souvenirs

  • Le film des souvenirs

    … Dans le film des souvenirs qui parfois se déroule – en accéléré, sans ordre chronologique, en diverses séquences pêle-mêle – me viennent en tête les visages des personnes que j’ai connues durant ma vie, depuis mon enfance, et qui aujourd’hui, pour certaines d’entre elles de ces personnes, ont soit disparu (mortes), soit – comme je dis à ma façon - « ont cessé d’être de mon cosmos » du fait de « quelque fracture relationnelle »…

     

    Oui, je vous ai aimé(e)s, vous m’avez aimé, ou je vous ai leurré, je vous ai déçu, je vous ai été infidèle, ou vous m’avez trouvé « bassinant », vous m’avez « zappé », vous m’avez quelque fois gratifié d’un bon coup de pied au derrière, vous avez infirmé mes propos, vous m’avez banni, je vous ai choqué, désagréablement surpris, vous n’avez pas cru possible que je puisse dire ou écrire ceci ou cela, le penser, l’exprimer ; il y a eu « mal donne », confusion, interprétation dans un sens ou dans un autre, erreur -ou l’erreur avait un petit air de vérité, comme le ver minuscule dans un fromage corse – on s’est mépris, alors on a « fracturé » on s’est plus vu…

     

    Visages oui, dont je me souviens (bon c’est vrai, sur les forums c’étaient, les visages, des « avatars »)… Ça m’a toujours déconvenu, les avatars (et les pseudos, surtout du genre « qui en jette »)…

    Visages sur lesquels je puis encore, après tant d’années, mettre un nom et un prénom (mais pas tous loin s’en faut, ma mémoire étant visuelle, les prénoms et les noms je ne les retrouve plus)…

     

    Ce qui est sûr, absolument sûr et certain jusqu’à la fin de mes jours sauf alzheimer, vos visages, chacun de vos visages, telle ou telle situation vécue de quelque nature qu’elle ait été, ce que vous fûtes, ce qui nous a lié, relié ou défait… Ça restera ineffacé, indécoloré…

    Disparu(e)s « par sortie de mon cosmos » (sortie avec perte et fracas) même depuis longtemps (plusieurs années), il m’est arrivé de vous rechercher sur la Toile (moteurs de recherche, Facebook pour voir si vous avez oui ou non une page)… Savoir ce que vous étiez devenu(e)s…

     

    Les « fractures relationnelles » (qui, il faut bien le dire, ne sont jamais ouvertes et causées par un seul acteur sur les deux – autant dire par chacun des deux mais dans une proportion variable) sont toujours des expériences « assez difficiles à gérer » …

     

     

     

  • Les mots qui n'ont pas été dits

    … Les paroles qui n’ont pas été dites, de tout le vivant de chaque personne, par les autres, en particulier des proches et des amis, à celui ou celle avec qui on a vécu, que l’on a connu ; parfois durant des années… Font dans les cercueils, des morts dont la pesanteur exerce sur les accompagnants au moment des obsèques, une force qui, lorsque ces morts étaient encore des vivants, ne s’exerçait pas…

    La pesanteur alors, est faite de tout ce dont on se souvient, qui nous a laissé indifférent, silencieux, qui nous a paru étranger à nous-mêmes, n’a pas été dans nos aspirations et donc jamais partagé avec celui ou celle qui, lui ou elle même, n’ a jamais rien dit – mais a cependant, comme le petit poucet dans le conte, semé des cailloux le long du chemin…

    Et tout ce dont on se souvient alors, le temps des obsèques, dont la pesanteur est réelle, qui fait les regrets, les “si j’avais su”… Le vent de la vie qui court, l’emporte après l’avoir fait tourbillonner un temps indéterminé, comme des feuilles mortes sur le chemin où l’on continue d’avancer…

     

  • Les morts et les jours heureux

         Les morts, les jours heureux, les pieux souvenirs, les visages-piqûres-d'héroïne, les mots vertige de grand huit, sont ensevelis dans les vies que nous menons, dans les projets que nous formons, dans nos espérances et dans nos égoïsmes ; dans les albums photo que l'on superpose en couches quasi géologiques dans les disques durs de nos ordinateurs, sur des blogs qui, jour après jour stratifient chaque billet rédigé dans un magma d'une épaisseur sans cesse croissante, dans des carnets de notes et d'anecdotes, sur des forums du Net...

    Les morts, les jours heureux, les visages et les mots, tout cela, tout ce que l'on fait et tout ce que l'on est, ainsi que tout ce que l'on contrefait, tout ce que l'on cocoricohète... Oui, tout cela part, tout cela fuit comme par le trou de la baignoire, dans un glouglou qui ressemble au ronflement d'un dormeur qui s'est shooté la veille au soir au gros rouge...

    Tout sera retrouvé, rien ne sera retrouvé... Comment savoir ?

    Tout à fait provisoirement cependant, juste le temps de ces vies que nous menons, ce qui n'est pas enseveli parce que l'on ne veut pas que ce soit enseveli, et qu'au fond au triste fond c'est cela qu'on ne cesse de retenir... Ce sont ces crêtes corrosives, ces hérissements qui déchirent la peau des doigts, ces concrétions rugueuses sur la surface des vies que nous menons, et que les jours heureux, les visages et les mots vertige ne parviennent pas à décaper...

  • Voyance

    Dans ces cimetières où je n'ai pas les miens

    À Bruyères ou à Clefcy dans les Vosges

    Ou n'importe où ailleurs

    Je vois des personnages que je n'ai pas connus

    Et me viennent des souvenirs que je n'ai pas

    Des souvenirs qui se mêlent à ceux que j'ai

    Des vies entières se déroulent comme des paysages derrière la vitre d'un train

    L'on dit de ces personnages qu'ils étaient ceci qu'ils étaient cela

    Certains de ces personnages sont des hommes qui ont battu leur femme

    D'autres sont des femmes qui ont souvent retroussé leurs jupes

    Mais de tous ces personnages

    De chacun d'entre eux

    J'aime ce qui de leur vivant n'a jamais été aimé

    Et qu'ils portaient en eux

    Qui n'a jamais été su

    Je les rejoins

    Je les vois

    Et c'est la seule voyance en laquelle je crois