Alvéole 6, nouveaux textes

Le cinéma

 

Le cinéma c'est ce qu'il y a de plus dur et de plus difficilement accessible, pour l'artiste qui veut s'y lancer (comme réalisateur et créateur). En plus de l'imagination, de la qualité d'écriture et de la pertinence, de l'originalité du scénario ; il faut de la technique, des moyens (et ça coûte cher)... Encore qu'aujourd'hui, avec les caméras numériques ça peut "revenir moins cher" et exiger moins de moyens" (en apparence)...

Dans l'écriture, c'est bête à dire, mais il n' y a que l'écriture (le talent d'écrire, avec l'imagination bien sûr)...

Par contre dans le cinéma " il y a plein de choses à maîtriser" : la prise de vue, le décor, les lieux, les personnages qui jouent un rôle, les dialogues et répliques, la musique, l'image, l'éclairage... Tout cela bien sûr s'articulant sur l'écriture du scénario, l'histoire...

Et c'est un sacré investissement! Il faut une vraie équipe (tout seul c'est pratiquement impossible - puisqu'il faut trouver des personnages qui "jouent", et des assistants techniques et autres) ; du matériel (qui coûte cher)...

Moi, personnellement, je trouve que les bons réalisateurs sont des gens vraiment doués et d'une dimension forcément plus "impressionnante" que la dimension d'un "bon auteur" dans le littéraire...

Oui c'est vrai : chacun son domaine dans lequel il excelle!... Mais plus il y a à maîtriser et plus c'est difficile!

 

... On va prendre un exemple : l'un de mes contes Yugcibiens "La révolte des Plouques"... (cela se passe dans un festival de spectacles et scènes de rue).

1ère condition : avoir déjà filmé avec une caméra numérique (et archivé le document dans quelque fichier vidéo) une foule de cent ou deux cents personnes lors d'un festival. En effet, si l'on n'a pas déjà en "toile de fond" archivée dans un fichier, ce film représentant la foule de visiteurs et de participants au festival, il ne reste plus qu'à "ameuter" des gens et à les réunir en tant que figurants et filmer la foule sur le vif. (Ce qui suppose déjà certains moyens : rechercher les gens, leur dire que c'est pour un film, les réunir, qu'ils acceptent de figurer... Et cela n'est pas évident à mettre en oeuvre!)

2ème condition : pour "faire coller" à l'histoire racontée, il faut nécessairement trouver des personnages pour une séquence, une scène en particulier, et ajuster le document de fond par "collage" (ce qui suppose de la technique) afin de créer un autre film "arrangé"...

Dans la seule écriture de l'histoire sur le papier, dans la seule réalisation en tant qu'auteur et écrivain, il suffit tout simplement de trouver les mots et les phrases afin de traduire le ressenti des personnages, de décrire... Et par les mots donc, par le langage, le ton, la phrase, d'imprégner le lecteur, de faire comprendre au lecteur ce que ressent le personnage et quelle est l'atmosphère, le sens profond de l'histoire...

Dans un film c'est autrement plus difficile : il faut que les personnages auxquels on demande de jouer le rôle ou l'action, puissent vraiment par leurs gestes, leur regard, les paroles qu'ils prononcent, le comportement qu'ils ont, leur visage ; traduire exactement la scène, contribuer au sens de l'histoire, exprimer ce ressenti là (qui est celui que veut mettre en évidence le réalisateur)... Et il y a encore une autre difficulté : celle de traduire par l'image, la scène, le rôle joué par le personnage, une dimension de pensée ou de réflexion (s'il y en a une)... Alors que dans la seule écriture on peut y arriver rien que par l'idée exprimée par une phrase, des mots, un texte...

... Confidence pour confidence et soit dit entre nous :

Par rapport à un réalisateur de talent et d'expérience (et dont l'oeuvre est originale, belle, émouvante, réaliste ou surréaliste, nouvelle et surprenante sur le plan de ce qu'elle apporte)... En tant qu'écrivain seulement écrivain, eh bien je me sens "un peu léger"!

Après avoir vu certains films dans ma vie, je comprends mieux pour quelles raisons, des réalisateurs ont pu écrire (en tant qu'écrivains en dehors de leur métier de scénariste) d'excellents livres...

Le cinéma (ou le théâtre) c'est une école de "très/très haut niveau! (Et en plus cela impacte plus de public que la littérature et les livres). D'ailleurs, le cinéma et le théâtre sont peut-être les meilleurs vecteurs de la littérature et de la poésie, et de la pensée...

D'un côté, avec l'écriture seule, c'est la "géométrie plane"; et de l'autre côté, avec le cinéma et le théâtre, c'est la "géométrie dans l'espace"...

 

Il fut un temps (des siècles et des millénaires à dire vrai)... Où il n'y avait pas de cinéma... Mais du théâtre cependant (par exemple les pièces de Shakespaere, de Molière... Et si l'on remonte à l'antiquité Romaine, Grecque, Egyptienne, Babylonienne... des pièces jouées dans des amphithéâtres ou sur des forums) ou encore, du théâtre de rue, des troupes de comédiens itinérants...)
Et très peu de livres, du moins pas de livres à profusion comme de nos jours...
Durant tous ces siècles et ces millénaires, la plupart des gens ne savaient ni lire ni écrire. Et pourtant dans les campagnes et les villes d'autrefois, il y avait des lieux où se réunissaient les gens, et les gens, du moins quelques uns d'entre eux étaient des conteurs, des "marchands de rêve"... Illettrés assez souvent, mais dotés d'une mémoire qui leur permettait de tout décrire, de tout détailler, d' exprimer ce qu'ils avaient vu et ressenti dans le réel comme dans l'imaginaire... Et ce qu'ils racontaient alors, en l'exprimant non seulement par les mots, le ton, mais aussi par leurs gestes, leur regard, l'expression de leur visage ; tout cela faisait que les gens en les écoutant, avaient l'impression qu'une vie, une sorte de pièce de théâtre se déroulait dans leur tête... Et l'on se rappelait de l'histoire, et l'on était capable de raconter de nouveau l'histoire à d'autres gens.
De nos jours nous sommes bardés de diplômes ou de formation universitaire, nous avons "tout vu/tout lu", « nous savons tout »... Nous regardons la Télé, nous naviguons sur le Net, nous consultons des encyclopédies, nous lisons des multitudes de revues d'actualité, de magazines et de journaux, nous voyons des dizaines de films... Mais nous sommes totalement incapables en dépit de notre culture et de nos formations universitaires, de "faire du cinéma dans la tête des gens" comme savaient en faire au moyen âge et en étant illettrés, de simples paysans, bergers, tisserands, savetiers, boutiquiers, charretiers... Qui, non seulement racontaient mais de surcroît étaient capables de transmettre une idée, une pensée, de suggérer une réflexion au travers de leur récit...
C'est peut-être parce qu'il "n'y avait rien" (ou pas grand'chose)... En ces temps là... Qu'il fallait "tout inventer"... Et qu'aujourd'hui, nous jouissons communément et comme si cela « tombait du ciel » de tout ce qui a été inventé et conçu pour notre confort... De telle sorte que "quelque chose dans notre tête s'est vidé de la substance qui existait avant"...

... Quand on a lu "l'insoutenable légèreté de l'être" sans savoir qu'il y a eu une adaptation au cinéma de cette oeuvre de Milan Kundera, on ne peut pas imaginer qu'il soit possible de porter à l'écran cette oeuvre littéraire...

Mais le jeudi 17 mars 1988, j'ai vu le film à Nancy, et j'avoue que j'ai été très ému, et que j'ai trouvé remarquable l'adaptation, même si le film est différent du livre (et pour cause!..)

Finalement c'est l'image, avec le mouvement, l'atmosphère, la profondeur, la poésie et la dimension de pensée... par l'écriture (et donc par les mots, les phrases, la littérature, le style, la manière de raconter, qui fait "le cinéma dans la tête du lecteur"... D'une autre manière que le film projeté sur l'écran.

En somme, l'écriture serait "une sorte de géométrie dans l'espace exprimée sur une surface plane...

Alors que le cinéma est "directement, obligatoirement et naturellement, de la géométrie dans l'espace"...

Alors, "faire de la géométrie dans l'espace sur un espace plan" c'est "très fort"!

Les préjugés

 

L'humain peut-il fonctionner autrement qu'avec des préjugés?

Pour répondre à cette question il me parait déjà nécessaire de prendre conscience de la manière NATURELLE dont l'humain "fonctionne"....

Tout être humain est comme un monde en lui, un monde dans l'univers...

Un monde qui "fonctionne" en tant (et seulement) que monde tel qu'il est lui (et pas un autre).

Il ne voit pas, ne sait pas (avec certitude formelle la réalité réelle)... Donc, il va essayer de percevoir, et pour cela, il va se fier à ce qu'il voit "un peu et incomplètement"... Et à défaut, à ce qu'il imagine...

La réponse serait donc :

L'humain tel qu'il est aujourd'hui encore (et sans doute pour très longtemps) ne peut pas fonctionner autrement qu'avec des préjugés... Cependant il peut avoir en lui l'aspiration, l'énergie, et la volonté nécessaires pour tenter de s'affranchir de la pesanteur qu'il y a dans le (ou les) préjugés... A condition toutefois de pouvoir "mesurer" aussi exactement que possible, cette pesanteur... Car il peut y avoir dans cette pesanteur comme une force naturelle de gravitation (sans doute indispensable puisque naturelle et existant dans "l'ordre des choses et de l'univers"...

... Mais si l'univers est chaos, "l'ordre des choses" n'a plus de sens...

 

L'arc-en-ciel

 

Un site d'auteur ou d'écrivain n'est pas, à lui seul, pris dans son ensemble, une oeuvre littéraire...

Mais il peut être un univers d'expression... De nos jours l'on écrit comme on parle, et l'on ne parle jamais comme l'on écrirait... Pour autant que l'on n'écrirait pas comme on parle...

Il y a l'âme, il y a aussi l'intellect. Les deux iraient très bien ensemble... Mais il y a rarement une vraie symbiose, entre l'âme et l'intellect.

... Il ne reste peut-être de tout ce que j'ai écrit, écrit comme si je l'avais parlé en parlant comme j'écris... qu'un regard... Un regard qui n'adhère pas à une vision...

... Il était une fois dans la transparence de l'air en de nombreux lieux de ce monde, un arc-en-ciel suspendu comme un léger voile de brume, dont on percevait l'existence depuis ce coteau, ou cet arbre au bord du ruisseau, en particulier... Et parfois, cet arc-en-ciel venait à notre rencontre, tel une fine et jolie écharpe autour d'un visage de femme...

Il vient à présent dans la transparence de l'air, en la plupart des lieux de ce monde, comme un arc-en-ciel décoloré se déposant en poussière sur nos épaules et dont on ne perçoit le mouvement, depuis le coteau ou l'arbre au bord du ruisseau, que dans l'immobilité où nous sommes tout à coup figés...

La transparence de l'air demeure cependant...

Dans l'immobilité où nous sommes figés, il y a cet arc-en-ciel décoloré de poussière de roches tournant de plus en plus vite autour d'un noyau perdant de sa consistance peu à peu...

Dans l'immobilité que je sens venir autour de moi, et dans celle qui parfois m'étreint moi-même ; du bout de mes doigts encore électriques et brûlants, je cherche encore les plis de la fine et jolie écharpe autour du visage de femme ; je cherche à dire et dire encore, je cherche à passer, même de force, à travers l'arc-en-ciel décoloré de poussière de roches...

L'élection de Barack Obama

 

L'évènement qui est celui de l'élection de Barack Obama à la présidence des Etats Unis d'Amérique, est l'un de ces évènements dans le monde, qui porte en lui toute l'écriture que l'on en pourrait faire dans le moment et dans les jours de cet évènement...

Ce qui est intensément vécu, et en l'occurrence cet évènement là dans le monde entier, par les gens en particulier pour chacun d'entre eux ou rassemblés en des lieux publics, par les peuples dans le pays où ils vivent... Est l'écriture même, car l'écriture ne peut être que par ce qui la fait être, avant même qu'elle soit écrite...

Alors que les mots à écrire ne sont pas encore nés, ces mots existent, se prononcent, s'expriment, cependant... Par des gens de par le monde qui n'écrivent jamais, ne lisent pas de livres, n'ont pas été à l'école durant leur enfance ; ou encore par des gens qui eux, écrivent et lisent, ont reçu l'éducation primaire, universitaire...

Ce sont donc ces mots qui existent et se prononcent dans le vécu et dans la dynamique de l'évènement, qui ne sont pas encore “littérairement nés”, qui deviendront écriture...

Et l'écriture que l'on lira dans les livres ou sur les écrans des ordinateurs, dans les documents archivés et ce que l'on appelle l'Histoire ; sera l'expression de la mémoire.

 

 

Les grands évènements

 

Dans le temps des grands évènements historiques, ceux qui font penser aux femmes et aux hommes de ce monde que la vie pourrait changer en mieux ou qu'un avenir différent serait désormais possible ; l'on confère aux mots des pouvoirs qu'habituellement ils n'ont pas, et l'on donne à ces mêmes mots que l'on sacralise, une fois écrits, la force de la loi...

Mais le miracle, celui du pouvoir des mots et des écrits ; celui de la pensée, de l'enthousiasme, des énergies, des émotions soulevés à l'occasion de ces grands évènements historiques ; n'est jamais qu'une onde d'éclats de lumière en plis circulaires se déplaçant sur une étendue d'eau... L'onde s'éloigne et disparaît, puis se reforme au gré du vent qui passe, et les éclats de lumière vont et viennent comme d'une guirlande de noël déchirée, jetée à la surface de l'eau et clignotant de ses petites ampoules...

... Et il en est de même de ces grands évènements de notre vie personnelle, tels par exemple que le mariage, une fête familiale, une réunion d'amis, une rencontre déterminante à nos yeux, un succès, une réussite... Evènement dont on pense qu'il va changer notre vie en mieux, évènement que les mots que l'on dit et que l'on sacralise, accompagnent toujours...

Révolutions...

 

De Jean Marie Le Clézio, dans “ Révolutions”, page 403 livre de poche collection Folio :

 

Que reste-t-il, quand le temps a tout miné, et que plus rien de ce qui existait si fort ne semble tenir ensemble?”...

... Et, à la fin de la page suivante : “Le soleil des philosophes était entré dans sa phase occultée. Jean pensait que longue serait la révolution.”

 

... Ce “temps qui mine tout”, est-il donc comme l'onde clignotante d'éclats de lumière sur l'eau et s'éloignant puis disparaissant? Et cet éclat si vif, lorsqu'il est entré dans notre vision en nous donnant un regard que nous n'avions pas avant que n'apparaisse l'onde d'éclats de lumière, cet éclat si vif et d'une seule trace de lumière... Doit-il avec ce “temps qui mine tout”, se fracturer en paillettes de lumière errantes et de plus en plus séparées les unes des autres?

Que reste-t-il? Peut-être la mémoire, comme un grand livre endormi jusqu'à ce que des mains, un jour proche ou lointain, le découvre et en ouvre les pages...

 

... Ce “soleil des philosophes” n'est-il pas la pensée de quelques êtres de ce monde et plus généralement la pensée exprimée avec les mots de tous les jours de tant d'êtres de ce monde,

une pensée venue de très loin dans le temps, du temps d'Anaxagore et d'avant ; une pensée seulement occultée en apparence?

Comme Jean, je pense que longue sera la révolution... Mais longue comme quoi? Un “jour” de la Bible? Un “jour” à l'échelle du cosmos? Un “jour” à l'échelle de la durée de nos civilisations?... Ou un souffle venu tout à coup des profondeurs de millions d'êtres peuplant la Terre?

Le divertissement par la télévision, et la culture

 

Le divertissement par les programmes et les émissions de variétés, de jeux ou de téléréalité, qui passe dans notre vie immobilisée comme sur une île de vacances durant les heures d'une soirée, a le mérite de nous délivrer des pensées qui nous agitent, de faire passer derrière un rideau presque invisible mais cependant réel, nos soucis, nos préoccupations...

Mais ce mérite qu'a le divertissement, lorsqu'il devient souverain, aussi souverain que le pouvoir du monde et des médias nous le présente, alors il nous colonise...

La télévision n'est une grande manipulatrice des consciences, que dans la mesure où nous acceptons d'être colonisés et dépendants... Or, il existe un certain nombre de programmes, tant culturels que de divertissement, accessibles et que nous pouvons choisir de regarder.

... La culture ne disparaît pas, elle évolue... C'est le regard que l'on porte sur son évolution qui nous incline à penser qu'elle disparaît...

En somme, certains d'entre nous se comporteraient comme des professeurs ou des éducateurs se sentant investis d'une mission culturelle, du devoir d'élever l'être supposé et défini “ordinaire” au dessus d'une médiocrité ambiante fustigée et condamnée avec force et autorité...

La culture est peut-être un territoire où les gens ne se laisseraient pas coloniser, ni au nom d'une médiocrité ambiante à combattre, ni au nom du devoir de s'élever...

La culture, c'est un “patchwork” de sensibilités et de créations, qui entre peu à peu dans une mémoire collective...

Les jolis papillons

 

Comment se souvenir de l'un ou l'autre de ces milliers de jolis papillons voletant sous un ciel devenu poussiéreux?

Et dans ces paysages sans cesse ondulant, autant noyés de lumière que de poussière, comment reconnaître tous ces papillons qui vont et viennent, leur donner à chacun un nom, et savoir la vie qu'ils ont?

Ils volent dans la poussière et dans la lumière, leurs ailes ont de drôles de petits dessins... Nul ne sait vraiment la trace que chacun d'eux fait, car la trace est mouvement, vibration, mirage même...

L'on ne se souvient pas, ou le souvenir “clignote” puis s'éloigne. l'on regarde seulement, et se laisse parfois porter par le mouvement, la vibration...

Un jour, succède à l'absence ou au clignotement du souvenir, à l'oubli, à l'inconnu de jadis... Une vague d'océan pétrifiée, devenue ligne de crête de montagne : c'est le mouvement, la vibration, le mirage même... Une trace, une gigantesque trace...

Le souvenir... Et la trace

 

... Le souvenir, ce n'est pas, par exemple, l'oeuvre d'un écrivain ou d'un artiste d'il y a 2 ou 3 siècles, que l'on découvre, redécouvre, étudie, cite, médiatise, publie ou republie : cela, c'est la “trace”, la “ligne de crête de montagne” qui, jadis, était une vague d'océan... La vague s'est pétrifiée, solidifiée, est devenue “ligne de crête de montagne”... Jadis, le souvenir n'existait pas, ou il clignotait seulement... Il n'y avait qu'un mouvement, une vibration, un mirage... qui seul, était la “trace”...

Le souvenir que l'on a des gens, des écrivains et des artistes en particulier, vivants et oeuvrant... N'existe que pour les vivants, c'est à dire les contemporains des artistes et des écrivains vivant encore... Après, ce n'est plus le souvenir, mais la “trace”...

La différence qu'il y a entre la trace et le souvenir, c'est que le souvenir est davantage une nécessité, un besoin, un repère, un réconfort, une preuve d'amour, de reconnaissance, pour l'artiste ou pour l'écrivain vivant, que cette “trace” dont il n'est jamais sûr qu'un jour elle soit...

 

Les feux inépuisables

 

Il est de ces feux dont le foyer est tel, qu'ils ne cessent de s'alimenter eux-mêmes de la seule énergie, inépuisable, qu'ils ont en eux...

Et tout ce qui vient, même jeté sans hâte et par petits paquets épars ; oui, tout ce qui y vient, attendu pour embellir ou faire grandir encore les flammes hautes et dansantes, est cependant nécessaire à ces feux...

... Embrasant de leurs foyers épars – qui ne sont cependant qu'un seul et même foyer – tous ces regards dans les paysages virtuels du monde ; ces feux inépuisables... Epuisent!

Dans les paysages réels du monde, les regards sont déjà pris, déjà épuisés ou indifférents...

Les regards sont toujours réels, même dans les paysages virtuels...

Si ces feux inépuisables étaient des personnages, des personnages pensants et conscients ( et ils le sont!)... Epuiseraient-ils les regards par provocation ou au nom de quelque “lumière blanche” dans leurs flammes? Ou, tout simplement parce qu'ils sont vrais, terriblement vrais et embrasant comme respirant?

La légèreté et l'éphémère : peut-être un commencement ?

 

[les jolis papillons]

... Dans mon texte, un papillon évoque la légèreté et ce qu'il y a d'éphémère dans un être. Or, l'éphémère, la légèreté, ne produisent pas de trace : il n' y a que le mouvement, la vibration... Ou le mirage (si ce mouvement ou cette vibration est perçu comme une sorte de trace fugitive, un rêve, même un rêve très beau et très grand).

Mais de la légèreté et de l'éphémère, peut venir quelque chose de plus consistant et de plus durable pouvant entrer dans une mémoire, devenir un souvenir. Et cette mémoire sera en premier lieu celle du témoin, de l'observateur contemporain...

La disproportion qui existe entre d'une part le mouvement, la vibration, le mirage, la légèreté, l'éphémère... Et d'autre part cette "ligne de crête de montagne" que je fais devenir trace, est flagrante. C'est donc volontairement que j'utilise cette image du battement d'aile d'un papillon, transformée en une autre image, celle d'une vague d'océan pétrifiée : ainsi, le mouvement, la vibration, le mirage, si insignifiant, si perdu dans l'immensité des milliers de papillons, qui n'a que très peu de témoins et d'observateurs contemporains... Va grandir comme une vague d'océan et cette vague va "durcir", devenir de la roche. Alors existera la trace, qui succèdera à ce qui jadis, ne fut que le souvenir dans la mémoire du témoin ou de l'observateur contemporain...

Quel lectorat pour quel écrivain?

 

Quel lectorat recherche un écrivain? Et comment un écrivain peut-il “cerner” c'est à dire “avoir une idée” du lectorat qui est le sien?

Les “indicateurs” tels que le nombre des ventes d'un livre, ou bien sur le Net, le nombre de consultations et les diverses statistiques et outils analytiques... Ne sont-ils pas illusoires sachant que dans la réalité, des gens achètent des livres qu'ils ne lisent pas, d'autres en empruntent dans des bibliothèques mais ne les lisent que partiellement ou pas du tout...?

En somme, voici comment je définirais le lectorat dans son ensemble : un conglomérat de sphères de différentes tailles, toutes entremêlées les unes dans les autres, et dont la surface de chacune de ces sphères de tailles si diverses serait composée de petits points de lumière en suspension et vacillant avant de s'éteindre... Ainsi, chacun de ces petits points de lumière serait en réalité la fin d'un rayonnement à l'intérieur de la sphère...

... Dans cet immense conglomérat de sphères qui pour la plupart d'entre elles ne sont que grains de sable ou même de poussière, et quelques unes globes lumineux ; toutes ensemble ne sont cependant pas entremêlées les unes dans les autres : il en est d'isolées, de diverses tailles également... Et celles qui sont entremêlées, les plus nombreuses, n'ont parfois d'espace commun qu'un tout petit croissant.

L'écrivain lui, est au centre de la sphère, de sa sphère... En est-il pour autant, lui-même, le centre de gravité, ou bien est-ce l'émanation, la dynamique de son oeuvre qui est le centre de gravité?

Et si l'écrivain s'éloignait du centre de sa sphère, s'approchait de la surface, passait au delà de la surface?

Que deviendrait alors ce conglomérat de sphères? Quel en serait l'agencement, l'entremêlement, la dynamique? Y aurait-il encore un centre de gravité?

Suicide littéraire...

 

Je ne sais pas pourquoi, j'ai imaginé l'histoire d'un écrivain qui, à un certain moment de sa vie, peut importe à quel âge ou lors de quel évènement de sa vie... Détruirait entièrement son oeuvre et ne donnerait plus signe de vie à ses proches (ses proches des milieux littéraires je précise)...

Il s'agit là d'un écrivain qui n'écrit que sur le Net, que sur un blog ou sur un site dont il est l'auteur et le créateur, que sur les forums où il s'exprime et auxquels il participe...

Parce qu'un écrivain dont les oeuvres sont publiées dans des livres par un éditeur classique et vendus en librairie, ou publiées par l'intermédiaire d'éditeurs en ligne; ne peut évidemment pas détruire son oeuvre puisque les livres ainsi publiés ont un exemplaire quelque part dans des archives officielles et déclarées...

Jusqu'à la disparition de la civilisation actuelle à la suite d'un cataclysme général ou selon le processus naturel de disparition d'une civilisation, tout écrit archivé et enregistré subsiste, même totalement inconnu de quelque public que ce soit...

Dans un suicide physique, c'est à dire l'acte qui consiste à se donner soi-même la mort, il n'est jamais possible de “revenir en arrière” et donc de “regretter” de s'être suicidé...

Dans un “suicide littéraire”, c'est à dire l'acte qui consiste à détruire ses écrits papier, à effacer son site ou son blog, à ne plus donner de nouvelles à ses proches des milieux littéraires, à ne plus participer à aucun forum ; il faut que le “suicidé” ait l'absolue certitude irrévocable à jamais, de ne jamais/jamais par la suite, regretter de s'être “littérairement suicidé”... Car si tel devait être le cas, ce serait “l'enfer absolu” du vivant restant du “suicidé littérairement”... [ Je ne pense pas que l'écrivain ayant tout détruit de son oeuvre puisse jamais reconstituer son oeuvre... Ou peut-être en élaborerait-il une autre?]

... Frantz Kafka avait dit (et écrit) qu'il ne souhaitait pas que ses oeuvres soient publiées : mais il ne l'a spécifié, je crois, que peu de temps avant qu'il ne meure, et il avait demandé à son ami Max Brod de détruire ses carnets ou ses cahiers, lorsqu'il serait mort... Max Brod n'a pas suivi les volontés de son ami et a quand même récupéré des écrits... Ce qui nous valu de connaître Frantz Kafka.

 

Dans le rêve qui est à l'origine de l'idée dont je vous parle, celle de l'écrivain qui détruit toute son oeuvre, je n'arrive pas à déterminer si oui ou non, l'écrivain en question “regrette son suicide”... La seule chose qui m'a vraiment frappé, impressionné, c'est son geste, sa décision même... Et l'accomplissement réel, de son geste, comme dans un suicide physique sans retour possible...

 

 

Mais l'écrivain peut-il en vérité se “suicider littérairement”? En a-t-il la possibilité?

Le “suicide littéraire” n'est possible que pour une personne qui écrit sans être écrivain et qui n'a jamais rien exporté, c'est à dire seulement écrit à la main dans des cahiers, des carnets ou sur des feuilles, et qu'il n' a jamais montré ni fait lire à qui que ce soit... (sauf peut-être à des très proches, de sa famille et deux ou trois amis)... Alors dans ce cas précis, oui, l'écrivain (ici ce n'est plus un écrivain mais une personne écrivant)... Peut se “suicider littérairement” en détruisant ce qu'il a écrit. En fait il ne se “suicide” pas, il ne naît pas à l'existence littéraire, et c'est comme s'il effaçait une inexistence littéraire qui n'a pas prise sur son existence.

Il ne reste rien : pas de trace...

Par contre, l'écrivain qui s'exprime sur des forums du Net, s'il peut tout de même effacer le site ou le blog qu'il entretenait, ne peut cependant pas, de lui même, détruire ce qu'il a écrit dans les forums : pour cela, il doit nécessairement contacter les administrateurs du site à forums et leur demander expressément de tout effacer afin qu'il ne demeure plus aucune trace...

Il y a gros à parier que le ou les équivalents d'un Max Brod, ne se conformeraient sans doute pas tous aux dernières volontés d'un “Kafka”...

L'impossibilité de se “suicider littérairement”, sciemment organisée par l'écrivain du fait qu'il a multiplié et dupliqué ses écrits ; n'est-elle pas une forme de schizophrénie? Dans la mesure où l'écrivain, par ce qu'il a sciemment organisé, s'est enfermé dans un cercle (ou une bulle) dont il ne peut jamais sortir de son vivant? Et qui est peut-être un enfer dans lequel l'écrivain se débat et veut à tout prix transformer en paradis?

L'autodérision poussée jusqu'à l'autodémolition, serait-elle une forme de “suicide littéraire partiel”?

L'idée de suicide d'ailleurs, mais sans le suicide physique réalisé – et toujours évoqué – est peut-être du domaine de la schizophrénie...

Un écrivain qui pratiquerait l'autodérision jusqu'à se démolir lui-même, laisserait volontairement apparaître dans son oeuvre et dans ses écrits, des mots horribles, aurait parfois de ces réflexions inattendues de sa part, qui le décrédibiliseraient, choqueraient, déstabiliseraient certaines personnes qui le lisent ; et même, produirait des oeuvres dérangeantes... Serait un écrivain “suicidaire”...

Nous sommes tous, auteurs du Web et posteurs d'écrits ou de messages dans les forums, soucieux de notre “image de marque”, enclins à nous présenter sous le “meilleur jour possible”... Mais c'est une imposture! Il vient toujours un moment, une circonstance, une situation sensible où nous apparaissons tel que nous sommes... Les “fioritures” tombent.

Alors, pourquoi ne pas “aller de l'avant” et jeter ces mots horribles qui nous viennent, de quelque tréfonds de notre âme? Ces mots venus de ce que nous avons ressenti? Est-on responsable, d'ailleurs, de ce que l'on ressent?

Les mythes ne sont-ils pas des leurres quand ils nous apparaissent comme de beaux édifices de pensée, de belles pièces d'architecture littéraire ou intellectuelles, ou sous la forme d'un personnage de légende très charismatique, très lu et très écouté?

Qui y croit, aux mythes?

Combien d'entre nous aiment par exemple le lapin comme on aime un chat ou un chien? Mais mangent du lapin?

Le lapin, le beau petit lapin! Qu'il est mignon! Et quel merveilleux compagnon de jeu pour le gosse!

C'est un mythe, ce lapin! Un mythe de douceur, de gentillesse et d'affection... Un refuge contre la violence, la barbarie, la brutalité, la dureté du monde...

Alors l'écrivain peut avoir la tentation de taper sur le mythe... Sur son propre mythe (j'appelle ça : chier sur son propre système)... “Bouffer le lapin” en quelque sorte, en dardant un oeil “vache”!

Et tant pis si ça choque, si cela blesse même!

Les mythes ont la peau dure...

 

Un mythe qui aurait toute l'apparence d'un personnage de “conte crasseux”, et qui d'emblée, comme une “image crade” aurait été jetée sur une place publique “bon chic/bon genre”... N'est jamais un mythe que l'on casse.

Autant dire que le mythe demeure et voyage dans les esprits...

Il faut avoir “l'âme bien trempée”... Pour casser alors ce mythe du personnage de conte crasseux, et y découvrir ce qu'il y a “d'orchidéique” au delà d'une crasse qui crie et éclabousse...

Botaniquement parlant, l'orchidée serait une forme de vie “frontière” entre la vie végétale et la vie animale... Ne serait-ce que par son étrange et très élaboré, mode de reproduction...

... Ce sont peut-être les mythes qui ont la peau la plus dure, autant celui du personnage de conte crasseux, que celui du bel édifice de pensée... Qui un jour, font les “vrais mythes” qui ne sont plus alors vraiment des mythes...

Certes, l'insecte a été leurré... Mais la semence a levé...

Le Trou

On n'aurait pas du... Mais on a fait!

Il eût fallu que... Mais...

On fait, on ne fait pas...

On dit, on ne dit pas...

Au bout du compte, il y a le Trou...

Le Trou, a-t-il un fond?

Délocalisation du mariage

 

L'on délocalise des entreprises... Pourquoi ne délocaliserait-on pas le mariage?

Au bas mot, un mariage dans “la plus pure tradition”, c'est à dire tout à fait “banalisé” dans son organisation, son cérémonial, tel que l'on en voit le samedi après midi dans les bourgades de France et d'ailleurs en Europe... Un mariage “ordinaire” en somme, coûte plusieurs milliers d'euros. Peut-être 10 000 environ!

Et ces milliers d'euros, les familles et encore moins les jeunes futurs époux, ne les ont pas sur leur compte en banque ni dans quelque “bas de laine”, en général!

A moins que quelque tonton, quelque mémé ou “bon papa”, se fende, sur ses “sicav”, sur son portefeuille d'obligations ou sur son livret de caisse d'épargne, de ces ou d'une partie de ces milliers d'euros...

... Dix mille euros pour un mariage! L'apéro, cent et quelques copains/copines et autres invités de “seconde zone”... Soixante invités au repas, la location de la salle pour 2 jours (parceque le lendemain dimanche on “remet ça” entre 20/30 “intimes”)... Le curé et les dons aux oeuvres, les fringues... Et peut-être un petit orchestre, une animation par un professionnel... Tout cela, oui, pour “sanctifier” une situation de vie à deux qui perdurait depuis quelques mois voire quelques années...

Et qui ne s'est pas défaite, qui n'a pas “capoté”...

... Je propose la délocalisation du mariage...

En Inde par exemple, un mariage coûte dix fois moins qu'en France, et pour dix fois moins donc, l'on peut inviter 400 personnes pendant 4 jours... Evidemment, les futurs jeunes époux ne vont pas trouver sur place, dans le village Indou, leurs 400 copains/copines et parents et amis de longue date... A moins d'inviter là bas, uniquement des gens du crû...

Il serait alors “judicieux”, d'affréter un transport aérien genre “cargo”, comportant un espace sans confort, sans sièges... Une soute cylindrique pouvant contenir les 400 personnes, assises sur le plancher métallique... Un “prix global” de gros serait proposé par la compagnie aérienne de transport, modulable selon quelques éventuelles “commodités”...

300 euros aller retour, par exemple, pour un transport de 500 personnes (même s'il n'y en a que 250)... Avec seaux hygiéniques au fond de la soute, quelques packs d'eau minérale et 5 ou 6 cartons de “sandwich-club”...

... Je dis cela parce que trop de gens (et de jeunes en particulier) s'imaginent que tout ce cérémonial festif attaché à la célébration du mariage avec curé, maire, invités, cotillons, belles fringues... Représente une sorte de rêve joli et romantique, ou quelque chose de “people-le-ment sacré” qui va “super conter dans leur vie” (et qu'à cette fin il faut “casser la baraque” - et donc la tire-lire - “marquer le coup” même si pour cela il faut s'endetter...

... J'ai encore en mémoire la réflexion d'une femme que j'ai connue à Cahors dans les années 50, à propos du mariage de son fils Jean Claude... Madame Figeac, Félicie Figeac, pour être précis, qui était une femme d'un réalisme aussi absolu que cocasse... M'avait montré l'album de photos du mariage de son fils Jean Claude. C'était 6 mois après le mariage... Jean Claude venait de divorcer. “ Voilà 50 000 francs (francs des années 50) de foutus en l'air!” avait dit madame Figeac!

... Et je sens se renforcer en moi le même réalisme absolu et cocasse, vu ce que j'ai su et vu autour de moi...

 

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