nouveaux arrivants

  • Une enfance de Jésus, de JM Coetzee

    Cvt une enfance de jesus 4798

    Le livre, tel que je le résume :

     

    David, un jeune garçon âgé de cinq ans, et Simon, un homme d'environ 45 ans qui est le protecteur de David, arrivent d'on ne sait où après une longue traversée en bateau, dans un camp de "nouveaux arrivants", Belstar...

    David sur le bateau durant la traversée, avait une lettre dans laquelle se trouvait le nom de sa mère, et qui disait d'où il venait, mais cette lettre a été perdue...

    Au camp de Belstar, les Autorités attribuent au jeune garçon le nom de David et à l'homme le nom de Simon, et leur donnent une date de naissance en fonction de l'âge qu'ils paraissent avoir, David cinq ans, et Simon 45 ans. Ils apprennent l'Espagnol, la langue parlée dans le pays, et on leur dit qu'ils commencent une vie nouvelle, une vie dans laquelle les souvenirs sont "lavés"...

    Simon et David quittent le camp, traversent un désert et parviennent à Novilla, une ville située au nord de Belstar, où ils sont accueillis et hébergés dans un Centre pour Nouveaux Arrivants. Les services publics de la ville leur fournissent un logement sans loyer dans "les barres Est", une allocation de 400 "réaux" et aident Simon à trouver un travail, un emploi de docker sur le quai numéro 2, là où l'on décharge des sacs de grains des cales des cargos.

    Se sentant âgé, Simon craint de ne pas pouvoir exercer longtemps durant de longues journées, un travail aussi éreintant. Mais il y parvient, et Alvaro, le contre maître, devient son ami...

    La grande préoccupation de Simon est de retrouver la mère de David, qui, selon lui, Simon, a dû elle aussi, comme tous les "nouveaux arrivants", passer par le camp de Belstar et peut-être parvenir à Novilla, puisque dans cette ville portuaire, et relativement importante, il y a du travail...

    A la "Résidencia" un lieu où vivent des gens "prospères et policés", Simon rencontre Inès, une jeune femme d'une trentaine d'années, et, par "intuition" comme il dit, déclare qu'Inès est la mère naturelle de David. Simon confie David à Inès qui accepte de le prendre chez elle, mais suite à un désaccord avec Diégo, l'un des frères d'Inès ; Inès et David s'installent dans le petit logement de Simon, des "Barres Est", logement que cède Simon pour aller s'installer ailleurs, sous un abri de fortune le long des quais... Mais en fait, Simon vient souvent voir Inès et David et, à eux trois, ils forment comme une famille...

    L'éducation de David pose problème : David ne veut en faire qu'à sa tête, il apprend à lire dans un livre "Don Quichotte", il écrit des signes et des traits à sa manière, déconcerte le Senior Léon son instituteur... L'administration veut l'envoyer dans un centre éducatif spécialisé qui ressemble à une prison ; Simon et Inès refusent et décident de partir ensemble avec David pour fuir les Autorités... Ils empruntent la voiture de Diégo, le frère d'Inès, traversent de nouveau un autre désert, mais un désert moins aride, suivant une route très longue qui mène au nord du pays...

     

    Réflexion personnelle :

     

    L'un des meilleurs livres, à mon avis, de John Maxwell Coetzee... Mais à la vérité, quels autres des livres de cet écrivain Sud Africain né au Cap en 1940, seraient "moins meilleurs" ?

    L'on y retrouve ici, dans Une enfance de Jésus, la même densité, la même profondeur et richesse de pensée, peut-être ici accentuée, renforcée par un questionnement quasi permament tout au long du livre, un questionnement sur le sens, sur le "non sens" aussi, des choses, de l'existence, de la relation...

    L'on y retrouve également, comme dans ses autres romans, les mêmes thèmes évoqués, à savoir tout ce qui tourne autour d'un malentendu, ce qui a trait au langage, à la filiation, à ce que l'on appelle "l'identité", à la détresse, à la solitude, à la fragilité de l'être, au destin, à la marginalité...

    En somme ce roman Une enfance de Jésus, déposé en Août 2014, éditions du Seuil, en collection poche "Points" ; est "d'une très grande actualité"...

    La Résidencia, les Barres Est et les camps, sont bien la représentation des trois types d'habitat -ou de lieux de vie- principaux, dans le monde d'aujourd'hui...

    La Résidencia, avec ses lotissements de maisons individuelles des "zones rurales urbanisées" ou péri-urbaines, ses bâtiments entourés de carrés de verdure et d'arbres d'agrément, où l'on entre par une porte sécurisée avec un digicode, où vivent des gens "prospères et policés"...

    Les Barres Est, qui sont ces bâtiments de type HLM où vivent des gens qui ont des emplois peu payés, ou se trouvent au chômage ou reçoivent des allocations, des aides sociales...

    Les camps, où vivent les réfugiés, les gens "venus d'un pays en guerre", les "nouveaux arrivants" qui ont traversé des déserts et des mers, fuyant la misère, la famine, les fronts de guerre et les bombardements, les viols et le pillage ; et aussi les réfugiés des catastrophes climatiques... Soit dit en passant, ce sont les pays les plus limitrophes des zones de guerre et de combats, qui ont les camps les plus immenses, où s'entassent dans des conditions d'hygiène et de vie, sous des tentes, des abris de fortune, des dizaines de milliers de gens...

    Si ces pays là, tels que le Liban, la Jordanie entre autres, arrivent à concevoir l'existence de ces camps sur leur territoire alors qu'ils n'ont pas les moyens matériels, l'argent nécessaire et les équipements qu'il faut... Alors comment se fait-il que dans la "riche Europe" on n' arrive qu'à concevoir que de tous petits camps en nombre limité pour n'accueillir que quelques uns de tous ces "nouveaux arrivants" ?

     

    Extraits :

     

    Chapitre 11 page 119 :

     

    Rester décent et propre pose problème. Il se rend au gymnase dans les Barres Est pour se doucher ; il lave ses vêtements à la main et les fait sécher sur les cordes à linge des Barres Est. Il n'a aucun scrupule à le faire -après tout, il est encore sur la liste des résidents-, mais par prudence, et ne voulant pas tomber sur Inès, il ne vient qu'après la nuit tombée.

     

    Chapitre 27, page 316 :

     

    Le senior Daga me fait des cadeaux. Toi et Inès, vous ne me faites jamais de cadeaux.

    Ce n'est pas vrai, mon garçon, pas vrai et pas gentil. Inès t'aime et s'occupe de toi, et moi aussi. Alors qu'au fond de son coeur, le senior Daga n'a aucun amour pour toi.

    Si, il m'aime! Il veut que je vienne habiter avec lui! Il l'a dit à Inès et Inès me l'a dit.

    Je suis sûr qu'elle ne le permettra jamais. Ta place est avec ta mère. C'est pour ça qu'on s'est battus tout ce temps. Le senior Daga peut t'éblouir, il peut te fasciner, mais, quand tu sera plus vieux, tu te rendras compte que les gens éblouissants et fascinants ne sont pas forcément des gens bien.