"La littérature est une drogue dure" [Denis Bélanger]

 

     Il y a la littérature dont on se nourrit et qui enrichit notre esprit, par la lecture déjà, de toutes sortes d'ouvrages de tous les genres et de toutes les sensibilités ; par la connaissance de ce que le monde et de ce que les gens sont faits ou ont fait... Et l'on peut dire de cette littérature là, qu'elle est celle à laquelle on pense le plus... qu'elle constitue un “bagage”, ou une “référence”, et dans une certaine mesure, qu'elle nous “ouvre ces portes” par lesquelles on entre dans le “grand salon de la Relation”... Et il est certain que, sans cette littérature qui nourrit et enrichit, ou si cette littérature est seulement une enveloppe superficielle qui nous recouvre... l'on ne peut que difficilement entrer dans le “grand salon”, et qu'à dire vrai, l'on entre plutôt dans des salles de bistrot ou des salles à manger salon de petits pavillons de cités...

     Il y a la littérature que l'on produit soi-même pour autant que que l'on devienne acteur, ou auteur ou créateur et qui vient de l'imaginaire, de la vision, de l'émotion, de la réflexion, de la voix et donc de l'expression que l'on porte en soi... Et la “drogue dure”, c'est cette littérature là... Qui à mon sens, tendrait à “faire perdre” la conscience de la nécessité de la littérature qui nourrit et enrichit... Et qui de surcroît, tendrait aussi par une dimension élargie et diverse de la production s'il en est, à nuire à celui qui en est comme “drogué”...

     L'équilibre est difficile à trouver entre la nécessité de cette littérature dont on se nourrit, et le besoin de la littérature que l'on produit...Car le temps qui passe n'est jamais extensible et l'inclination à produire demeure forte, exactement comme un besoin de drogue...

Mais ce que l'on produit ne peut se passer de ce dont on se nourrit et s'enrichit... Ce que l'on produit par dépendance quasi exclusive à la production, finit par perdre en partie sa valeur, par se dénaturer, par se déliter de ci de là, en petites pièces éparses sans intérêt réel ou encore en d'autres petites pièces incongrues voire disgracieuses dans le puzzle... (l'un des effets pervers de la “drogue dure”)...

     La littérature dont on se nourrit, tous ces livres lus, tout ce qui est vu et su après avoir été recherché, et qui a été ou qui a pu être retenu... Cela aussi peut être une “drogue dure”... Mais dans une “moindre mesure” à mon sens, et avec des “effets secondaires” moins pervers parce que plus “gérables” au quotidien notamment dans la relation avec ses proches ou avec ses amis, dans la manière d'organiser son temps, par exemple... L'effet sans doute le plus pervers me semble être alors celui de la certitude acquise, ostentatoire et sans cesse confortée, du “bagage” que représente un acquis de connaissances, de lectures, de savoirs... Une certitude en soi derrière laquelle on peut se retrancher, ou dont on peut s'enorgueillir outre mesure... À noter qu'il y a également dans le fait de produire de la littérature, le même “effet secondaire” pervers : cette certitude confortée et ostentatoire de ce que l'on produit, sous-tendue par une conscience aiguë voire démesurée de la valeur de ce que l'on produit...

 

 

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