Hâmimoune et Pèplê ( petit conte Yugcibien )

     C'est Hâmimoune, un Soudanais de 30 ans, débarqué à Lampeduza...

Il traverse toute l'Italie à pied et il arrive dans le sud de la France à la périphérie d'une ville importante où l'on construit une nouvelle grande surface commerciale... Il se présente sur un chantier d' EFIBAT qui emploie en majorité des travailleurs venus de pays de l'Europe de l'Est logés dans des Algéco... Ces travailleurs dont certains sont des ouvriers qualifiés sont tous payés au salaire minimum Français mais coûtent moins cher à EFIBAT du fait que les "charges sociales, assurances etc." sont celles appliquées par le pays d'origine (la Slovaquie, la Pologne, l'Ukraine, la Roumanie...)

Il y a cependant parmi tous ces travailleurs, des "clandestins", des "non déclarés" -qui ne sont pas tous forcément des "étrangers", et qui eux, ont accepté des conditions de rémunération on va dire "plus avantageuses" pour EFIBAT, mais qui néanmoins satisfont dans une certaine mesure ces "non déclarés" qui, pour des raisons "personnelles" ont préféré être employés et rétribués dans ces "conditions plus avantageuses" pour EFIBAT...

Arrive, se présente sur le chantier, Hâmimoune, le Soudanais... Et voici ce qu'il dit au chef de chantier :

Tu me loges sous cette tente là bas, tu me mets un lit de camp et tu me donnes un seau pour l'eau que j'irai prendre au robinet là bas ; pour bouffer t'en fais pas, j'irai voir à la roulotte du mec qui vend des hamburgers et j'achèterai du pain, des pommes et des tomates chez l'Arabe de l'autre côté du boulevard. Tu me paies cash sans papier, direct, 150 euro par semaine. Tu vas voir je suis fort comme un boeuf, je suis jamais malade, j'ai toutes mes dents, et je ferai pas d'histoires. Prends-moi...

Le même jour, pratiquement à la même heure que Hâmimoune le Soudanais, arrive sur le chantier d'EFIBAT... Pèplê, un humanoïde venu d'en dessous de l'Antarctique, qui a fui son pays au ciel de terre et de roche, un pays d'en dessous la surface du continent Antarctique, récemment envahi par des requins mutants géants...

Ce pèplê, il a réussi à gagner on ne sait comment, le sud de l'Afrique, il a traversé à pied toute l'Afrique, ne se nourrissant que de racines et d'herbes, d'insectes et de petits animaux...

Cet humanoïde, Pèplê (c'est à la fois son nom et son prénom) est en fait une espèce de chimpanzé plus "intelligent", plus "costaud" que le chimpanzé "normal"... Il ne sait ni lire ni écrire bien sûr (cela va de soi), il est "très primaire" dans ses besoins (il ne risque donc pas de se révéler un jour ou l'autre, un "interlocuteur posant problème")...

Pèplê s'approche du chef de chantier et il dit (en fait il "se fait comprendre" par gestes et par mimiques) :

Tu me donnes la même gamelle que celle de ton chien (il montre le chien, un gros berger allemand dans une petite cour fermée, et qui, la nuit, monte la garde le long de la clôture du chantier), et tu me laisses dormir au milieu des sacs qui sont là bas... Tu vas voir, je suis fort comme un rhinocéros, je suis jamais malade... Mais là bas, d'où je viens, je pouvais plus rester parce que y'a les requins géants qui me boufferaient. Et j'ai traversé l'Afrique mais y'avait des jours où je trouvais pas de racines ni de bêtes à bouffer. Ici, au moins, en voyant ce que vous donnez à vos chiens, on est sûr de pas crever de faim...

Trois mois plus tard, EFIBAT sur la plupart de ses chantiers de grands travaux de construction et de terrassement, "employait" un bon nombre d'autres Pèplê d'en dessous de l'Antarctique, et de moins en moins de Hâmimoune du Soudan... Et encore moins de travailleurs Polonais, Ukrainiens, Roumains, Slovaques... Et presque plus aucun salarié français au SMIC...

 

... Au départ j'avais imaginé des extraterrestres, enfin une "sous-espèce d'humanoïdes extraterrestres", vivant sur une planète "Psyclô", sous la domination des "Psycloïds", la "race supérieure" de cette planète, intelligente et prédatrice, utilisant les "peploïds" sous-développés pour de durs, épuisants et répétitifs travaux de manutention, nourris avec des bouillies de céréales de piètre qualité, battus, exploités à mort, servant de cobayes pour des expériences médicales ou biologiques, parfois éliminés purement et simplement en masse, du fait de leur prolifération en dépit d'une mortalité pourtant importante... Ces "peploïds" auraient fini par trouver le moyen de s'échapper, de fuir leurs geôliers, et auraient "bricolé" de petits vaisseaux spatiaux de fortune afin de s'aventurer dans l'espace à destination de la Terre, une planète dont ils ont entendu parler par les "Psycloïds", et qui serait "une planète d'accueil" soit disant...

Mais j'imaginais mal, en fait, (pour la crédibilité de l'histoire) que ces êtres si "primitifs", puissent se révéler capables de bricoler des vaisseaux spatiaux de fortune, et de les diriger vers la Terre...

Pour "essayer de faire vrai", j'aurais imaginé si je m'étais tenu à ce scénario, des naufrages dans l'espace, de ces pauvres vaisseaux de fortune bricolés et insuffisamment préparés à affronter les périls de l'espace...

Peut-être -toujours selon mon premier scénario- les fugitifs auraient-ils pu avoir recours à des "passeurs", des "Psycloïds" cherchant "à réaliser un maximum de profit" et ayant eux, conçu les vaisseaux de fortune, de manière à ce que un sur deux en moyenne, de ces vaisseaux, fasse naufrage dans l'espace... moyennant le prix d'une année de travail de ces "peploïds" (pour autant que les malheureux "peploïds" aient pu recevoir quelque très modeste obole en "complément" de la nourriture si pauvre et si abjecte qu'on leur donne une fois par jour)... Avec des "passeurs Psycloïds", l'histoire en effet, aurait été plus "crédible" on va dire...

 

 

... A noter l'évolution de l'action EFIBAT (ainsi que l'évolution d'ailleurs, de toutes les autres actions des "géants de la mondialisation") à mesure que toutes ces "grosses boîtes mondialisées" emploient davantage de précaires, de non déclarés, de travailleurs de moins en moins cher... Les actionnaires de toutes ces boîtes perçoivent des dividendes de plus en plus gros, et l'on atteint le maximum lorsque 80 % de la masse qui n'est même plus "salariale" est constitué de Pèplê d'en dessous de l'Antarctique...

 

... Les "ex nantis" (ceux que l'on disait "être des nantis" parce qu'ils gagnaient au moins 1500 euro par mois, qu'ils ne travaillaient que 35 ou 40 heures par semaine, qu'ils avaient leur retraite à 60 ans, 62/63 à la limite)... Les "ex nantis" furent donc "logés à la même enseigne" désormais, que les "Pèplê"... Et l'on se battait devant le chantier d'EFIBAT pour avoir droit à la même gamelle que celle du chien de garde, et pouvoir coucher sous une espèce de niche géante en toile de cirque...

L'espérance de vie avait beaucoup baissé, il y avait très peu de vieux, et... encore moins de "solidarité" que sous Richelieu, et "encore/encore moins" que du temps des peuples de la fin du Paléolithique...

 

 

travailleurs précaires

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