"N'ayez pas peur du bonheur, il n'existe pas"

Une citation de Michel Houellebecq...

... Dans "la poursuite du bonheur", éditions "La différence" 1992

"Compte tenu des caractéristiques de l'époque moderne, l'amour ne peut plus guère se manifester, mais l'idéal de l'amour n'a pas diminué. Étant, comme tout idéal, fondamentalement hors du temps, il ne saurait ni diminuer ni disparaître.

Une fois que vous aurez développé un concept de l'amour suffisamment idéal, suffisamment noble et parfait, vous êtes fichu. Rien ne pourra désormais vous suffire.

Pourtant, vous devez rester vivant -au moins un certain temps.

À mesure que vous approchez de la vérité, votre solitude augmente. Le bâtiment est splendide mais désert...

Parfois vous vous mettez à pleurer tant la netteté de la vision est cruelle. Vous aimeriez retourner en arrière, dans les brumes de l'inconnaissance, mais au fond vous savez qu'il est déjà trop tard".

"N'ayez pas peur du bonheur, il n'existe pas".

... L'époque moderne -on va dire en gros (pour ma part) depuis 2008, est une bien drôle d'époque : il semble que le pire y soit plus possible, plus prévisible, que le meilleur... Et que les humains se déshumanisent...

Si effectivement, l'amour ne se manifeste plus -parce qu'il se laisse remplacer par ce que j'appelle "l'ennemour"- il n'en demeure pas moins que, tout comme l'existence d'un "paradis originel" évoqué par Frantz Kafka, qui "n'aurait pas pour autant été effacé" ; l'idéal de l'amour et de la relation, n'a pas lui aussi, diminué pour autant...

Ce que Frantz Kafka appelle "paradis originel", et cet idéal de l'amour et de la relation, et qui sont "une seule et même chose" en fait, est intemporel...

Développer en soi et essayer de développer autour de soi, un concept de l'amour -et de la relation- "le plus noble possible" en supposant que l'on va y parvenir et le faire partager autour de soi, c'est prendre le risque de faire comme Icare dont les ailes ont brûlé quand il s'est trop approché du soleil (et aussi les ailes des compagnons d'Icare)...

Il faut donc "demeurer vivant"... C'est à dire " être Icare sans ailes mais avec une âme, un esprit forts" autrement dit demeurer un humain...

La "vérité", au fond, c'est peut-être comme un meuble très vaste, très haut, avec de très nombreux tiroirs, ces tiroirs symbolisant on va dire, des "questions"... Des questions il y en a à l'infini...

À mesure que viennent, se superposent, s'entrechoquent, se mélangent, se diversifient, se reproduisent et se multiplient les questions... Et que ces questions, on les évoque, on les dit, on les dessine, et si l'on peut on les partage avec son prochain... Alors la solitude qui dans un premier temps ne cessait d'augmenter, devient moins "difficile", moins "désertique"... Et "le bâtiment" s'il n'est pas "splendide", s'il n'est pas éblouissant à crever les yeux", se révèle "habitable" -je ne veux pas dire "confortable".

C'est vrai que la netteté de la vision (de la réalité telle qu'elle se présente, violente, brutale, crue et nue) est cruelle et qu'elle fait pleurer, qu'elle désespère, qu'elle donne envie de "faire le dragorek" (c'est à dire de tout détruire à jamais sans laisser de trace)... Et que l'on aimerait (il vient alors une sorte de nostalgie très profonde, très enracinée en soi) "revenir à ces temps d'origine, de paradis, de pureté, d'innocence, et d'inconnaissance"...

Mais le temps qui est, le temps qui est "à ce moment là et pas à un autre" (et donc le temps qui fut il y a on va dire un milliard d'années, tout comme le temps qui sera dans un milliard d'années... ce temps n'existe qu'une seule fois... Et par rapport à ce temps, c'est -ou trop tard- ou trop tôt.

"N'ayez pas peur du bonheur, il n'existe pas"... C'est de la lumière, de l'ombre, du contraste, des couleurs, de la vie, de l'énergie, de "l'âme" on va dire (ou du ciel en soi), du vent, des nuages, de la pluie, de la grêle, des tornades, du paysage... Et tout cela dans "un seul tableau, une seule grande fresque géante"... qui existe en soi... Et c'est peut-être mieux que ce "bonheur" qu'on veut à tout prix faire exister, et qui n'existe pas...

S'il devait exister, ce "bonheur", alors j'en aurai effectivement très peur, car il me ferait "mourir de mon vivant", et-à fortiori- "mourir pour toujours dans la mort"...

le bonheur

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