Paroles d'écrivains après le 7 janvier 2015

     Voici tout d'abord ce qu'a dit Michel Houellebecq dans un entretien publié par le quotidien italien Corriere della Sera, entretien dans lequel l'écrivain s'est revendiqué "irresponsable" comme l'hebdomadaire satirique.

"Rien ne sera plus comme avant", a estimé Michel Houellebecq après les attentats commis contre Charlie Hebdo le 7 janvier, et contre une épicerie casher le 9 janvier...

"Et si l'immense vague de soutien protège pour l'instant les trublions, ensuite je ne sais pas. Malgré la mobilisation historique, la situation ne va pas changer sur le fond. Nous allons redescendre sur terre. Oui j'ai peur, même si c'est difficile de se rendre compte de la situation. Cabu par exemple n'était pas conscient du risque. En lui se mêlaient l'esprit soixante-huitard et une vieille tradition de bouffe-curé. Il n'avait pas saisi que la question est aujourd'hui d'une autre nature. Nous sommes habitués à un certain niveau de liberté d'expression, et nous n'acceptons pas que les choses aient changées. Moi aussi je suis un peu comme ça, inconsciemment. Mais l'idée de la menace revient de temps en temps"...

L'écrivain précise que son rôle n'est pas d'aider à la cohésion sociale, et qu'il n'est pas instrumentalisable.

... On a tout à fait le droit de ne pas aimer Michel Houellebecq. On a donc le droit d'exprimer à sa manière pour quelle(s) raison(s) on n'aime pas Michel Houellebecq.

Je dis que je me "retrouve" dans le style, dans le ton, dans la "vision" de Michel Houellebecq, et qu'il est l'un de mes écrivains préférés de ce début de troisième millénaire. Mais Houellebecq n'est pas une religion.

La différence, l'une des différences qu'il y a entre Michel Houellebecq et moi, c'est que, pour Michel Houellebecq, l'espérance en un monde meilleur est très mince ; alors que pour moi, cette espérance aussi mince soit-elle, s'apparente à une lueur, une lueur pouvant devenir clarté et qui parvient à sécher les larmes.

... Voici ce que dit Christine Angot dans "Le monde des livres" de vendredi 16 janvier à propos de Michel Houellebecq :

"C'est pas le moment de chroniquer Houellebecq"...

Quand on m'a proposé, fin décembre, d'écrire sur Houellebecq, je n'ai pas voulu. Je n'avais pas envie de m'intéresser à lui, il ne s'intéresse pas au réel, qui est caché, invisible, enfoui, mais à la réalité visible, qu'il interprète, en fonction de sa mélancolie et en faisant appel à nos pulsions morbides, et ça je n'aime pas. .../...

.../... Houellebecq, lui, à partir du moment où il arrive à définir des types sociaux qu'il réduit à leur physique et à leur discours, ça lui suffit, il les promène dans son dispositif comme des Playmobil, et c'est tout, le bon vieil épicier tunisien de quartier (dans Soumission, son dernier livre).../...

.../... Dans ses livres, on est tous réduits à ça, à des choses. Ou à des animaux. A de la statistique sociologique. Mais on n'est pas obligé de s'y soumettre. On peut ne pas croire à cette religion là. Un grand écrivain, après s'être aperçu que l'observation ne l'amenait que là, se dit qu'il va tout abandonner parce que c'est trop compliqué. Ensuite il se relève. Il se demande ce qu'il y a derrière. Ce qu'il y a derrière la réalité visible c'est le réel. Et le réel c'est nous. Mais c'est le nous qu'on ne voit pas. Qui ne se trouve ni dans le miroir, ni sur l'écran, ni sur les réseaux sociaux et pourtant c'est nous.../...

.../... Houellebecq ne fait pas de différences fondamentales entre chien et humain, animalité et humanité, regard morne de l'animal et regard de souffrance de l'humain. L'humain n'a rien de spécial. Les droits de l'homme pourraient être les droits du chien. Tout cela, selon un raisonnement qui se présente comme imparable, calme, et surtout : intelligent. Mais d'une intelligence qui se trouverait au dessus de l'intelligence. "

... L'on a dit, de Christine Angot, de ses romans... "Qu'elle écrit comme un pied". C'est ce que j'ai moi même pensé lorsque j'ai essayé de lire d'elle, l'un de ses livres... Parce que "je ne m'y retrouvais pas" dans son style, dans sa manière d'écrire... Mais quand je dis "je ne m'y retrouve pas", en fait je veux dire que le style, que l'écriture de Christine Angot dans le roman dont j'ai lu quelques pages, me déroutait...

"Elle écrit comme un pied"... Soit... Et alors ?

... De François Morel, dont le dernier ouvrage paru est "Meuh !" (Les belles lettres/Archambaud, 2014) :

.../... "Il y a le rire. Le rire pour ne pas mourir. Le rire pour ne pas baisser les bras. Le rire pour se battre contre l'obscurantisme, la bigoterie, la connerie. Le rire pour défendre joyeusement ces notions qu'on ne doit jamais perdre de vue et qui sont sur les frontons de nos bâtiments officiels et insolemment mises en avant chaque semaine par les dessinateurs et les rédacteurs de Charlie Hebdo : Liberté, Egalité, Fraternité."

... "Ce que phobie veut dire", par Olivier Rolin, dont le dernier ouvrage paru est "Le Météorologue" (Seuil, 2014) :

.../... "Islamophobie.../... Un peu de philologie élémentaire est peut-être utile. Phobos, en grec, veut dire crainte, pas haine (misos). Si ce mot a un sens, ce n'est donc pas celui de haine des musulmans, qui serait déplorable en effet, mais celui de crainte de l'Islam. Alors, ce serait une grande faute d'avoir peur de l'Islam? .../...

.../... J'aimerais qu'on me dise où, dans quel pays, l'islam établi respecte les libertés d'opinion, d'expression, de croyance, où il admet qu'une femme est l'égale d'un homme".

... La haine, cependant, cette haine que les intégristes les plus radicaux de toutes les religions voudraient bien que nous, croyants "modérés" ou non croyants, on ait à l'égard des minorités "dérangeantes" sinon même à l'égard de l'ensemble des adeptes d'une religion en particulier ; cette haine est bien là, présente, partout dans le monde là où manifestent dans la violence les intégristes radicaux avec les foules galvanisées qu'ils entraînent (foules soit dit en passant, qui dans leur ensemble sont pour l'essentiel composées de gens se prétendant ou se croyant "modérés"). Que faut-il attendre de tout cela ? Faut-il que nos caricaturistes, faut-il que nos trublions se taisent et renoncent à la liberté qu'ils prennent? Au rire qu'ils ont et qu'ils veulent partager avec ceux qui, avec eux, rient aussi ?

... "Peser ses mots", par Jacuta Alicavazovic, dont le dernier ouvrage paru est "La Blonde et le Bunker" (L'Olivier, 2012) :

.../... "Il me paraît crucial que l'écrit puisse demeurer cet endroit où l'on a toute latitude de peser ses mots. Où chacun est libre de se poser la question de l'utilité collective de son expression personnelle".

... Il y a à mon sens, dans la perspective d'une utilité collective de son expression personnelle, dans le contenu même de la question de l'utilité collective de son expression personnelle... Ce qui, tout ce qui, exprimé de telle ou de telle façon, nous touche et nous relie tous, aussi seuls, aussi singuliers, aussi engagés, aussi silencieux ou non, que l'on soit...

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