Suite 6 "Dans ma forge"

            LE GRAND RUT

            Et si mille félins vrillés d’une faim souveraine et infinie dans un formidable rut d’esprit et de cœur, se levaient de leurs savanes, énamourés de visages, d’essences, d’intimités aux effluves pénétrantes, d’étoffes et de vêtements délicats, d’émotions juvéniles ou vieillissantes, et se mettaient en marche, soulevant la poussière des paysages qu’ils traverseraient, rugissant leur faim au-delà de l’horizon, ne poursuivant plus de proies mais fécondant les êtres de ce monde arrêtés dans leur course contre la montre ?

Les vainqueurs d’hier n’auraient alors plus de pouvoir et la course deviendrait une danse à ciel ouvert.

 

 

                        LA FETE DE LA NATURE, DE L’HOMME ET DE L’ENVIRONNEMENT

            La fête battait son plein à l’intérieur de la Rotonde, bâtiment d’Art Moderne, alors qu’au dehors une bise glaciale sévissait sur les visages.

Chants et musiques, d’un orchestre improvisé, égrenaient notes et paroles répercutées en écho de la galerie circulaire, en haut, jusqu’au cœur de ce qui semblait être une nef d’humanité en voyage, bruissante de conversations dont le rythme soutenu accompagnait la musique.

Fasciné par l’ingéniosité de l’espèce humaine en matière de fabrications artisanales, de cet art de vivre et de mieux communiquer ensemble, qui, de toute évidence, œuvre à l’existence d’un univers où la relation entre les êtres prime sur le profit et la « technologie de croissance » ; je refusai de croire que l’espèce humaine dans son immense majorité et dans la diversité de ses cultures, encore aujourd’hui corps et biens soumise aux « Big Brothers » de la croissance scélérate, puisse se résoudre au pire sans broncher, sans se défendre, comme ces moutons que des bergers devenus fous et regroupés en quadrillas, afin de jouir de leur folie sans se préoccuper de ce que sera demain, conduisent tout droit au précipice…

            Dans une salle de conférence où l’on débattait des 38 élixirs floraux selon la méthode originale du docteur Bach, je pris place à côté d’une femme très chic, au visage typé, dont le regard qu’elle m’adressa lorsque je lui tendis son écharpe tombée, eût à mon sens, dissous l’intégrisme d’un Taliban pur et dur…

Vêtue d’une jupe à volants, d’un chemisier et d’une veste courte d’excellente coupe, je la trouvai sublime dans les nuances sombres et claires des couleurs délicates de ses vêtements. Son visage, que le soleil déclinant dorait, sa silhouette évoquant celle d’un oiseau élégant et racé, ses souliers rose sombre aux talons allumette, tout d’elle m’émerveillait comme un très bel après midi d’automne empli de féminité et de délicatesse. Je passai ainsi auprès de cette femme… Qui n’était plus vraiment jeune, une heure idyllique, une heure tendue dans le bien être que sa présence m’offrait. Cela ne m’empêcha en aucune façon d’écouter presque « religieusement », tout ce que nous expliquait la conférencière sur les vertus des élixirs floraux, précisément dans l’univers du relationnel et des émotions.

            Ainsi en fut-il, de cette 21ème fête de la nature, de l’homme et de l’environnement, le dimanche 18 septembre 2005 à Thaon les Vosges.

 

            LES CHOSES DE L’AMOUR

            Je dirais de la relation amoureuse qu’elle n’induit pas forcément l’acte d’amour entre deux êtres, ni même ce qui, au-delà de certaines limites imprécises, pourrait évoluer vers des embrassements ou des attouchements.

En une telle relation entre deux êtres, amoureuse ou amicale, il est assurément une situation d’idylle qui, à mon avis, me semble essentielle… Et peut-être même, de la plus émouvante beauté qui soit.

Le charme, l’atmosphère, ainsi que tout ce que la relation idyllique implique entre deux êtres, ne me semble pas du tout comparable avec une quelconque « coucherie » même avec de grands sentiments… D’ailleurs ces « sentiments » ne procèderaient-ils pas plus prosaïquement parlant, d’un échange d’humeurs et de senteurs que les doigts entremêlés des partenaires ont plongés dans les toisons ?

A ce stade là, exit l’idylle et bonjour l’acte d’amour ! Mais je le déclare haut et fort : lorsque l’on s’aime vraiment au point d’envisager de vivre ensemble et de tout partager, il n’y a rien de laid dans l’acte d’amour. Et même lorsque deux personnes qui se sont plu ont fait ensemble les choses de l’amour puis ne se sont plus vues, il n’y a rien de laid. Quelques « suceries » et autres lècheries ou « sentisseries », en l’occurrence, accomplies dans l’intimité avec infiniment de délicatesse et de gentillesse, ne sont alors plus du domaine de la pornographie ni aucune de ces « pratiques » qu’une « morale » obscure réprouve et que la religion condamne.

Mais je dis aussi que l’acte d’amour est une idylle qui a perdu sa virginité, et qui, s’il n’est pas qu’une « passade », n’en demeure pas moins, ou devrait demeurer… une idylle.

Ce qu’il y a de merveilleux et de souverainement beau dans l’idylle qui conserve sa virginité…( enfin, presque ! )… C’est cette tension de l’esprit et du cœur, cette dimension émotionnelle, qui transcende les êtres en activant leur imagination et leur énergie créative, et cela dans une sensation de bien être intense.

Le « passage à l’acte », qui sanctifie en quelque sorte cette tension extrême sur l’autel de la « révélation », me semble alors comparable à l’éclatement d’un ballon auparavant gonflé et surgonflé… Et après l’éclatement il ne demeure qu’un bout de fil détendu, un morceau de latex fripé et déchiré… Et peut-être également un certain nombre d’interrogations.

D’où l’absolue nécessité de l’idylle précédant l’acte d’amour… Ou de l’idylle seule.

Une idylle, parfois, c’est une piqûre d’héroïne dans la veine à vif sans les effets secondaires dévastateurs.

Pour conclure, je dirais des choses de l’amour qu’elles seraient plus crédibles et plus émouvantes, plus instructives aussi, sous toutes les formes et pratiques possibles, dans tous les rêves parfois bizarres des humains ; si elles étaient montrées drapées dans un voile de lin délicat, feu et or, ou bleu iris ou vert amande peut importe, par la littérature, la poésie, le théâtre et le cinéma.

Il faut donc pour les choses de l’amour, les meilleurs orfèvres du monde.

 

            LES GENS QUI REUSSISSENT

            J’admire et je loue les gens qui réalisent dans leur vie des choses que pour ma part, j’aurais sans doute rêvé d’entreprendre, et cela dans tous les domaines : science, technologie, littérature, arts, recherche, découvertes…

J’admire les gens qui n’hésitent pas à prendre des risques, à investir toute leur énergie, leur imagination et leur talent dans un projet qui leur tient à cœur en dépit des difficultés rencontrées tant sur le plan relationnel que pratique.

Oui, c’est vrai, toute ma vie durant, j’ai rêvé de l’une de ces réalisations qui eût pu changer ma destinée, et il m’est souvent arrivé d’envier les gens qui réussissaient et menaient à bien leur projet, au point de me dire qu’ils avaient eu de la chance et même de contester leur succès par des propos imbéciles.

La nature humaine n’est pas faite que de grandeur d’âme, d’esprit, de cœur et de raison. Elle est aussi complexe, irrationnelle et sujette à bien des travers que nos contemporains d’ailleurs, au sein même de notre propre famille, ne manquent pas de relever. Gérer ses contradictions est une entreprise bien aléatoire…

Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui je me réjouis très sincèrement des plus belles réalisations de mes semblables en quelque domaine que ce soit.

Ce que je n’ai donc pu faire, ils l’ont fait, au moins, eux !

A quoi bon invoquer des études non entreprises, un certain enracinement dans des habitudes ou un mode d’existence en particulier, des rencontres déterminantes qui n’ont pas eu lieu, une absence de références ou un environnement social ou familial dans lequel on ne se sent pas vraiment soutenu ?

Les gens qui ont réussi n’ont-ils pas été, eux-mêmes, confrontés à tout ce qui les immobilisait et restreignait leur champ d’action, parfois dans des conditions si précaires ou si mauvaises que le rêve, même, semblait exclu ?

C’est la raison pour laquelle, dans ce qui est aujourd’hui le paysage de mon existence avec sa ligne d’horizon, je mesure à sa juste et vraie valeur, l’expérience, le courage, le savoir faire et toute la vie même, de certains de mes semblables qui, dans le domaine des sciences, des technologies, de la recherche, de la littérature et des arts, mais également dans toute entreprise ou réalisation d’ordre pratique, n’ont cessé de se perfectionner et d’aller toujours plus de l’avant.

Oublions un instant les « valeurs du Système » qui sont celles du profit, de la compétition, de la rentabilité, de l’argent roi, du clientélisme de réseau et de l’attachement à des modes.

Je pense que les gens qui réussissent, s’ils sont comme tout un chacun plus ou moins dépendants ou affiliés « par la force des choses », au Système, ils ont tout de même en eux « quelque chose de Tennessee », comme dans la chanson de Johnny Halliday. Et je considère que c’est bien là ce « quelque chose » bien à eux, d’une incomparable authenticité, qui est le vrai moteur de leur réussite… Dans un Système qui, somme toute, n’est qu’une toile de fond.

Je poursuis toutefois ma réflexion en précisant qu’à mon sens, les gens qui « n’ont pas réussi » n’en sont pas moins dignes et admirables dans ce qu’ils entreprennent le plus modestement du monde. La vie n’est-elle pas faite en vérité, pour la plupart d’entre nous, de ces « petits riens » que l’Histoire ne retient pas, ni la rumeur publique d’ailleurs, mais dont la force émotionnelle, l’impact dans la vie quotidienne et la relation qui s’établit par eux et autour d’eux ; en font tout simplement des choses aussi importantes qu’un grand succès ou une grande découverte.

Quant à ceux qui ont réussi, disons, d’une manière « un peu louche », ou pour être plus précis, en se comportant vis-à-vis des humains et des êtres vivants tels des prédateurs, ils ne sont sans doute pas si nombreux que l’on le croit, quoique certains d’entre eux, en « cartels » regroupés, forment des alliances scélérates afin de dominer le monde. Mais je crois cependant que les livres d’histoire, de littérature, et ce qu’il y a de plus noble dans l’expression culturelle, ne feront jamais de ces personnages là, « ces légendes vivantes traversant les siècles et enchantant des générations d’humains ». 

 

 

            UN TAG SUR UN BANC

            Lu sur un banc public, à Granges sur Vologne, Vosges, en face du café des ouvriers, cette phrase taguée au feutre noir :

« Si un baiser pouvait guérir, je passerais ma vie à t’embrasser afin que tu ne sois jamais malade ».

D’après une autre phrase de la même écriture sur un autre banc, signée, celle là, il semblerait que l’auteur soit une « Mimi ». Une petite Mimi de Granges sur Vologne. Ça c’est un tag ! ça c’est de la littérature ! Merci à toutes les « Mimi » du monde pour autant de capacité d’amour !

Et osons avoir ce rêve : que dès aujourd’hui plus personne ne soit jamais malade, ni dans son ventre, ni dans sa tête ni nulle part ailleurs. Juste quelques petits signaux d’alarme qui nous invitent à « faire quelque chose » avant que ne vienne le mal.

Ah ! la beauté de l’âme humaine… Parfois !

 

            LES CHOSES DE L’ENNEMOUR

            Arrêtons le grand hôtel du merdier avec toutes ses maffias petites et grandes qui tiennent le haut du pavé ou les micro labyrinthes interstistiques d’en dessous du pavé et leurs réseaux et leurs liens visibles ou invisibles…

Fracture sociale, fracture numérique, fracture de tout… Conciliabules, cons dans la bulle, vents et marées, débats et colloques, petits fours et pneus qui brûlent, conférences, sommets, révolutionnaires de tout poil et navires poubelles, guerres du coton, du pétrole et de toutes céréales…

Contre toutes les supercheries, les contrefaçons, la malnutrition et toutes les fractures, arrêtons le grand hôtel du merdier avec hypocrisies, condescendances et idées lumineuses à tous les étages y compris la cave…

Dans tous les « festivaux », qu’ils soient géographiques, intello artistiques, gastronomiques ou autres, nous ne sommes ni au G8 ni à Cancun, et, comme ce que font parfois les humains, c’est convivial, instructif, colloquant, bien habillé et fou de visages typés. Assurément, l’on y est crédible, l’on y « forumme », l’on y est sincère et passionné.

Mais pourrait-on par exemple, envisager un festival de théâtre de rue, un Musicalarue ou un sommet de l’écologie à Nioro du Sahel ou au beau milieu des lopins de terre puant la merde d’une banlieue de Pékin ou de Shangaï ?

Grand Hôtel du Merdier ! Allez vous faire foutre… Parfois, j’ai envie de vous claquer la porte au nez, gentils, méchants ou indifférents !

Il ne restera rien de Téterre, pas même le souvenir, dans les neurones du cosmos. Des centaines de millions d’années durant, Téterre, elle a fait sans l’humain ! C’était peut-être la loi de la jungle, mais ça puait pas : ça sentait, tout naturellement. Et les réseaux, les liens, étaient de phéromones, d’odeurs, d’essences, d’échanges…

Allez vous faire foutre ! Baisez dans votre ennemour et bouffez votre merde jusqu’à ce que sous les dentelles, le papier de soie et les fafiots qui crissent entre vos doigts, vous creviez tous sans laisser d’autre trace que les virgules blanches de vos rêves souillés sur les vitres de vos laboratoires en ruines. Et même cette trace là disparaîtra avec les ruines et les carcasses de bagnoles.

Pour une fois, je vais faire semblant de croire en Dieu : il ne presse pas entre ses doigts le petit caillou, il n’utilise pas le pouvoir du « Dragorek »… Il vous laisse à votre destin. Après tout, c’est sa manière à lui de vous aimer… Ne vous a-t-il pas donné le libre arbitre ?

 

            Excusez moi… Mais lorsque j’ai écrit ces lignes, un dimanche matin vers 6heures, je n’avais pas passé une nuit plus mauvaise qu’une autre. Mon état d’esprit ne cesse de balancer entre le noir et le bleu… Pour autant que ces couleurs puissent représenter un état d’esprit !

 

 

                        A PROPOS DES CHOSES DE L’AMOUR…

            Décidément on n’en finit pas de ce fil sur alexandrie en forum d’expression libre…

L’acte d’amour avec tout ce qui le précède, l’accompagne puis le suit, n’est-il pas un moment unique entre deux êtres ?

Et même si on accomplit des milliers de fois l’acte d’amour durant sa vie, avec la même personne, chaque fois n’est-elle pas l’unique ?

Peut-on retrouver la même atmosphère, le même environnement, le même regard, les mêmes expressions ?

Ainsi naît le fantasme : la copie conforme de ce qui fut et qui nous a tant plu, et dont nous rêvons la réapparition, même en des copies différentes.

Il n’y a jamais de copie conforme. Un regard tel qu’il fut, un habillement, une situation, le pli d’un vêtement, un arrangement de coiffure et tout ce qui émanait, de ce moment particulier qui précédait la fusion de deux êtres en un embrassement profond, ne sera jamais identique. L’être que l’on embrasse du même baiser et qui se revêt de ce qui nous a plu de lui en un moment qui nous a ému, n’est pas cet être que nous prétendons aimer : il est une représentation de ce que l’on désire étreindre.

Ce qui sera, ne le sera pas de nouveau. La situation qui se présentera, le regard qui viendra, le rapprochement qui se fera, tout cela sera unique, fût-ce au même endroit, dans le même décor et avec les mêmes arrangements…

Toute représentation de ce que l’on désire étreindre, toute copie de ce qui fut n’est qu’illusion au moment de sa remise en scène ou de sa réapparition.

Rien n’est peut-être aussi beau en amour, que la fusion spontanée de deux êtres qui ne se sont pas déclaré comment ils se désiraient et ne se sont pas, non plus, fixés sur ce qu’ils donneraient à l’autre.

 

 

 

      

 

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