplement dire les choses  : « de l'écriture ! »... Il n'y a absolument aucune « critique » à formuler, notamment « pharisienne »...

    Soit dit en passant, le « pharisianisme » d'aujourd'hui sonne désespérément creux lorsque l'on tape du doigt sur la surface du tableau hérissée de concrétions corrosives...

     

    Aux passionnés de littérature et d'écriture -et de travail d'écriture- je conseille la lecture de ce livre de Jean Pierre Poccioni « Lungomare Bellini »... Et je rappelle que Jean Pierre Poccioni est l'auteur de cinq autres livres :

     

    -Le beau désordre, éditions Autrement, 2000

    -La maison du faune, Phébus, 2006

    -Un garçon en ville, éditions du Rocher, 2008

    -La femme du héros, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015

    -L'histoire du marin blond, Z4 éditions, 2018