Alvéole 2, suite du "grand souk Yugcibien"

     La liberté que beaucoup de peuples n'ont pas, si elle leur était donnée, ferait sans doute un monde meilleur.

LES GEANTS

 

Certains êtres de ce monde sont comme des géants qui n'ont jamais franchi la frontière de ces territoires d'enfance en eux...

Ils ont en eux cette bonté et cette humilité qui les dessert aux yeux du monde, mais qui les impulse tout en les rendant parfois secrets, voire distants...

Ils n'affectionnent pas les grandes réunions de personnes où il y a toujours sur le devant de la scène ces acteurs « privilégiés » que le monde honore, écoute et applaudit.

N'ayant pas été conviés à se manifester dans ces réunions, ils se sentent en « porte à faux » et ne peuvent que se tenir à l'écart, ou tout au moins, écouter ce qui se dit, participer à la discussion de la même manière que le ferait un observateur discret...

Les propos qu'ils ont jadis tenu en assemblée de personnes dans une situation particulière afin de défendre ou de soutenir une action, un projet, une idée... N'ont pas eu d'écho. Ou encore, le message qu'ils ont transmis à une personne de leur connaissance à la suite d'un événement touchant cette personne, n'a jamais eu de réponse...

Il reste le souvenir de ce qui fut, le souvenir de ces visages, de ces êtres qui, pour une raison ou une autre, ont plu, interpelé, lors de ces assemblées de personnes tel jour en tel lieu...

Il reste la fidélité au souvenir.

Ces géants qui n'ont jamais franchi la frontière de ces territoires d'enfance en eux ; n'ont aussi jamais de rancoeur, jamais le regret de l'émerveillement qu'ils ont eu... Comme ces enfants dont la mère s'en est allée un jour et n'est pas revenue : il n'y a que de grands yeux étonnés et ouverts, et l'absence, le souvenir d'un visage...

Ces géants là ne soulèvent pas au beau milieu de l'assistance, le levier de ce qui anime leur être... Ou alors c'est parce qu'ils y ont été conviés ou autorisés.

Ils voudraient peut-être, ces géants, dans leur main immense, tenir un instant ces petits visages, ces petites silhouettes ; les approcher de leurs yeux, leur souffler doucement dessus et les reposer sur le rocher où ils s'accrochaient tout juste avant d'être saisis et transportés sous le regard du géant...

Ils ont la fidélité de ces oiseaux de passage venant séjourner autour des mêmes pièces d'eau à la saison des voyages.

La pièce d'eau est comme le souvenir : claire et douce.

Le voyage et le retour sont la marche et la halte du géant...

Il n'y en a jamais beaucoup, de ces petits visages et de ces petites silhouettes à prendre dans la main immense : ils sont presque tous accrochés au rocher. Et le rocher est plus grand que le géant ; roule aussi plus vite que ne marche le géant...

 

QU'EST-CE QU'UNE OEUVRE LITTERAIRE?

 

J'ai lu dernièrement dans un forum, à propos d'une personne qui écrit et dont les livres sont publiés chez un éditeur à compte d'éditeur :

« ... Encore faudrait-il définir ce qu'est une oeuvre littéraire »...

Et, cette réponse de l'auteur lui même :

« ... Reste à définir ce que définir veut dire »

Il faut « appeler un chat, un chat »... Dirais-je!

De nos jours, il semble en effet que l'on ne définisse plus rien, comme s'il n'y avait plus de valeurs, plus de repères...

Qu'est-ce qu'une oeuvre littéraire, donc?

Une oeuvre littéraire est l'ensemble des écrits d'un auteur ou d'une personne qui accomplit sa vie durant un travail d'écriture...

Elle doit être, cette oeuvre, pour être définie « oeuvre littéraire » :

-Considérable par son étendue, et de toute une vie.

-Diversifiée dans ses genres de production : romans, essais, articles, notes, correspondances, autobiographie, nouvelles...

-Qualitative dans son contenu global (mais pas obligatoirement de manière constante dans chacun des écrits de l'auteur puisqu'il n'y a jamais, humainement parlant, d'immensité entièrement qualitative à 100%)

-Enfin cette oeuvre doit avoir, dans l'ensemble de son contenu, un sens, une portée, un intérêt, une dimension de pensée...

« Appelons un chat, un chat » : l'on ne peut pas dire d'un auteur qui a écrit 10 livres (10 romans ou 10 récits) dans le même genre (fiction, aventure, terroir, histoire, actualité, guerre, amour...) qu'il a produit une oeuvre littéraire.

L'on ne peut pas dire non plus d'un auteur du Net qui publie des livres en ligne dans un ou deux genres spécifiques et qui en outre est aussi l'auteur d'un blog ou d'un site... qu'il a produit une oeuvre littéraire...

Le blog ou le site d'un auteur peut cependant à mon sens, représenter une partie de l'oeuvre littéraire de l'auteur. A ce sujet je pense que Flaubert, Zola, Camus, Gide, Mauriac, par exemple, auraient produit des blogs si le Net avait existé de leur temps...

 

J'ai dit qu'un blog ou un site à lui seul, ne peut constituer une oeuvre littéraire... Parce que « écrire sur le Net » est globalement déconsidéré dans le monde de l'édition : l'on écrit sur le Net mais l'on ne fait pas d'oeuvre littéraire sur le Net (du moins pas encore)... Presque tous les blogs ou les sites d'auteurs sont soit des « vitrines », soit des présentations de livres ou d'oeuvres, soit des suites de billets assortis de commentaires de visiteurs, soit de l'autobiographie, soit l'ensemble de ce que je viens de citer...

Une oeuvre littéraire sur le Net, entièrement sur le Net... Par les temps qui courent, actuellement c'est « littérairement suicidaire » pour un auteur qui s'y risque!... Et les « suicidés » ne sont pas légion!

FESTIVALS D'ETE

 

Tous ces festivals... Et ces « festiveaux » de la saison d'été en notre beau pays de France, cela me laisse rêveur!

Non pas que je les critique ou les trouve inutiles et vains, loin de là... Et d'ailleurs je souhaite de tout coeur qu'ils soient maintenus, encouragés et bien présents dans notre « paysage culturel »; que subventions et aides financières publiques ou privées puissent encore pourvoir à leur trésorerie...

Mais... Pour un écrivain qui écrit, un chanteur qui chante, un saltimbanque qui pratique le diabolo, un conteur qui conte, un amuseur qui amuse « à ses petites heures » ou d'une manière « informelle », et en définitive pour toute personne créant ou produisant quelque chose... « festivaler » en Arles, en Avignon, à La Rochelle ou à Clermond Ferrand... Tel un simple observateur spectateur vacancier noyé dans la foule et situé derrière le cordon où « tout se joue » ou encore assis sur les gradins... C'est « un peu frustrant », je trouve...

Il vient alors comme une envie d'être convié, invité à « passer de l'autre côté du cordon »... Mais « les jeux sont faits » depuis déjà plusieurs saisons : et oui! Il faut de l'organisation, que les artistes soient par ailleurs quelque peu référencés, les programmes établis et minutés...

Reste la possibilité de poser quatre planches recouvertes d'une nappe rouge sur deux tréteaux de fortune, de monter une petite estrade au milieu de la rue piétonne, ou de planter un décor tout simple de carton et de papier craft, de se « coiffer le nez » d'une boule rouge et de faire soi même son numéro de clown ou de poète... En plein festival! Sans doute y aurait-il quelques spectateurs, pas forcément critiques ou condescendants, mais aussi une « descente » de la maréchaussée ou du service d'ordre du comité des fêtes...

Comme je dis parfois à des personnes qui me sont proches ou de ma connaissance : « Toi qui ne fais rien, c'est à dire qui n'écrit pas, ne conte pas, ne clowne pas, ne chante pas, ne dessine pas, n'amuse pas le monde... Cela te laisse de la disponibilité et du temps pour lire, voir, profiter de tout ce qui se fait. En somme tu as bien de la chance parce que toi, dans tous ces festivals et ces « festiveaux », tu n'as jamais de « pincement au coeur », jamais de frustration...

Le pire je crois, pour un écrivain qui écrit, ce sont les manifestations littéraires « arpentées » en observateur spectateur anonyme rêvant dans le vide de ces jolis visages et élégantes silhouettes de femmes, de ces robes et de ces étoffes si proches à effleurer dans la foule mais si lointaines à retenir ne serait-ce qu'une heure bleue à ses côtés...

QU'EST-CE QU'UNE OEUVRE LITTERAIRE, SUITE...

 

... Sous l'appellation "oeuvre littéraire" il faudrait alors définir deux choses en réalité bien distinctes l'une de l'autre :

- D'une part "oeuvre littéraire" selon la définition que je donne c'est à dire un ensemble d'ouvrages et d'écrits, d'articles, de correspondances, de notes, de textes, et éventuellement la production d'un blog ou d'un site d'auteur en tant que "vitrine de présentation", billets assortis de commentaires et réponses de lecteurs ou de visiteurs...

- D'autre part "oeuvre littéraire" au sujet d'un ouvrage en particulier, ou d'un livre ou même de quelques textes seulement, ou encore d'un seul écrit...

Dans le Petit Robert des Noms Communs, il est spécifié qu'une oeuvre littéraire peut être, oui, la production par son auteur d'un ouvrage, d'un livre, d'un écrit... Mais aussi de "l'ensemble de ses différentes oeuvres, considéré dans sa suite, son unité et son influence".
Flaubert a dit ceci : "L'auteur, dans son oeuvre, doit être présent partout, et visible nulle part".

Personnellement je reconnais qu'un livre en particulier, un écrit ou un texte d'auteur constitue à lui seul une oeuvre littéraire, mais dans ce cas, je vois là une production tout à fait particulière et singulière, de la même manière que je verrais par exemple, un tableau de peinture, une composition musicale, l'ouvrage de toute beauté et d'une finition parfaite d'un très bon artisan...
Et dans mon esprit, le tableau de peinture, le livre, la composition musicale, l'ouvrage de l'artisan, faisant partie d'un ensemble (l'ensemble de tout ce qui a été produit par l'auteur) reste dans une certaine mesure inséparable de l'ensemble... lequel ensemble constitue une unité, une suite...
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais qu'il existe un autre vocable pour désigner une oeuvre littéraire (ou artistique) qui ne serait qu'une production en particulier...
Les termes "production", "ouvrage", réalisation", "composition", par exemple, me semblent un peu "plats"... A la rigueur je verrais bien "une oeuvre d'art" ou "un chef d'oeuvre" ou encore (mais c'est un peu "passe partout" : un joyau littéraire)
A la minute où je rédige ces lignes, je n'ai pas le néologisme adéquat...
... Je risque celui ci : une arquidée (la consonnance de "arquidée" ferait penser à "orchidée"...)
L'orchidée est une merveille de la nature, sans doute la plus étonnante, du fait qu'elle est le stade le plus avancé et le plus complexe et le plus réussi du monde végétal (on se demande même si elle n'est pas aussi du règne animal)
L'orchidée serait donc (dans mon idée) "l'arquidée" dans l'oeuvre (la nature)
il y a autant "d'histoire d'amour" à avoir avec une "archidée" qu'avec une "oeuvre"... Comme il y a autant "d'histoire d'amour" à avoir avec une femme qu'avec la féminité...

 

... Cela dit, est-ce que "Ma vie mes amours" de Marc Lévy est une "arquidée"?
Et les livres de Guillaume Musso constituent-ils une "oeuvre littéraire"?
... Il y a là "tout un débat" aussi vieux que le monde de la littérature... Un débat dans lequel je ne souhaite pas me lancer... A dire vrai je me pose la question... de savoir si oui ou non, et selon quels repères ou critères, "Ma vie mes amours" de Marc Lévy est une "arquidée" ou si les livres de Guillaume Musso sont une "oeuvre littéraire"...
Je n'ai pas la réponse... Et il y en a, des réponses, et argumentées dans un sens ou un autre... Mais je ne sais pas... J'ai l'impression que mon regard est grave... Comme quand j'observe, tout seul dans la nuit, toutes ces étoiles dans le ciel...

EXISTER, S'EXISTER ET ETRE EXISTE

 

... Je distingue "exister", "s'exister" et "être existé"...

Exister, c'est être tout simplement : la fleur sur la branche du cerisier au printemps, est. Son destin est de devenir cerise...

S'exister c'est exprimer soi même l'être que l'on est : la personne qui se coiffe le nez d'une boule rouge et fait son numéro de clown sur la voie publique, s'existe...

Etre existé c'est être lorsque l'autre te fait être : la maîtresse d'école qui prend le dessin de l'enfant et le montre à toute la classe réunie autour de la table, "existe" l'enfant...

Exister, seulement exister, c'est au moins, essentiel ; et c'est un don : il nous a été donné d'exister... Les êtres et les choses n'existent que venus dans le monde, à la vie. Beaucoup, à dire vrai une infinité d'êtres et de choses ne sont pas venus dans le monde, à la vie...

Exister ET s'exister... mais sans être existé... C'est être comme l'enfant qui sort une poignée de confettis du sac de confettis et jette les confettis dans la rue : il y a un tout petit dessin sur chaque confetti, mais les confettis s'envolent, se posent sur les robes des dames, dans les cheveux des enfants, dans le caniveau, entre les pavés disjoints, et la pluie les dissous dans la poussière...

Exister ET être existé... Même si parfois l'on s'existe... C'est être comme l'enfant auquel la maîtresse d'école a dit "fais moi un autre dessin"...
Exister ET être existé, c'est l'essentiel de l'essentiel...

La plupart des êtres qui existent, dans ce monde, ne sont pas existés : alors ils s'existent... Comme ils peuvent. Et si on leur reproche de s'exister, ils s'existent encore plus : cela fait le monde tel qu'il est, et les êtres que nous sommes.

 

LA DIMENSION LITTERAIRE

 

Lorsque l'esprit d'un humain est engagé, militant et missionnaire, et que se lève à son bras l'étendard de quelque foi, et encore à l'autre bras une arme pointée droit devant ; alors tremblent, pleurent, se soumettent ; ou combattent ou sont battus ou meurent les autres humains...

Engagé, militant et missionnaire, et pourfendant la foi, l'idée et l'habitude de l'autre...

Engagé, militant et missionnaire pour une cause jugée bonne, ou pour ce que l'on voudrait changer... Avec les mots que l'on croit les meilleurs, les plus percutants mais qui crachent parfois comme des fusils ou mitraillent à répétition...

Engagé, militant et missionnaire, et démolissant les gradins de la tribune...

C'est ouvrir la porte à ceux qui abusent du pouvoir qu'ils ont sur les autres humains.

Il n' y a que la dimension littéraire, de poésie et de pensée ; qui par le questionnement sur lequel elle s'articule, par une bienveillante neutralité sans complaisance, un regard grave et profond sur les évènements, une fidélité à ce qui semble juste... Peut se frayer un passage dans la foule et exister aux yeux de tous...

Seule la bêtise dans toute sa brutalité est alors le vrai, l'unique obstacle... Mais il arrive cependant, que les grands meneurs et décideurs de ce monde pérènisent la bêtise et la brutalité, instruments redoutables et indirects, de censure...

Si tu veux vraiment « tout dire », alors dis le par la littérature et par la poésie, mais que ton esprit ne se mette pas en mission, que ton bras n'ait ni arme ni étendard, et personne ne pourra t'arrêter.

 

LES GRANDES INVASIONS

 

Le monde d'aujourd'hui n'est pas seulement hypocrite, injuste et cruel... Il est consensuel dans une modernité coupée de ses racines, indifférente de son futur et comme enduite de miel frelaté sur d'innombrables tartines...

Nous sommes au temps des grandes invasions d'une nouvelle forme de barbarie formatée : un milliard d'humains en sont les victimes engluées, inconscientes et plus ou moins gavées ; et le reste de l'humanité qui meurt de faim et de dénuement, aspire à la curée générale.

Dans ce monde là, les poètes, les artistes et les penseurs n'y ont qu'un statut d'animaux de foire... Du moins ceux d'entre eux qui ne sont pas piétinés.

RUPTURE

 

Lorsque le ressenti pèse plus que la vision... Dans la mesure où le ressenti fait plus de mal que de bien et où la vision se déforme... S'ouvre alors une incertitude béante, immense et comme un voile sombre...

La vision était devant soi un champ élargi avec un grand chemin tout droit traversant le champ. Et le champ, le chemin, invitaient à la marche en avant, à l'aventure, à la découverte...

Le ressenti même s'il faisait plus de mal que de bien, ne pesait pas et ne déformait pas la vision. Le ressenti renforçait la vision.

Mais le ressenti de ce qui fait mal et que l'on n'accepte pas, exprimé vivement et venu comme un coup de couteau... Ou comme un appui sur le bouton qu'il ne faut pas ; vient buter sur un visage qui lui, a la vision, voit le chemin devant lui.

Appuyer sur le bouton qu'il ne faut pas, c'est comme si tout à coup, parce que surgit un voile sombre devant ses yeux, vient un désenchantement ou une suffocation ; l'on claquait la porte brutalement au monde... Et la vision que l'on avait se déforme, l'incertitude s'installe, le chemin s'efface, le ressenti cesse d'être exprimé... A trop buter sur ces visages qui sans doute ont un regard ou une vision et des émotions et même parfois se tournent vers nous, il se forme une fracture, une déchirure... Et la rupture avec ce que je définis comme la « consensualité du monde » devient inévitable, définitive et sans appel...

La plupart des écrivains que ce soit de nos jours ou d'une autre époque, et d'une manière générale, les auteurs, les artistes, les créateurs... A un certain moment de leur vie ou de leur « parcours », qu'ils aient du talent ou tout simplement que leurs oeuvres soient présentables, s'ils aspirent vraiment à être reconnus ou quelque peu médiatisés... Ne peuvent à mon sens, qu'entrer dans cette « consensualité du monde », c'est à dire en accepter les règles, les codes, les procédures : ils doivent donc se « civiliser » à la manière des chiens tenus en laisse qui, lorsqu'ils se rencontrent, « se transmettent leurs civilités respectives »...

Il n'est guère très difficile de reconnaître ces personnes de notre connaissance, parmi nos amis et nos proches, qui sont « dans la consensualité du monde ». Il suffit pour cela de presser du doigt avec une certaine détermination et un peu de provocation délibérée, deux ou trois « petits boutons » bien particuliers... De ces « petits boutons » précisément, qu'il « n'est pas de bon ton » ou « assez risqué » de presser... Et de constater, d'apprécier la réaction, la réponse, le comportement de l'autre, des autres...

Alors qu'adviendrait-il si d'aventure...

L'histoire des hommes foisonne à l'infini de ces situations aussi sensibles que dramatiques en fonction de l'actualité, des évènements et des propagandes... De ces situations révélatrices d'une « consensualité du monde » aussi laminante qu'un rouleau compresseur en marche...

Je pense que pour un écrivain ou un artiste, le fait de refuser d'entrer dans la « consensualité du monde » ; de cesser définitivement à un certain moment de son « parcours », de « s'exister » en face de gens qui ne « t'existeront jamais »... Equivaut à une forme de « suicide »... Un « suicide » délibéré et lucide, un « suicide » qui n'est pas « un geste pour prouver quelque chose » (Il n'y a rien à prouver)...

Cela n'a aucun sens, n'apporte rien, absolument rien ni à soi même ni aux autres, de continuer à se débattre, à s'agiter, à argumenter, à poétiser, à émotionner, à triller comme un oiseau ou comme un grillon... En face de cette « consensualité du monde » qui se présente sous la forme d'un visage caramélisé... Ou courroucé, ou indifférent...

Si je devais mourir demain, ce serait comme si ma mort était un appui sur le bouton de commande... Mais ce n'est pas le monde que je détruirais : c'est le « réacteur » par lequel je « m'existerais encore » en face de gens que je quitterais sans aucun regret, sans aucune nostalgie. Ces gens là je sais que je peux les quitter sans leur faire de mal...

Par contre, l'appui sur le bouton de commande c'est aussi l'adieu à ces visages qui m'aiment...

Alors j'irai quand même jusqu'au bout... Mais plus rien désormais ne fusera du « réacteur » dans ces « salles des machines » où tout est déjà « joué au quart de tour »...

Dans ce que j'appelle la « consensualité du monde », dans les rangs innombrables de tous ces gens qui « en sont » (implicitement ou parce que ça les arrange) je sais, oui je sais parce que je l'ai vu... Que certains de ces gens peuvent être des amis, des gens très intéressants et agréables même à fréquenter. Je peux dire que, de ces gens (que j'aime) il en est qui sont de ma famille et de mes proches.... Mais si je « vais jusqu'au bout », c'est pas pour eux. Je ne vais jusqu'au bout que pour un très petit nombre d'entre eux...

Sur le Net, je suis « virtuel » : je n'existe que sous un pseudo. Je ne suis donc que des mots, de l'écrit, et donc (peut-être)... De la littérature... De cette littérature par laquelle on peut tout dire, oser tout dire. L'écriture, la littérature, c'est peut-être aussi comme des radiotélescopes construits et installés sur des montagnes par des astronomes : les êtres d'ailleurs captent ou ne captent pas. Et s'ils captent ils peuvent aussi « zapper ».

 

Le terrier.

 

... Un terrier? ... c'est peut-être (dans mon idée) non pas le terrier auquel tout le monde pense c'est à dire le repaire lieu d'habitation d'un animal sauvage genre renard ou autre...
... Soit dit en passant, qu'est-ce que ça pue dans un terrier avec tous ces bouts de charogne et de carcasses broyées, entreposés dans la "poche buffet"...
... Mais plutôt : un réseau complexe et inextricable de galeries sous terre que des racines d'arbres coupent et recoupent... Des galeries veinées, pustuleuses et noueuses, criblées de chancres et de furoncles, étranglées par endroits, et qui se croisent et s'entrecroisent, se rejoignent, se séparent, se départagent... L'on croirait, en tant qu'explorateur muni d'une lampe frontale, avancer dans un boyau de baleine géante, un boyau sans fin, annelé et dont les parois (de terre, de roche, ou de structure inconnue) seraient griffées d'étranges hiéroglyphes... que l'explorateur aimerait bien déchiffrer.
Très curieusement et d'une manière totalement inexplicable scientifiquement, à l'intérieur de ces "tunnels", il n'y a pas d'obscurité mais au contraire une vive lumière comme en plein jour... Ainsi l'explorateur constate l'inutilité de sa lampe frontale...
Ce "terrier", cet immense terrier, est-il un tombeau, une prison, un monde... Ou même, oserais-je dire "une vie intérieure"? Nul ne le peut savoir... On dira ce que l'on dira et l'on croira ce que l'on croira!
Est-ce que cette très vive lumière, aussi vive que celle du jour à midi, a vraiment le pouvoir de rendre le terrier aussi accueillant que l'une de ces "terres promises" des écritures saintes des hommes?
Ne faut-il pas y être né... Et y mourir, après y avoir vécu, dans le "terrier" ... Pour le connaître vraiment?
Je sais seulement que tout explorateur, même s'il a emporté des bâtons de dynamite dans sa ceinture (et bien sûr la lampe frontale)... ressortira vivant du "terrier"...

 

... Dans mon idée, enfin dans l'idée qui me vient... L'explorateur (dont la lampe frontale d'ailleurs, est du dernier modèle technologique) est passé maître dans l'art de manier les explosifs : s'il avance, s'il chemine, s'il explore le terrier, avec toute la "consensualité du monde", l'esprit du monde auxquels il adhère, et peut-être une certaine condescendance... Avec des bâtons de dynamite serrés dans sa ceinture... Ce n'est pas, certainement pas, lui, pour se "suicider" (éventuellement) quelque part dans l'une des galeries du terrier... Il va faire sauter ces "points d'étranglement", ces "verrues" et ces "plaques de hiéroglyphes", il va blesser consciemment et en toute assurance ces parois de chair et de tripes éclairées selon lui d'une drôle de lumière... Et il ne va pas, lui, se blesser... Parce que c'est un "pro", un "qualifié", un "connaisseur", un détenteur de pouvoir, un "maître du monde" qui "fait le monde"... Alors ce "terrier", cet immense terrier éclairé d'une drôle de lumière (qui selon l'explorateur n'éclaire rien) n'est qu'un fatras, un labyrinthe de comédie, une imposture, une illusion... Et il se dit : "je vais tout faire sauter". Il le peut, il en a le pouvoir, il ne risque rien... Et il y aura une foule de spectateurs admiratifs pour assister au feu d'artifice de terre qui surgira...

CES SYMBOLES D'UNE CIVILISATION EN DECLIN

 

Une piscine privée représente dans mon esprit (telle qu'en font installer de nombreux propriétaires de maison principale ou secondaire) un symbole : c'est l'un (parmi d'autres dont la corrida avec mise à mort, le sport automobile de compétition et le safari dans la savane Africaine...) de ces symboles caractérisant "cette civilisation de merde" basée sur le profit personnel, une ambition démesurée et disproportionnée, un épouvantable narcissisme, des rêves orgueilleux (pour la réalisation desquels d'ailleurs peu de gens se donnent vraiment les moyens et n'ont pas ces moyens), la poursuite sans limite et stressante de buts matérialistes et égoïstes...
Plus le temps passe, et plus je vois tout ce que je vois autour de moi et dans le monde, et plus je me sens en rupture avec cette "civilisation de merde" d'une consensualité endimanchée, polie, mielleuse, ravageuse, excluante et ségrégative.
Il a des jours où un grand désespoir de gosse m'envahit au milieu de cette fête imbécile et cruelle, de tout ce tapage et de tout ce qui regorge dans les boutiques, les marchés, les grandes surfaces ; dans cette agitation pleine de violences, de trépidances autour de ces putains de dieux scélérats que sont le pognon, la performance, la rentabilité...
Alors je ferais bien comme l'enfant d'un certain petit conte dont je suis l'auteur : presser entre mes doigts le caillou et libérer la terrible et définitive force du "dragorek"...
... Mais je le dis et le redis : ce n'est pas le monde qu'en fait je veux délibérément détruire dans son ensemble (parce qu'il y existe dans ce monde, des êtres bons, humbles et forts qu'il ne faut pas entraîner dans le tourbillon d'une colère absolue et définitive)...
Ce que j'envisage de détruire c'est l'être en moi qui "s'existe pour rien" : uniquement cet être là, cet être dont la disparition ou l'inexistence ne fait aucune peine, ne pose aucun problème à un certain nombre de gens sur Terre...
Car ne plus exister, ne plus m'exister auprès et aux yeux de ces gens là, c'est pour moi une délivrance : enfin je ne les vois plus, enfin leur sourire et leur regard condescendants, leurs paroles acides ou sucrées, leur non réponse, leur indifférence ou leur mépris ou leur coup de bâton ne m'atteignent plus : pour eux je suis mort... Mort, oui, inexistant, mais d'une mort ou d'une inexistence lucide, sereine et délibérée...

LE SERPENT DE MER

 

Qu'est-ce que « avoir du talent », qu'est-ce que « avoir du coeur »? Qu'est-ce que le talent?

Faisons quelque concession si je puis dire, à la « consensualité du monde »...

Entrons donc dans des « critères de valeur », dans le « concret », le « mesurable », le « vécu », le réel »... Et éloignons nous de cette « dimension philosophique et réflexionnelle » qui fait de « avoir du talent » ou de « avoir du coeur » un « serpent de mer »...

... « Avoir du talent » c'est produire une oeuvre artistique ou littéraire « hors du commun » et d'une grande qualité.

... « Avoir du coeur » c'est être « bon », avec une belle âme, des émotions , du sentiment, s'efforcer de penser juste, voir au delà de ce qui paraît, et « aimer tout court et non pas seulement parce que... »

Pour « clarifier et bien préciser les choses » je vais dire ceci :

-Si tu as du talent mais pas de coeur, je vais reconnaître ton talent (si j'ai la capacité de le reconnaître) ; je vais ressentir le même émerveillement, la même émotion que devant un très beau paysage, une composition musicale, un tableau de peinture par exemple... Mais si je sais que tu n'as pas de coeur (à cause de ce que j'ai vécu et ressenti de toi et que d'autres personnes confirment) alors tu ne seras jamais pour moi un ami et encore moins un « maître »...

-Si tu as du coeur mais pas de talent, tu seras mon ami et je regretterai que tu n'aies pas de talent, et je me dirais qu'un jour tu auras peut-être du talent, que cela vaudrait le coup que tu aies du talent...

-Si tu as du coeur et du talent, tu es pour moi un être « intemporel » : tu n'as pas d'âge, pas de vieillesse, tu es un « monument »...

-Si tu n'as pas de coeur et pas de talent, alors j'ai envie de me dire « qu'est-ce que tu es venu faire sur Terre » (mais seulement quand j'entre à mon insu dans la « consensualité du monde » en criant ou grognant avec les loups ou les hyènes)...

... Mais je n'aime pas la « consensualité du monde » que je trouve aride, sans humanité, perverse, vaine et... terriblement emmerdante.

... Alors je me tourne par la « force des choses de ce monde » vers la dimension philosophique et réflexionnelle, vers le « serpent de mer », du côté de la « baleine blanche » : il y a à mon sens, de ce côté là, moins d'aridité, peut-être autant de vanité, sans doute peu de perversion, de grandes interrogations et une « émouvante humanité »...

LE VOILE ENCORE TRANSPARENT D'UNE BRUME NOIRE

Passer sa vie à écrire des livres que l'on publie, produire un site ou un blog, dialoguer sur les forums du net... Pour des personnes qui ont un environnement familial ou social inexistant ou très réduit, épisodique, sans consistance réelle ni stabilité... C'est vivre comme un voyageur qui marche sans être rattaché à une caravane. Les êtres de rencontre ou de passage ne sont alors pour ce voyageur que des interlocuteurs occasionnels qui eux, sont de quelque caravane.

Le plus essentiel de tous les environnements relationnels est celui de la famille, et par la famille, le lien générationnel. Ce lien là fonctionne comme un fil entre les êtres que ce fil relie. Et par le fil circulent les souvenirs, la mémoire de ce qui fut, la transmission orale ou écrite de l'information et des évènements concernant les personnes, la pensée, l'oeuvre accomplie, la volonté de durer et de devenir, le futur de l'être lui-même...

Lorsque disparaissent les anciens, il y a cette continuité générationnelle existant en ligne directe ou collatérale, par la descendance : les fils, les filles, les neuveux et nièces puis leurs enfants...

S'il n'y a pas de descendance, si la personne elle même ou son fils ou sa fille est le dernier maillon de la chaîne et demeure sa vie durant ce dernier maillon, alors le fil est coupé, et disparaît le plus essentiel de tous les environnements relationnels.

En l'absence d'environnement familial ou à l'extérieur d' un environnement familial très réduit ou recomposé ou disparate et qui de surcroît se délite, il peut exister cependant un environnement d'amis ou de connaissances proches constitué de personnes que l'on voit et revoit, presque comme dans une famille... Alors si cet environnement là existe, l'on peut considérer qu'il se substitue dans une certaine mesure à un environnement familial inexistant ou réduit ou dilué...

Beaucoup de gens en réalité n'ont pas ou n'ont plus d'environnement familial d'une part; mais n'ont pas non plus vraiment d'environnement social (amis proches, connaissances et relations durables)... Car ce qui relie les gens le plus souvent ne ressemble qu'à des croisements de chemins où l'on se dit bonjour, où l'on échange quelques propos, où l'on décide de faire deux ou trois kilomètres ensemble... Mais les pas des uns et des autres s'effacent peu à peu sur le chemin parcouru et l'on ne se retrouve plus... Ainsi se présente dans toute son aridité, la vie de celui ou celle dont l'environnement relationnel se délite : le voyageur est solitaire, rejoint une caravane puis une autre, mais les caravanes passent, s'étirent, se morcellent...

Lorsque se réduisent ou s'effacent les perspectives relationnelles, que certains êtres auprès desquels on a investi sa capacité affective, émotionnelle et spirituelle s'éloignent, et que passent les saisons puis les années ; il se forme alors comme une brume noire ne venant sous notre ciel au début, que sous l'apparence d'un voile transparent de poussière légère... Mais le voile s'opacifie peu à peu, la brume noire s'épaissit et devient avec le vieillissement de l'être, un brouillard de silence et de nuit... Et les souvenirs affluent, éclatent comme des fleurs d'automne dans une lumière de jour qui parvient encore à traverser le brouillard de nuit et de silence, puis viennent se briser sur une réalité abrupte et aride comme des vagues aux crêtes blanches sur une côte rocheuse...

Lorsque se réduisent ou s'effacent les perspectives relationnelles, que le chemin générationnel débouche comme au bord d'un haut plateau sur un abîme ; que tout ce que l'on peut transmettre de soi, de sa vie, de sa pensée, de ses émotions, n'est plus qu'un livre perdu dans les rayonnages d'une immense bibliothèque... Alors quel est le sens réel d'une oeuvre personnelle, littéraire ou artistique reconnue ou non reconnue?

Certains écrivains, peu à dire vrai... Ont, à un moment de leur vie, cessé d'écrire. Il y en a même qui ont détruit une partie de ce qu'ils ont produit, et sans aucun doute d'autres qui ont tout détruit... Pour d'autres raisons peut-être, que la disparition de perspectives relationnelles.

Les gens heureux ou qui croient être heureux, ceux qui ont dans la « consensualité du monde » des repères, des certitudes, des convictions, des relations... N'ont jamais, je crois, cette tragique lucidité qu'ont parfois les enfants qui ont commencé à penser trop tôt à cause de ce qu'ils ont vu et ressenti du monde...

Oui, je suis soucieux de la transmission de mes écrits... Et donc du passage dans les nouvelles et futures générations de ma famille... Et, accessoirement, de la transmission de mes écrits en dehors de ma famille.

Mais cette transmission est d'autant plus difficile que mes écrits évoluent et se démodent lorsque la situation vécue est ancienne et que la situation présente est différente.

Mon écriture évolue aussi dans sa forme et dans sa facture.

En relisant certains de mes « vieux écrits », je les trouve d'une facture un peu insuffisante.

L'idéal pour moi c'est d'arriver à produire un texte intemporel (qui ne vieillit pas, ne se démode pas, et peut être lu dans dix, vingt... ou un million d'années...)

Il faut nécessairement deux choses importantes :

-La première c'est la dimension de pensée et de réflexion, avec ce souffle puissant de l'esprit et du coeur, l'émotion, l'image, le sens, le ton, la force...

-La deuxième c'est le style, la facture, la qualité littéraire... Et personnelle, la «marque » de l'auteur en somme...

A mon sens si l'une de ces deux choses là existe sans l'autre, c'est incomplet, insuffisant et manque de crédibilité.

 

 

 

 

.. La famille? Tout un débat!
Je dirais que, dans la relation humaine en général c'est à dire toutes sortes de relations confondues, la relation familiale c'est la pire ou la meilleure de toutes les relations...
La meilleure? On ne se jette pas affectivement, émotionnellement, intellectuellement, entre proches, de la même manière que des gens qui s'aiment étant des "non proches" se jettent l'un sur l'autre ou les uns sur les autres... Il y a cette "fragance" (entre proches de même sang, de mêmes souvenirs, de mêmes situations et évènements vécus depuis l'enfance) qui intensifie, "émotionne", perpétue et renforce la relation... Un peu comme dans une meute animale soudée, organisée, solidaire, dont les membres se suivent à la trace, dans la fragance même de leurs traces...
La pire? Dans la famille, l'on s'y déchire et s'y déteste, et s 'y détruit, entre proches, plus qu'ailleurs... Il y a aussi cette brutalité, cette violence, cette oppression, ce conditionnement, cette autorité... Tout cela est invalidant et absolument dramatique... S'y ajoute parfois le délit incestueux (dans la mesure où l'acte sexuel entre proches n'a rien à voir avec une relation d'affection mais n'est plus qu'un désir violent et atrocement égoïste de l'un sur l'autre)...

... Si je suis heureux?
En tant qu'écrivain, que poète et penseur, oui!
Par cette sorte de connaissance en moi depuis mon enfance, qui n'est pas la connaissance dans la consensualité du monde, oui!
Dans le vécu, la relation familiale, la relation en dehors de la famille... C'est "autre chose"... Disons que c'est "cyclique" et très variable : ça va de "l'orgasme du coeur et de l'esprit vingt fois plus intense que l'acte d'amour... A la terrible crise d'hémorroïdes à en pleurer de douleur!

... Ce que je souhaite transmettre, c'est, par et au delà d'une "oeuvre littéraire ou artistique"... cette "connaissance" en moi depuis mon enfance et qui n'est pas la connaissance consensuelle du monde...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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