LE VOYAGE EN GUYANE, récit

 

Voyage en Guyane 17 mars-7 avril 2009

 

SECTION 1

 

Introduction ou avant le départ...

 

Le mardi 17 mars 2009 à 8h 40 je « m'envole » avec ma femme vers la Guyane, depuis l'aéroport de Bordeaux Mérignac.

Une heure de vol pour rejoindre Paris Orly, puis départ Orly 10h 45 pour Cayenne Rochambeau.

Arrivée Cayenne 17 mars à 15 h 55 (heure locale)

 

Nous demeurons 3 semaines en Guyane jusqu'au 7 avril chez notre fils Tanguy qui réside à Matoury (15 km de Cayenne)...

Nous serons en Guyane pendant la “petite saison sèche de mars” (qui se traduit par des précipitations plus courtes et moins fréquentes) : cela est du au déplacement de la Zone Intertropicale de Convergence, qui “navigue” entre le 10ème Nord et le 10ème Sud (Cayenne est située sur le 5ème Nord)...

 

Les régions équatoriales sont pour moi, avec les régions du cercle polaire et les régions de latitude moyenne de l'hémisphère austral, mes destinations préférées. Car dans ces régions, le ciel, les plantes, les paysages et les animaux sont différents de là où j'ai passé ma vie...

... Ah, voir le mouvement apparent du soleil entre le matin et le soir dans l'hémisphère Sud avec l'équateur au Nord! Et des étoiles et des constellations différentes! Le jour “qui ne finit jamais” dans les régions du cercle polaire et au delà ; le passage du soleil à midi au centre de la voûte céleste dans les pays de l'équateur!

 

... J'ai parfaitement conscience devant un projet de voyage, que “tout peut s'écrouler”... Par la venue d'un évènement malheureux (maladie, accident, drame familial, guerre, tremblement de terre, tempête...)

Comme disait Laurence Parisot (dont je ne partage pas la “vision du monde”) : tout est précaire, la vie est précaire, la santé est précaire, le bonheur est précaire, le travail est précaire...

Par contre ce qui ne me semble jamais précaire, c'est bien le rêve... Le rêve à l'état pur, le rêve grand, beau et fort, difficile à transformer en réalité ; le rêve avec les moyens que l'on se donne pour le réaliser, avec tout ce que l' on arrache du sol sur lequel on est rivé, touffe après touffe, motte après motte, pierre après pierre, racine après racine...

S'il faut rêver réaliste, il faut aussi oser rêver grand...

 

 

 

SECTION 2

 

... Ce petit territoire – enfin pas si petit que cela, puisqu'il est d'une superficie égale à celle d'une grande région Française ou comme un pays tel que le Portugal... Ce “petit territoire” donc, perdu dans l'immensité du continent Sud Américain, un morceau du plateau des Guyanes tout au bout de la forêt Amazonienne, délimité à l'ouest par le fleuve Maroni, à l'est par le fleuve Oyapock, au sud vers la forêt Amazonienne par les monts Tumuc Humac (635m)... Et la “zone interdite” - une zone de “non droit”, aux frontières encore imprécises entre la Guyanne Française et le Brésil – ce “petit territoire” délimité au nord par l'Atlantique, l'immensité de l'Atlantique... Est donc un “petit bout du monde de France équatoriale”, avec dans sa partie littorale de St Georges de l'Oyapock jusqu'à St Laurent du Maroni... Ses routes, ses infrastructures, ses “grandes surfaces” commerciales ; Cayenne et Kourou, ses quartiers périphériques résidentiels, ses espaces urbanisés, ses panneaux routiers et ronds-points... Tout comme en France...

Et cela est tout à fait étonnant, de voir ces panneaux, ces infrastructures, ces enseignes lumineuses le soir, exactement comme dans n'importe quelle région Française!

Il n'y a pour vraiment différencier, que la végétation, le climat, la hauteur du soleil dans le ciel à l'heure méridienne.. Et les gens aux peaux noires ou cuivrées, sans doute pour beaucoup d'entre eux, originaires de pays Africains, d'Amazonie, du Brésil, ou Amérindiens venus de partout, du grand continent Américain....

Dès le 1er millénaire Av JC, les premiers peuples Amérindiens venus du bassin de l'Amazone ou des rives de l'Orénoque s'étaient installés en Guyane. Et lors des premiers débarquements des Européens au 16ème et 17ème siècle, ces peuples Amérindiens furent décimés en grande partie par les maladies importées, les soldats, les luttes tribales consécutives à la politique des envahisseurs...

Christophe Colomb avait croisé au large du plateau des Guyanes dès 1498, et au tout début du 16ème siècle, navigateurs Anglais et Portugais suivirent les traces de Christophe Colomb...

C'est en 1633 que débute l'implantation des Français en Guyane au fortin de Cépérou (du nom d'un chef Amérindien avec lequel des négociations furent menées)...

En 1643 arrivent Poncet de Brétigny et 400 hommes chargés de coloniser durablement la Guyane. Mais les Amérindiens se révoltèrent en réaction à la brutalité des colons, Poncet de Brétigny et ses troupes furent massacrés et quelques Français survécurent puis quittèrent la Guyane.

Une autre expédition menée par Royville en 1652 et soutenue par Mazarin connut le même sort que l'expédition de Poncet de Brétigny... En dépit de ces échecs, la colonisation finit par s'organiser tout au long des 17ème et 18ème siècles et c'est finalement avec la “fièvre de l'or” à partir de 1855, qu'une “certaine prospérité” (toutefois aléatoire et déstabilisante pour la vie sociale et économique) s'installe en Guyane...

Je passe sur la période du bagne, de 1852 à 1954, qui fut à mon sens, “une des plus grandes hontes de l'histoire de notre pays, la France” (soit dit en passant, L'Angleterre n'a pas fait mieux avec les bagnes d'Australie et surtout, de Tasmanie et les déportations d'enfants)...

C'est à Kourou que l'on rencontre actuellement le plus d'Européens ou de “métropolitains”, dont beaucoup sont des enseignants, des chercheurs, des scientifiques, des gens travaillant sur le site de la base spatiale... Mais l'on rencontre aussi à Kourou, des Brésiliens venus s'embaucher pour les travaux de construction et d'aménagement de la base spatiale, et qui, une fois installés à Kourou dans des stuctures résidentielles assez sommaires, se sont sédentarisés et ont repris d'autres activités diverses... Ainsi ces gens, bien que pauvres, vivent-ils “mieux” ici, que de l'autre côté du fleuve Oyapock...

 

SECTION 3

 

Une fois franchie et parcourue la bande littorale “civilisée” (avec routes, villes, internet, téléphone fixe ou mobile, eau, canalisations, électricité, infrastructures, belles maisons aux toitures métalliques et beaux espaces et parcs et circuits de promenades aménagés...) commence la forêt équatoriale, une nature sauvage et vierge, sans aucun pylône, fil électrique, pont ou route... Une nature belle et sauvage, inchangée depuis des millions d'années... Mais des gens y vivent, dans cette nature : regroupés en des villages perdus dans la forêt, ne circulant et ne communiquant entre eux que par pirogue le long de cours d'eaux “labyrintiques”... Des enfants se lèvent à 2h du matin pour aller à l'école en pirogue jusqu'à la “ville” distante de plusieurs heures de navigation parfois périlleuse et toujours difficile...

 

Quoiqu'il en soit de ce “petit bout de France équatoriale”, la Guyane... Il n'en demeure pas moins que nous sommes bel et bien ici en Amérique du Sud, en “Amérique tout court”...

Vers l'océan Pacifique, vers les terres lointaines de Patagonie et du Cap Horn au Sud, et vers les terres lointaines du Nord de l'Amérique, il n' y a que des immensités à perte de vue... A ce qu'un “vertige” vous prenne et vous emporte, tant ces immensités sont diverses, bouleversantes, et d'une si grande beauté, d'une si grande pureté, d'une si grande violence... Nous sommes là dans une dimension “surréaliste” (la beauté, la très grande beauté, a assurément quelque chose de “surréaliste”)...

L'on ne peut qu'imaginer, lorsque la pensée prolonge le regard... Au delà de l'Amazonie, du plateau Brésilien, et des pampas de l'Argentine... La cordillière des Andes, les hauts plateaux Boliviens et du Pérou, L'Aconcagua, les vallées Chiliennes, l'extrémité des Andes au Sud du continent Américain, recouverte d'un immense glacier disloqué, cisaillé et hurlant comme milles violons de musiciens géants... Et cette côte tourmentée du Sud du Chili, éclatée en mille et mille petites îles, battue par les vents et les pluies venus du Pacifique Sud, recouverte de forêt primaire, pratiquement inhabitée... (Là il y tombe plus de 8 mètres de pluie par an, alors qu'en Guyane il n'en tombe que 2 mètres et demi!)

La Guyane n'est pas si “chaude” qu'on le dit : à Paris ou à Lyon par exemple, le thermomètre peut monter jusqu'à plus de 40° à l'ombre en été, alors qu'à Cayenne il fait au maximum 34 ou 35 ° à l'ombre à 4h de l'après midi et 23/24 à 6h du matin, la moyenne annuelle et constante étant de 26 degrés...

Durant le mois de mars, puis de septembre, au minimum des pluies, les averses bien que quotidiennes, sont brèves et espacées... Par contre de fin avril à mi juillet, durant la “grande saison des pluies”, c'est “des cordes” pendant des heures! Et durant la “petite saison des pluies”, de mi novembre à mi février, un peu moins... Mais les “saisons” en fait, fluctuent beaucoup d'une année sur l'autre (prennent de l'avance ou du retard) au gré du déplacement irrégulier dans sa progression, de la Zone Intertropicale de Convergence (ZIC) entre le 2ou 3ème sud et le 10/15ème nord... Cayenne étant située au 5ème Nord... Parfois la ZIC “descend” jusqu'au 10ème Sud ou encore plus bas, ou “remonte” plus rapidement vers le 10ème Nord...

Par exemple en ce moment (mars 2009) la ZIC stationne encore au voisinage de l'équateur géographique et “épargne” la Guyane (sans doute cette année jusqu'à début avril)...

“El Nino” ce courant du Sud Pacifique venu de l'Antarctique et logeant la côte d'Amérique du Sud (qui influence tout le climat de la Terre) génère cette année dans la zone intertropicale et équatoriale, des “saisons de pluies” plus marquées, et un hiver rigoureux en Europe Occidentale, et Amérique du Nord...

 

SECTION 4

 

Le trajet de Bordeaux Mérignac à Paris Orly, ne fut en comparaison du vol Paris Orly – Cayenne, qu'un “saut de puce”... Ce mardi 17 mars 2009 entre 8h 40 et 9h 50. A quelque sept mille mètres d'altitude, par ce temps magnifique, dans ce ciel tout bleu sans nuages, à bord d'un petit Air Bus d'Air France et un peu “gâtés” que nous fûmes par de charmantes hôtesses (c'était pour Irène le 1er voyage en avion – soit dit en passant les femmes d'Air France et des Aéroports sont “super chic/super classe” dans leurs uniformes bleus bien coupés, et ont de fort jolis visages - )

... A quelque sept mille mètres d'altitude donc, c'est cent fois mieux qu'une vue de la France sur Google Earth réglée à l'échelle correspondant à l'altitude de 7000 mètres! Comme quoi le réel en l'occurrence, surpasse de loin le virtuel...

Dans les vingt premières minutes c'est l'ascension puissante et rapide au dessus de l'estuaire de la Gironde puis de la région Poitou Charentes ; et dans les vingt dernières minutes la descente tout aussi rapide mais graduée, vers le site de l'aéroport d'Orly Sud... A peine un quart d'heure, en définitive, pour “sauter” à 7000 mètres maximum entre deux régions de France distantes de 500 km tout de même! Juste le temps de prendre un café...

... Ce n'est pas - du moins c'est ainsi que je l'ai ressenti – la question de savoir si “c'est sûr et sans danger” (de prendre l'avion) qui me préoccupait : cela m'était et me sera toujours indifférent et “sans problème”...

La seule “inquiétude” qui me viendrait, si je puis dire, ne tient qu'à tout ce qui a trait aux contrôles, à l'information, à la signalétique, à la communication, aux automatismes ; le fait de savoir exactement où, dans quelle direction aller, se diriger, se positionner... Cette espèce d'appréhension, dirais-je, d'un univers “formaté” (peut-être un peu “Kafkaïen”)...

Mais je dois reconnaître que cette 1ère expérience d'un grand vol intercontinental, avec un “transit” entre deux terminaux à Orly, fut “assez heureuse” par ce si beau 17 mars 2009... En grande partie due à la gentillesse, à la prévenance des hôtesses, femmes des aéroports et stewards et autres personnes d'équipage... (dont beaucoup étaient de la France du bout du monde)...

L'on monte dans un avion en passant dans un “tunnel” vitré entre le hall de départ et l'intérieur de l'avion : l'extrémité du “tunnel” est un “sas” (comme entre 2 rames de TGV)... Là on vous accueille, puis vous vous faufilez dans un couloir de passage entre des rangées de fauteuils et vous cherchez votre place... ( j'avais lors de l'achat de mon billet électronique, opté pour un siège près d'un hublot)...

Pour le passage d'un avion à l'autre à l'aéroport d'Orly, il suffisait de suivre un couloir, une fois sorti du “tunnel vitré”, qui conduisait directement vers le hall des différentes connexions, puis de là,vers le hall d'embarquement pour Cayenne...

 

SECTION 5

 

L'Air Bus A 340 pour Cayenne était bien plus gros, bien plus imposant, que celui de Mérignac à Orly : trois immenses espaces chacun divisé en 3 parties soit les rangs du centre, et les rangs latéraux... l'espace de l'avant de l'avion, puis celui du milieu avec de chaque côté les ailes de l'avion et les réacteurs, et enfin l'espace de l'arrière de l'avion... Tout cela d'un bout à l'autre me paraissant “à perte de vue”...

Si le hublot est petit, et si l'aile de l'avion ne permet pas de distinguer quoi que ce soit vers l'avant, il n'en demeure pas moins que le champ de vision par le hublot, est tout de même immense, une fois en altitude!

Fermeture et verrouillage des portes à 10h 45 heure de Paris, manoeuvres d'accès à la piste d'envol, accélération au sol, décollage... Et en quelques minutes seulement pour tout cela, voici très vite une “carte Google Earth en vrai” de la région Ile de France à 7000 mètres d'altitude, puis une carte encore à plus grande échelle de tout l'Ouest de la France à quelque 9000 mètres d'altitude, sans aucune formation nuageuse et dans une luminosité exceptionnelle... Il n'était pas 11h 30 que je distinguai très nettement l'estuaire de la Loire, puis les côtes de Vendée, et le rivage disparut dans une brume de lumière...

L'Atlantique... L'Atlantique jusqu'à la côte Espagnole du Nord Ouest... Une étendue lisse, bleue comme le ciel, avec des “rides” aussi fines que des cheveux de femme... Et de temps à autre, le tout petit point noir d'un cargo suivi d'une “chevelure blanche de minuscule comète”!

Je savais que nous survolerions le Nord Ouest de la péninsule Ibérique... J'avais déjà bien avant le départ, regardé sur ma “grosse et belle Téterre”située à côté de mon ordinateur, à Tartas, quel serait le trajet vers la Guyane...

Et c'était exactement ce trajet là, tel que je pouvais le suivre selon le plan de vol en face de mon siège, sur un petit écran personnalisé avec des écouteurs, permettant au voyageur de visionner des films, des clips vidéo, des informations, des journaux de télévision, ou encore de jouer à des jeux vidéo...

Une hôtesse emplie à notre égard, à Irène et à moi, d'une touchante sollicitude, nous expliqua les fonctions de la télécommande... Je n'utilisai que la touche me permettant de suivre le plan de vol avec les informations sur l'altitude... Et la température extérieure... de moins 53 degrés à 10650 m d'altitude! Impressionnant, la température de l'air à l'extérieur de l'avion sous ce soleil éclatant à la lumière violente et aveuglante!

Je me suis dit alors : “Hors de question d'aller bourrer une pipe, assis sur l'aile de l'avion!”...

 

 

SECTION 6

 

 

Moins de deux heures après le départ d'Orly, apparurent les côtes du Nord Ouest de la péninsule Ibérique, la région de la Corona, puis le cap Finisterre et vers le Portugal, une partie très découpée de la côte, avec de nombreuses baies et anses... Une vraie carte de géographie “muette” mais surtout naturelle... C'était très impressionnant de distinguer aussi nettement les détails du paysage de cette région du Cap Finisterre et de St Jacques de Compostelle, dans cette extraordinaire luminosité de l'air à 10500 m d'altitude et bien au dessus de quelques nappes floconneuses de nuages blancs ...

Puis le rivage de l'extrémité de l'Europe se dilua dans la brume argentée et aveuglante, se fondit en une ligne imprécise, grise et vacillante... Alors commença l'Atlantique à l'infini, durant sept heures à 10900 m d'altitude, sur une distance de 6000 km en direction de l'Amérique du Sud au niveau de l'Equateur...

L'Atlantique à l'infini sans aucune terre en vue... Je pensai à ces navigateurs des 16ème, 17ème et 18ème siècles qui, lorsqu'ils dépassaient le Cap Finisterre ou l'extrémité du Portugal, voyaient s'éloigner peu à peu les côtes de l'Europe, se demandant si un jour ils pourraient revenir dans leurs pays...

C'est au large des Açores que parurent les premières grandes formations nuageuses, les systèmes dépressionnaires, les longs enroulements ou rubans de nuées sombres en écharpes ou en bourgeonnements blancs et gris en hauteur... Mais ces immenses formations nuageuses semblaient très basses, presque au niveau de l'océan, et elles se déchiraient, s'espaçaient, se diluaient ... Et dans le franchissement un à un, des degrés de latitude, en direction du tropique Nord, flamboyait toujours plus en hauteur le soleil car nous “allions contre la rotation de la Terre” dans une sorte de “midi perpétuel”. Les systèmes nuageux disparurent, l'océan prit la même teinte que le ciel, les “fines, très fines rides comme des cheveux de femme” à la surface de l'océan, s'effacèrent et sur le petit écran en face de mon siège, je lus “altitude 10950 mètres, température extérieure moins 47 degrés” (entre la France et l'Espagne au dessus de l'Atlantique Ouest Européen il faisait moins 55 degrés)

 

SECTION 7

 

C'est à ce moment là, en plein milieu de l'Atlantique à 10950 mètres d'altitude entre l'Afrique du Nord Ouest et l'Amérique du Sud, que l'hôtesse vint nous annoncer que nous pouvions nous rendre accompagnés par elle dans le poste de pilotage auprès du commandant de bord et de son copilote... Parce que c'était pour moi mon premier vol intercontinental, et le premier vol pour Irène...

J'avais déjà, enfant, de 1959 à 1962, “pris l'avion” mais seulement pour traverser la Méditérranée de Marseille à Tunis à bord d'un gros “Bréguet deux ponts” (qui ne volait qu'à 3000 m et mettait 2h 45 pour se rendre de Marseille à Tunis) et ensuite à bord d'un “Constellation” entre Marseille et Alger ou entre Alger et Bordeaux...

Dans le poste de pilotage l'on se serait cru à l'intérieur d'une “nacelle de montgolfière” (fermée évidemment) tant la stabilité était aussi évidente que sur le “plancher des vaches”... Et en face des quatres grands hublots rectangulaires ce ciel, cette immensité, ce bleu, ces traînées floconneuses blanches à l'infini, et l'avion semblait immobile, immobile comme une planète-satellite en forme de baleine géante en suspension dans l'espace... Une immobilité toute relative puisque la vitesse était de 837 km/h! Tout droit devant, à perte de vue, du bleu, du bleu à l'infini, le bleu du ciel confondu avec celui de l'océan, sans horizon défini, comme dans un espace interstellaire tout empli du ciel de la Terre, avec des “voies lactées” de brumes... Et le soleil, éblouissant, dont le rayonnement depuis le centre du ciel, emplissait la moitié de la voûte céleste...

La beauté, dans ce qu'elle a de plus pur, de plus grand par la dimension de ce qu'elle suggère à l'esprit, de plus universel et en même temps de si singulier et de si émouvant... Est “surréaliste”... Elle est bien au delà de tout ce qui dans la vie que nous vivons, nous brasse et nous emporte, nous élève ou nous abaisse, nous motive, nous anime et nous passionne au jour le jour... Elle n'a que faire de certaines de nos aspirations, de bon nombre de nos convictions, de nos repères culturels et de nos habitudes... Elle se fout des hommes et de leurs prodiges... Il n'y a peut-être que la science, la philosophie et la poésie... Et sans doute Dieu pour les croyants... Pour “tenir compagnie” avec une infinie reconnaissance et beaucoup d'humilité, à la beauté...

Que de boutons, de voyants, de cadrans, de manettes, de commandes électroniques, partout dans toute la cabine!

Je demandai au commandant de bord si nous approchions du Tropique Nord : il consulta une carte aux tracés assez complexes, avec de nombreuses indications chiffrées et de points colorés et me dit “nous sommes sur le 24ème”...

Et je répondis : “Nous y sommes presque : il ne manque plus que 33 minutes d'angle, soit environ une cinquantaine de kilomètres”... (il y a 111 kilomètres entre chaque degré de latitude).

Les deux lignes appelées tropiques, celle de l'hémisphère Nord et celle de l'hémisphère Sud de notre planète, de part et d'autre de l'équateur, sont situées très exactement à 23° 27' ... Pour le moment, un moment d'une durée tout de même de “quelques siècles courant”... Rappelons que l'inclinaison de la Terre varie de 3 degrés en une période de 41000 années (41000 révolutions terrestres). Tropiques et cercles polaires “oscillent” donc en 41000 ans, entre 22 et 25 degrés d'inclinaison..;

Je vous demande pardon pour ces considérations techniques et ces précisions... Mais l'univers est d'une extrême complexité et aussi d'une grande logique : c'est “autre chose” encore, que le plus élaboré des mouvements d'horlogerie tel celui par exemple, de la cathédrale de Strasbourg, une véritable horloge et machinerie astronomique!

Passionné que je suis, et presque “fanatique” de ce genre de précisions relatives à la Terre et à l'univers... Je me sens ainsi, d'une certaine manière, par la connaissance de ces précisions et de ces données astronomiques, relié à ma planète d'origine et à l'univers tout entier...

Je dis qu'il y a “une certaine poésie” et “une certaine dimension de réflexion”... Et bien sûr, “une très grande beauté” dans les mathématiques, la géométrie, la physique et la chimie... Et toutes les sciences de la vie, de la Terre et de l'univers...

 

SECTION 8

 

Les degrés de latitude l'un après l'autre franchis, nous pénétrâmes plus en avant dans la zone intertropicale en direction de l'équateur... Alors le ciel changea d'aspect et les formations nuageuses reparurent... Ce furent tout d'abord de longues et épaisses masses blanches floconneuses, déchirées, bourgeonnantes ou en nappes étirées, qui semblaient presque flotter tout juste au dessus de l'océan... A plus de 10000 mètres d'altitude, ce paysage de nuages tout en bas, paraissait déchiré comme un grand désert blanc suspendu et tout troué de bleu...

Ensuite surgirent, échappées de la gigantesque muraille nuageuse de la Zone Intertropicale de Convergence, des formations complexes et étrangement architecturées, de cumulo-nimbus... Dont les sommets, cette fois, étaient tout proches, au dessous de l'avion... Et quel spectacle que ces énormes masses de nuages, mouvantes, changeant de couleurs et de formes ; aux bourgeonnements et aux étirements en hauteur... Dont les développements pouvaient tout aussi bien atteindre une altitude de douze mille mètres!

A ce moment là je pus observer que la température extérieure était de moins 43 degrés à 10900 m d'altitude...

L'on imagine alors la surface de l'océan surchauffée par le rayonnement solaire, l'évaporation, l'accumulation de la vapeur d'eau, les violents courants ascendants à l'intérieur de la masse de nuage, le refroidissement en altitude... Et la brutalité, l'intensité de la pluie retombant...

Depuis l'anticyclone des Açores dans l'hémisphère Nord sur l'Atlantique, souffle l'alizé du Nord Est vers l'équateur, et depuis l'anticyclone de Sainte Hélène au large de l'Afrique sur l'Atlantique, souffle l'alizé du Sud Est dans l'hémisphère Sud vers l'équateur... De la rencontre brutale entre les deux alizés, nait une “cellule” dépressionnaire appelée “zone intertropicale de convergence” (une bande de très grosses formations nuageuses, un véritable “mur” oscillant tout au long de l'année avec l'inclinaison de la Terre entre le voisinage de l'équateur et le tropique).

Mais cette “muraille” de nuages n'est cependant pas continue et elle se meut avec quelques différences d'une année sur l'autre...

Alors que nous n'étions plus qu'à 1700 km de la Guyane, il y eut un “éclaircissement” et les formations de nuages se dispersèrent, se réduirent... Et dans le lointain, sans doute de l'autre côté de l'équateur, comme un “mirage de terre”, flottait au ras de l'horizon la “muraille” grise, blanche et bourgeonnante de la “zone intertropicale de convergence” : il devait bien manquer deux ou trois degrés de latitude pour que la ZIC touche la Guyane par le Sud... (en principe la “grande saison des pluies” en Guyane, c'est de mi avril à mi juillet)...

A quelque 400 km de Cayenne environ, l'on nous annonça que les manoeuvres d'approche allaient commencer. D'ailleurs l'altitude n'était plus que de 9000 m au dessus de l'Atlantique à ce moment là, trois quarts d'heure avant l'atterrissage. Mais depuis le hublot je ne voyais rien vers l'avant, à part l'aile de l'avion... Il était donc hors de question de voir apparaitre la côte de Guyane.

Toujours sous un soleil éblouissant encore très haut dans le ciel à cette heure là, vers 16h locale, d'importantes formations de nuages surgirent peu à peu et le ciel tout entier devint un immense espace en trois dimensions, et comme “urbanisé” de gigantesques “monuments” aux nombreux étages, dômes et terrasses ou “jardins suspendus” ; séparés les uns des autres par de larges et profonds “couloirs” bleus... Tout en bas, couraient de petites bandes plus modestes, mais plus sombres, de nuées mouvantes et déchirées...

Et c'est alors qu'à 3000, puis 2000 m d'altitude, se révélèrent à ma vue, l'île Royale, l'île St Joseph et l'île du Diable (îles du Salut en face de Kourou)... Et enfin la côte ou plus précisément, la mangrove...

Dans une trajectoire en spirale nous survolâmes la ville de Cayenne, et toute la zone urbaine aux alentours : les routes, les ronds points, les lotissements... Du côté du littoral, la “civilisation”dans un paysage équatorial ; et de l'autre côté vers l'intérieur des terres, un “océan vert”, une nature totalement vierge, sauvage, puissante et infinie : de ce côté là, aucun pylone, aucun fil électrique, aucune trace de civilisation du 21ème siècle!

Quel contraste entre ces deux mondes, celui de la “civilisation occidentale” que l'on retrouve en Europe, Amérique du Nord et en d'autres pays de la Terre d'une part ; et celui d'une nature sauvage et vierge d'autre part, qui depuis un million d'années n'a pas changé...

L'aéroport de Cayenne Rochambeau en comparaison de celui d'Orly ou de celui de Roissy, est de dimension bien modeste mais néanmoins “ultramoderne” quoique d'atmosphère un peu “exotique” ou “France des tropiques”... En un rien de temps, nous récupérâmes nos valises, et dehors, le soleil brillait encore au dessus de palmiers et d'arbres dont je ne connaissais pas le nom...

Le premier oiseau que je vis fut un petit “merle” noir très élancé avec un oeil dans un fin cercle blanc, très familier, ayant un comportement de moineau : il y en avait partout aux abords de l'aéroport, de ces oiseaux!

Par la suite je devais, du côté de la crique Austerlitz là où demeure mon fils à Matoury, rencontrer un autre oiseau très familier mais moins “citadin” : le “zozo diable” (une “corneille” fine et élancée, au bec assez gros)...

J'ai tout de suite touché et pris entre mes doigts les herbes au sol (que j'ai trouvé différentes de celles d'Europe) , apprécié les 30 degrés de température et le petit vent d'Est, l'air ambiant et la “descente à la verticale” du soleil sur l'horizon... J'étais en Amérique du Sud, dans un “gros/petit bout” de France Equatoriale...

 

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Commentaires

  • Julien Soreau
    • 1. Julien Soreau Le 11/04/2009
    Un journal de voyage bien banal. Aucune vision poétique, aucun recul politique.

    Bof !
  • Laurent
    • 2. Laurent Le 11/04/2009
    Merci pour ces infos sur la Guyane . Je suis muté pour l'année prochaine et ce que vous dites de la Guyane me rassure.
  • becdanlo
    Un bien peu banal voyageur: attentif aussi bien à tous les détails techniques qu'à son ressenti.
    Intéressant !

    bec'

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