Dans l'eau courante

     Par moments dans notre vie, dans la réalité de chacun de ces jours que nous vivons et nous apparaissent sans magie ; tous gris d'habitudes prises, d'automatismes, de petits plaisirs renouvelés qui n'ont rien à voir avec ce que l'on pourrait appeler le bonheur ; dilués que nos sommes dans l'eau courante de tout ce que nous procure la société de consommation en matière de loisirs et de culture télévisuelle ; isolés que nous sommes dans des aspirations qui nous dépassent, dévorés par des besoins accrus et toujours plus diversifiés, insatisfaits de notre condition présente... Il arrive que nous nous sentons dépossédés, coupés de nos racines, séparés du meilleur de nous-mêmes, vidés de notre substance, sans enthousiasme et comme éteints intérieurement.

Nous ne sommes alors plus reliés aux êtres et aux choses qui nous entourent. Nous ne prononçons pas les mots qu'il faut dire et que pourtant nous sentons en nous. Nous n'avons plus les regards ni les gestes ni les signes qui devraient interpeller ou émouvoir.

Dans ces moments là, les souvenirs se diluent, la mémoire de ce qui fut jadis, se perd.

L'un des aspects les plus déstabilisants de cette "solitude viscérale" de l'être, est à mon avis, le fait de se sentir coupé de ce qui peut encore nous relier aux êtres qui nous entourent, dans un environnement cependant habituel voire familier, et alors même que nous vient la conscience, le ressenti, de cet isolement...

Dépossédés que nous sommes alors du meilleur de nous-mêmes, éteints intérieurement, étouffés par des aspirations et par des doutes qui nous dépassent, enfermés dans notre "monde intérieur", nous ne pouvons plus rien traduire, plus rien donner, plus rien partager. Non seulement nous ne sommes plus reliés aux autres, mais ces autres sont devenus des étrangers, des inconnus, voire des intrus qui ne font pas partie de notre monde.

... L'inconscience, le "non ressenti", de cette dépossession, de cette solitude... S'apparente au bonheur, enfin à "une forme de bonheur" si je puis dire ; tout comme l'ennemour qui "singe l'amour à s'y méprendre"...

 

solitude

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