trois visages

  • TROIS VISAGES, film de Jafar Panahi

    ... Une acrice Iranienne, Behnaz Jafari, reçoit sur son téléphone portable, une vidéo troublante d'une jeune fille implorant son aide afin d'échapper à sa famille conservatrice...

    Behnaz Jafari demande alors à son ami, le réalisateur Jafar Panahi, de l'aider à comprendre s'il n'y a pas eu là, avec l'envoi de cette vidéo, une manipulation (du pouvoir, des autorités)...

    Ce qui est fort possible dans un environnement social et politique de contrainte, de censure, de désinformation planifiée, qui règne en Iran depuis la révolution Islamique de 1979...

    L'actrice et son ami prennent la route en direction du village de la jeune fille, village situé dans l'une des vallées des montagnes reculées du Nord Ouest où les traditions ancestrales continuent de dicter la vie locale.

    Au début du film, l'on voit le déroulé d'une vidéo macabre (d'une authenticité incertaine, est-il suggéré) : une jeune fille inconnue que son père empêche de faire du théâtre, désespérée, se pend après avoir, sur son téléphone portable, appelé à l'aide l'actrice...

    L'on retrouve là, dans ce film, l'un des thèmes du cinéma Iranien moderne, depuis 1979 : un mélange, à plus vrai dire sans doute, une ambiguïté entre la fiction et la réalité...

     

    ... Les paysages, en fait la géographie, ici dans cette partie du monde entre le Moyen Orient et l'Asie... Est totalement différente de tout ce que l'on peut voir en Europe entre l'Atlantique et l'Oural ainsi que de la mer Baltique jusqu'à la Méditérranée...

    Il est intéressant d'observer que toutes ces vallées de cette région montagneuse du Nord Ouest de l'Iran, ont de nombreux villages dispersés, ce qui montre que nous sommes là dans une économie, une agriculture, un artisanat, en marge si l'on peut dire, de l'économie mondialisée, avec des productions locales, des exploitations familiales (mais néanmoins on voit bien avec l'électricité, le téléphone portable, les voitures, les objets, mobiliers et équipements dans les maisons, que le monde "à l'occidentale" que nous connaissons dans sa modernité et dans ses technologies et équipements et produits , n'est pas très loin)...

     

    ... Mon impression, ce que j'ai surtout ressenti en voyant ce film ; c'est qu'il me semblait voir deux faces très différentes l'une de l'autre d'un même monde... Un peu, en quelque sorte, comme deux hémisphères d'une boule de verre, une moitié bleue l'autre moitié verte avec dans chacune des moitiés leurs contenus, leurs figures, leurs formes...

    La Terre toute entière, en dépit de sa diversité géographique a partout, finalement les mêmes gens, tous des êtres humains avec les mêmes besoins élémentaires, de se nourrir, de se vêtir, de se protéger, de se loger, de se déplacer, d'avoir une activité...

    Cependant, nous avons bien d'un côté sur la Terre, le côté où nous "Occidentaux" (Européens, Nord Américains) nous nous trouvons... Et l'autre côté, le côté où "les autres" donc les "non occidentaux" se trouvent... En somme deux histoires, deux passés, deux civilisations, deux modes de relation, deux cultures, deux sociétés, tout cela différent...

    Mais en fait, en réalité, il n'y a pas "deux" (mondes) mais dans chacun des deux mondes, des mondes différents (comme dans chaque moitié verte ou bleue de la boule de verre, des figures, des lignes, des formes, des contenus de diverses nuances de bleu ou de vert)...

     

    ... Selon que l'on se trouve situé, en France, en Europe, en Amérique du Nord (du côté bleu de la boule pour employer l'image de la boule aux deux hémisphères) ... Ou en Iran, Irak, Syrie, Egypte, Afghanistan, Pakistan, Inde, Chine... (du côté vert de la boule)... Notre regard n'est pas le même parce que notre culture, notre histoire, ne sont pas les mêmes... Et que nous ne voyons qu'avec les yeux qui voient ce qu'ils voient devant eux... Et que "pour arranger ou compliquer les choses", notre regard est conditionné, et que ce que nous voyons est déformé...

    Car il y a une carastéristique commune aux "deux mondes" : la déformation de ce qui se présente à notre vue... Ou l'angle sous lequel nous est présenté ce que l'on voit...

    Il y a cette question du pourquoi et du comment...

    Le fil est long, très long à dérouler, les noeuds sont complexes et difficiles à défaire, de telle sorte qu'à un certain moment, excédés ou impatients et crispés que nous sommes, nous rompons le fil...

    Au bout, tout au bout, à l'extrémité du fil, il y a comme une "chevelure" de fils, une "chevelure" dont chaque fil si ténu, et donc invisible, aboutit à une sorte de source, en fait à plusieurs sources qui doivent bien finir par se rejoindre d'une manière ou d'une autre en une même source, une même origine... Un "point zéro" que l'on ne peut atteindre, dont on ne peut qu'indéfiniment s'approcher si l'on parvenait, à force de dérouler le fil en arrivant à défaire les noeuds les uns après les autres, jusque dans la "chevelure extrémité" des innombrables fils ténus et invisibles...

     

    ... C'est vrai : nous occidentaux, avec notre culture, notre histoire, notre mode de vie et de relation, notre "vision du monde" (je pense en particulier à ce que nous pensons, beaucoup d'entre nous, de la condition de la femme dans la société) ... A la vue de ces femmes couvertes de la tête aux pieds, de ces jeunes filles qui ne vont pas à l'école et qu'on empêche de devenir des artistes, de faire du théâtre ou du cinéma, de devenir des écrivains... A la vue aussi, de ces petites filles excisées du fait de coutumes ancestrales... On crie "horreur" ! (Et comment, en effet, ne pas être horrifiés)…

    ... Et "eux" (les autres, ceux d'une culture et d'une histoire différentes) comment voient-ils notre monde "à l'occidentale", sinon il faut tout de même le dire, selon ce que notre civilisation a produit et qui n'a pas loin s'en faut, rendu plus belle, ou meilleure, leur vie ?

     

    ... Pour conclure je dis ceci : le drame de notre monde, c'est pas d'être "comme coupé en deux", c'est d'être sans cesse en crispations et de croire qu'on va réformer un "ordre des choses" par des "leçons de morale avec au bout des mitraillettes" -pour les uns- ... Ou en faisant des "Jihad avec des kalachnikovs"-pour les autres- (enfin certains de ces autres)...