vécu

  • Le vécu à vingt ans de distance

    … De ce vécu au quotidien qui fut le nôtre à telle époque, il y a vingt ans, en tel lieu, lorsque nous exercions telle activité, en compagnie de telle ou telle personne… De ce vécu au quotidien où nous nous sommes trouvés dans des situations difficiles , quel regard peut-on porter aujourd’hui, de ce qui n’est plus que souvenir et que vingt années ont enseveli, dédramatisant ce qui à l’époque nous fut si pénible, si inconfortable à vivre ?

    Et ces personnes que nous avons connues, avec lesquelles nous avons été en contact dans l’exercice de notre activité à l’époque en tel lieu, que sont-elles devenues vingt ans plus tard, se souviennent-elles et si elles se souviennent, comment se souviennent-elles et quel regard portent-elles ?

    Dans un récit autobiographique, de souvenirs et d’anecdotes, ce qui s’est passé, ce que l’on a vécu il y a vingt ans ; si l’on s’en souvient dans le détail et si l’on peut l’écrire, le raconter ; dans la manière et dans la forme où l’on évoque les événements, les situations, les personnages ; intervient forcément ce “recul”, comme depuis un point où l’on se tient et duquel on aperçoit ce qui se situe au loin… Et par le “recul” nous vient la vision que nous avons présentement, de ce qui fut, de ce qui s’est éprouvé… Une vision forcément impactée par la distance de temps parcourue – et par ce qui s’est passé dans le temps de la distance parcourue…

    Vingt ans, ce n’est peut-être pas assez long pour envisager dans un récit autobiographique, de témoignage, d’anecdote ; de nommer précisément et réellement les personnes que l’on a connues et avec lesquelles on a exercé ensemble une activité… Au bout de vingt ans les unes peuvent être mortes (notamment si ces personnes à l’époque, étaient nos aînées) mais les autres sont vivantes (dont nous ne savons pas ce qu’elles sont devenues) – vivantes et âgées comme nous mêmes de vingt ans de plus…

    Mais il faut dire aussi que, vingt ans, ou seulement dix ans, cinq ans… Lorsque les personnages évoqués sont des gens que l’on a vraiment aimés, appréciés ; il est alors plus aisé, plus “envisageable” de les nommer précisément, et de leur donner le rôle principal – et de n’être, soi- même, en fait, que le narrateur… Un narrateur cependant, pouvant dans le récit, se mettre en scène dans une action, une réplique…

    En revanche lorsque les personnages évoqués sont des gens “qui nous ont donné du fil à retordre” et avec lesquels nous avons été en désaccord, avec lesquels on ne s’est guère trop senti “en phase”… Il est beaucoup moins aisé, moins envisageable, dans un récit autobiographique, de les nommer précisément…

    L’ “astuce” – si ç’en est une – consiste alors à produire un récit d’ “autofiction” avec des personnages fictifs mais représentatifs des gens que l’on a connus à l’époque…

    Encore faut-il que dans le récit, outre les personnages fictifs, les lieux, les décors (ou les environnements) soient eux aussi, fictifs…

    Par la littérature, la poésie, le dessin ; par tout ce qui est production artistique, on peut tout dire, tout confier, tout exprimer… Jusqu’à l’indicible si l’on y arrive…

    Par la littérature (l’écriture) on va dire que c’est “un bon biais”…

    Mais sans doute pas par des “journaux intimes” à la vue de tout un chacun, ni par des “story’s” sur Facebook…

     

  • Le révolu ne "ressuscite" jamais

    ... Que reste-t-il de ce que fut notre vie, il y a 10, 20, 30 ans ? ...

    De notre vie quotidienne d'alors, des relations, des connaissances de ce temps là, dans notre activité professionnelle, entre autres activités ?

    De tout ce que nous avons exprimé, réalisé, partagé, dans l'environnement où nous nous trouvions, celui du travail avec les collègues, celui de l'endroit où nous vivions; celui de là où nous passions nos vacances une fois l'an...

    C'était en ces années 1990, 2000/2005... Et ce que nous avons "couché sur le papier" ou pris en photo en ce temps là, "pris sur le vif" et dans la réalité du moment, dans l' "atmosphère" du moment, avec les mots du moment, avec l'impact que ces mots dits ou écrits ont eu dans le moment et dans le temps qui a suivi ce moment dans l'environnement de relation de ce moment... Qu'en reste-t-il, du fait que ce qui rendait actuel ce qui était exprimé, réalisé, dit ou écrit ou pris en photo et partagé, a forcément dans l'actualité d'aujourd'hui de notre vie, perdu toute cette actualité qui était celle de la vie que nous vivions il y a 10, 20,30 ans à tel endroit, avec telles personnes amis connaissances collègues de travail à telle époque ?

    C'était alors, ces jours là, ces années là, comme si tout le temps vécu se situait sur un même plan, une sorte de "paysage" sans durée définie d'existence et traversé, parcouru avec en nous le sentiment -ou l'impression- que demain, après demain, l'an prochain et peut-être même pour toujours- l'illusion allant jusque là- le paysage ne changerait jamais...

     

    ... 10, 20, 30 ans après il ne reste que des souvenirs...

    Des souvenirs et de la nostalgie...

    Ce qui est révolu ne "ressuscite" jamais...

    Le révolu, ce sont tous ces gens que l'on a connus et avec lesquels on a passé des moments heureux ou moins heureux, avec lesquels on a partagé, exprimé, vécu ensemble "des choses"... Des moments qui ont fait un temps, cette sorte de "paysage" qui devait toujours durer...

    Tous ces gens en particulier il faut dire... Que nous n'avons plus vus, une fois passé de l'autre côté du paysage et que les kilomètres se sont succédé...

    Bon c'est vrai, il y en a tout de même quelques uns, de ces gens, qu'on voit encore...

    Je ne parle pas de ceux qui sont morts...

     

    ... Je pensais qu'avec Google et les moteurs de recherche sur Internet, en inscrivant le nom de telle ou telle personne -perdue de vue ou dont on se souvient, qu'on aimerait bien savoir ce qu'elle devient- qu'on peut retrouver facilement cette personne : c'est effectivement assez souvent le cas... Mais... Encore faut-il vouloir retrouver, avoir la curiosité de savoir ce qu'est devenue cette personne, si elle vit encore et où , et ce qu'elle fait dans sa vie qui peut être visible...

     

    Qui en effet, ne laisse point de trace maintenant, sur internet, même sans être sur Facebook ou poster un commentaire dans un forum ?

     

    ... L'écriture récit ou anecdote de ce qui fut, de ce qui à telle ou telle époque a existé et a fait le "paysage", ce "paysage" qui nous semblait alors infini et le seul existant... Est-elle pertinente, a-t-elle un impact et lequel et auprès de qui ? ...

    Dans l'actualité qui est celle du vécu d'aujourd'hui, le vécu de ce qui fut n'a de réalité que celle que la mémoire restitue -pour autant que la restitution soit exactement conforme à ce qui a été, et non un arrangement idéalisé...

    Le lecteur du récit ou de l'anecdote, tout comme l'auteur, est lui aussi confronté à ses propres souvenirs, à ce que sa mémoire lui restitue... Et ce que la mémoire restitue à l'un et à l'autre, est un "paysage" différent (qui, parfois, est ressemblant")...

    Aussi la pertinence et l'impact, de l'écriture de ce qui fut, dépendent-elles du rapport qui s'établit entre ce que restitue la mémoire de part et d'autre...

    Mais il n'est pas sûr que le rapport s'établisse sur la ressemblance qu'il peut y avoir entre les "paysages"...