désespérance ou non espérance

  • Alternative (s)

         Ce qui manque aujourd'hui dans le monde, aussi bien "occidental" que "occidentalisé", c'est une transcendance dans une pensée, dans une foi, dans un idéal, enfin quelque chose qui puisse offrir, proposer une alternative à une désespérance consciente ou non, une désespérance qui n'est pas forcément ressentie comme une désespérance à proprement parler, en somme une désespérance liée à l'évolution d'une civilisation dans laquelle "on ne voit rien pointer à l'horizon qui change vraiment notre vie à tous" (alors même qu'on jouit de tout le confort possible -mais un confort essentiellement matériel)... Cette désespérance à laquelle je pense n'est autre que celle, en général, d'une "non espérance" en un monde, en une civilisation qui parviendrait à se différencier de la civilisation matérialiste consumériste présente partout sur la planète, et dont les effets et les dérives s'accentuent depuis le début des années 2000...

    Cette alternative au sens -ou plutôt au non sens- du monde actuel, n'est proposée ou plus exactement insufflée dans nos sociétés en décomposition, que par des fondamentalistes religieux tels que Daesh, précédé par Ben Laden et Al Qaïda depuis 1979 avec à l'origine l'attentat prise d'otages à la Mecque... Mais qui, dans des conditions de violence extrême et de brutalité, font le pari risqué de fédérer tout le monde contre eux, un monde divisé, un monde qui dans un premier temps effectivement en partie et même en quasi totalité se fédèrera, mais se délitera... Ce qu'attendent Daesh et les fondamentalistes...

    Outre Daesh, Al Qaïda et les fondamentalistes musulmans, il y a aussi, pour proposer une alternative, chacun de ces groupes ou organisations contestataires dans une mouvance d'actions violentes menées contre l'ordre établi, contre les assises, les bases, les valeurs contestées de la civilisation... L'on y trouve par exemple, dans cette mouvance, des écologistes radicaux, toutes sortes d'anti ceci/anti cela, des intégristes catholiques, des minorités revendiquant leurs droits d'une manière ostentatoire et violente...

    Mais il y a aussi, cependant -et ça ne l'oublions surtout pas- une autre "alternative" (dans une transcendance dans la pensée et de la foi en un autre monde possible) -que par Daesh, que par les fondamentalistes, que par chacun de tous ces groupes et organisations contestataires, c'est celle qui est proposée par certains philosophes, penseurs, intellectuels, scientifiques, chercheurs (mais aucun homme politique), et qui conteste le "sens du monde" (mais pas de la même manière et avec les mêmes armes que Daesh, les fondamentalistes et les contestataires violents)...

     

    ... La force de l'alternative proposée et insufflée par Daesh (et avant par Ben Laden et Al Qaïda) réside dans le fait que la plupart des êtres humains du monde présent (en gros depuis la fin des années 70) sont dans une forme ou plusieurs formes de désespérance, désespérance liée à une civilisation matérialiste de progrès et de consommation qui fait mourir d'ennui et de lassitude et d'absence de perspective, la société dans son ensemble...

    Il est assez significatif (c'est ce que disent les études menées) que seulement 16% des "qui rejoignent Daesh" sont issus des classes sociales dites "défavorisées" (les pauvres, les exclus, les laissés pour compte, etc.)

    Depuis les temps préhistoriques (homo sapiens entre autres) l'Homme (femme et homme) a toujours eu besoin de penser, de croire en quelque chose qui le "transcende"... Les religions, les cultes, les croyances, tout cela a joué un rôle déterminant (mais hélas souvent avec les dérives et les abus que l'on connaît)... Mais il demeurait de tout cela, abstraction faite des dérives et des abus, comme un "ciment", un "ciment" qui "tenait" à travers les siècles...

    Or ce "ciment" aujourd'hui, disparaît (a disparu peu à peu en partie, en grande partie dans notre civilisation "occidentale" et "occidentalisée"...

    Le "ciment" disparaissant, voilà des "maçons de l'apocalypse" qui refont le ciment ! ... Mais il y a aussi les "maçons compagnons" qui en font, du "ciment" !

     

    ... Le "discours" qui s'impose (et comment ce discours ne s'imposerait-il pas) dans le monde occidental et occidentalisé, est : "Il faut les éliminer, les éradiquer, leur livrer une guerre totale"...

    Exactement le même "discours" qu'EUX !

    Au mieux, le "bras de fer" sera celui de deux bras avec chacun le poing serré, deux poings juste au dessus du milieu de la largeur de la table, avec tour à tour, d'un côté ou de l'autre, un bras qui va faire un peu baisser l'autre...

    Mais ni l'un ni l'autre des deux bras ne parviendra à faire jamais tomber l'autre. A ce "jeu", les combattants ne survivront pas, les deux bras et les deux poings se gangrèneront et finiront en poussière... Est-ce cela, qui a été prévu par Dieu ou par Allah ? La poussière ? ... Mais c'est vrai, de la poussière peut renaître la vie...

     

    ... Erdogan veut faire de la Turquie une grande puissance économique et financière, avec pour future capitale et place boursière Istanboul et ses 17 millions d'habitants et son gigantesque marché, au carrefour de l'Europe et de l'Asie. Une Turquie en somme, qui restaurerait en partie l'ancien empire Ottoman. Erdogan entend également islamiser l'ensemble de la société turque... Son cauchemar absolu, c'est que les Kurdes de l'est de la Turquie parviennent à se séparer de la Turquie et à constituer un état indépendant... Il n'a donc pas loin s'en faut pour priorité, de combattre l'état islamique, et n'est pas en ce sens, un allié pour les pays de l'OTAN.

    Il y a dans un certain sens on va dire, derrière ce personnage qu'est Erdogan et de ce qu'il incarne, et par quoi il rayonne dans la société turque qui adhère à ses vues... Il y a aussi, tout comme d'ailleurs derrière Vladimir Poutine, une alternative à l'ordre actuel du monde. Or il se trouve que l'Europe et que l'Amérique, en face de la Russie, de la Turquie, de l'Iran et de la Chine, n'ont pas d'alternative à proposer autre que celle d'un développement illusoire, d'une "cour des droits de l'homme" (de façade soit dit en passant) ... et d'un "ventre mou"...

    Si l'on regarde l'Histoire, on s'aperçoit que, derrière l'Iran, derrière la Russie, derrière la Chine, derrière la Turquie, il y a de grands empires qui ont duré des siècles, avant et durant l'histoire de l'Europe jusqu'au début du 20 ème siècle.

     

    ... L'empire ottoman, de 1453 jusqu'en 1918, fut incontestablement une grande puissance. Une grande puissance qui a cependant donné "du fil à retordre" aux autres puissances de l'époque entre autres pour ne citer que 2 de ces puissances l'empire des Habsbourg austro hongrois, et la Russie des Tsars.

    C'est la bataille navale (l'une des plus importantes bataille navale de toute l'Histoire) de Lépante, le 7 octobre 1571, dans le golfe de Patras en Grèce, qui "scella" le destin de l'empire ottoman, dans le sens ou l'empire ottoman, sur le point, en 1571, d'avoir le dessus sur les autres puissances chrétiennes de l'Europe, ne put alors ni s'étendre ni s'imposer au delà de ses frontières dont l'une se trouvait proche de Vienne, capitale de l'empire austro hongrois... A noter qu'en 1529, Vienne fut assiégée par une armée de 120 000 hommes de l'empire ottoman, mais qu'elle ne fut pas prise (la météo y est pour beaucoup dans cette affaire)...

    La marine ottomane était encore en 1571 la marine de guerre la plus puissante du monde d'alors, et régnait sur la Méditerranée... Ce fut une flotte chrétienne fédérée en une ligue, composée d'escadres vénitiennes et espagnoles, renforcée de galères génoises, pontificales, maltaises et savoyardes, qui lui infligea une défaite totale...

    A partir de 1571, l'empire ottoman, qui fut à plusieurs reprises en guerre contre les austro hongrois et les russes, demeura cette grande puissance dominante dont nous connaissons les limites et les frontières, et les marches les plus éloignées.

    Durant le temps de cette grande puissance, à l'intérieur de ses frontières, donc dans tout le moyen orient, régna -si l'on peut dire- une "paix relative", un peu comme un couvercle posé sur une marmite dans laquelle chauffaient depuis les premiers temps de l'Islam, plusieurs eaux séparées dans de plus petits récipients...

    Dans l'organisation à l'ottomane de cet empire de peuples et de courants religieux diversifiés, le pouvoir des sultans, des élites, des cours régnantes et des privilégiés de la société, y gagnait autant sur le plan économique et financier que sur le plan de la "paix sociale" (une "sorte" de paix sociale)...

    Lorsque les Anglais et les Français et leurs alliés défirent en 1918 cet empire qui, à ce moment là, était "au bout du rouleau" (mais aurait pu encore tenir), alors ce fut le début de la catastrophe : plus de couvercle sur la marmite...

    Je n'imagine pas, pour ma part, qu'un type tel qu'Erdogan, pourtant "d'une certaine trempe à sa manière", parviendrait à restaurer l'empire ottoman d'avant 1918, ou quelque chose qui lui ressemblerait d'à peu près équivalent... Le contexte mondial a changé, c'est encore plus complexe qu'avant 1918...