Entrez dans ma forge, le début

                        DANS MA FORGE

 

            C’est dans cette rubrique et ses suites que désormais vous lirez mes « derniers crus ». Je vous convie donc à l’intérieur de ma forge. Les mots, les visages, les souvenirs, les idées, les images, et d’une manière générale tout ce que j’écris, de quelque pensée ou de toute inspiration que cela me vienne, passeront sur l’enclume, seront coulés dans les creusets puis modelés ou sculptés. Ils auront après quelques retouches, pris une forme sinon définitive, du moins présentée sous la patte du moment vécu et de sa portée plus ou moins proche ou lointaine.

La dureté et la composition des métaux, c’est comme la dureté et la diversité du monde. Et les métaux sont durs à travailler. C’est pourquoi il faut une forge.

La violence des évènements, la beauté et la cruauté du monde entrent dans la forge à l’état brut. C’est seulement lorsqu’ils sont sur l’enclume et travaillés par le regard, que les évènements prennent la forme d’anneaux de communication

 

 

            EN DIRECT DE CASSIOPEE… Ou scriptimagescopie d’un instant vécu.

            Devant mon ordinateur, connecté sur alexandrie ce 7juillet au ciel empli de salive océane soufflant son haleine mouillée, s’envole mon regard par la fenêtre ouverte.

De petites mouches agressives vibrent autour de l’écran de Cassiopée, telles de minuscules avions loopingant… Mais pour quels enfants aux rêves accrochés dans les cieux de quels mondes ?

Dans cet air empli de salive océane, l’haleine mouillée de cet après midi de juillet traverse mon visage, prépare une nouvelle ivresse. Et cette ivresse là, je la scriptimagescopierais volontiers pour autant que j’en puisse mesurer l’intensité, l’intensité renouvelée de tous ces instants de visages, de regards et de clips – souvenirs brassés en ce moment même où ma mémoire s’ouvre comme un très beau livre, alors que chantent les poules de mon voisin, que retentit le cri du paon d’Yvette ma voisine, et que de ma chaîne HI FI s’égrènent les dernières notes de « The end has no end » des « Strokes »…

Le livre s’ouvre au chant de la poule à la page de ces matins d’été de mon enfance à Rion des Landes, où de mon lit et les volets encore clos, à peine éveillé, j’écoutais chanter le coq… Ce coq, qui, aux dires de ma grand-mère, « n’était bon à rien ».

A ce moment là, dans ces matins d’été à Rion des Landes, alors que montait l’odeur du café dans la maison, que retentissaient en bas dans la salle du bureau de Poste les coups de « timbre à date » que mon grand père Georges Abadie donnait sur les bordereaux des facteurs, et que dans une dernière aubade ce coq paresseux – mais peut-être à l’âme fébrile – offrait à son auditoire féminin aux plumes rousses son ultime bouquet de feu d’artifice vocal, à ce moment là, oui, j’étais dans une grande sérénité, comme si la vie, par la magie de tout ce qui l’emplit, bruits, odeurs, visages, regards, formes et couleurs, n’était plus que cet instant là, unique, libéré de l’espace et du temps, entré dans une dimension qui était peut-être celle d’avant la vie, d’avant le ventre de maman…

Je crois bien que l’on grandit trop vite… Pour apprendre entre autres jours terribles de l’histoire récente de nos civilisations, cette violence du monde qui, par les évènements tragiques survenus à Londres ce jeudi 7 juillet 2005, nous interdirait presque de rêver.

 

                        CAPACITE D’AMOUR …

            Entre la capacité d’amour qu’un être humain peut manifester et la faculté d’exister l’autre, je dis que la capacité d’amour est la priorité absolue.

Il n’est pas donné à tout le monde d’exister l’autre. Et les rares personnes qui ont cette faculté d’exister l’autre n’ont pas forcément une capacité d’amour équivalente à la faculté d’exister l’autre.

Quoi qu’il en soit, la capacité d’amour se mesure aux nombre de raisons d’aimer : plus ce nombre est proche de zéro, et plus grande est la capacité d’aimer.

Et la faculté d’exister l’autre a pour règle de base celle qui consiste à ne pas apprivoiser l’autre.

 

                        ACCIDENTS RELATIONNELS

            Il m’arrive parfois de penser à certains accidents relationnels survenus tout au long de mon existence, éparpillés comme des fissures ou des nids de poule sur la grande route de la vie…

Quelques uns de ces accidents sont tout de même de véritables fractures et sèchent au soleil comme des plaies durcies dont les croûtes de sang, presque indécentes, semblent témoigner de mes imprudences, de mes emportements ou de quelques acrobaties ayant tourné à mon désavantage.

Plus encore que de cinglants reproches ou de sérieuses mises en garde, quelques réquisitoires reçus sous forme de lettres fort bien faites et d’une écriture de caractère m’ont ainsi signifié à quel point j’avais surestimé la clarté, le courant et le sens d’une relation dont j’espérais la continuité. L’on se croit parfois autorisé, dans un climat de confiance, un échange de vues fort amical, une similitude d’aspirations, une connivence sentimentale, à dépasser les limites qu’un devoir de réserve trace devant des confidences, des révélations ou un langage du cœur et du ventre qui pourraient bien plus indisposer l’autre que nous l’attacher…

M’étant donc mépris sur le sens d’une relation, il m’en cuisit et je ne suis point prêt à renouveler l’expérience.

Finalement, le bon interlocuteur ou la bonne interlocutrice, est celui ou celle dont le visage n’a pas encore déchiré le voile de notre imaginaire, auquel on peut tout dire ou tout écrire.

Pour un esprit qui, en dépit de quelques errements ou de vues en partie faussées s’ouvrant entre des paupières écorchées, demeure aussi épris de liberté et d’indépendance – parfois lucide et tragique – lire qu’une thérapie en l’occurrence s’impose, n’est pas acceptable, voire humiliant et dévalorisant. Je veux bien être foudroyé net pour des propos un peu trop lestes ou un peu trop intimes, mais de grâce, que l’on ne me conseille quelque thérapie que ce soit !

Aussi je jette entre les lèvres durcies d’une fracture relationnelle aujourd’hui vieille de deux années, ma réponse toute droite et si j’ose dire, fière : je suis lucide comme le regard d’un enfant dont l’innocence blessée demeure debout alors que l’intelligence des hommes tout autour de lui s’évertue à le confiner dans l’isolement voire l’exclusion.

Et ma réponse est aussi la suivante : je veux que vous sachiez qu’à moi vous me pouvez tout dire, écrire ou confier parce que je vous ouvre toute grande la porte de mon cœur et de mon esprit. Je peux tout écouter, tout entendre, tout recevoir de vous.

Je ne pense pas toutefois que mon regard sur le monde et les gens me rende plus libre et plus serein qu’une vision du monde dont je me suis toujours méfié parce que trop tributaire à mon sens de repères culturels, idéologiques ou traditionnels conformes à ce que l’on dit devoir se croire et se savoir… Mais ce regard là, bien plus qu’une vision ou une forteresse m’est assurément une porte ouverte sur une pensée qui reste encore à découvrir, un espace et une dimension plus élargis, que ce soit dans l’univers du relationnel ou dans cette « essence » des êtres et des choses qui nous entourent, se révèlent à nous selon une apparence tout d’abord, puis si possible selon une « vérité » qui n’a peut-être rien à voir avec l’idée que nous nous faisons de la vérité. Mais je tiens à le souligner : ce regard sur le monde et les gens ne me conforte pas plus que ne le ferait une vision du monde bien formatée, bien dimensionnée ou cloisonnée en un espace – refuge. Je ressens ce regard tout simplement, comme l’impression que me ferait le coulissement sur un rail d’une porte de garage… J’imagine alors le regard de la petite chatte que j’avais recueillie à la SPA en décembre 1985 lorsqu’elle fut trouvée dans un hangar, extraite d’un fût empli d’huile de vidange, et projetée dans la lumière d’un jour dont elle ignorait encore l’existence.

Ne baignons nous pas, parfois, confinés en quelque local, dans les suées huileuses qui nous collent à la peau, évaporées de tous ces bouillonnements de certitudes ? Et alors même que la porte glisse sur son rail, ces certitudes ont-elles autant de pesanteur à la lumière d’un jour dont nous n’avons pas connu l’existence ? Et que vaut en définitive la « vérité » de cette lumière ?

             

                        SILENCE  RADIO …

            J’ai écrit dans « Sidi el Factor » ( voir le texte en rubrique dernier cru suite 1 ) que le silence à mes courriers pouvait être la marque d’une intelligence qui n’a que faire de ma pensée… Auquel cas je saluais cette intelligence.

Mais je précise tout de même que ce silence peut aussi être la marque d’un mépris souverain , donc, d’une intelligence qui n’en est pas une, voire d’un parti pris offensant ou même d’une bêtise caractérisée.

Ainsi ma lettre à la bibliothécaire en chef de Dax ( voir la lettre en rubrique suite des lettres ) à ce jour sans réponse, m’incline à penser que le silence de cette dame révèle son mépris souverain… D’autant plus que, loin d’être impolie, ma lettre était fort bien écrite – mais ce sont ces lettres là qui tapent le plus dur !

Oh combien je déteste et je combats l’indifférence lorsque le clapotis sans envergure qui la porte est teinté de mépris ou d’une certaine suffisance à se complaire dans le sens commun.

 

                        PARLONS NET…

            J’écris pour être lu. Sans doute me lisant, l’avez-vous pensé. Je vous le confirme.

Mais si j’écris pour être lu, je n’écris pas forcément pour plaire ou distraire. Ni pour faire exprès de déplaire d’ailleurs…

J’écris pour être lu mais le nombre de gens qui me lisent m’importe peu. A quoi ça sert d’être lu par beaucoup de gens ? Des gens que je ne rencontrerai jamais ? Qui ne me répondront pas ? Ceci dit, s’ils viennent me chercher, ces gens, je suis prêt à les accueillir et à les aimer.

J’écris pour être lu parce que les murs ne lisent pas. Ni les arbres, ni les rivières ni les bêtes. Je me promène à pied ou en vélo, en ville ou par les bois les champs avec un carnet et un crayon dans ma poche. Ce que j’écris dans le carnet c’est ce que je dirais à des gens qui seraient avec moi si ce que je sentais devoir leur dire pouvait vraiment être dit. Mais il y a le « contexte »… Qui ne s’y prête pas. Une réalité à vivre, un langage à tenir… Un autre langage, celui qui a cours…

J’écris pour un interlocuteur qui n’est pas forcément celui qui se tient à mes côtés en un moment donné. Il est « neutre » cet interlocuteur. Neutre mais animé d’un tapis de danse dans son âme. Et sur ce tapis là, je puis jouer, moi, comme il jouerait lui-même mon interlocuteur, sur mon tapis à moi.

Nous ne sommes presque jamais « neutres » puisque nous dépendons simultanément de ce qui est extérieur à nous et de ce qui est à l’intérieur de nous.

J’écris pour être lu mais mon interlocuteur je le rêve neutre et animé de ce qui ne dépend ni de lui ni des autres. Ainsi nous recevrons nous intacts, pour autant que je puisse moi même atteindre cette liberté et cette indépendance d’esprit sans lesquelles toute relation devient illusoire et fragile.

Lorsque l’on écrit pour être lu, l’on s’efforce sinon de plaire ou de distraire, d’intéresser les gens, d’écrire pour eux des livres qui retiennent leur attention sans toutefois leur « prendre la tête ». Je n’appartiens pas à cette catégorie de gens qui écrivent.

N’est-ce pas paradoxal d’écrire comme j’écris et de souhaiter être lu ?

Ceci dit, si ce que j’écris plaît à certaines personnes, j’en suis fou de joie ! Emu à l’extrême ! Pour ceux là, j’ai envie de faire encore plus beau, plus grand, plus vrai, plus émouvant…

Ma mère m’a confié une fois qu’elle envisageait d’écrire un livre. Elle m’avait même dit le titre de ce livre : « Les jardins de Tipaza ». C’était une très belle histoire dans l’un de ces merveilleux paysages méditerranéens avec pour décor les gradins d’un théâtre antique et ce qui restait en ces lieux de l’une de ces cités mythiques d’une civilisation disparue dont nous avons en partie recueilli l’héritage.

Ma mère n’a pas même écrit la première ligne de ce livre. Mais le livre existait déjà jusqu’à sa dernière ligne.

Son fils a largement débordé le cadre des jardins de Tipaza puisqu’il a, avec « Au pays des guignols gris », imaginé deux civilisations se rejoignant, séparées par une nuit des temps d’un million d’années. Mais ne suis-je pas le fils de ma mère pour avoir écrit un tel livre ?

            Les murs sont nus et froids sauf lorsqu’ils sont recouverts de tags ( artistiques )… Les arbres, les rivières et les bêtes peuvent cependant être des interlocuteurs… Mais avec eux c’est tout de même un peu difficile de faire un cénacle !

Dans l’intimité je ne suis pas plus déluré qu’un jeune homme délicat et sensible se rendant à son premier rendez-vous amoureux. Mais là où « ça marche fort », c’est dans une réunion amicale de quelques personnes lorsque s’établit la « longueur d’onde » adéquate. Dès qu’il y a foule ou que des clans se forment, plus question de « faire le zouave », de mener des débats ou de prendre quelque ascendant que ce soit.

 

                        PETITE EXPLICATION DE TEXTE

            … A propos de « conte sacrilège » ( voir petites élucubrations au salon SF à Soustons, en rubrique aperçu )

            « Une fille sans caca dans le ventre »… C’est cette relation totalement intacte, délivrée de tout ce qui la déforme, l’appesantit et la rend dépendante. Sa beauté est authentique, imputrescible et permanente. Elle se vit sans avoir été préparée ou même imaginée. Elle imprime dans le vécu une trace indélébile. Et de sa trace même, renaît sa réalité, plus belle encore que sa virtualité, aussi intacte.

L’envers, pas plus que l’endroit de notre existence, ni ce qui nous entoure par son essence et son image, n’a le pouvoir de déconstruire la « fille sans caca dans le ventre » ;

            « Il prit un chemin de traverse menant à une cabane de bûcherons »… Ainsi notre jeune garçon de 15 ans, lorsqu’il brise la vitrine afin de s’emparer de la fille sans caca dans le ventre, c’est parce qu’une foudre tombée du ciel lui vitrifie l’esprit. Il n’a jamais imaginé, ni rêvé cette fille sans caca dans le ventre. Elle lui est apparue ainsi dans le contexte particulier de cette manifestation populaire à laquelle participait son école dirigée par des gens d’église.

Et la cabane de bûcherons est ce lieu mythique qui, bien sûr abandonnée des bûcherons, évoque dans l’imaginaire du jeune garçon, ce petit coin secret, très intime et empli de l’ivresse absolue qu’il a toujours attendue, du sentiment de cette félicité à nulle autre pareille en laquelle il se transcende.

Nous l’imaginons donc, parvenu dans la cabane, se jetant de ton son être sur cette fille sans caca dans le ventre…

Bien au-delà de tout ce que l’on peut concevoir et même ressentir d’un tel régal pour autant que l’on puisse rejoindre ce jeune garçon à l’intérieur de sa « bulle », l’on entre alors dans l’univers de l’inexprimable, qui est celui de cet esprit que nous n’avons pas encore, et qui est assurément l’hôte privilégié de ce « tabernacle » qui sera sans doute le nôtre.

            En définitive ce petit conte sacrilège n’est peut-être pas si sacrilège que cela ! D’autant plus que le jeune garçon vit son ivresse absolue sans ravages et sans effets secondaires dévastateurs puisque l’accomplissement total d’un rêve qu’il avait en lui mais n’avait pas poursuivi en une quête désespérée, le délivre de ce « manque » et de cette dépendance que les drogues dures préparent à la sortie du « tunnel de lumière ».

 

            FESTIVAL DE CONTIS

            Certes, Gilberto Gil en concert le 28 juillet 2005 au festival du court métrage à Contis, c’est tout de même un scoop !

Une petite station balnéaire telle que Contis – Plage dans les Landes, où chaque année depuis 1996 Betty et Rainer les gérants du cinéma organisent le festival du court métrage, qui reçoit cette année le ministre de la Culture du Brésil Gilberto Gil, peut décidément s’enorgueillir d’une telle « première ». D’autant plus qu’en 2004 pour sa 9ème édition, le festival de Contis avait attendu en vain les subventions qui lui eussent permis d’inviter, outre les réalisateurs de films et quelques musiciens, d’autres artistes et comédiens.

Les dates prévues pour ce festival m’interpellent cependant… Jusqu’à sa 9ème édition ce festival avait lieu en juin et englobait un week end ce qui permettait aux gens du pays et en particulier à tous ceux qui appréciaient l’atmosphère et le caractère convivial de ce festival hors du commun, de participer aux différentes manifestations, de voir plusieurs programmes de films et de passer ainsi quatre jours merveilleux durant lesquels comédiens, réalisateurs, organisateurs et festivaliers se réunissaient sous le chapiteau de restauration, dans le grand hall d’accueil du cinéma, dans les rues, et sur la plage le soir, où des fauteuils de ciné plantés dans le sable accueillaient les amateurs de saynètes ou de concerts en plein air au soleil couchant sur l’océan…

Cette année 2005, m’y étant pris à deux fois pour regarder le calendrier, je constate que l’ouverture a lieu le lundi 25 et que le festival s’achève le jeudi 28.

Comment les gens du pays qui ne sont pas forcément en vacances pourront-ils profiter au maximum de ces festivités puisqu’il n’y a pas dans les 4 jours de week end ? Il est vrai qu’il y a les touristes… De toutes nationalités, tous ces gens venus d’ailleurs… Et peut-être les sponsors qui l’an passé, faisaient défaut. Le public sera donc différent, plus nombreux, plus cosmopolite »… Et la convivialité sans doute moins évidente puisque l’on versera donc cette année dans la grande manifestation de masse autour d’une « sacrée pointure »… Dans la fournaise des affèteries de juillet de tous ces « clampins clampines » avides de sensations fortes, de parades vestimentaires, de bouffes exotiques, de cocktails branchés et de soirées disco – battement de cœur de pieuvre.

Quoi qu’il en soit, j’aurai toujours le souvenir des premiers festivals, tels que je les ai vécus avec des tonnes de rêve, des guirlandes de visages et ce sentiment étrange, tout à fait particulier, de bien être éprouvé dans une relation intense, conviviale et hors du temps. Un tel émerveillement dont la trace demeure aussi indélébile n’est pas et ne sera jamais une image que l’on déchire par dépit parce qu’un carnaval d’été, des visages caramélisés et une fournaise d’affèteries auront fait une « autre fête ».  

 

            AUTOBIOGRAPHIE

            L’autobiographie est à mon avis le genre littéraire le plus difficile qui soit. Le plus grand défaut des gens qui versent – ou tentent de verser – dans cet art de parler de soi et de tout ce qui se rattache à sa propre existence, c’est de faire de soi même le personnage principal.

S’il est vrai que le narrateur d’un bout à l’autre de son œuvre fait entendre sa voix et s’exprime de ce fait à la 1ère personne, il doit cependant – et c’est là tout le ferment de l’art – faire des personnages principaux de son récit, et même de tous les autres personnages qu’il évoque, les acteurs privilégiés des différentes scènes et tableaux composant son œuvre.

Je ne dis pas qu’il ne doit parler de lui-même, cela ne serait plus de l’autobiographie, mais lorsqu’il parle de lui, il doit s’efforcer de le faire de la même manière qu’un narrateur qui serait son ami, son contradicteur ou son observateur critique le ferait en l’évoquant, lui, dans un récit. Assurément c’est cela le plus difficile mais à mon avis le plus nécessaire. Sinon l’œuvre autobiographique s’apparente au journal de bord, à la relation évènementielle, confidentielle ou sentimentale d’un narrateur centré sur lui-même et sur son propre univers. Et à ce niveau là, quelle est réellement la portée de ces écrits personnels puisqu’ils n’intéressent que les personnes de l’entourage du narrateur, exactement comme un album de photos circulant dans des réunions familiales ?

En somme, le narrateur qui fait le récit de sa vie ou d’un épisode de sa vie, s’il parvient à écrire les évènements, à mettre en scène des personnages avec un regard différent de son seul regard mais demeurant toutefois apparenté à ce qu’il a réellement vu et vécu, alors son œuvre s’inscrit, je le pense, dans un espace plus élargi où le lecteur se sentant interpellé, en mesure la portée, le sens réel. Les personnages décrits cessent alors d’être des étrangers et les évènements vécus et racontés deviennent perceptibles même s’ils ont subi l’épreuve du temps et la dimension de l’espace.

La valeur d’une œuvre autobiographique s’apprécie en fonction de la place que les personnages mis en scène par le narrateur occupe dans notre imaginaire. Elle se mesure également à sa capacité à nous rendre perceptibles des évènements que nous n’avons pas vécus.

Tous les grands esprits dont les œuvres ont traversé les siècles et éclairé les civilisations ont eu des précurseurs et des modèles qui les ont inspiré. L’œuvre autobiographique, peut-être plus que toute autre œuvre, ne s’affirme dans son originalité que dans la mesure où elle s’appuie sur une connaissance intimement ressentie et soulevée comme un voile, de l’œuvre de quelques uns de ces grands esprits, qu’ils soient contemporains ou de différentes époques du passé.

Entrant ainsi dans ce que j’appelle « le cœur du réacteur », la matière ainsi captée, en une alliance nouvelle avec les éléments propres d’un esprit qui se construit, va produire l’énergie nécessaire aux avancées spirituelles et culturelles.

Je ne pense pas que les modes et les idéologies aient ce pouvoir là, dès lors qu’elles sont animées et diffusées à grande échelle par des « meneurs » qui, loin s’en faut, ne sont pas des créateurs. Ce que je dis de l’autobiographie, évoquant ces grands esprits nourrissant la pensée et l’œuvre de l’apprenti écrivain ou du narrateur se lançant dans ce genre littéraire, je le dis aussi de toute forme d’art. En clair, nous ne sommes rien sans ces esprits qui nous ont précédé ou qui nous accompagnent dans la traversée de notre existence. Nous ne sommes, sans eux, rien d’autre qu’un souffle, une impulsion, une dynamique sans avenir du fait de la dépendance à un seul univers intérieur : le nôtre. Si un tel souffle, une telle impulsion et une telle dynamique devaient par eux seuls, avoir un avenir, cet avenir n’aurait pas plus de pouvoir que toutes ces idéologies et ces cultures qui « formatent » le genre humain dans différents systèmes de pensée sans jamais lui faire franchir le « palier historique » menant à l’étage supérieur.

Beaucoup d’entre nous, par la connaissance que nous avons du monde, par l’information et l’éducation, sont capables de rédiger des notes personnelles, de tenir un journal, d’écrire des mémoires ou même des livres… Mais tout cela est-il vraiment de l’autobiographie ? Œuvre d’écrivain ?

Ceci dit, les « grands esprits » seraient-ils seuls crédibles parce que leurs œuvres sont connues et traversent les siècles ?

J’ai connu pour ma part d’autres « grands esprits » qui eux, n’ont rien écrit, ni joué, ni peint ni chanté, mais dont l’œuvre fut la vie qu’ils ont eue, humble, simple, généreuse et forte. Et cela, il faut assurément des gens qui écrivent pour dire et témoigner de toutes leurs forces.

 

            L’ESPRIT  NU

Lorsque tu seras sans aucune voix, sans aucune pensée et l’esprit totalement nu à un certain moment de ta vie – un de ces moments de recueillement profond à l’occasion d’un passage en un lieu sacré dépouillé de tout ornement, de toute représentation du monde ; d’un tout autre lieu en lequel la beauté et la grandeur de l’œuvre d’un artiste te réduiront au silence ; ou lors d’un évènement survenant dans ta vie, dont le sens et la portée s’élèveront au dessus de tes aspirations, de tes ambitions, de tes émotions et de tout ce qui entre dans ton entendement – alors le regard que tu porteras à ce moment là sur le monde sera celui qui fut, avant celui du petit enfant que tu fus.

 

            VISION OU REGARD.

Si l’on considère les gens, qu’ils soient nos proches ou nos amis ou ces inconnus que nous croisons dans la rue, par la vision que nous avons d’eux dans le sens commun, selon une réalité immédiate et perceptible, ou par tous ces signes d’eux que nous interprétons en fonction de nos repères et de notre sensibilité, nous pourrions alors les « noter » comme le ferait un maître d’école, un observateur critique, un jury d’examen, de zéro à vingt selon ce qu’ils paraissent et réalisent. Ainsi déterminerions nous les médiocres, les passables, les bons, et les arguments ne manqueraient certes pas pour conforter tel ou tel jugement.

Mais si l’on cesse de considérer les gens par une telle vision ou de tels critères, ou même en fonction de ce que nous ressentons d’eux au plus profond de nous-mêmes, alors aucune « notation » n’a de sens… Un autre regard semble prendre sa source dans notre esprit soudain devenu étranger au monde. Il n’y a plus ni laideur ni beauté sur chacun de ces visages, ni médiocrité ni souveraineté, ni force ni faiblesse, ni grandeur ni décadence. Seule luit en marge de toute appréciation et de tout sens commun, une intelligence qui est celle dont un Dieu au dire des croyants, ou la nature, anime ces visages. Et cette intelligence là n’a rien de commun avec ce que nous entendons, nous, êtres humains, par intelligence. C’est cela la vraie « beauté » : ce meilleur, ce plus vrai, ce plus singulier d’un être, qui est unique, n’existe qu’une seule fois dans le temps et dans l’espace, et par conséquent n’est jamais ordinaire.

 

PETIT  SF  NOIR  NOIR

 

Il était une fois un tout petit enfant qui détenait entre ses doigts un pouvoir extraordinaire…

D’une simple pression de deux doigts de sa main serrant un caillou de la taille d’un œuf d’oiseau, l’enfant activait un feu dont l’énergie était aussi puissante qu’un essaim d’étoiles explosant au centre d’une galaxie…

Mais le cœur et l’esprit de l’enfant étaient partagés entre le désespoir le plus noir et l’espérance la plus belle. Et comme la marée montante ou le printemps qui revient, l’espérance ne cessait de grandir après avoir tant de fois reflué jusqu’à ne plus devenir qu’un mirage lointain. Alors l’enfant qui connaissait son pouvoir ne pressait jamais le caillou entre ses doigts… Mais ce qu’il dut un jour voir, et même ce qu’il croyait ne jamais voir et qu’il vit ; ce qu’il sut alors du monde des hommes fit de son regard lucide tour à tour tragique ou heureux, un regard désespéré, vidé de tout retour d’espérance, comme le regard d’un chien qui, après avoir tant aimé ses maîtres, ne peut croire en leur ignominie et s’y résout dans un cri d’agonie, le cri déchirant de l’innocence blessée et trahie.

Et c’est ainsi que l’enfant, fermant les yeux, pressa le petit caillou entre ses doigts…

Une nouvelle région inconnue, noire, vide et froide de l’espace apparut alors sur les cartes du ciel déjà bien trouées…

D’autres enfants auraient-ils eu le même pouvoir, pour que les cartes du ciel soient plus trouées que des écumoires ?

 

            LES  ZOBS  SECS

 

Lorsque meurent des gens que nous avons connu, nous ne pouvons décemment, à moins d’empêchement justifié ou de trop grand éloignement, ne pas assister aux obsèques – Excusez moi, au risque de vous choquer, j’ai envie de dire, peut-être par dérision en face de la mort : « aux zobs secs » ( comme des verges fripées, desséchées et ne pouvant plus jamais projeter le moindre petit splatch de purée ), parce que la mort voyez vous, je la perçois comme l’incapacité que nous avons désormais à nous jeter de tout notre être sur ces visages et dans ces regards qui nous ont tant plu et que nous avons tant aimés – Ne pas, non plus, manifester cette compassion si habituelle, par le rituel qui s’impose, aux membres de la famille du défunt.

Alors que le mourant n’est pas encore mort, et la date des obsèques bien sûr inconnue, nous nous disons parfois : « Il faudrait que cela n’ait pas lieu jeudi, ou samedi, ou lundi prochain parce que ce jour là je ne pourrai me libérer de mes obligations professionnelles, mon patron ne me donnera pas la journée »… Ou bien : « Pas ce jour là parce que je rate un rendez vous important, une affaire, un voyage ou une occasion de rencontre entre amis qui ne se renouvellera pas de sitôt ». Comme si le mourant aurait encore « l’obligation » en quelque sorte de choisir le jour de sa mort afin de ne pas nous déranger !

Cet égoïsme et cette hypocrisie des vivants sont, autant que les dures lois de la nécessité et du principe selon lequel la vie continue pour ceux qui restent, les éléments fondamentaux d’un édifice si ébranlé déjà dans ses structures, que son écroulement prévisible ne semble plus faire aucun doute… Mais pourrait-il en être autrement ?

 

            LES  ORDINATEURS  DE  L’ESPACE MULTIMEDIA A  RION  DES  LANDES.

            Césarée pour le poste maître, celui qui siège dans le bureau du technicien en chef, relié aux autres postes…

Tayguète et Vilica pour les postes les plus souvent utilisés par les « petites étoiles » de l’espace Multimédia…

Archibald et Pythagore pour les postes sur lesquels planchent les aspirants aux nouvelles technologies, conquis par le sourire et la gentillesse des « petites étoiles »…

Crassus et Pénélope pour les gosses et ados passionnés de jeux… éducatifs !

Alcyon, Sirius, Pégase, Orion, Véga et Antarès pour tous les Rionnais et les voyageurs de la constellation Tarusate qui, n’ayant point encore en leur maison de « porte des étoiles », viennent « surfer » sur le Net ici même en ce lieu si convivial et si magique qu’est l’espace Multimédia de Rion des Landes…

Et enfin Cassiopée II pour Yugcib le pirate, habitué de ces lieux parce que son inspiration puise son énergie et grandit ses émerveillements au milieu des visages qui illuminent la « salle des machines » et rayonnent jusqu’au bout de son âme…

 

                        UN JOUR JE VOLERAI…

            « One day I’ll fly away »…Comme dans cette très belle chanson de Randy Crawford, oui je m’envolerai au loin…

Mais je n’ai pas de programme de vol. Je vole déjà. Ma vie est toute petite  pour un vol qui est trop grand pour moi. Irais-je dans les étoiles, dans des rêves qui ne sont pas les miens, dans de l’espérance, dans des visages qui ne sont pas encore nés ?

« One day I’ll fly away »… Ce serait presque un hymne. Mais je n’ai  pas de drapeau même si l’on pourrait croire que, puisque je vole en rouge, en blanc et en noir, j’ai choisi un pays…

Oui, c’est vrai : je vole avec ces couleurs là : le rouge de la vie, le blanc de l’immaculé, et le noir de la liberté… Tous les pays de tous les mondes ont du rouge, du blanc et du noir avant d’avoir toutes les autres couleurs.

« One day I’ll fly away »… Et dans un envol que je ne verrai jamais, j’aurai le souvenir de tous les visages que j’ai aimés…

Je ne savais pas ce qu’était mon vol mais je volais pour ces yeux qui me voyaient voler.

 

 

 

     POUR VOIR LA SUITE, RENDEZ VOUS A "Dans ma forge suite 2"

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires

  • Janedeau
    Bonjour Yucib, j'ai beaucoup aimé te lire, et particulièrement la chute ou tu parles de t'envoler un jour... Superbe écrit ! Bravo pour ton blog.
    Viens nous revoir au forum, je t'attends ! Bise amicale
    Jane

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