La dernière frontière

     "La race humaine a complexifié le monde au delà de tout entendement. La réalité se confond avec la fiction. Les guerres ressemblent à des jeux vidéo. Les médias nous racontent des histoires. Une poignée de personnes détient un pouvoir qui a dépassé celui de Dieu, les shamans ont cédé la place aux scientifiques, le reste de la population est réduit à des comportements stéréotypés.

Les dons naturels de l'homo sapiens sont remplacés par des facultés artificielles, comme la télépathie téléphonique, le déplacement motorisé, l'ubiquité en réseau, la pyrokinésie par satellite, l'orientation GPS, la cognition électronique, la voyance télévisuelle, l'invincibilité bactériologique, la santé en mode chimique ou la pensée assistée par ordinateur. L'homme moderne n'utilise plus qu'une infime partie de ses capacités mentales et physiques".

 

[ Philip Le Roy, né en 1962, cinéphile et globe-trotter, initié aux arts martiaux, parolier de blues et bassiste rock à ses heures ; auteur de littérature policière... Nous livre cette note en première page de son livre " La dernière frontière" ]

 

Un tel constat nous force bien à "ouvrir les yeux" mais nos yeux sont en réalité dirigés vers un écran de télévision, d'ordinateur ou d'i-phone ; vers tout ce dont regorgent les rayons des Grandes Surfaces commerciales, et jamais en direction des visages des personnes que nous croisons...

En comparaison de l'homme de Néanderthal et de l'Homo Sapiens qui, il y a de cela 35 000 ans, coexistaient disséminés en groupes ou tribus sur tout le continent Européen... L'homme d'aujourd'hui, du 21 ème siècle, est devenu dirais-je... un "humanuscule", un être "vidé de son contenu", et fragilisé à l'extrême, et pour ainsi dire "condamné à disparaître"... Du fait que, privé qu'il sera un jour de ses "béquilles, prothèses et cerveaux technologiques", coupé de ses racines, il sera incapable de survivre...

Tout a été misé sur une libération sans cesse accrue de toutes formes de contraintes environnementales, relationnelles, et physiques... ou "morales"... Une libération qui ne s'est opérée que dans le dessein de réduire voire d'annuler la difficulté naturelle, de faire tomber toutes les barrières ; de faire de la vie vécue et du monde, une sorte de "conte de fée avec des baguettes magiques donnant accès à tout ce que l'on veut" (mais, soit dit en passant, avec pas mal de "dégâts collatéraux")...

Et en définitive, le "conte de fée" a tourné au cauchemar... Un cauchemar qui déjà, commence avec ce regard sans consistance, formaté et entièrement conditionné, qui ignore le visage proche de lui, qui passe...

Mais l'homme ancien, celui de l'époque de Néanderthal et de Sapiens, parce que les contraintes environnementales, relationnelles et naturelles lui étaient imposées de telle sorte qu'il devait sans cesse compter avec elles ; engageait alors par nécessité toutes ses capacités mentales et physiques dans un combat à l'issue incertaine afin d' assurer son existence... Ce qui faisait de lui peu à peu, au fil du temps, des épreuves et des expériences vécues, un être responsable et artisan de son destin, un être en réalité plus libre que l'homme du 21 ème siècle aliéné par l'illusion de la liberté qu'il s'est donnée par la technologie, la machine, l'électronique, c'est à dire les béquilles et les prothèses avec lesquelles il se meut désormais tel un automate...

 

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