Les centres médicaux de long séjour : des univers aseptisés

… C’est un univers aseptisé que celui des centres médicaux de long séjour, des EHPAD et établissements spécialisés pour “personnes fragilisées”, ainsi que des maisons de retraite médicalisées, et, de ce qu’il est convenu d’appeler des “Village” qui n’ont absolument rien de “village” au sens de communauté villageoise en un terroir…

Certes, les personnes “fragilisées” (je pense en particulier aux personnes très âgées et très dépendantes, aux personnes atteintes de la maladie d’Alzeimer), y sont, dans ces centres de long séjour – ou pour parler plus clairement de “dernier séjour” – “bien traitées” c’est à dire que l’on veille à ce qu’elles ne souffrent pas – grâce il faut dire à toute une administration de médicaments (de drogues plutôt), soignées en ce qui concerne leur nourriture, leur corps, leur propreté en somme… Mais tout cela dans une uniformité de conditionnement de vie, dans des espaces, des couloirs, des salles, “ultra sécurisées” , avec des entrées (des ouvertures de portes d’accès au centre, à l’accueil) dotées de digicodes, des fenêtres, partout, que seules les personnes chargées de soins peuvent ouvrir ; un mobilier adapté, le même partout, avec sur les murs, sur les cloisons, dans les couloirs, de teintes claires, soit en bleu ou en vert eau, de “jolis dessins” géométriques, représentant par exemple, un vase avec une fleur dedans toute droite, ou un animal schématisé…

Les personnes “très fragilisées” en général âgées de plus de 90 ans, dont certaines sont atteintes de maladie d’Alzeimer, n’ont plus dans leur chambre, à part 2 ou 3 photos de leurs petits enfants, ni télévision, ni poste de radio, ni téléphone, aucun objet personnel (leurs vêtements se trouvent ailleurs, gérés et rangés par le personnel médical), pas même un crayon, pas de livre, de revue, et même la commande de la chasse des WC leur est impossible à faire fonctionner.

Les visites de leurs proches sont conditionnées et entièrement contrôlées depuis le moment de l’entrée dans le centre jusqu’à la sortie (avec un code à 4 chiffres, plus la présence d’une personne à l’accueil)…

J’ “imagine” que, vu la diversité des affections Alzeimer, des “profils” de chaque personne, selon leur caractère, leur vécu, etc. … Selon ce que “prévoient” les Autorités du centre, des personnes pouvant avoir éventuellement un comportement “suicidaire”, aient l’idée de se percer une veine du poignet avec la pointe d’un stylo, d’un crayon… Ou que d’autres se mettent à écrire, dessiner sur les murs de la chambre…

Autrement dit, afin de “parer à toute éventualité” désastreuse ou causant dommage ; un conditionnement totalement formaté uniformisé, avec les mêmes limites et restrictions imposées à tous, est mis en place dans tous ces centres de long séjour pour “personnes fragilisées”; de telle sorte que pour la moindre activité ou plus précisément le moindre geste d’initiative, de volonté personnelle, un accompagnement guidé soit nécessaire…

Il est évident que dans de tels univers aseptisés et sécurisés, au conditionnement, mobiliers, aménagements, équipements technologiques, entièrement standardisés, uniformisés… Avec des protocoles de soins et de services formatés… Qui ne peuvent pas être personnalisés, et qui sont donc censés répondre à toutes les situations… Il ne reste rien de ce qui permet à la personne handicapée, très âgée, dépendante, fragilisée, d’avoir ne serait ce qu’un semblant de vie à elle avec des occupations, des activités, une intimité, enfin “quelque chose qui ressemble à une vraie vie”…

C’est un “monde de morts vivants” que celui de ces centres, de ces “villages” – certes équipés ultra moderne – mais des “mouroirs” d’isolement et de non vie !

Impressionnant et démoralisant, pour qui entre là dedans et y visite un proche !

 

Tout cela – en ce qui concerne les soins et le “maintien en vie” des personnes très fragilisées en milieu médical de long séjour – mais aussi en bien d’autres domaines de vie sociale, de vie au travail, de culture, de loisirs, de sports, de consommation alimentaire, de consommation en général, d’éducation, de médecine, de religion, de rapport au monde qui nous entoure, de rapport aux êtres et aux choses, à la nature et aux animaux… Tout cela participe à une évolution de la société humaine qui s’apparente au fonctionnement d’une sorte de “machine” faite d’innombrables organes et engrenages, où ce qui fait dans l’intimité, la vie des gens, est broyé, concassé, aplani, nivelé, profilé…

Nous ne sommes pas loin du temps où l’Histoire, celle du monde autant que celle des gens, sera écrite non plus par des écrivains ou des romanciers ou des témoins vivants en chair et en os ; mais par des robots ou des entités d’intelligence artificielle…

Puisse ce monde là, disparaître avant qu’il ne devienne cela ; et puisse notre vie s’arrêter avant qu’elle ne devienne “non vie” dans quelque “village” aseptisé…

 

 

 

long séjour

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