Amour noir, de Dominique Noguez

 

     Nous sommes loin, très loin, dans « Amour noir », ce roman de Dominique Noguez, des sirupeuses ou parfois même insipides histoires d'amour raté produites par des auteurs auto-édités du Net, et aussi – il faut le dire- par des auteurs connus du « grand public » dont les livres sont lus sur la plage ou dans le train...

L'on ne peut pas dire – c'est du moins ce que j'ai ressenti tout au long du livre – que cet amour fut « raté » au sens où l'un des deux « aime plus que l'autre » et où l'on voit se déchirer deux êtres qui tout de même en dépit de situations explosives ou dramatiques, se voient et se revoient, vivent ensemble épisodiquement durant deux ans... Pas « raté », donc... Mais « noir », oui, cet amour !

 

Page 20 : « Quand j'étais revenu, elle était nue sur le lit, dont elle n'avait pas ôté le dessus »...

Banalité de la situation, qui me surprend, après les premières pages qui précèdent et dans lesquelles l'auteur évoque dans le détail et dans une dimension littéraire peu commune, toutes ces phases d'approche de la femme aperçue : « Elle n'avait d'abord été qu'une silhouette blanche surmontée d'un buisson de boucles sombres, dans la pénombre de la promenade du casino de Biarritz un soir de juin »...

 

Page 21,22 et 23 : Eric revoit la cassette du Cheval Bleu, de Laeticia... Une cassette « odieuse » que l'auteur nous décrit en quelques phrases d'une dimension d'écriture tout autre que celle , par exemple, de la prose « innocente » d'un Yugcib faisant le procès de la pornographie...

 

Page 34 et 35 : « Je faisais ainsi grande consommation d'épigrammes grecques ou de « lettres » de samouraïs. Les poèmes d'amour arabes me retenaient aussi beaucoup, avec leurs « joues de rose » et leurs « yeux de gazelle ». (De toute façon, c'est cela ou les mots crus. La littérature amoureuse navigue toujours entre la métaphore un peu trop riche et le con-cul-bite ; je préférais la métaphore.)

Je dis aussi pour ma part, que je préfère la métaphore bien que je soupçonne cette dernière de barder de fine dentelle une approche puis un « choc d'intimités » bien baveux, bien cracheux et bien « contondants »...

 

Dans l'ensemble (et j'ai lu aussi quelques unes des historiettes de « Oeufs de Pâques au poivre vert ») j'aime l'écriture de Dominique Noguez dans laquelle je découvre dimension littéraire, vocabulaire riche et imagé, poésie, réflexion... Certaines de ses phrases assez longues sont néanmoins fort bien construites, bien articulées et rythmées, et « coulent comme des ruisseaux de montagne qui chantent »...

Par comparaison -si je puis dire- j'ai commencé à lire, de John Michael Coetzee, « Scènes de la vie d'un jeune garçon »... et j'ai trouvé que l'écriture de cet auteur était plus « épurée » (moins imagée, moins « poétique ») avec des phrases courtes, sans effets inutiles... des phrases cependant, d'une « grande et nette correction de ton et de langage »...(et aussi d'une grande sobriété).

Personnellement, j'ai une préférence pour l'écriture de Dominique Noguez... Mais ce que j'appelle « dimension littéraire » ( poétique, imagée – au risque d'effets purement émotionnels - au vocabulaire riche et aux longues phrases rythmées... Est-ce une nécessité ? Est-ce vraiment « de notre temps »? Est-ce que cela peut avoir une « portée »? … Je pense par exemple au sujet de cette « dimension littéraire » à laquelle je suis personnellement attaché et dont je me sens proche d'esprit et de sensibilité, à des auteurs tels que Dominique Noguez que je découvre dans « Amour noir », ou tels encore que Jean Marie Le Clézio ou Alice Ferney dans leurs ouvrages...

Je pense à ces « jeunes générations » de lecteurs et à celles qui vont suivre durant ce 21ème siècle et au delà ...Comment s'établira la relation entre la littérature et les « nouvelles générations »?

 

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