Juin 1983, un jour d'orage dans les Vosges, à la fin d'une promenade en vélo

... C'était durant la première semaine du mois de juin dans les Vosges, mon père était venu passer quelques jours chez moi et j'avais pris un congé (je travaillais alors à la Poste de Bruyères)...

 

... ça a débuté comme ça...

Nous revenions papa et moi, de Gérardmer, l'un derrière l'autre sur nos vélos, avec au dessus de nos têtes de gros nuages sombres et menaçants...

Au passage à niveau de Laveline devant Bruyères, alors que nous empruntions le chemin caillouteux longeant la voie ferrée (un raccourci), nous fûmes assaillis par une averse de grêle, un coup de vent furieux, et, tout proche de nous des éclairs...

Au bout de quelques minutes la grêle se fit pluie...

Il n'y avait à proximité aucun abri, nous étions trempés de la tête aux pieds...

Les éclairs se succédaient, encore plus proches de nous.

Papa me disait qu'il n'avait pas peur de mourir, je le voyais rire, son visage ruisselait...

Nous n'avancions pas bien vite sur ce chemin caillouteux dans l'emprise de la voie ferrée.

Enfin l'averse a cessé lorsque nous avons rejoint la petite route menant à ma maison.

Un petit élancement dans la poitrine... Mais papa n'en fit point cas... Il venait de descendre de vélo et me disait : "tu vois, Guy, quand on roule à vélo, de temps à autre ça fait du bien de marcher en poussant le vélo"...

ça a débuté comme ça, pour mon papa : un petit élancement dans la poitrine, un jour d'orage à la fin d'une promenade en vélo...

Sept mois plus tard, le 3 janvier 1984 il mourait...

Cela n'a rien à voir, comme dans "Voyage au bout de la nuit", avec le récit du commencement d'une vie, ce qui a débuté comme ça, pour papa...

 

... En me souvenant de ce retour de promenade en vélo avec mon père sous l'orage, je pensai à Louis Ferdinand Céline qui, au matin du 1er juillet 1961 après avoir peut-être donné à manger à ses chats, fait le tour de son jardin et monté le petit escalier devant l'entrée de sa maison ; s'était allongé et était mort subitement d'une rupture d'anévrisme...

Sa femme Lucette, qui n'avait pas voulu le déranger dans son repos (il faisait chaud et lourd ce matin là), ayant découvert son Ferdinand sans connaissance et réalisé qu'il était mort ; s'est peut-être dit (c'est ce que j'imagine) "ça débute comme ça la solitude"...

 

 

 

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