Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre

Au revoir la hautLemaitre

Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre

 

Prix Concourt 2013

Livre de poche, roman, éditions Albin Michel

620 pages

 

L'auteur

 

Pierre Lemaitre est un romancier et un scénariste français né le 19 avril 1951, de parents employés, autant dire "de condition modeste", ce qui déjà à notre époque, le différencie de tant d'autres écrivains issus de milieux aisés...

Après une formation de psychologue, il accomplit une grande partie de sa carrière dans la formation professionnelle des adultes, par un enseignement qui s'articule sur la communication et sur la culture générale.

Puis il se consacre à l'écriture en tant que romancier et scénariste et vit de son travail d'écrivain depuis 2006.

Dans un premier roman "Travail soigné", il rend hommage à ses maîtres.

Dans un deuxième roman "Robe de marié", il raconte l'histoire de Sophie, une trentenaire démente qui devient une criminelle en série ne se souvenant jamais de ses meurtres. Ce roman est un exercice d'admiration de l'art Hitchcockien...

 

Au revoir là haut

 

Publié en Août 2013, marque un important changement dans son oeuvre, en ce sens que Pierre Lemaitre délaisse le genre policier pour signer cette fois un roman "picaresque" (récit sur le mode autobiographique de l'histoire d'un personnage qui vit en marge de la société et à ses dépens).

 

Rescapés du premier conflit mondial, détruits par une guerre vaine et barbare, Albert et Edouard comprennent rapidement que le pays ne pourra rien faire pour eux. Car la France, qui glorifie ses morts, est impuissante à aider les survivants.

Abandonnés, condamnés à l'exclusion, les deux amis refusent pourtant de céder à l'amertume ou au découragement. Défiant la société, l'Etat et la morale patriotique, ils imaginent une arnaque d'envergure nationale, d'une audace inouïe et d'un cynisme absolu.

 

... Tel est le résumé du livre en 4ème de couverture.

 

Extraits

 

Page 40 :

 

Le lieutenant d'Aulnay-Pradelle, homme décidé, sauvage et primitif, courait sur le champ de bataille en direction des lignes ennemies avec une détermination de taureau. .../...

Ce n'était pas qu'il fût spécialement héroïque, mais il avait acquis très vite la conviction qu'il ne mourrait pas ici. Il en était certain, cette guerre n'étant pas destinée à le tuer, mais à lui offrir des opportunités.

 

Page 248 :

 

Pour Henri (d'Aulnay-Pradelle), le monde se partageait en deux catégories : les bêtes de somme, condamnées à travailler dur, aveuglément, jusqu'au bout, à vivre au jour le jour, et les créatures d'élite à qui tout était dû. A cause de leur "coefficient personnel". Henri adorait cette expression qu'il avait lue un jour dans un rapport militaire, et il l'avait adoptée.

 

... Petite reflexion personnelle de ma part : "c'est cette vision du monde que partagent -soit dit en passant- dans une concurrence féroce, bien des gens à notre époque".

 

Page 419 :

 

.../... On inhumait des milliers de soldats français dans des cercueils trop petits. .../... Pour les faire entrer, il fallait briser des nuques, scier des pieds, casser des chevilles.../... le personnel en était réduit à fracasser les os du tranchant de la pelle.../... il n'était pas rare qu'on ne puisse faire tenir les restes des hommes trop grands dans ces cercueils trop petits, qu'on y entassait alors ce qu'on pouvait et qu'on déversait les surplus dans un cercueil servant de poubelle, qu'une fois plein on refermait avec la mention "soldat non identifié"...

 

Page 519 :

 

.../... Les cercueils trop petits, le personnel incompétant, avide.../... Et la difficulté de la tache aussi ! .../... Des Boches dans des sépultures françaises, des cercueils remplis de terre, des petits trafics sur place, il y avait eu des rapports, il avait cru bien faire en proposant un peu d'argent au fonctionnaire, une maladresse bien sûr, mais enfin...

 

Mon avis

 

Il ne nous vient pas à l'idée lors de la visite d'un cimetière des morts de la Grande Guerre, qu'en dessous de la croix blanche sur laquelle est gravé le nom du soldat mort pour la France, avec son année de naissance, l'année de sa mort et son numéro matricule... Qu'en dessous dans la terre, il n'y a... rien d'autre que de la terre, ou des restes qui ne sont pas ceux du soldat dont on lit le nom sur la plaque...

Cette arnaque d'une envergure nationale, d'une audace inouïe et d'un cynisme absolu, qui consiste en gros, en la vente sur catalogue de monuments aux morts, des monuments dessinés par Edouard, un type défiguré sans mâchoire inférieure, sans langue et dont on voit la gorge ouverte et béante bordée de bourrelets de chair, qui fume des cigarettes par une narine et ne peut absorber que de la nourriture liquéfiée par un tuyau enfoncé dans l'oesophage... Et qui porte des masques qu'il se fabrique lui-même... Cette arnaque donc, imaginée par Edouard et par son ami Albert, n'est pas plus scandaleuse, plus cynique, que tous ces trafics de sépultures organisés par des gens tels que ce lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle et que ces personnages haut placés dans les ministères, impliqués dans ces trafics et ayant gagné beaucoup d'argent...

Nous sommes là, avec ce livre, dans un récit cruel et sombre mais surtout dans une réalité qui a été méconnue...

Une réalité soit dit en passant, que la société, que l'Etat, de nos jours comme il y a cent ans juste après cette guerre de 14-18, recouvrent d'une chape d'hypocrisie, de mensonges et de morale consensuelle.

Cette réalité c'est bien, encore et toujours, celle de tous ces trafics, de toutes ces arnaques qui s'organisent à grande échelle autour de nos besoins, de nos rêves, de nos aspirations, dans les domaines de l'alimentation, de la culture, des loisirs, autour de tout ce qui fait partie de notre vie, auquel on tient, auquel on est attaché et qui est exploité avec le plus grand cynisme, par des personnages qui profitent et décident...

 

 

au revoir là-haut

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