Tout au bout du couloir : mur ou ouverture béante ?

 

     L'arrivée d'Internet à la fin du 20ème siècle et son essor au début du 21ème, c’est comme l'arrivée de l'imprimerie à la fin du 15ème siècle. J’irais même jusqu’à dire que vivre sa vie actuelle en étant totalement étranger à la pratique du Web et de l’informatique, est une forme d’illettrisme comparable à l’analphabétisme qui régnait au 19ème siècle avant la loi de Jules Ferry rendant l'école publique, gratuite et obligatoire... Quoique depuis le milieu du 18ème siècle et même avant, l'instruction des enfants avait commencé de se généraliser.

Certes je ne blâme pas les  inconditionnels  de la culture, de l’information et de l’expression écrite sans le Web, pas plus que je n’aurais blâmé au 19ème siècle les gens qui n’envoyaient pas leurs enfants à l’école mais qui néanmoins les éduquaient selon des pratiques ancestrales, des principes et des valeurs, des connaissances de la vie et de la nature, et leur apprenaient un métier…

Mais je pense tout de même que la révolution informatique et que la pratique du Net changent notre vie dans le monde présent et futur tout comme en son temps le fit la découverte de l’imprimerie. Et qu’il n’est donc pas  raisonnable  à mon sens de demeurer à l’écart de ces nouvelles technologies de la communication en dépit de tous les dangers, de tous les risques et de toutes les dérives possibles...

Qu’en serait-il aujourd’hui de la culture en général et de l’expression écrite, par les seules concentrations de sociétés d'édition et de diffusion de l'information désormais entre les mains d’un Lagardère, d’un Dassault ou de quelque groupe financier ?

Si le Web est un moteur de vulgarisation du vulgaire et du sens commun à tel point qu’il envahit de ses productions « polluantes » tous les univers sociaux, il est aussi un moteur de développement culturel, par la diffusion NON MARCHANDE des œuvres de l’esprit que les éditeurs et les producteurs prostitués à la loi de l’argent ne “vulgarisent” que dans une moindre mesure...

Il y a -et il y aura je crois bien pour longtemps encore- des inconditionnels du “sans le Web dans leur vie”, comme il y a des “réfractaires” à la carte bleue, au téléphone portable... et des nostalgiques de la machine à écrire... Et ces inconditionnels là, ou ces “réfractaires”, sont de tous milieux sociaux, de tous âges et l'on compte même parmi eux des écrivains et des intellectuels...

Mais de quel côté, à bien réfléchir – et avec une certaine gravité- sont la raison ou la sagesse ou la folie ? Le progrès ou l'obscurantisme ? Dès lors que l'on se “mure” ou que l'on se retranche dans une certitude, dans un concept, dans des valeurs, dans quelque aspiration à “vivre autrement”, ou dans quelque rejet ou refus, dans un mode de vie, dans une culture ?

Dès lors que, adhérant aux certitudes aussi anciennes et traditionnelles que nouvelles et actuelles, l'on se “mure” ou se retranche par ailleurs dans un “devoir d'accompagnement ou de refus”, dans une forme d'intégrisme “solennel, partisan et ostentatoire”?

Il me semble qu'entre la certitude et le devoir d'une part... Et la conviction intime en soi et la réflexion d'autre part ; il y a une différence :

-Être sûr et devoir, c'est comme avancer dans un couloir qui, si long soit-il et avec des portes ouvertes ou fermées sur ses côtés, aboutit à un mur d'une épaisseur infinie...

-Être intimement convaincu et réfléchir, c'est comme avancer dans un même couloir aussi long soit-il et avec des portes ouvertes ou fermées sur ses côtés, mais tout au bout du couloir s'ouvre, béant et infini, un espace qui semble vide et ne l'est pas cependant... Et c'est bien la conviction intime et profonde, et la réflexion, qui fondent de l'espérance dans ce regard ignorant que l'on a, au seuil de l'ouverture béante et infinie...

Plutôt que d'être sûr et de devoir, ce qui me désespère... Je préfère cette conviction intime et profonde que j'ai en moi, du possible ou de l'ailleurs ou de l'autrement, et toute la réflexion qui accompagne cette conviction...

 

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