Guyane, suite 2, récit

 

SECTION 13

 

A quatre jours de pirogue sur l'Oyapock, fleuve frontière avec le Brésil, vivent à Trois Sauts, au sud de la Guyane en pleine forêt Amazonienne, des communautés de Wayampi, peuples Amérindiens des grands bois, venus par les affluents de l'Amazone, du Nord du Brésil... Semi nomades, ils vivent de chasse et de pêche, et sont aussi artisans en objets de vannerie.

Six groupes ethniques peuplent la Guyane : les Galibi, les Palikour et les Arawack vivent près du littoral et aux abords des estuaires ; tandis que les Wayana et les Wayampi, et les Emerillons vivent dans la forêt profonde.

Les Emerillons sont les derniers arrivés en Guyane Française, au 18ème siècle, du Paraguay.

Les Arawacks sont venus d'Amérique du Sud, depuis la côte Nord du Vénézuela.

Et les Palikour vivent au Sud Est de la Guyane près de l'estuaire de l'Oyapock, région quasi inhabitée, et se sont tout récemment sédentarisés et leurs enfants sont scolarisés.

Les autres populations d'origines autres que celles des Amérindiens sont pour l'essentiel les Bushinenge (hommes des bois) anciens esclaves de Guyane Hollandaise qui ont fui les plantations des colons Européens. Vers la fin du 18ème siècle après des dizaines d'années de luttes, de révoltes, et de tentatives d'implantation, ils obtiennent le droit de s'installer sur des territoires de la forêt où ils organisent leur vie de la même manière que dans leur pays d'Afrique d'origine... L'on appelle aussi les Bushinenge “Noirs marrons” ou Noirs réfugiés.

Toutes ces populations n'ont que peu de contacts, même aujourd'hui encore, avec les Européens, les Asiatiques, les Noirs et les Créoles de la civilisation “occidentale”... A l'exception peut-être des “Noirs marrons” qui vivent en grand nombre dans l'Ouest Guyanais, de St Laurent du Maroni à Mana et Iracoubo et dont les enfants et les jeunes sont bien scolarisés...

J'ai été très surpris par le nombre de Chinois qui tiennent la plupart des commerces, restaurants et hôtels : à eux seuls, ils représentent peut-être les trois quarts de la vie économique en Guyane. Les Chinois d'ailleurs, ont économiquement investi toute la région des Caraïbes, du Nord de l'Amérique du Sud et en particulier les trois Guyanes... “On les voit partout”, absolument omniprésents et fort nombreux, de conditions sociales diverses, mais très entrepreneurs en “affaires”...

Dans l'ensemble, qu'ils soient Blancs, Créoles, Noirs, Amérindiens, Chinois ou autres Asiatiques, ou encore réfugiés venus du Surinam ou d'ailleurs... Tous ces gens de Guyane sont de commerce et de relation “assez facile”, très polis, agréables, vêtus proprement ; d'un langage parfois un peu “chaotique” (mais on arrive à se faire comprendre pourvu que l'on désigne les choses simplement)...

Les conducteurs dans leurs voitures (on voit énormément de 4X4) sont “lestes et acrobatiques” mais très respectueux des piétons et des cyclistes, s'arrêtent même pour te laisser passer en dehors des bandes de traverse! Et ils ne klaxonnent pas rageusement comme dans les villes de France! (sauf si tu es trop lent)

Les femmes sont très belles mais on n'en voit peu d'âgées : elles sont très bien habillées, peu maquillées, n'ont pour bijoux que des colliers de perles ou des bracelets artisanaux. Toutes sont Noires, ou fortement métissées, pas “grosses” mais de belle stature, les cheveux lisses coiffés “à l'Européenne” ou ramassés en de jolis chignons. Il y a bien là, dans ce pays, une élégance, une simplicité et des couleurs de vêtements, une féminité “belle et émouvante”...

Je me suis même fait “draguer” en présence de ma femme (draguer et sifflé, oui!) par une femme jeune (qui n'avait rien, mais rien de l'apparence d'une femme de “petite vertu”)...

A Cayenne (la capitale tout de même) c'est encore là que la “civilisation occidentale” est la plus apparente... Par comparaison, l'Ouest Guyanais fait beaucoup plus “Afrique Equatoriale” ou “Amérique du Sud” pauvres (avec les maisons en planches, tôles, matériaux de récupération, rues et places en terre battue et bazars où l'on vend de tout)...

La bibliothèque municipale de Cayenne a du “cachet” (de l'exotisme et de l'atmosphère) : en grande partie en bois et d'architecture “19ème”... L'on y trouve quantité d'ouvrages littéraires, historiques, scientifiques, outre des romans et livres pour enfants... Les salles de lecture sont bien aérées, l'accueil agréable, et elle est “assez fréquentée” cette bibliothèque (par de nombreux jeunes)... Il y a même un “point Net” (gratuit mais “verrouillé” pour le courrier électronique personnel, les pièces jointes, les téléchargements)...

En dépit de cette “occidentalisation” apparente, à Cayenne, il n'en demeure pas moins qu'ici, tu es bien sur un autre continent, l'Amérique du Sud, proche du Brésil, de l'Amazonie, et des autres pays d'Amérique Latine... Et qu'ici, le “Blanc” est minoritaire (mais ce n'est absolument pas gênant tant les cultures et les diversités coexistent assez bien dans l'ensemble)... Il n'y a qu'à observer un moment ces nuées d'enfants, de jeunes et de familles à la sortie des écoles!

La seule chose, si je puis dire, qui m'a vraiment choqué, c'est lorsque j'ai vu dans les vitrines des magasins de prêt à porter, ces mannequins de femme “comme en France” : le vrai “prototype” de la femme blanche Européenne élégante et “occidentalisée”! Je m'attendais (et c'eût été plus logique, plus naturel) de voir dans les vitrines des mannequins de femme Noire ou Créole ou Amérindienne!

 

SECTION 14

 

Les Iles du Salut sont situées à environ 15 km au large de la côte, en face de Kourou...

L'île du Diable, qui du temps du bagne de 1852 à 1954, était le lieu d'isolement des prisonniers “politiques” ; puis l'île Royale, la plus grande, et où se tenaient les bâtiments d'administration et de gestion et de prisons ; et enfin l'île St Joseph sur laquelle étaient déportés en “réclusion” les bagnards condamnés pour des meurtres et des délits commis durant leur “séjour” en Guyane...

L'on accède à l'île Royale depuis l'embarcadère de Kourou, en “excursion”, par un Catamaran qui fait l'aller le matin à 8h et le retour le soir à 17h... La traversée dure un peu plus d'une heure.

Au départ, à mesure que l'on s'éloigne de l'estuaire du Kourou, et que l'on avance vers le large, une petite houle “balance” le catamaran et l'océan atlantique est couleur de boue claire. Sur les rives de l'estuaire et le long de la côte ce n'est que verdure luxuriante : racines, branches, arbres et végétaux enchevêtrés forment une barrière infranchissable d'un vert puissant surgi de la vase et de la boue... Je comprends que les premiers navigateurs venus aux abords de ces côtes aient été effrayés, et ont hésité à pénétrer dans ces estuaires envasés, car sur des dizaines de kilomètres, se profile cette côte inhospitalière. Néanmoins il y a à Kourou, tout de même, une belle plage assez vaste... Mais les fonds, jusqu'à une trentaine de kilomètres au large de la côte Guyanaise, ne dépassent pas les vingt mètres et sont très envasés, donc peu propices au mouillage...

Déjà depuis la sortie de l'estuaire du Kourou, l'on aperçoit dans le lointain les îles : des “rochers verts” dont l'un est nettement séparé des autres...

Durant la traversée souffle un vent presque “frais” et assez “fort” si l'on peut dire... Et la houle se renforce, l'océan devient “bleu turquoise”... Vers 9h, le catamaran accoste en face d'un modeste “quai”... Alors commence la promenade du tour de l'île Royale par un chemin qui longe une côte de rochers noirs et chaotiques, sous une haie de très hauts palmiers garnis de noix de coco... Puis le chemin s'éloigne un peu pour “monter” vers l'intérieur de l'île à travers les arbres géants, les fourrés, les sous bois touffus, et une végétation luxuriante... Ici dominent partout sur ces îles, les palmiers géants, et l'on en voit pousser directement à partir d'une noix de coco au sol...

Lorsque les taillis s'éclaircissent l'on voit courir en grand nombre des agoutis, peu farouches mais lestes... Mais ces animaux totalement inoffensifs, ne sont pas cependant “de très bonne compagnie” : ils véhiculent dans leur pelage des colonies de puces, et ces puces sautent dans les herbes puis s'infiltrent sous la partie supérieure de l'épiderme des promeneurs qui frôlent les herbes de leurs chevilles... D'où la nécessité de porter un pantalon qui descend jusqu'au talon.

Sur la partie la plus élevée de l'île Royale, l'on trouve bien sûr les vestiges du pénitentier (mais ici ces vestiges sont entretenus), les maisons des anciens gardiens et administrateurs “refaites à neuf” et aujourd'hui occupées ; une auberge et de grands espaces herbeux ombragés sous le feuillage de gigantesques manguiers... Et la citerne (ou du moins ce qu'il en reste) : cette citerne a été creusée par les bagnards, elle contenait 6000 mètres cubes d'eau et elle était empierrée et cimentée sur son pourtour... Aujourd'hui elle n'est plus qu'une nappe d'eau verte, noire et croupissante totalement recouverte de sortes de grands nénuphars, de végétaux, de racines et de mousse...

C'est là, sur un pan de mur disjoint, tout gris, tout fissuré, en plein soleil de midi, que j'ai pu observer un long moment, et d'assez près, une “troupe” d'iguanes en lents mouvements, la tête bien relevée, évoluant le long de ce mur fracassé...

 

Le bagne de Hobbart en Tasmanie, du temps de l'empire colonial Britannique au 19ème siècle, était-il plus terrifiant que le bagne de Guyane Française?

L'on peut penser que nos “brillantes” civilisations Européennes et “blanches” ont rivalisé en matière d'emprisonnement, de travaux forcés, de bagnes, de tortures et de traitements inhumains à l'encontre de “gueux”, de voleurs et d'assassins...

Mais je crois aussi que les autres peuples dits autrefois “sauvages” et “non civilisés”, ont eux aussi dans leur histoire, dans leur passé millénaire, fort maltraité leurs exclus, leurs prisonniers, leurs ennemis... Et que nous ne savons sans doute “pas grand chose” de leurs “pratiques” en ce qui concerne les traitements qu'ils devaient s'infliger entre eux...

De toute manière, subsistent de nombreuses traces, d'écrits, de documents et de vestiges, de la cruauté, de la barbarie, de la violence, des misères et de la souffrance imposés à des êtres de tous les pays du monde, tout cela pratiqué depuis le début de l'histoire de l'humanité...

Le monde animal et le règne végétal sont sans doute moins “barbares” que le monde de l'humanité, même si s'impose en un âpre combat pour survivre, la violence, la cruauté et la loi du plus fort...

Il y aurait dans le monde de l'humanité, “quelque chose de démoniaque”... Comme venu du fin fond d'une “intelligence du mal”, souveraine et endémique, traversant les millénaires d'histoire et toutes les civilisations, les plus “brillantes” comme les plus “primitives”...

Le “voyage en Guyane” en “billet aller seulement” des bagnards du pays de France (et de ses colonies) durait à peu près un mois depuis St Martin de Ré, à fond de cale et enchainés qu'ils étaient dans la crasse et dans la vermine, tels sur les “négriers” du 18ème siècle... Le siècle des Lumières, de Voltaire et des philosophes...

Le voyage vers la Tasmanie était autrement plus long (plus de vingt mille kilomètres jusque de l'autre côté de la Terre et cinq ou six mois de navigation...)

60% des prisonniers mouraient en route dans les bateaux-bagnes de la grande nation Britannique porteuse de la civilisation à travers les océans du monde...

L'évasion du bagne d'Hobbart était encore plus problématique, et quasi impossible, en comparaison des “espérances” que l'on pouvait avoir de quitter le bagne de l'île St Joseph en Guyane Française... Car un détroit vingt ou trente fois plus large que la distance séparant Kourou des Iles du Salut, sépare la Tasmanie de la pointe méridionale d'Australie du Sud. Un détroit battu par des vents d'une puissance extrême, hérissé de hauts fonds rocheux et de récifs, et sous un climat quasi polaire en hiver...

C'est dire, de la France comme de l'Angleterre, à quel point ces deux pays en particulier, avaient à coeur et en esprit, de déporter aussi loin leurs “rebuts de l'humanité”... Et de les y faire crever...

L'on accède à l'île St Joseph par un canot pneumatique à moteur pouvant transporter douze personnes au maximum... La traversée est courte mais tumultueuse et l'on est “bien douché”! Le départ a lieu à 14h 15 et le retour est prévu à 16h 15, ce qui est largement suffisant pour faire le tour de l'île et voir les ruines du “plus terrible” des bagnes Français...

Même paysage, mêmes rochers noirs, même eau “bleu turquoise” qu'à l'île Royale... Mais les grands arbres (angéliques, bois-cathédrale, manguiers, fromagers,palmiers géants) et autres espèces végétales y sont encore plus impressionnants... Et que de noix de coco par terre!

Dans un décor de “science fiction épouvante sur une planète chaude sur laquelle règne un “enfer vert”, dans un silence qui “vous prend aux tripes” et vous glace... Dans les enchevêtrements et la démesure de ces branches en “bras de pieuvre” et de ces arbres aux racines qui rampent au sol comme de longs tuyaux tordus en tous sens... Surgissent des pans de vieux murs couverts de traces noires et brunes, des grilles et des barreaux, des charpentes de fer rouillées et disjointes, d'anciens hangars disloqués au sol cimenté et fissuré que la végétation a envahi... Et à l'entrée du bâtiment principal, au dessus d'une voûte surmontée d'un fronton de pierre moisie, cette inscription en grosses lettres gravées et encore bien lisibles : RECLUSION...

Ce mot “RECLUSION”, m'a atteint au plus profond de moi même, comme une bombe qui aurait éclaté dans mon âme et m'aurait “vidé la tête”...

J'ai imaginé, sous la couche épaisse et noire de moisissure qui recouvre les murs des cellules, ces inscriptions de bagnards qui jadis témoignaient de leur “vie intérieure”, de leurs rêves, de leur folie... Mais tout cela, disparu à jamais, anonyme et sans aucune “postérité”... Peut cependant être perçu et comme “écouté”, de nos jours et pour toujours...

Albert Londres, dans son oeuvre d'écrivain et de journaliste en son temps, au début du 20ème siècle, a recueilli lors d'un reportage sur le bagne de Guyane, les paroles de quelques bagnards... Certains, certes, étaient des “bêtes féroces” ayant commis des crimes atroces, mais d'autres n'étaient que des malheureux (innocents ou condamnés sans preuves)... Les témoignages sont véridiques, bouleversants et “immortalisés” dans son livre “Au bagne”...

J'ai vu de part et d'autre d'un long couloir et de murs éclatés, dans ce silence oppressant et comme suspendu dans le temps, dans cette moiteur étouffante et sombre d'un air confiné sans aucun souffle de vent, ces cellules de réclusion “spéciales” ou plus précisément ces cachots étroits, totalement fermés, destinés aux bagnards condamnés par le “tribunal maritime” du pénitentier à vingt premiers jours d'isolement absolu dans le noir... Ces terribles cachots n'ayant d'autre ouverture que le “trou de cheminée” au dessus, laissant passer l'air, et un autre “trou” dans la porte du cachot, obturé par un petit volet glissant afin de faire passer la “pitance”... (au delà de 20 jours d'obscurité absolue, le prisonnier devenait aveugle)...

Et à la suite de ces cachots, les autres cellules d'isolement, surmontées de grilles et de barreaux de fer sur lesquels marchaient les gardiens afin de ne laisser aucune intimité possible au bagnard... Qui était insulté, humilié, recevait urine et crachats des gardiens...

Toutes ces cellules à grilles et à barreaux sont aujourd'hui envahies de troncs d'arbres, de racines ; couvertes sur leurs murs épais de moisissure noire, et c'est étrange de voir à quel point les branches et même les troncs ont “négocié” dans leur développement anarchique, sauvage et brutal, leur passage au travers des barreaux (qui sont non pas écartés mais pris dans le bois)...

... Je crois qu'il n'y aura jamais de “conclusion possible” dans aucune évocation littéraire ou autre, dans aucun récit, aucune description, et cela de tout temps à jamais... De cet “enfer des hommes” dont la trace témoignera toujours de son absurdité, de sa démence, de son inutilité...

Aux yeux de la plupart des gens en France et en Europe et sans doute de partout dans le monde, lorsque l'on parle de la Guyane, c'est pour dire qu'il y avait là l'un des bagnes les plus terrifiants de l'histoire de l'humanité... Et c'est l'image du bagne, qui prédomine... Et aussi, avec le bagne, les moustiques, la chaleur étouffante, les pluies diluviennes, les serpents... Et “l'enfer vert” de la forêt Amazonnienne...

La Guyane, ce n'est “pas tout à fait cela”... C'est un pays de la Terre, notre planète... Même si pour un Européen des latitudes moyennes cela paraît être “une autre planète” avec d'autres paysages, d'autres arbres, d'autres animaux...

C'est un pays où vivent des gens ; des peuples qui sont là, mélangés certes et parfois “occidentalisés”... Des peuples venus aussi d'Afrique et d'Europe et d'Asie, d'Indonésie...

C'est un pays où l'on peut vivre aussi bien (ou aussi mal) qu'ailleurs... Un pays où l'on parle, où l'on rencontre, où l'on échange, où il n'y a pas “d'étranger”, où l'on travaille, où l'on demeure... Un pays qui est beaucoup plus d'Amérique du Sud, y compris la ville de Cayenne, que de nulle part ailleurs sur la Terre...

C'est un pays que les “Tour-opérateurs” et les agences de voyage n'ont pas “programmé” dans leurs listes de destinations touristiques, et ne vendent donc pas à leurs clients Européens ou Nord Américains, qui pour la plupart d'entre eux se voient proposer des “séjours idylliques” dans des palaces 4 étoiles avec en prime ou surprime des circuits organisés en cars climatisés...

Du point de vue purement touristique, la Guyane n'a rien à voir avec la Guadeloupe, la Martinique ou l'île de la Réunion... Les infrastructures de tourisme sont peu développées. Les seuls lieux fréquentés et quelque peu aménagés sont ceux qui ont été ingénieusement arrangés par des Européens, des Asiatiques ou des Amérindiens ou des Créoles “un peu aventuriers” (et amoureux de la nature) vivant en Guyane...

Il existe bien cependant des livres, des guides, des brochures, vendus en librairie sur la Guyane mais certains de ces ouvrages donnent parfois des indications, des précisions, des informations essentielles qui diffèrent entre elles ou même se contredisent...

Ici s'ouvrent des espaces de communication étrangement fluides et intemporels, alors que d'autres espaces ailleurs semblent fermés ou cloisonnés – pour ne pas dire “barricadés”- ou devenus inaccessibles parce qu'on les a quittés pour un temps...

Dans le département des Landes en France, on dit “adichat” pour “adieu”...

En Guyane je ne sais pas comment on dit... Je ne sais plus très bien d'ailleurs, ce que veut dire “adichat” ou “adieu”...

 

ANNEXE

 

Il m'eût certes, été impossible lors de ce séjour de trois semaines en Guyane (le long du littoral uniquement) de découvrir dans son immense diversité, la faune Guyanaise... Sans effectuer la visite du parc animalier situé en direction de Montsinery à proximité de Cayenne...

C'est à peine si l'on rencontre le long des routes, dans les parcs et jardins, autour des maisons et en ville... Ou aux abords des quelques chemins de terre “qui ne mènent nulle part”... Quelques lézards verts et quelques oiseaux (dont cette espèce de petite corneille, le Zozo diable ; les nombreux bleuets et “petits merles noirs et élancés”) ; un grand nombre de fourmis de diverses tailles (dont une toute noire, longue de 3cm et peu leste), d'insectes volants (dont ces fameuses “guêpes sauterelles” en formations autour des creux des arbres) ; de batraciens (crapauds boeufs, crapauds plus “ordinaires” si l'on peut dire, grenouilles au cou et au ventre rouge)...

Dans le parc animalier j'ai vu de “très beaux minous” ( le majestueux jaguar dans un “territoire” aménagé, l'Ocelot, le chat Margay, le puma) ; quelques singes ( capucins blancs et bruns, atèles, paresseux...) ; de belles tortues, dont la tortue charbonnière ; des serpents (anaconda, boas verts et jaunes, boa constrictor) ; de gros oiseaux de proie, des tapirs, des pécaris... Et de magnifiques aras (bleus, verts, jaunes et rouges...). A noter que celui qui “parle le mieux” est le petit perroquet vert, le plus “ordinaire” de tous...

Nombre de ces animaux sont protégés, mais hélas en voie de disparition du fait du déboisement et de la réduction de leurs territoires naturels...

En face de cette diversité animale et végétale, de cette profusion et de cette intensité de la vie sous toutes ses formes... Et en tant que l'un des représentants de la race humaine, je me sens un peu “étranger” sur cette planète... Et aussi un peu “jeune” puisque mes plus lointains ancêtres “humanoïdes” n'ont que trois millions d'années d'ancienneté et sont la dernière espèce venue sur une Terre qui déjà à l'époque, avait “hébergé” les fourmis depuis plus de cent millions d'années, et les dinosaures durant 140 millions d'années...

J'ai “risqué” de me promener, tout seul et sans “portable”, sans un couteau et en “petites savates”, bras nus, sans casquette, sans lunettes, sans appareil photo en bandoulière... Totalement désarmé donc, suivant l'un de ces “passages” ne menant nulle part, sous cette voûte végétale et arborescente...

J'avais moins peur (peut-être pas du tout peur)... Sous ce couvert végétal “d'un autre monde”, que dans la pénombre d'une rue de faubourg de grande ville après le coucher du soleil... Moins peur, oui, et plus de confiance si je puis dire... Et pourtant je suis un étranger au milieu de toute cette vie non humaine... Toute cette vie qui existe et que je ne vois pas mais qui elle, me voit...

 

Il y a toujours de l'ailleurs dans le dedans... Mais il est bien difficile de trouver de l'ailleurs dans le dedans lorsqu'on vient d'un ailleurs...

L'ailleurs n'est jamais ce que l'on croit quand on l'imagine ou le rêve...

L'ailleurs est ce que l'on vit quand on le perçoit : c'est un espace qui s'ouvre et qui contient ces gens, ces paysages, ce ciel, toute cette vie autour de soi, tout ce que l'on n'avait encore jamais vu mais que, tout à fait étrangement l'on “reconnaît”...

L'ailleurs est sans exil...

Dans l'ailleurs il y a comme une perte du sentiment d'exister ou de ne pas exister ; une perte, aussi, du sentiment de ne pas être existé par ce qui nous entoure et en particulier par les autres gens proches de nous, que l'on rencontre...

Dans l'ailleurs il n'y a pas plus de reconnaissance de la part des autres, que d'indifférence ou d'anonymat...

Dans l'ailleurs ce qui remplace les repères et la culture, dilue les préjugés... Et sans doute “assainit” ou libère la pensée... Et qui en même temps fait de toi un être “seulement de passage”, c'est cette intemporalité universelle des êtres et des choses dans la relation qui s'établit ; donnant ainsi à ton “passage” une dimension plus élargie que celle qui existe mais demeure figée, réduite, à l'intérieur d'un dedans où l'on ne voit jamais ou rarement un ailleurs, où l'on ne fait que croire par habitude, et, au mieux, imaginer...

L'exil, l'exil avec de la solitude de surcroît... Est dans le dedans... Dans ce dedans vécu sans y avoir vu d'ailleurs, ou dans ce dedans que l'on peuple d'impossibles ailleurs...

 

... Oui, j'ai aimé ce pays, moi qui d'ordinaire préfère les déserts, les grands espaces infinis, les terres nues, les hauts sommets rocheux, les paysages d'Afrique du Nord ou du Sud de la France... J'ai aimé ce pays si végétal, si arborescent, si impénétrable avec ses immenses forêts, ses grands fleuves sinueux, ses savanes humides et boisées... Sa côte Atlantique si “avare” de plages ; ce pays encore vierge dans sa plus grande partie... Ce pays d'Amérique du Sud.

Il y a même des “montagnes”! Cayenne a ses “hauteurs” tout autour, du côté de Matoury, de Montjoly... Et plus loin sur la route de Régina et de St Georges de l'Oyapock, vers le Brésil, il y a là, perdu dans un paysage un peu tourmenté, le bourg de Cacao que l'on atteint par une route complètement défoncée, de treize interminables kilomètres après avoir quitté la nationale 2... Cacao, un village de Hmongs ingénieux et agriculteurs, où chaque dimanche se tient un grand marché populaire et pittoresque... Le “produit principal” (local) y est là, le ramboutan (un “oursin” à poils rouges dont le fruit à l'intérieur de la “carapace” ressemble à un lytchee Chinois)

... Oui j'ai aimé ce pays, ce pays que le “grand tourisme de masse palace 4 étoiles piscine autocars de luxe” n'a pas encore envahi...

 

Retour de Guyane

 

Huit jours après mon retour de Guyane sous le ciel chaotique du Sud Ouest de la France, par une température “hivernale” en comparaison des trente degrés de Guyane, avec ce soleil qui “roule” d'Est en Ouest en un arc de cercle orienté vers le Sud (et donc vers l'équateur), alors qu'à 20h 30 il ne fait pas encore nuit et que le soleil “descend” en diagonale sur l'horizon ; avec ces paysages “rachitiques” à peine teintés d'un vert émergeant et timide sur les branches des arbres à feuilles caduques ; avec tous ces pins fracassés aux alentours par la dernière tempête du 24 janvier ; avec ces herbes dans mon jardin qui n'ont de ressemblance avec celles des savanes Guyanaises du littoral que leur couleur verte... Je me sens un peu “étranger” et comme en “exil” dans un pays où je suis cependant né et où j'ai vécu.

La pluie y a ici le chant à peine audible du froissement d'un drap mortuaire, alors que là bas sous le ciel de l'équateur elle était une orchestration...

La Guyane est sans doute un pays où l'on vit tout aussi bien ou tout aussi mal qu'ailleurs... Mais la différence avec la France, c'est d'abord cet environnemment naturel souverain et démesuré où l'homme paraît plus petit voire un intrus... Et ensuite cette misère, cette vraie misère de beaucoup de gens, bien plus évidente qu'en France...

 

...Ce que je peux encore dire, après cette "expérience d'un ailleurs", c'est que, une fois revenu sous la "demi bulle sphérique" de son habituel "plancher des vaches" ... On ne peut plus "penser" ou "réfléchir" ni d'une manière générale, vivre tout à fait comme avant... "ça laisse des traces!" Des traces qui ne peuvent disparaître...

Je pense (mais cela n'est peut-être après tout qu'un préjugé)... Que le touriste "toutou" (ou "lamda camescope sac de voyage bus climatisé hôtel 4 étoiles circuits formatés") "revient sous sa bulle demi sphérique" comme si de rien n'était - avec de beaux souvenirs certes - et que dès le lendemain dans sa bagnole pris dans un embouteillage, il klaxone avec fureur son voisin trop lent ou trop maladroit ou trop hésitant...

J'ai aussi, cependant, une pensée pour toutes les personnes du monde, lourdement handicapées, qui ne peuvent ni se déplacer ni voyager, et qui n'ont que leur poste de télévision pour voir l'ailleurs, cet ailleurs dont ils rêvent, qu'ils ne verront sans doute jamais au vrai...

Et je me dis que, en ce qui me concerne, étant en bonne santé et de surcroît peu sensible ou tributaire du confort (je peux dormir sur un tapis de sol et sous une tente et me nourrir d'une "bouffe d'explorateur")... C'est donc "facile" pour moi de dire et d'écrire tout ce que j'ai vécu...

Je pense aussi à Jules Verne qui, n'ayant jamais quitté la région d'Amiens où il demeurait, et depuis son bureau, a été capable de rédiger ses "voyages extraordinaires" (en "visionnaire", érudit qu'il était, curieux et documenté en toutes choses)... Il a écrit "l'Ile mystérieuse" tout de même, un livre qui parle de cette contrée du fin fond de l'Amérique du Sud, par 50 degrés de latitude Australe, le long de cette côte éclatée en mille et mille petites îles, battue par les vents du Pacifique Sud...

Je pense encore à cette Italienne de mon enfance (qui me gardait quand j'étais petit) et qui me racontait (alors qu'elle ne savait ni lire ni écrire) des histoires passionnantes qui se passaient dans des pays de la Terre lointains... Elle en parlait comme si elle y avait vécu!

... En quelque sorte, ayant un jour été dans cet ailleurs qu'est la Guyane, j'ai, très curieusement, "reconnu" ce que je n'avais encore jamais vu au vrai...

 

 

 

 

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