Premiers carnets, période 1986-1995
Note au sujet des premiers carnets de la période 1986-1995 :
Les textes présentés dans cette rubrique n'ont plus rien à voir avec les textes d' origine... Je ne pouvais donc aujourd'hui les reproduire “en l'état”...
D'ailleurs je me demande bien ce que je vais faire de ces carnets ( ceux de 1983 à 1995)... Sans doute me serviront-ils de "réservoir à idées pour nouvelles compositions d'un tout autre genre du moins je l'espère"...
A la limite, les tout premiers carnets, ceux de 1967 à 1982, je les trouve presque plus "élaborés" si j'ose dire!
... Il y a, je trouve, dans ces formulations, dans ces images et dans ces compositions de jadis, et dans le style, le ton même... “Quelque chose qui me dérange”, que je qualifierais même de “ réflexions et petites histoires pour fillettes et enfants moyens à l'école”...
A relire (survoler en fait) ces carnets là, je m'ennuie à mourir : ça manque de “gnack”, c'est mièvre, ampoulé, flou... Et même les idées exprimées ne sont guère originales (des “lieux communs”)
Cela me rappelle dans une certaine mesure, ces “Sentiers de l'espoir”, un cahier de 200 pages à petits carreaux, écrit à l'âge de 16 ans alors que j'étais pensionnaire au lycée Victor Duruy de Mont de Marsan en 1964... (cahier que j'ai mis au feu, une vingtaine d'années plus tard)
Il faut croire qu'à l'âge de 16 ans je devais tout de même “valoir un peu mieux que cette ânerie de Sentiers de l'espoir” puisque mes notes en composition Française en classe de 3ème étaient les meilleures de toutes les classes de 3ème!
Merde! Trente ans plus tard j'en étais encore à ces carnets de réflexions et petites histoires pour fillettes et minettes romantiques à modeste bagage intellectuel! Alors que Rimbaud à l'âge de 15 ans écrivait des poèmes sublimes et que la plupart de nos écrivains connus d'aujourd'hui et bien présents dans les milieux littéraires ont pratiquement tous fait des écoles, et maîtrisaient dès l'âge de 30 ans, la langue Française!
La seule chose qui puisse encore me “porter chance” si je puis dire, c'est de mettre un peu plus de “patine” sur l'étiquette de ma bouteille de rouge de “clodo littératoque”!
L’étincelle
Ce qui est inconcevable à l’esprit humain apparaît parfois en drôles de petits signes, dans notre environnement immédiat, comme des étincelles fugitives, ou des formes impalpables… Cet « au-delà de notre entendement » déconnecté du temps et de l’espace, effleure alors notre intelligence. Alors vient en une toute petite seconde, comme une flamme très vive et très bleue sur une immense nappe d’eau profonde… [1986]
Le « passage »
La vitesse de la lumière s’impose actuellement comme la limite extrême de toute évolution scientifique possible.
Distance, espace, temps, dimension, sont des variables de notre environnement.
Les vaisseaux spatiaux que l’Homme enverra sans doute un jour au-delà du système solaire, et peut-être même dans la Galaxie, ne seront que la « marine à voile » du proche univers…
Mais il doit bien cependant exister au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir, un « passage », quelque part, dans le « rideau »…
C’est le moyen de franchir ce « passage », qui nous ouvrira l’univers…[1986]
Dieu
Dieu ? Je veux bien… Mais au-delà de Dieu ? [1986]
Distance, éloignement
La relation s’accommode mal d’une distance supérieure à une journée de voyage…
On ne déménage pas pour quelques visages qui, plus proches, ne nous seraient pas plus accessibles.
La solitude qui nous colle à la peau même au milieu d’un éclat de rire, nous suit toujours sous n’importe quel ciel.
Le pays où tu vis est celui que je vois dans un espace aux dimensions que j’ai reconnues.
[1986]
PUNAISE ET FACE DE RAT
Face de rat
Face de rat, face de renégat, face de bouc, face de fesses, face à claques, face de pet, face de poule naine plumée, face de chou verruqué, face glauque, face blême de vieux munster, face effacée, face pisse au lit, face quoiqu' tu fasses ça casse... Ils souhaitent tous ton trépas!
Ils t'ont déjà tué de leur regard!
Punaise à l'aise
Une punaise très à l'aise, immobile et lovée dans un pli de drap...
Une belle bourdonnante bleue, vibrante sur une plaie d'escalope oubliée, dans une assiette sale...
Une longue limace noire cornes tout droit devant, sur une salade rousse piquée de coccinelles dalmatiennes...
Une bite de sexagénaire vicelard crachant sa lave blanche sur un visage de jeune fille en photo...
Une escadrille de hannetons fondant sur un cornet de frites phosphorescentes, un soir de fin juin sous une table en tek de fast food...
Quatre moineaux plumés vivants sautillant sur un tas de sable brûlant...
Un trou de bale ouvert comme l'entrée d'un tunnel sans péage...
Une fille en robe chic suçant le pénis poutrelle métallique d'un étalon, jambes croisées et pieds suspendus...
Un p'tit bou'd'chou d'trois balais et demi qui tape tape tape sur la tête d'une tortue qui s'est pas rétractée...
Une truie qui pète longuement quand passe un garçon studieux en blazer bleu devant la barrière de la porcherie...
Et ma punaise, et ma punaise... toujours lovée...
Et ma mouche, et ma mouche... A élargi de sa vibration, la plaie de l'escalope!
Rède rède rède le pli du pantalon, scande le gosse qui quand il sera grand aimera que les mecs...
Nique nique nique dans le téton, vagit la vieille lesbienne!
A bas les youpins, glapit le nazi pourri!
Dans les feux d'l'enfer les gouines et les pédés, vocifère le messeux crado en imper vert et à la maladie de foie dans le blanc de l'oeil... Et qui tape aussi sur les clodos la clope au bec...
Y'a pas un pet d'amour sur cet' putin de Téterre!
… Ah si! Peut-être la punaise qui se régale dans le pli d'une jolie écharpe...
A-elle une âme la punaise à deux pattes?
Y'a plein d'poètes qui disent que l'âme existe chez la punaise à deux pattes!
En vrai de vrai, pour sûr qu'y en a de l'âme!
De l'âme qui bande sur tout ce qui lui plaît, de l'âme qui bande même de l'âme, même si l'âme bande d'autre chose, toute bleue pervenche et toute pensue, toute vibrante...
Et s'il y a de l'âme, c'est le pied envers et contre tout!
Y' a pas un pet d'amour sur cet' putin de Téterre et pourtant on baise, on baise, on punaise ses rêves sur la tapisserie de la vie!
Et les rêves coulent en traînées blanches sur la tapisserie!
Sur les vitrines aussi... Les vitrines des boutiques de prêt à porter féminin...
Mais à la baise, on battra jamais la punaise, nous les humains!
Ah, chère Téterre! De ton cap Horn à tes glaces de Nouvelle Zemble, t'as tout de même fait depuis l'australopithèque des p'tits zézêtres de ci de là, avec des pets d'amour et des rôts étouffés d'ennemour!
Affreuseries de la vie...
Les petites “bintzeries” de la vie quotidienne, à poil dans l'appart'!
Toutes ces singeries civilisées entre voisins de palier ou dans le hall de la mairie!
Nénés qui frétillent au dessus d'une poêle à frire!
Jolie femme qui pète!
Bel homme qui rote!
Fromages qui puent et longues traînées brunes du grand pot de moutarde presque vide!
Frigos qui fleurent, la porte un instant entrebaillée!
Assiettes de la veille au soir enduites de beurre d'escargot refroidi!
Salades composées barbouillées de mayonnaise rose au jaune d'oeuf et aux crevettes puant le sexe sale, sur assiettes en carton posées sur les genoux, une fesse sur le canapé en face de la télé!
Pourvu qu'il y ait un trou et que ça fleure bon la fesse fraîche!
Haleines de bébés-dinosaures au p'tit dèj en pyjama fripé et gratouilles les ongles noirs dans l'entrejambe!
Café au lait tiède “peauhant” en surface et tartines beurrées au munster avancé!
Le choc des viandes sur un lit défait qui pue la sueur et le foutre!
L'ordi qu'on rallume, une canette de bière à côté du clavier, en bermuda de clown torse à poil à midi moins le quart quand toute la famille et les invités sont prêts à se mettre à table!
Cartons de pizza balancés de la bagnole sur le trottoir et cendriers vidés au feu rouge!
Coups de klaxon et appels de phare rageurs de jeunes et vieux chauffards mâles, imbéciles et pressés!
Pourvu qu'il y ait un trou et que ça fleure sexe la fesse!
Pourvu qu'il y en ait pour moi!
T'as pas cinq euros, je vais chercher un DVD?
Ah, putin, qu'elle est lourde la carafe d'eau! Mon pauvre vieux bras tremblant et fragile comme une allumette en paille, à cette table de réfectoire de maison de retraite, ne peut la saisir!
Merde! Y'a plus un radis sur le livret bleu d'la mémé!
Alors il se maille le cul ce connard?
... C'est contre toutes ces “affreuseries”, déjà, qu'il faut se battre! Qu'il faut se révolter!
Pour que la carafe d'eau soit plus aussi lourde sur la table de la maison de retraite!
Pour qu'il y ait un peu plus de “chic”, de “classe” et de gentillesse entre les gens que nous sommes!
Ça n'a l'air de rien, mais ça commence peut-être par un coup de brosse à dents avant le p'tit dèj , le pet qu'on retient, l'ordi qu'on allume pas avant de se mettre à table, et tous les coups de klaxon rageurs en moins!
Eté 1986, réflexions diverses...
Chienlit...
Silence étouffant et petites mouches tourbillonnantes d'après midi de juillet...
Visages en beurre rance et sourires constipés...
Le temps de vivre est court mais assez long pour ce que l'on fait de ces jours qui passent...
Tu bandes si le vent sent le museau qui te plaît, et tu délaisses les fayots du menu à dix balles pour ne pas péter en face des belles clientes de ton épicerie à poèmes...
Et tu fermes la gueule de ton coeur si tu croies vivre dans un pays de culs et de ventres...
Avec une femme amoureuse on ne s'ennuie jamais...
Avec une parfaite épouse on ne sait plus où poser ses pieds...
Il faudrait, pour éteindre ce feu qui brûle dans la tête, cent mains tendues, deux cents regards d'amis, des nuits où l'on ne se quitte plus, des verres qui ne cessent de se vider, des mots en torrents bouillonnants qui dévalent... Et l'ivresse du coeur, le saut à l'élastique de l'esprit, et les toutes premières couleurs retrouvées des jolis dessins de notre enfance...
Il faudrait, pour éloigner cette vie qui fuit dans les certitudes et les habitudes en eau de vaisselle par le trou de la baignoire, exulter jour et nuit de tout ce qui vibre, respirer toutes ces fragrances subtiles de femmes et de filles et de fleurs et de sucs et de terres et de bords de mer ; s'émouvoir, aimer, écorcher l'enveloppe de la bulle avec le déraisonnable et nécessaire espoir de quitter la bulle en demeurant relié au coeur de la bulle qui a cessé d'être prisonnier...
La grosse mouche qui vibre sur le morceau de viande est encore plus fine mouche qu'un humain mâle qui se vautre sur le corps d'un humain femelle sans laisser d'autre trace que celle de sa crasse...
Jolie femme qui pète éloigne les hommes de tête mais n'étouffe pas les soupirs des hommes de bas ventre...
Bel homme qui rote fait fuir les belles de coeur et d'esprit mais ne décourage pas les rombières qui mouillent leurs dessous...
L'humour excuserait presque l'absence de culture et la mauvaise orthographe pourvu qu'il ne “vole point trop bas”... Mais une bonne culture générale et une orthographe impeccable sans aucun humour, c'est un peu raide à supporter...
Une femme bien habillée, sans inutiles fioritures et peinturlures, bien coiffée, bien chaussée, même passablement jolie, c'est plus excitant qu'une femme nue étendue sur le sable ou sur les galets d'une plage...
Ce que l'oeil reçoit de la femme élégante, simple et délicate à ravir, suscite émoi, frisson électrique, attente secrète de la rencontrer s'il est possible, et porte cet instant de bien être, intime et profond, qui a explosé, sur un chemin de souvenir que l'on retrouve toujours...
Les mots jetés ou tus pour exister
Ces mots que tu ne prononces jamais
Sans doute te semblent-ils inutiles
Désuets, inintelligibles et sans avenir
Ils sont des fleurs broyées
Ou des rêves fermés
Ces autres mots prononcés, répétés, inventés
Jetés pour exister
Ont oublié de vivre
Ils sont de petits sujets modelés sur ton bureau
Ou soldats de plomb sur étagère dans une belle vitrine
Les mots sont presque tous
Dits ou non dits
Des confettis
Collés sur un pouce de gosse
Ou neigés sur les fleurs de sable et de roche
De tous ces grands déserts du monde
Pourtant si habités
Un hémisphère de pété !
Intérieurs - poubelles des couples trentenaires qui gagnent bien leur vie
Madame Chimpanzine en vélo ou “à pinces”, de sa “zone” arrive au logis
Tout est en l'air
Le lave vaisselle dégueule
L'évier est un vrai chantier
La table un champ de bataille
Les chambres des mômes une arène de stroumpfs
Les lits baillent et sentent le foutre
L'eau déborde du lavabo
La baignoire est rayée de traces grises et moussues
Des frites et de la mayonnaise jonchent la moquette
Un trognon de saucisson sert d'attrape mouches sur la table de nuit...
Intérieurs en désordre des familles boulot/dodo
Sans madame Chimpanzine...
Briqués entre deux courses, entre deux jours de boulot ou le dimanche matin...
Et le dimanche matin
Les maris et pères qui beurrent les tartines
Ou ne beurrent pas même les leurs
Mordent dans le fromage
Gnaquent à la motte et piochent au pot de confiote
Les “qui beurrent les tartines” ont peut-être des mots sucrés
Au creux de l'oreille de leur femme
Les “qui les beurrent pas et piochent à la motte”
Si peu imaginatifs de mots sucrés
Sont peut-être d'un grand réconfort
Epargnant à leur femme
De longues files d'attente à l'intermarché
Par la fenêtre ouverte du séjour salon
Donnant sur les Tours
En ce dimanche matin pluvieux de mars
Un grand vaisseau spatial en béton
A l'architecture gréco romaine
Sur ses quatre colonnes...
Huit heures pile
Et la voix catastroque de la jolie présentatrice...
La moitié de la planète avait sauté!
Le couple trentenaire au confortable salaire
Madame Chimpanzine
La famille boulot/dodo
Les “qui beurrent les tartines”
Les “qui gnaquent dans le fromage
Et piochent au pot de confiote”
OUF !
Tout le monde était du bon côté
Le côté qu'avait pas sauté
Ciel sans étoiles
C'était une planète dont le ciel de la nuit n'avait pas d'étoiles.
Dans cette région de l'espace, la seule étoile visible était celle qui brillait dans le ciel du jour de cette planète...
Très évolués, les habitants de ce monde perdu dans le noir et dans le vide de cette région éloignée de l'espace, n'avaient donc jamais rêvé d'un possible ailleurs.
Enfermés qu'ils étaient dans la seule mémoire de leur histoire, une intuition leur vint, du fait de leur intelligence...
“Ce ciel de la nuit, a-t-il toujours été noir et vide?”
Tout juste à la veille de leur disparition, ils virent une nuée blanche qui semblait partager en deux l'espace...
Mais leur planète se fondit en une toupie de brouillard écarlate dans la nuée blanche qui, elle même s'étira dans l'espace et se perdit...
Une autre planète dont le ciel de la nuit avait des étoiles, et dont les habitants moins évolués rêvaient d'un ailleurs parce qu'il y avait dans le ciel de la nuit des étoiles... Fut elle aussi, prise dans une nuée blanche... Cette planète là se cristallisa en une toupie de roches brûlantes dans les plis de la nuée blanche.
Les évènements cosmiques sont tous d'une grande banalité...
La vie est l'un de ces évènements...
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