errances

  • Errances littératoques, 1

         Ils s'éveillent seuls au milieu de la nuit dans de grands lits défaits, un traversin tordu entre leurs jambes repliées...

    Celui ou celle qui dort auprès d'eux a disparu, les volets battent, la tapisserie cloque telle une peau ébouillantée, la lampe sous le plafond se balance et, du grand lit défait, montent des ondes de suées...

    Ils s'endorment sur des échelles dont les barreaux n'ont plus aucune consistance, et le plafond au dessus d'eux, goutte comme du chocolat blanc fondu...

    Ils peignent à l'aube sur des draps tendus entre deux lampadaires, d'étranges visages et de grandes lettres déformées... Mais les couleurs se diluent à la lumière du jour se levant, les étranges visages et les grandes lettres se déforment et se meuvent tout au long des draps tendus qui se déchirent...

    Ils funambulent sur des cordes usées, à seulement quelques pieds au dessus du marais...

     

    Au volant de son énorme camion, le routier domine le paysage, l'autoroute, le ciel, l'horizon lointain, les fermes et les villages... Et brusquement tout se rétrécit, le paysage est aspiré, s'enroule comme de l'eau fuyant en tourbillon par le trou d'une baignoire. Et le trou lui-même se rétrécit.

    Lorsque tout réapparaît normalement, pris de vertige, revenu de sa stupeur, le routier aperçoit une jeune femme faisant de l'auto stop sur la bande d'arrêt d'urgence, et des gens autour d'un véhicule accidenté... Et le cercle d'un tonneau, non pas de fer mais en or massif, sur une flaque de sang en forme de main : c'est l'alliance... que le routier n'a plus à son doigt... Et le routier demande à la jeune femme “vous n'avez pas vu mon camion?”

     

    Ce sont ces certitudes heureuses, ces leurres en robe chic, ces régals fous d'une seule fois ou de toutes les fois que...

    Ce sont ces transes du cyclotron, ces évasions du bagne de Pangée et des Marchés, ces poétitudes et ces littératoqueries... Et ces caddies pleins les veilles de fêtes, qui nous font oublier qu'on est faits comme des rats...