courriers et articles divers

                        LE  TRAQUET RIEUR

 

 

            Le traquet rieur est un oiseau rare et fragile qui niche dans des trous de rocher et défend l’entrée de son refuge en érigeant une barricade de cailloux.

Dans le combat souvent injuste et inégal que mène l’homme depuis des millénaires pour imposer sa domination sur tout ce qui vit et pousse sur cette planète, cet oiseau délicat, comme tant d’autres créatures, va disparaître.

Par ses pouvoirs et par la forme de son intelligence, l’espèce humaine organise et modifie l’environnement  selon les normes qu’elle a prévues, exploite les êtres vivants et les ressources naturelles à son seul profit.

Mais la vie sur la Terre comme dans tout l’univers, n’est-elle pas aussi fragile, aussi exceptionnelle que l’existence du traquet rieur ? Et son éclosion dans un monde inhospitalier à l’origine, n’annonce-t-elle pas ce premier envol aussi peu assuré que celui de l’oisillon sorti du nid ?

La vie ne construit-elle pas pour se protéger, ces petits murs de cailloux à l’entrée de ses niches ?

Son vrai pouvoir, celui du renouvellement en dépit de tout ce qui la détruit, n’est-il pas aussi fort que ce chant ou ce cri du traquet ressemblant à un rire ? Ce pouvoir là, rend-il encore crédible l’aboiement des mots, le martèlement des idées et des doctrines ? Le crépitement des armes à feu, le silence pesant que renforce une indifférence planifiée ?

 

     LA  HAINE

        Et la haine, noire, puante et brûlante, fuyait… fuyait, comme par le trou d’une baignoire…

Mais la baignoire était si grande que, d’un bout à l’autre de l’horizon, l’on n’en pouvait apercevoir les parois…

La haine fuyait et venait couler dans les égouts de la ville, puis se dispersait dans les profondeurs de la terre…

Elle ensemençait les champs, les prés, les jardins…Elle repoussait, s’ouvrait sous le ciel. Et de ses fleurs aux lèvres putrides recoulait son venin jusqu’en haut de la baignoire…

Ainsi s’ accomplissait le cycle de la haine…

Etait-ce là une fatalité ?

Seul un regard généreux, aimant et tendu comme une main, un regard libre de toute vision du monde, de toute foi, de toute certitude illusoire et de tout principe d’élitisme peut rompre le cycle de la haine.

 

     POING LEVE OU... MAIN TENDUE ?

A tous les grands prédateurs de l’ économie libérale mondialisée, à ceux qui dirigent les groupes armés des différentes factions les plus extrémistes, aux responsables et organisateurs des génocides…

Mais aussi à tous ceux qui d’une manière ou d’une autre, s’enrichissent de la misère du plus grand nombre, à ceux qui savent mais se taisent afin de participer à la « curée générale », à ceux qui cognent, insultent, humilient , paradent, truandent, méprisent et se moquent, aux diffuseurs et organisateurs d’une « culture bêta » qui « anesthésient » des millions de téléspectateurs « consommateurs », aux  chefs de file  inamovibles des partis qui prétendent changer le monde, à ceux qui intriguent et s’égratignent…et parfois s’entretuent pour une part d’ héritage, aux « diseurs de vérité », à ceux qui « refont le monde » mais ne se refont pas, eux ! A ceux qui, au nom de Dieu ou d’ Allah… ou d’une espèce de Belzébuth en carton pâte, promettent je ne sais quel paradis…

A tous ceux là qui, de diatribes en conciliabules, de rafales de mitraillette en doctrines entrelacées de barbelés, de camps de la mort en chambres de torture, d’hypothétiques enfers en paradis à mourir d’ennui, d’un pôle à l’ autre et de San Francisco à Pékin…Je leur crie ma colère, le poing levé !

Mais cela fait beaucoup de monde dans cette colère !

Que resterait-il de l’ humanité, si l’on éliminait les uns après les autres, tous les « indésirables » ?

            Non !… On ne peut pas passer sa vie entière à mordre et aboyer comme un chien enragé !

En face d’un poing tendu, il y aura toujours un autre poing tendu.

            Assassins,  prédateurs… Je n’ai pas peur de vous.

Indifférents, moqueurs, hypocrites, je vous pardonne…

            Moi, c’est une main que je tends. Et cette main tendue est la violence que j’ai choisie.

Je marche devant l’injustice et la dureté des décideurs sans armes et sans doctrine, je n’ai pas de « vision du monde », je n’ai qu’un regard sur le monde, sur les gens, sur tout ce qui existe. Lorsque ce regard là vous interpelle, il ne vous trahit jamais.

Je ne vous supplie pas à genoux pour me laisser passer. Je vous dis seulement que je n’ai pas de haine.

 

     FRANCE D'EN BAS

            Que l’on bannisse à jamais cette expression sortie de la bouche de Raffarin en 2002, peu de temps après l’élection présidentielle du 5 mai et la formation de l’équipe ministérielle… « La France d’en bas ». Expression d’ailleurs reprise et, oh combien de fois répétée depuis 3 ans par la quasi-totalité des partis politiques y compris à la gauche de la gauche !

A croire que cette « France d’en bas » devrait rejoindre dans l’histoire ces petites phrases légendaires d’hommes célèbres !

Quel mépris souverain pour les gens humbles, simples et pauvres, que cette expression de « France d’en bas » ! Comment peut-on ainsi immortaliser une telle parole de mépris ?

Je meurs de honte avant d’avoir cessé de vivre à la pensée que de jeunes générations sur des bancs d’école en 2050 ou 2080 liront peut-être qu’un certain monsieur Raffarin premier ministre du président Chirac s’adressait alors à la « France d’en bas ».

 

     LES  ALEAS  DE  LA  BOURSE

         La Bourse qui gagne n’est pas celle des modestes épargnants ni celle des salariés, des titulaires de PEA ou de Sicav actions démarchés par les banques ou les organismes financiers… Même si quelques uns d’entre nous, au plus fort d’une si belle et si éphémère « envolée » ont pu être séduits par des promesses de gains rapides ou de substantiels dividendes.

Les véritables bénéficiaires de la Bourse sont toujours ceux qui réalisent des profits aux dépens de ceux qui perdent, sur le dos des salariés et de millions de misérables dans le monde.

Bon an mal an, que les places boursières affichent de spectaculaires progressions ou des chutes brutales, quelle que soit le tracé de la courbe des indices sur une période donnée, les gagnants sont les mêmes : ce sont les actionnaires privilégiés, les décideurs et détenteurs de capitaux qui siègent au plus haut dans les conseils d’administration.

L’épargnant, le salarié ou le « client » d’une banque, à la merci d’un imprévu de taille, devra peut-être « casser sa tirelire » à un moment peu favorable. D’où les 20 pour cent et plus, de gains pour les uns… Et les placements qui « fondent comme neige au soleil » pour les autres.

Pour casser ce système qui n’est rien d’autre qu’un miroir aux alouettes, empêcher qu’une minorité de gros prédateurs continue de s’enrichir toujours plus, arrêtons de glisser notre pièce dans la fente du cheval à bascule !

Haro sur les lois scélérates, haro sur les coups bas portés aux 35 heures, sur le chômage et le travail précaire… Mais aussi et surtout haro sur tout ce qui contribue à la marche et à la domination de ce système dans lequel tout s’enchaîne comme les rouages d’une immense machine. 

 

     LE  PIRE  EST  DEJA  LA     (Mai 2004)

            Les sévices infligés par des soldats Américains aux prisonniers Irakiens ne sont pas un fait nouveau. Depuis l’origine des civilisations, toutes les armées de tous les pays du monde ont pratiqué la torture. Le pire n’est donc pas à venir : il existe déjà. Et c’est sur ce fond de barbarie, d’ignominie et de violences abjectes que les peuples de la Terre entreprennent une œuvre « civilisatrice » lorsqu’ils décident que leurs droits et leur vision du monde sont les meilleurs.

Si l’information circule au sujet de tous ces horreurs et ces crimes, si un tel scandale éclabousse de sang, de larmes et de lambeaux de chair toute la communauté humaine, il n’en demeure pas moins que les camps de la mort, les génocides, les scènes de viol et d’humiliation, non seulement se perpétuent en dépit des traités, des lois et des constitutions, mais encore se multiplient et se diversifient… En vertu de ce droit au dessus de toutes les lois dont s’ arrogent les vainqueurs, les conquérants et les « libérateurs » sur des gens qui n’ont pas « coopéré » ou qui ont résisté. Lorsqu’un tel pouvoir s’ exerce sur des êtres sans défense, pieds et poings liés, il ne peut que libérer ces instincts complexes  et ignobles de la nature humaine que les animaux n’ont pas.

Avec une infinie tristesse, un profond dégoût… Et la nostalgie d’un destin que nous n’ avons pas eu, je souffre de la honte que j’ ai en moi d’ appartenir à l’ espèce humaine.

 

 

 

 

A L’HEURE DES GRANDS DEBATS…

 

            Nous en sommes encore dans le temps des grands débats d’idées, des pugilats entre chefs de partis politiques et de tendances au sein de chacun de ces partis. Mais tout fonctionne. Tant bien que mal, parfois plus mal que bien, les uns réussissant mieux que les autres… La « machine » tourne. Les rouages sont grippés, quelques étincelles fusent, cela craque et grince de partout mais les trains et les voitures roulent, les consommateurs consomment, le ballet de l’économie libérale mondialisée bat son plein, les places boursières affichent des performances diversifiées, au robinet l’eau coule toujours… En somme, les maux sont grands, certes, le catastrophisme est amplement médiatisé,  mais le 21 juin c’est l’été, bientôt les vacances et… On verra bien !

            Je crains fort qu’au temps des grands débats et des pugilats entre chefs de partis, du catastrophisme médiatisé, des conciliabules, des grèves de 24 heures et de la contestation universelle, du robinet qui coule encore et des caddys pleins, ne succède un autre temps : celui d’une « machine » qui ne tourne plus , d’un robinet qui ne coule plus, du caddy vide et d’une nouvelle espèce de prédateurs atomisée en bandes rivales. Alors viendra la nostalgie de ce temps des débats où tout fonctionnait encore.

Nous avons assisté à l’effondrement de l’économie planifiée et collectiviste, le Stalinisme et les régimes qui lui ont succédé étaient bien ce mauvais communisme honni par les peuples, complètement différent du « vrai communisme » originel, qui était celui de Marx, de Jaurès et des premiers socialistes.

Nous assistons actuellement à l’effondrement de ce mauvais libéralisme, suicidaire et ennemi du genre humain, si différent du « vrai libéralisme » originel, qui était celui des pionniers, des défricheurs, des aventuriers, de la solidarité devant l’adversité, des découvreurs, de l’intelligence et de l’initiative.

            L’espérance demeure… Mais j’ai tout de même un peu peur ! Parce que, lorsque ça tombe, ça fait toujours mal ! 

 

      

                        MAELSTROM

 

            Dans le gigantesque maelstrom de tout ce qui est ou n’est pas, et dont les limites indéfinies semblent se perdre avant même d’avoir pu être des sillons de lumière en bordure des champs inconnus de l’univers dont j’ai osé rêver, je suis déjà broyé, en poussière vivante et atomes d’esprit.

Poussière et atomes pris dans le maelstrom de ces planètes fières peuplées de plus de Génies au kilomètre carré que de Trouduks , je me suis déguisé, indéfinissable nuage de particules incandescentes, en yugcib…

Sans doute est-ce le déguisement qui me ressemble le mieux, et avec lequel je sombrerai dans le gigantesque maelstrom…

 

            MES  COPAINS

 

            Mon amie la punaise, depuis que je t’ai su champion de la baise, je ne peux plus t’écraser. D’ailleurs, vue d’avion de la hauteur de mon regard, tu es très belle. Je me suis pris à aimer ta silhouette.

J’ai vu dans mon jardin, collées l’une à l’autre par l’extrémité de l’abdomen, sur des bouquets d’aneth, quelques unes de tes congénères en « pyjama » rayé feu et noir. C’était au matin avant les chaleurs. Ah ! qu’elles étaient bien, bien, bien, ainsi collées l’une tirant l’autre et réciproquement, inséparables dans cette noce renouvelée venue du fond des âges qui, toutes proportions gardées à mon avis devait durer bien plus longtemps qu’une noce d’humains…

            Mon amie la cigale, tu es l’un des plus émouvants souvenirs de ma vie. Je t’ai tenue dans le creux de ma main, retenue du bout de mon doigt.

J’avais 13 ans, en 1961, à Blida, en Algérie. Lorsque juin arrivait, les cigales venaient se poser sur le mur blanc au pied de l’immeuble où j’habitais avec mes parents. Avec mes copains nous savions qu’il était plus difficile d’attraper une cigale qu’une mouche. Il fallait d’abord s’approcher, puis avancer la main. Et enfin taper la main sur le mur. En général, la cigale s’envolait avant que l’on ait pu avancer la main.  Un jour j’ai réussi. Toute légère, délicate, si élégante, tu étais dans ma main, toi, la reine des insectes, la plus belle, avec tes ailes si fines et si transparentes. J’ai levé le bout du doigt qui te retenait, tu es partie très vite, plus vite encore que la lumière d’une étoile filante.

Je n’ai pas gagné au loto. Du temps où j’expédiais au Seuil, à Cherche Midi, à l’Olivier et autres maisons d’édition une copie du manuscrit d’Au pays des Guignols Gris ou de Quel monde possible, je ne recevais qu’au bout de deux mois, une lettre m’expliquant que mon ouvrage n’entrait pas dans les collections ni les programmes d’édition. Je n’ai pas vu le soleil de minuit, ni les glaciers de l’Antarctique, ni l’été à Noël en Nouvelle Zélande, ni les sommets des Andes… Mais un jour, une fois dans ma vie, j’ai eu une cigale dans ma main !

            Mon ami le rat, j’ai un souvenir de toi, précis comme un film documentaire réalisé avec une caméra numérique.

Dans ma maison des Vosges, l’on accède à la cave voûtée située en dessous de la cuisine par un escalier en bois brut dont les épaisses marches ne sont pas prêtes à plier. Un jour, descendant ces marches, je te vois, assis sur ton derrière, tout droit, avec ton regard noir – et dirais-je – frondeur. Tu étais gros comme un petit chat. Un rat surmulot. Je descendais lentement les marches mais tu campais royalement sur la position que tu avais prise. Juché au beau milieu d’un moellon en face d’une caisse contenant des bocaux, tu me toisais avec insistance. Tu ne disparus que lorsque je fus parvenu au bas de l’escalier.

Je tendis plus tard sur le moellon une tapette à rats. Imparable, pensais-je, de la manière dont le piège est tendu, tu vas passer mon ami de vie à trépas sans même avoir pu planter tes incisives dans le minuscule bout de lardon tout frais, si ingénieusement accroché.

Le lendemain je fus cependant bien surpris : plus de lardon, la tapette encore toute tendue. Mais comment as-tu fait ? Trois jours durant, j’ai renouvelé l’opération. Et je te revis, campé aussi royalement sur la même position, au même endroit et avec le même regard.

En définitive tu as quitté ma cave et la tapette a rouillé, n’ayant jamais été tachée du sang de quelque rat que ce soit.

            Mon amie l’araignée, lorsque tu tisses ta toile en plein centre du passage par lequel je jette mes épluchures de légumes sur le tas de fumier prisonnier d’une tour aux épaisses murailles de verdure, au fond du jardin, eh bien mon amie, dis-je, lorsque je te vois ainsi, petite étoile à huit branches se mouvant au milieu de la toile, je me baisse afin que de ma tête ou de ma main, je ne déchire les fils que tu as tendus. Je n’ai donc aucune pitié pour le moucheron qui viendra se prendre dans ton filet et dont tu suceras l’intérieur de l’abdomen.

Si la nature est cruelle aux dires de certains humains « sensibles » -- mais hypocrites – il y a néanmoins dans la violence de ses manifestations et dans son implacable ordonnancement, parfois aussi dans ses mystères parce que nous n’avons pas tout découvert, une très grande beauté.

            Mon amie la grosse mouche grise à tête rouge, ta légèreté et ta célérité qui ne semblent faire qu’un, m’enchantent. Sans doute es tu la plus rapide des mouches. Un oiseau peut-il donc t’attraper ? L’on ne te voit qu’au dehors, au soleil et jamais dans les maisons comme tes petites sœurs grises ou tes lourdes cousines bleues qui, elles, bourdonnent et se posent sur les assiettes sales.

            Mon ami le bousier, qui élit domicile dans le caca de vache, tout rond et tout noir, lorsque je te vois sur le dos agitant tes six pattes, je te remets sur le ventre non sans avoir posé mon regard sur les reflets bleu vert de ton abdomen.

            Mon ami le lézard, si leste et si léger, pardonne moi les fourberies du petit crétin que je fus à l’âge de 10 ans, lorsque de mon « tahouel » ( lance pierres ), je te visais alors que tu glissais tel un trait vif de lumière grise entre deux bûches sous le hangar à bois de la « mamy ». Sans doute y avait-il alors un « Bon Dieu » pour les lézards, puisque je te « loupais ».

            Mon ami le crapaud, pardonne moi d’avoir à l’âge de 11 ans, pour faire peur à une fille que je n’aimais pas, commis un sacrilège en faisant pourrir ta dépouille au fond d’une boîte de conserves. Je t’avais ramassé mort, déjà rongé de vers, jeté au fond d’une boîte de petits pois fermée d’un gros caillou. Et j’ai donc soulevé le caillou devant la fille… Qui s’attendait à la découverte d’un trésor parce qu’elle ne savait pas que je ne l’aimais pas.

De cette indélicatesse, j’en frémis encore d’horreur. La fille toutefois, quelques années plus tard, est tout de même entrée dans mon « cosmos ».Mais je ne sais si elle le sait.

            Enfin, tous mes copains les coléoptères, ainsi que ceux de l’immense petit peuple des fourmis, de toute la gent ailée, mes petits félins chéris, mes chers toutous à l’exception de ceux qui me trouent la cheville en vélo, et même ces mouches qui m’agacent, se posent sur l’écran de ma télé lorsque je regarde Thalassa, Faut pas rêver ou Des racines et des ailes, vous êtes bien tous, comme le sont les humains, enfants de la Terre, de ma planète.

Et si vous existez ailleurs, même différents, alors vous êtes de mon « cosmos ».

 

 

 

 

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