Bernard Clavel

  • Meurtre sur le Grandvaux, de Bernard Clavel

    Meuetre sur le grandvaux

    ... Bernard Clavel, encore une fois dans ce beau et pathétique roman, comme d'ailleurs dans toute son oeuvre, ne "fait pas dans la dentelle"...

    Aucun "effet de style", un texte "brut de brut" d'une précision et d'une clarté remarquables... Des phrases courtes mais chargées de sens, d' "atmosphère"...

    Peu de personnages, une histoire simple, tragique.

    C'est que la vie, celle que vivaient les gens en 1844 sur le Granvaux en Franche Comté, et, d'une autre façon celle que bien des gens vivent aujourd'hui en ville comme à la campagne en France et ailleurs (et surtout dans les pays pauvres)... C'est que la vie "ne fait pas dans la dentelle"...

    Nous ne sommes point là, avec ce roman "Meurtre sur le Grandvaux", de Bernard Clavel ; dans le genre "gentil et émouvant roman de terroir" où "tout finit assez bien" voire comme dans un conte de fées...

    Des mots simples et forts, des images précises qui impactent, une histoire qui claque comme un coup de fouet... Des femmes et des hommes dans la réalité de leur quotidien, dans ce qu'il a d'authentique, d'émouvant en eux ; des vies en somme, quasiment toutes dans les romans de Bernard Clavel, chaotiques, difficiles... Et à chaque fois, un drame poignant... Une histoire qui finit mal...

    Les paysages, la géographie, en général du Jura, jouent un rôle déterminant dans les romans de Bernard Clavel, notamment lorsque les gens vivent isolés dans la montagne, murés dans leurs secrets, dignes, humbles et sauvages...

    Les personnages principaux des romans de Bernard Clavel incarnent tous chacun à leur façon, ce qu'il y a de meilleur et de pire en l'être humain... Mais ce qui est -à mon sens- "curieux" et qui en définitive finit par dominer, c'est que c'est le meilleur que l'on retient... Ce meilleur qui lui, en général, ne gagne jamais la bataille, meurt au combat en face de l'injustice, de l'arrogance des riches et des puissants, de la violence, de la cruauté, de la brutalité, de l'hypocrisie, de l'égoïsme, omni présents partout d'un bout à l'autre de la société... Ce que n'a jamais cessé de dénoncer dans son oeuvre, Bernard Clavel...

     

    ... Mon texte sur l'oeuvre de Bernard Clavel :

    http://yugcib.forumactif.org/t43-a-propos-de-l-oeuvre-de-bernard-clavel

     

  • Bernard Clavel (suite)

         J'avais déjà lu, de Bernard Clavel : Malataverne, L'espagnol, La grande patience (4 volumes période 1939-1945 dans le Jura)... et une nouvelle qui fut adaptée pour un film de télévision dans les années 80 je crois... Une nouvelle qui à l'époque m'avait beaucoup marqué (le film de télévision en noir et blanc était à mon avis une excellente interprétation) : un ancien légionnaire, démobilisé à Marseille après la guerre d'Algérie, un baroudeur dur-à-cuire un peu anarchiste sur les bords, un type qui a fait des conneries dans sa jeunesse, un solitaire, un dur, un "solide", un aventurier, qui n'aime pas la routine, le petit confort, qui dort à la dure, qui a fait les colonies, la jungle, la forêt équatoriale, mais d'un tempérament fort et d'une certaine dimension d'humanité, un révolté, un sensible... parcourt à pied et en auto stop la route de Marseille jusque dans le Jura... Il dort dans des granges, il travaille "de tic et de toc" chez des paysans, il arrive dans un bled paumé au fin fond du Jura, un bled où la route s'arrête au bord d'une forêt impossible qui tombe sur un précipice. On ne sait à quel endroit la végétation et les arbres s'arrêtent, on ne voit pas le bord de la falaise abrupte qui tombe à pic... Le type rencontre la postière du bled, une femme déjà "bien en âge", une "vieille fille" au visage sec et sévère, le genre qu'on drague pas, très conformiste, qui va à la messe le dimanche, très attachée à des habitudes (de vieille fille), en somme une femme "impossible"... qu'on n'a pas envie pour tout l'or du monde de se mettre dans son pieu!...

    Eh bien entre la femme et ce type, une relation émouvante faite d'une infinie délicatesse et de discrétion de part et d'autre s'établit peu à peu et à la fin, le type, qui n'a jamais pu concevoir de sa vie une route qui s'arrête, s'enfonce dans l'enchevêtrement des broussailles, taillis, arbres, ronces, et tout à coup, tombe dans le piège mortel : il disparaît dans le précipice... Et la femme continue sa vie toute seule mais avec le rêve dans sa tête, le rêve de cette vie qu'elle aurait voulu avoir et partager avec le type...

    Par la suite j'ai beaucoup réfléchi à ce sens de la relation entre deux êtres si différents l'un de l'autre et qui pouvaient arriver à s'aimer et à envisager de "continuer la route ensemble"...

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  • Bernard Clavel

    ... A l'attention de ceux et celles qui "n'aiment pas Bernard Clavel" je leur dis qu'en 2070 ou en 2150, il y en aura d'autres qui viendront après Bernard Clavel et qui "continueront à porter le flambeau" à leur façon, autant dire qu'ils en écriront autant sinon plus encore et même mieux...

    ça fera peut-être pas "avancer le schmilblic", mais y'aura toujours ce qu'il faudra sur cette planète, d'un tel, d'une telle multiplié par un certain nombre, pour se lever contre l'hypocrisie, contre l'orgueil, contre la haine, contre tout ce consensualisme troudebalesque, ces inégalités phénoménales entre une minorité de très riches et une majorité de très pauvres, contre les assassins, les donneurs de leçon de morale, les prédateurs en tout genre, les bourgeoisies aisées qui vont à la messe et gueulent comme des putois contre les gens qui "marchent pas dans les clous" !

     

    "Clavel ne donne ni dans la bourgeoisie aisée ni dans l'aristocratie mélancolique. Ceux qui redoutent de se trouver confrontés avec la misère des gens de peu évitent sans doute de le lire. Et ils auront tort. Quel ami des lettres n'a pas été secoué à un moment ou un autre par l'ouragan Clavel?"

    (Edmonde Charles-Roux, de l'Académie Goncourt)

     

    "C'est l'écrivain prolétarien français qui a le mieux réussi ; c'est à dire qu'il a réussi la difficile équation d'être lu par des lecteurs qui appartiennent au même monde de la quotidienneté que les personnages de ses romans".

    (Michel Ragon)

     

    "Dans la belle langue simple et dure qui est la sienne, Clavel ne ménage personne. Parce qu'il respecte ses personnages, ces gens du peuple sans défense, il raconte sans fioritures. Sans trahir".

    (Dominique Mobailly, La Vie)

     

    ... Je ne conteste pas que l'on puisse "ne pas aimer Bernard Clavel" : on a le droit de ne pas aimer Bernard Clavel, comme on a le droit de ne pas aimer Victor Hugo, par exemple...

    D'autant plus si l'on exprime son désamour pour Bernard Clavel avec l'humour qui sied au propos que l'on tient sur son oeuvre en général...

    En revanche ce qui me dérange c'est la "vision du monde" que l'on porte en soi dans le fait de ne pas aimer Bernard Clavel, quand il y a dans cette "vision du monde" tout ce que je combats, tout ce qui me révolte, tout ce que je dénonce depuis mon enfance.

    Or, il se trouve que Bernard Clavel défend, par les romans qu'il écrit, dans l'intégralité de son oeuvre d'ailleurs, toutes ces "valeurs" que je défends moi-même et que j'illustre si je puis dire, dans mes écrits, à travers les histoires que je raconte à ma façon...

    De même que l'on fustige, que l'on critique, que l'on "enterre" Bernard Clavel -ou un autre écrivain- pour "telle ou telle raison, raison argumentée"- (parce qu'on le trouve triste, pessimiste)... Je conçois que l'on puisse à l'égard de l'auteur que je suis, me trouver "emmerdant", pessimiste, tragique, hyroglyphique, brouillon etc. ... Et si en plus on y met de l'humour, pour "m'enterrer"... ça m'intéresse !

    Je concède à mes détracteurs le droit de m'enterrer, de ne pas du tout aimer ma manière d'écrire, de dire les choses comme je les dis... Mais je ne leur concède plus ce même droit lorsqu'ils s'attaquent à ce que je défends "bec et ongles", à ces "valeurs" qui me sont chères et que je place au dessus de tout, en particulier du succès, de la gloire, et des avantages que procurent le succès et la gloire...

    Quand ce qui est exprimé (même si "quelque part ça fait mal") l'est avec l'humour qui sied au propos, je me dis (c'est ce que je ressens) que, par l'humour, cet humour là en l'occurrence, je me sens proche de mon prochain si différent de moi dans sa "vision du monde" : c'est la même chose par exemple, que cet officier Nazi, dans le film "le pianiste" qui se trouve dans une église complètement détruite, en Pologne en 1945, en face du Juif résistant pianiste. Les deux personnages que tout sépare et oppose dans une violence qui est la violence réaliste et totale de la guerre, vont alors "se rejoindre" dans une sorte de communion autour d'un morceau de musique! Quel "message" en effet ! Quand du tragique, de l'indicible, de l'insoutenable, du plus inacceptable, du désespoir le plus absolu, du plus absurde, du plus injuste, du plus dramatique de ce qu'il y a dans le "sens du monde", dans une "vision du monde" qui peut être (et qui effectivement est) celle de tant et de tant de gens dans le monde toutes cultures et religions confondues... Se lève cette espérance magnifique, vient cet optimisme, autour du seul fait de "partager quelquechose ensemble".