Anéantir, de Michel Houellebecq

Aneantir

… « Dès qu’on commence à réfléchir ça va toujours dans le même sens, pas seulement sur le plan sentimental d’ailleurs, la réflexion et la vie sont tout simplement incompatibles. »

 

Sur le plan sentimental, réfléchir est oui, possible, mais à mesure que se poursuit la réflexion, ce sur quoi la réflexion s’articule, par exemple sur de l’empathie que l’on éprouve pour une personne en particulier ; la réflexion alors, perd une grande partie de son sens, sinon même jusqu’ à la quasi totalité de son sens, puisqu’elle se fait dans un imaginaire, dans une « vie en soi » que l’on porte et dont on dépend…

Il en est de même dans tous les autres domaines de la vie : la réflexion est dépendante d’un imaginaire, d’une vie intérieure portée en soi, et à cela s’ajoute tout ce qui vient d’en dehors de nous, qui nous influence.

Ainsi la vie réelle telle qu’elle est, à l’état brut, n’est donc pas compatible avec la réflexion que l’on se fait en soi, des choses et des êtres tels que l’on les perçoit… Elle ne pourrait l’être, compatible, la vie réelle, avec la réflexion, que si la réflexion pouvait s’accomplir libérée de toute influence, de toute apparence, de toute vie intérieure portée en soi… Mais alors, de quelle « réflexion » pourrait – il bien s’agir ? Peut-être une « réflexion animale » telle que pourrait l’exprimer – par ses yeux, par son comportement - un être non humain, des choses et des êtres vivants qui l’entourent…

 

Anéantir est un roman sur le thème d’un monde en déclin, sombre et tragique ; mais dans lequel cependant surgissent des moments de grâce et de bonheur…

L’une des vocations – si l’on peut dire – de la littérature, du roman en particulier, de l’écriture, de la poésie, et plus généralement de toute expression artistique (peinture, dessin, sculpture, photographie…) est de restituer l’expérience humaine dans ce qu’est cette expérience durant la traversée de l’existence, mais de présenter une restitution dans ce qu’il y a d’unique en chacun des personnages réels ou fictifs, de drôle, de tragique, d’inaccompli quoi qu’il soit réalisé… Tout cela, autant que possible sur une note parfois intentionnellement accentuée, d’humour et – ou – de dérision…

 

Michel Houellebecq est un auteur au sujet duquel les avis sont très partagés. Pour ma part, je partage autant les avis de ses détracteurs que les avis de ses adeptes et fidèles lecteurs. Il est l’un des rares auteurs dont j’ai lu par exemple 4 livres sur 5, je crois même que je les ai tous lus, les livres de Michel Houellebecq – je n’en dis pas plus…

Ce sont ses formulations, « bien à lui » qui m’interpellent ; oui j’adhère à son écriture (même si je ne place pas son écriture au « pinacle » du fait de « quelques abstractions et lourdeurs »)…

 

Un extrait :

 

"Ils avaient décidément merdé, se dit-il, ils avaient collectivement merdé quelque part. A quoi bon installer la 5G si l'on n'arrivait plus à accomplir les gestes essentiels, ceux qui permettent à l'espèce humaine de se reproduire, ceux qui permettent aussi, parfois, d'être heureux. Il redevenait capable de penser, sa réflexion prenait même un tour presque philosophique, constata-t-il avec dégoût. A moins que tout cela ne relève de la biologie, ou de rien du tout, il allait retourner se coucher finalement, c'était la seule chose à faire, sa réflexion était condamnée à tourner à vide, il se sentait comme une boîte de bière écrasée sous les pieds d'un hooligan britannique, ou comme un bifteck abandonné dans le compartiment légumes d'un réfrigérateur bas de gamme, enfin il ne se sentait pas très bien." ("Anéantir", page 367)


 

 

 

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