Condorcet

  • CONDORCET, un intellectuel en politique, par Elisabeth et Robert Badinter

    Condorcet

         Né le 17 septembre 1743, décédé le 29 mars 1794, Marie Jean Antoine-Nicolas Caritat de Condorcet, intellectuel et philosophe, fut le défenseur des Noirs et des Juifs, un abolitionniste convaincu et militant... Et il fut aussi le premier intellectuel philosophe homme, à défendre les femmes, à dire que les femmes étaient les égales des hommes en tous points, ce qui, en cette seconde moitié du 18 ème siècle, n'était pas encore d'actualité...

    Homme de sciences, mathématicien renommé dans toute l'Europe du 18 ème siècle, il fut aussi un homme politique de premier plan à partir de 1789, à la Constituante, à la Législative puis à la Convention jusqu'en 1793, où à l'automne de cette année là, il est déclaré "d'accusation" puis proscrit par le comité de salut public pour ses opinions dérangeantes... Et abandonné par bon nombre de ses amis dont certains de longue date...

    Il faut dire que Condorcet était un "pur", un intellectuel engagé, un "chercheur de vérité et de justice", un homme qui ne pouvait souffrir la moindre compromission, qui ne recherchait pas les honneurs, la gloire, ni à briller (d'ailleurs il n'était guère un orateur) ...

    C'est à Condorcet que nous devons, que notre pays, la France, doit la République : il en fut l'instigateur, le penseur, le promoteur... Mais ce ne fut point sans mal que s'instaura en septembre 1792, dans une France qui, jusqu'en août 1792, avec la Constituante (1789-1791) puis la Législative (1791-1792) ; depuis les états généraux qui s'ouvrirent le 5 mai, la prise de la Bastille le 14 juillet et l'abolition des privilèges le 4 août en 1789, demeurait encore monarchiste dans son ensemble...

    C'est sous la Convention qui est une assemblée élue au suffrage universel masculin, et qui débute le 21 septembre 1792, qu'est "instaurée" la République le 22 septembre... République qui, cependant n'est pas déclarée officiellement mais s'établit "de fait"...

    Condorcet avait rédigé le texte d'une constitution républicaine comportant plus de 300 articles, mais la Convention en octobre 1792 réduisit cette constitution dans la précipitation du moment en un texte de seulement 24 articles.

     

    ... Dans le passage "Condorcet contre les parlements" (printemps 1788) , l'on lit ceci :

     

    "Condorcet est exaspéré par l'aveuglement ou la complaisance de ceux qui, comme La Fayette, soutiennent la cause des Parlements sans mesurer qu'ils font en réalité le jeu des privilégiés. En juillet 1788, dans une lettre à Mme Suard, il critique le comportement et les courtes vues de son jeune ami : -N'ayant point sur les affaires d'opinions assez arrêtées, il (La Fayette) a le malheur d'attacher une idée de patriotisme et de noblesse à être du parti de l'opposition. Et je crois, au contraire, qu'il ne faut être que du parti de sa propre raison."

     

    La Convention, tout comme la Constituante et la Législative, c'était un panier de crabes...

    De crabes biens nourris et d'une férocité manifeste... Tous autant les uns que les autres, à l'exception de quelques uns que l'on pouvait compter sur les doigts d'une seule main, dont Condorcet...

    Cette République qui a vu le jour le 22 septembre 1792 avec la Convention Nationale élue au suffrage universel masculin, cette république dont Condorcet est l'instigateur, le penseur, le promoteur, a vu mourir d'épuisement après plusieurs jours d'errance du proscrit qu'il était, recherché par la police... Cette toute première république née dans les affrontements entre partis et dans le sang , a vu mourir le 29 mars 1794 dans une prison municipale pour larrons et mendiants à Bourg Egalité près de Clamart, le dernier des philosophes du 18 ème siècle...

    Condorcet fut enterré au cimetière de Bourg Egalité dans une fosse commune, le 30 mars 1794.

    Le cimetière ayant disparu depuis longtemps, nul ne sait où repose Condorcet...

     

    ... Je recommande vivement la lecture de ce livre, de 695 pages en "livre de poche".

     

    ... L'orgueil et la haine, autant de l'Ancien Régime que du temps des années de la Révolution Française avec la Constituante, la Législative, la Convention, le Directoire, le Consulat... Avec ces paniers de crabes qu'étaient les assemblées constituées de personnages féroces et arrogants, bien mieux nourris que la majorité des citoyens la faim au ventre...

    L'orgueil et la haine, toujours d'actualité au début du 21 ème siècle, avec certes, la guillotine en moins...